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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
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ENTRE : |
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Louison Fortin et Guy Lessard |
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(ci-après les « bénéficiaires »)
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ET : |
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Construction Gilles Rancourt et Fils inc. |
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(ci-après l'« entrepreneur »)
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ET : |
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La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. |
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(ci-après l'« administrateur »)
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No dossier APCHQ : 147624-1 No dossier GAMM : 2011-04-002
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SENTENCE ARBITRALE
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Arbitre : |
M. Claude Dupuis, ing. |
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Pour les bénéficiaires : |
M. Louison Fortin |
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Pour l'entrepreneur : |
M. Jonathan Rancourt |
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Pour l'administrateur : |
Me Élie Sawaya |
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Date d’audience : |
13 juillet 2011 |
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Lieu d’audience : |
Boucherville |
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Date de la sentence : |
1er août 2011 |
[1] Les deux bénéficiaires, soit M. Louison Fortin et M. Guy Lessard, ont acquis un bâtiment résidentiel, non détenu en copropriété divise, en date du 27 juin 2008; cette propriété est située dans la région de la Beauce.
[2] Le 27 octobre 2010, les bénéficiaires acheminaient à l’administrateur une réclamation exigeant des correctifs sur seize (16) éléments de leur propriété.
[3] Le 22 mars 2011, l’administrateur émettait son rapport de décision relativement à cette réclamation; certains éléments de celle-ci furent favorablement accueillis, de sorte que l’entrepreneur devra apporter les correctifs nécessaires.
[4] Cependant, en date du 6 mai 2011, les bénéficiaires ont fait parvenir au GAMM une demande d’arbitrage portant sur sept (7) éléments à l’égard desquels la décision de l’administrateur leur était défavorable.
[5] Dans une lettre datée du 21 juin 2011, l’administrateur informait les autres parties ainsi que le soussigné qu’il entendait contester la recevabilité de la demande d’arbitrage des bénéficiaires, au motif que cette dernière avait été formulée hors délai.
[6] La présente sentence ne traite donc que de cette objection préliminaire relative au délai de demande d’arbitrage, soulevée par le procureur de l’administrateur.
[7] Les parties ont unanimement consenti à ce que l’enquête à cet égard soit menée par voie téléphonique.
[8] Le rapport de décision de l’administrateur a été reçu le 28 mars 2011, tandis que la demande d’arbitrage est en date du 6 mai 2011; il s’est donc écoulé trente-huit (38) jours entre les deux événements.
[9] Avant l’audience, les bénéficiaires ont soumis au soussigné copie d’un billet électronique émanant de Vacances Transat, indiquant que M. Guy Lessard, un des bénéficiaires, a été absent du pays du 16 au 30 avril 2011.
[10] Pour le reste de leur défense, les bénéficiaires invoquent plutôt l’ignorance de la clause 19 du plan de garantie ou de la clause 2.1.2 du contrat de garantie, lesquelles accordent un délai de trente (30) jours entre la réception du rapport de décision par les bénéficiaires et la présentation de leur demande d’arbitrage.
[11] Selon M. Lessard, ce n’est que le 2 mai 2011 qu’ils auraient été informés de cette exigence.
[12] M. Fortin témoigne qu’il a reçu lui-même le rapport de décision le 28 mars 2011 et qu’il en a alors pris connaissance.
[13] Le procureur cite l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :
19. Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[14] Le procureur rappelle que ce règlement est d’ordre public et d’application impérative; il s’agit d’une loi; on ne peut plaider l’ignorance.
[15] En deux autres occasions, l’administrateur a rappelé aux bénéficiaires l’existence de cette clause, soit sur le contrat préliminaire (contrat de garantie) à l’article 2.1.2, soit à la section « Recours » (sous-section « Arbitrage ») du rapport de décision.
[16] M. Lessard a quitté le pays le 16 avril 2011, soit dix-neuf (19) jours après réception du rapport.
[17] Il était de retour le 30 avril 2011, alors que la demande d’arbitrage n’a été présentée que le 6 mai 2011.
[18] Par contre, M. Fortin, qui n’a pas quitté le pays, avait la possibilité de demander l’arbitrage dans le délai prévu; M. Fortin possède les mêmes droits que M. Lessard.
[19] Le procureur fait référence à une décision de la juge Ginette Piché[1] et soumet que ce délai de trente (30) jours peut être prorogé dans une situation où les requérants sont dans l’impossibilité d’agir dans le délai prescrit.
[20] Ainsi, l’article 19 du plan de garantie est d’application impérative, à moins de circonstances exceptionnelles.
[21] Or, dans le présent dossier, de telles circonstances n’existent pas; il s’agit plutôt d’un manque de diligence.
[22] À l’appui de son argumentation, le procureur a soumis les autorités suivantes :
- Takhmizdjian et Bardakjian c. SORECONI et Betaplex inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'A.P.C.H.Q. inc., C.S. 540-05-007000-023, juge Ginette Piché, J.C.S., 2003-07-09.
- Rae et Nutter et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Réal Landry inc., SA, 20 septembre 2007, Me Johanne Despatis, arbitre.
[23] L’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est ici mis en cause; il stipule que « Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur… ».
[24] Dans le présent dossier, le rapport de décision de l’administrateur a été reçu le 28 mars 2011, alors que la demande d’arbitrage a été acheminée le 6 mai 2011, manifestement hors délai.
[25] Le procureur de l’administrateur soumet que l’article 19 est d’application impérative, ce qui impliquerait une nécessité absolue.
[26] Avant 2003, certains arbitres ont qualifié ce délai (15 jours à l’époque) comme en étant un de rigueur et de déchéance.
[27] Mais depuis le jugement de l’honorable Ginette Piché[2], juge à la Cour supérieure, les arbitres prorogent ce délai lorsque les circonstances le justifient.
[28] La juge Piché a procédé à une analyse de la doctrine et de la jurisprudence pour démontrer que la déchéance ne se présume pas, qu’un délai de procédure peut être prorogé s’il existe de bonnes raisons; s’il s’agit d’un délai de déchéance spécifié dans la loi, la prorogation est impossible.
[29] À l’article 19 du plan de garantie, le délai de trente (30) jours de la demande d’arbitrage est un délai de procédure n’étant pas qualifié de déchéance.
[30] Dans ces circonstances, ce délai peut être prorogé par l’arbitre, à condition toutefois que les bénéficiaires démontrent qu’ils étaient dans l’impossibilité d’agir à l’intérieur du délai prescrit ou qu’ils n’ont pas été négligents, et à condition qu’une prorogation ne soit pas préjudiciable à la partie poursuivie.
[31] Vu la nature des éléments à la présente demande d’arbitrage (luminaire, marche d’escalier, vernis, fenêtres, patio, ajustement de porte, robinet de cuisine), une prorogation du délai d’une durée de huit (8) jours ne causerait aucun préjudice, ni à l’entrepreneur, ni à l’administrateur.
[32] Toutefois, en ce qui a trait à l’autre condition, les bénéficiaires, en cours d’audience, n’ont pas prouvé qu’ils avaient agi avec diligence dans la présente affaire.
[33] En fait, le seul motif invoqué par eux, c’est qu’ils n’avaient pas pris connaissance de la clause relative au délai de la demande d’arbitrage.
[34] Or, cette clause leur a été présentée en deux occasions lors du processus; la première fois, lors de la signature du contrat préliminaire, et la seconde fois, par l’administrateur, lors de l’émission de son rapport de décision ayant conduit à la présente demande d’arbitrage.
[35] Je cite ci-après un extrait de ce rapport :
Arbitrage :
Dans le cas de l’arbitrage, la demande doit être soumise par la partie requérante, dans les trente (30) jours suivant la réception par poste certifiée de la décision de l’administrateur ou, s’il y a eu médiation, dans les trente (30) jours suivant la réception de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.
[36] De toute évidence, les bénéficiaires n’ont pas pris connaissance de ces documents, du moins dans leur intégralité.
[37] Le départ du pays le 16 avril 2011 d’un des bénéficiaires, soit M. Lessard, ne constitue pas une circonstance atténuante, puisqu’il s’est écoulé dix-neuf (19) jours depuis la réception du rapport de décision de l’administrateur et l’absence de ce dernier.
[38] Par ailleurs, l’autre bénéficiaire, soit M. Fortin, ne s’est point absenté durant toutes ces périodes et selon son témoignage, il a pris connaissance du rapport de décision sur réception de celui-ci.
[39] Pour ces motifs :
− le tribunal NE PEUT CONCLURE que les bénéficiaires ont agi avec diligence;
− l’objection préliminaire est favorablement ACCUEILLIE;
− la demande d’arbitrage des bénéficiaires est REJETÉE.
[40] Conformément à l’article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le tribunal départage les coûts du présent arbitrage de la façon suivante : cinquante dollars (50,00 $) à la charge des bénéficiaires et le solde à la charge de l’administrateur.
BOUCHERVILLE, le 1er août 2011.
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__________________________________ Claude Dupuis, ing., arbitre |