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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec :
LA SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DE CONFLITS INC. (SORECONI)
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ENTRE : CONSTRUCTION
XP INC., SYNDIC ROY, MÉTIVIER,
ROBERGE INC.
(ci-après désignée « l’Entrepreneur »)
RICHARD PARADIS
-et-
LUCIE GODIN
(ci-après désignés « les Bénéficiaires »)
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier SORECONI : 160208001
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre : Me Luc Chamberland
Pour l’Entrepreneur : (absent)
Pour les Bénéficiaires : Me Pierre Godin
Pour l'Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer
À titre de cautions : M. Dave Patton
M. Sébastien Rochette-Mercier
M. Francis Jobin-Beaupré (absent)
Date de l'audition : Le 18 octobre 2017
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Date de la décision : Le 26 octobre 2017
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Identification complète des parties
Arbitre : Me Luc Chamberland 79, boul. René-Lévesque Est, bureau 200 Québec (Québec) G1R 5N5
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Entrepreneur : Construction XP inc., syndic Roy, Métivier, Roberge inc. Édifice Iberville III 2960, boulevard Laurier, bureau 210 Québec (Québec) GIV 4S1
(absent)
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Bénéficiaires : M. Richard Paradis Mme Lucie Godin [...] Québec (Québec) [...] Et son avocat : Me Pierre Godin
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Administrateur : Garantie de construction résidentielle (GCR) 7171, rue Jean-Talon Est, bureau 200 Anjou (Québec) H1M 3N2 Et son avocat : Me Pierre-Marc Boyer
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Cautions : M. Dave Patton [...] Québec (Québec) [...]
M. Sébastien Rochette-Mercier [...] St-Augustin-de-Desmaures (Québec) [...]
M. Francis Jobin-Beaupré [...] Neuville (Québec) [...]
(absent)
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DÉCISION ARBITRALE
[1] À la suite de la faillite de L’Entrepreneur, Construction XP inc., et du défaut du syndic d’intervenir, les cautions (MM. Dave Patton, Sébastien Rochette-Mercier et Francis Jobin-Beaupré) de l’Entrepreneur ont demandé d’intervenir devant le présent tribunal d’arbitrage. Lors d’une conférence préparatoire tenue le 7 septembre 2017, il a été convenu avec toutes les parties présentes que l’audition porterait sur la recevabilité des cautions, tel qu’il appert de la lettre du soussigné portant la date du 7 septembre 2017.
[2] Afin de bien disposer de cette question, un bref rappel des faits principaux est nécessaire.
Les faits principaux
Le 1er novembre 2015, les Bénéficiaires, M. Richard Paradis et Mme Lucie Godin signaient avec l’Entrepreneur, Construction XP inc., un contrat de garantie des bâtiments non détenus en copropriété divise (A-1). La Garantie de construction résidentielle (GCR) était identifiée au contrat (A-1), à titre d’Administrateur du plan de garantie.
Le 29 mars 2016, les Bénéficiaires déposaient une dénonciation concernant différentes déficiences affectant l’immeuble, dont un problème d’insonorisation du plancher du logement au no [...] (A-3).
Le 5 juillet 2016, suite à une visite des lieux, l’Administrateur rendait une décision (A-18) concernant le seul point encore en litige, soit l’insonorisation du plancher. Il a accueilli la réclamation des Bénéficiaires et a ordonné à l’Entrepreneur de régler le vice caché, soit en apportant tous les correctifs nécessaires pour que l’insonorisation du plancher respecte les recommandations de la SCHL concernant les bruits d’impact (55).
Le 2 août 2016, l’Entrepreneur faisait une demande d’arbitrage contestant la décision de l’Administrateur.
Le 18 novembre 2016, l’arbitre rendait une première décision interlocutoire portant sur la communication de la preuve entre les parties.
Le 3 mars 2017, l’avocate de l’Entrepreneur, Me France Deschênes, adressait un courriel au soussigné et à toutes les parties, lequel indiquait :
Nous vous informons que notre cliente, Construction XP inc., a déposé un avis d’intention de faire une proposition en date du 14 février 2017. Vous trouverez ci-joint copie de ce document.
Par conséquent, nous comprenons que le dossier d’arbitrage sera suspendu et que la partie non utilisée provision pour frais sera retournée à l’entrepreneur et à l’administrateur.
À ce courriel était annexé le formulaire 33 et le Certificat de dépôt d’un avis d’intention de faire une proposition, par. 50.4(1). On peut lire au formulaire 33, la phrase suivante :
4. Conformément à l’article 69 de la Loi, les procédures engagées contre moi sont suspendues à compter de la date du dépôt du présent avis auprès du séquestre officiel de ma localité.
[nos soulignés]
Quant au Certificat, on peut aussi lire :
Conformément au paragraphe 69(1) de la Loi, toutes les procédures contre la personne insolvable susmentionnée sont suspendues à compter de la date du dépôt de l’avis d’intention.
[nos soulignés]
Suite au courriel du 3 mars 2017, de nombreux courriels ont été échangés entre les parties, tant sur la demande de suspension que sur la demande de remboursement de la provision pour frais.
Il n’est pas nécessaire de reproduire l’ensemble des courriels échangés, mais le tribunal retiendra les plus significatifs. Le 20 mars 2017, Me Deschênes écrit :
Nous confirmons de nouveau qu’il n’a jamais été de l’intention de notre cliente de se désister de son appel. Afin d’éviter tout malentendu, nous confirmons de nouveau que notre cliente renonce à récupérer, pour l’instant, la portion non-utilisée de la provision pour frais qu’elle a versée.
Tel que mentionné par ma collègue, Me Anne-Marie Gagné, en mon absence, notre cliente n’a pas à demander la suspension du dossier d’arbitrage, cette suspension étant automatiquement ordonnée par l’article 69 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité depuis le dépôt de l’avis d’intention.
Si une partie souhaite obtenir la levée de cette suspension, nous comprenons qu’elle en fera la demande auprès du tribunal siégeant en matière de faillite, conformément à l’article 69.4 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
Le 24 mars 2017, Me Deschênes s’exprime comme suit :
Nous considérons qu’il ne s’agit que de l’application pure et simple des effets prévus à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité lors du dépôt d’un avis d’intention.
Si Me Boyer souhaite invoquer que la Loi sur la faillite et l’insolvabilité ne s’applique pas à un arbitrage tenu en vertu du Règlement sur le plan de garantie, nous sommes d’avis qu’il doit transmettre un avis exposant ses prétentions au Procureur général du Québec et au Procureur général du Canada, conformément à l’article 76 du Code de procédure civile. Nous croyons qu’il ne revient pas à notre cliente de faire les frais d’un tel débat, notre cliente étant, de surcroît, présentement en difficulté financière.
En effet, Me Boyer semble indiquer que l’application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, une loi fédérale, serait contraire aux objectifs poursuivis par le législateur provincial. Nous référons ici aux arguments fournis par Me Boyer dans son courriel du 20 mars 2017.
Le 31 mars 2017, Me Deschênes écrit :
Dans le seul but de limiter les frais pour notre cliente, sans admission de quelque nature que ce soit, nous confirmons que nous ne serons pas présents lors de l’audience demandée par Me Boyer. Nous continuons en effet de prétendre que le dépôt d’un avis d’intention par notre cliente a entraîné la suspension du dossier d’arbitrage et que si une partie souhaite obtenir la levée de cette suspension, elle doit en faire la demande auprès de la Cour supérieure, siégeant en matière de faillite, suivant l’article 69.4 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Ceci dit, puisque de notre côté, le dossier est déjà en état, nous prenons la décision de ne pas investir plus de temps ou d’argent pour traiter de cette question.
Nous souhaitons tout de même être informés de la date à laquelle l’audience se tiendra et de la décision qui sera rendue par Me Chamberland.
[nos soulignés]
Le 10 avril 2017, le tribunal adressait aux parties, par courriel, une lettre les convoquant à une audition le 28 avril 2017. Cette lettre a aussi été adressée par courriel et par courrier au syndic de l’Entrepreneur, Roy, Métivier, Roberge inc. On peut y lire :
Nous adressons aussi la présente lettre au syndic afin que celui-ci puisse intervenir, le cas échéant, concernant l’ordonnance de suspension émise en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LRC 1985, c B-3) ou informer les parties et l’arbitre de sa décision de continuer ou non le recours intenté par l’Entrepreneur devant le présent tribunal d’arbitrage.
Lors de l’audition du 28 avril 2017 au bureau du tribunal d’arbitrage, Me Pierre Godin et Me Pierre-Marc Boyer étaient présents, respectivement pour les Bénéficiaires et pour l’Administrateur. Ni Me Deschênes ni un représentant de l’Entrepreneur n’était présent. Il en est de même pour le syndic. Interrogées par l’arbitre, les parties présentes ont déclaré au tribunal n’avoir eu aucune communication avec le syndic de l’Entrepreneur.[1]
[3] Le 17 mai 2017, le tribunal d’arbitrage rejetait la demande de suspension des procédures et ordonnait la continuation des présentes procédures.
[4] Lors des démarches pour fixer une conférence préparatoire, l’arbitre, comme plusieurs autres parties, est informé par un courriel du 15 juin 2017 du syndic Roy, Métivier, Roberge de la faillite de L’Entrepreneur. Le certificat de faillite est annexé au courriel.
[5] Le 20 juin 2017, un autre courriel du syndic est transmis à l’arbitre et aux parties, lequel énonce ce qui suit :
Veuillez noter que j’ai eu un échange ce matin avec M. José Roberge, le responsable de l’actif dans cette affaire, et qu’il m’a confirmé qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre dans cette affaire, ni de confirmer de mandat à qui que ce soit, n’ayant pas les fonds.
[6] Le 7 juillet 2017, M. Dave Patton, au nom des cautions, demande d’intervenir devant le tribunal d’arbitrage dans le présent dossier.
[7] Lors de la conférence préparatoire du 7 septembre 2017, après avoir vérifié la disponibilité de toutes les parties présentes, l’audition a été fixée au 18 octobre 2017.
[8] L’arbitre ne fait de reproche à personne, mais il constate que, depuis le 5 juillet 2016, les Bénéficiaires avaient une décision qui leur était favorable.
La question
[9] En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, RLRQ c B-1.1, r. 8 (ci-après « le Règlement »), les cautions de l’Entrepreneur peuvent-elles intervenir devant le présent tribunal d’arbitrage?
Le droit
[10] Les dispositions pertinentes du Règlement se lisent comme suit :
1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:
[…]
«administrateur»: une personne morale sans but lucratif autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à administrer un plan de garantie ou un administrateur provisoire désigné par la Régie en vertu de l’article 83 de la Loi sur le bâtiment (chapitre B-1.1);
[…]
«bénéficiaire»: une personne, une société, une association, un organisme sans but lucratif ou une coopérative qui conclut avec un entrepreneur un contrat pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf et, dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;
[…]
«entrepreneur»: une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur général l’autorisant à exécuter ou à faire exécuter, en tout ou en partie, pour un bénéficiaire des travaux de construction d’un bâtiment résidentiel neuf visé par le présent règlement;
«plan approuvé»: un plan de garantie conforme aux normes et critères établis par le présent règlement et approuvé par la Régie;
[…]
SECTION II
APPLICATION
2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire pour la vente ou la construction:
1° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:
a) une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;
[…]
5. Toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le présent règlement est nulle.
CHAPITRE II
GARANTIE MINIMALE
SECTION I
GARANTIE ET ADHÉSION OBLIGATOIRES
6. Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l’article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l’exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l’article 7 et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire.
SECTION II
CONTENU DE LA GARANTIE
7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.
[…]
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en œuvre de la garantie de parachèvement des travaux du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en oeuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;
4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
5° la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation significative;
6° le relogement, le déménagement et l’entreposage des biens du bénéficiaire, lorsque, lors de travaux correctifs, le bâtiment n’est plus habitable;
7° la remise en état du bâtiment et la réparation des dommages matériels causés par les travaux correctifs.
[…]
V. Recours
19. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.
19.1. Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’entrepreneur ou l’administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 17, 17.1, 18, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 18 de l’annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou que le délai de recours ou de mise en oeuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an.
Le non-respect d’un délai ne peut non plus être opposé au bénéficiaire, lorsque les circonstances permettent d’établir que le bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’entrepreneur ou de l’administrateur.
20. Le bénéficiaire, l’entrepreneur et l’administrateur sont liés par la décision arbitrale dès qu’elle est rendue par l’arbitre.
La décision arbitrale est finale et sans appel.
21. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.
22. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.
23. Les dépenses effectuées par le bénéficiaire, l’entrepreneur et l’administrateur pour la tenue de l’arbitrage sont supportées par chacun d’eux.
24. L’administrateur qui indemnise un bénéficiaire en vertu de la présente sous-section est subrogé dans ses droits jusqu’à concurrence des sommes qu’il a déboursées.
[…]
74. Aux fins du présent règlement et, en l’absence ou à défaut de l’entrepreneur d’intervenir, l’administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l’entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.
[…]
SECTION III
ARBITRAGE
§ 1. — Demande d’arbitrage
106. Tout différend portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.
Peut demander l’arbitrage, toute partie intéressée:
1° pour une réclamation, le bénéficiaire ou l’entrepreneur;
[…]
108. Dès réception d’une demande d’arbitrage, l’organisme d’arbitrage avise les autres parties intéressées et l’administrateur.
[…]
110. Dès la désignation de l’arbitre, l’organisme d’arbitrage remet aux parties intéressées le document de vulgarisation mentionné au paragraphe 6 de l’article 128.
111. Avant ou pendant la procédure arbitrale, une partie intéressée ou l’administrateur peut demander des mesures nécessaires pour assurer la conservation du bâtiment.
[…]
113. Si l’arbitre est dans l’impossibilité de remplir sa mission ou ne s’acquitte pas de ses fonctions dans les délais impartis, une partie intéressée ou l’administrateur peut s’adresser à l’organisme d’arbitrage pour obtenir la révocation de son mandat.
114. La décision sur la récusation ou la révocation d’un arbitre est finale et sans appel.
[…]
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
§ 3. — Audience
[…]
117.1. Lorsque le demandeur est l’entrepreneur et que l’organisme d’arbitrage demande une provision pour frais, celle-ci doit être acquittée dans les 30 jours de cette demande de provision, à défaut de quoi, la demande d’arbitrage est considérée abandonnée par l’entrepreneur.
118. L’arbitre donne aux parties intéressées et à l’administrateur ou à leurs représentants un avis écrit d’au moins 5 jours de la date, de l’heure et du lieu de l’audience et, le cas échéant, un avis de la date où il procédera à l’inspection des biens ou à la visite des lieux.
§ 4. — Décision arbitrale
120. La décision arbitrale, dès qu’elle est rendue, lie les parties intéressées et l’administrateur.
La décision arbitrale est finale et sans appel.
[…]
122. La décision arbitrale écrite et motivée doit être transmise aux parties intéressées et à l’administrateur dans les 30 ou 15 jours de la date de la fin de l’audience selon que la décision porte sur une réclamation ou l’adhésion.
Les parties intéressées peuvent, de consentement, convenir d’un délai supplémentaire.
123. Les coûts de l’arbitrage sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l’administrateur à moins que le bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.
Seul l’organisme d’arbitrage est habilité à dresser le compte des coûts de l’arbitrage en vue de leur paiement.
124. L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
Il doit aussi statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur et l’entrepreneur solidairement doivent rembourser au bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.
Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur.
125. Les dépenses effectuées par les parties intéressées et l’administrateur pour la tenue de l’arbitrage sont supportées par chacun d’eux.
[nos soulignés]
L’analyse et les motifs
[11] Les contrats de cautionnement ont été déposés devant l’arbitre sous la cote E-1. Les cautions, qui n’étaient pas représentées par avocat, soutiennent essentiellement qu’ils ont l’intérêt juridique pour intervenir devant le tribunal d’arbitrage. Le motif repose sur la prémisse suivante : dans l’hypothèse où l’arbitre rendrait une décision favorable aux Bénéficiaires, les cautions pourraient être appelées à rembourser l’Administrateur pour les travaux exécutés, suite au défaut de l’Entrepreneur, Construction XP inc.
[12] Quel que soit l’intérêt que peuvent avoir les cautions, encore faut-il que le Règlement leur permette explicitement ou implicitement d’intervenir. Or, aucune disposition n’autorise l’intervention d’une caution devant le tribunal d’arbitrage. Comme nous le verrons plus loin, l’économie générale du Règlement milite plutôt contre une intervention des cautions.
[13] L’arbitre est d’avis que cette demande d’intervention soulève également la question de compétence du tribunal d’arbitrage à l’égard des cautions. L’arbitre doit détenir une compétence sur les parties qui sont devant lui.
[14] Le soussigné s’inspire de la démarche adoptée par la Cour suprême du Canada pour déterminer si un tribunal administratif a compétence concernant une question ayant trait à la Charte canadienne. Dans l’affaire Cuddy Chicks, la majorité s’exprime comme suit :
Ainsi, le tribunal administratif qui s’apprête à étudier une question ayant trait à la Charte doit déjà avoir compétence à l’égard de l’ensemble de la question qui lui est soumise, c’est-à-dire à l’égard des parties, de l’objet du litige et de la réparation recherchée.[2]
[nos soulignés]
[15] Je constate que l’Entrepreneur est partie au dossier et qu’à la suite de sa faillite, le syndic, aux droits de Construction XP inc., a pris la décision de ne pas « poursuivre dans cette affaire » (courriel du 20 juin 2017). Les cautions seraient donc une nouvelle partie, une quatrième partie qui s’ajouterait à l’instance arbitrale. Le Règlement n’autorise pas l’ajout de nouvelles parties comme des recours en garantie.
[16] Nous avons souligné, dans les pages précédentes, les nombreuses dispositions du Règlement qui indiquaient clairement que les cautions ne sont aucunement considérées comme des parties à l’arbitrage.
[17] L’article 19 du Règlement prévoit que seuls le bénéficiaire et l’entrepreneur peuvent soumettre un différend à l’arbitrage. L’article 106 va dans le même sens en qualifiant le bénéficiaire et l’entrepreneur, seulement, de parties intéressées.
[18] L’article 1 définit le terme « entrepreneur » comme étant une personne titulaire d’une licence d’entrepreneur. Les cautions n’ont pas cette obligation.
[19] Plus important encore, les articles 20 et 120 énoncent que la décision arbitrale lie uniquement l’administrateur, le bénéficiaire et l’entrepreneur. Cela implique que, dans l’hypothèse où l’arbitre donnerait raison aux Bénéficiaires, sa décision serait sans effet à l’égard des cautions.
[20] De plus, l’article 74 du Règlement prévoit expressément qu’en « l’absence ou à défaut de l’entrepreneur d’intervenir, l’administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l’entrepreneur dans le cadre du plan approuvé ». En conséquence, le Règlement prévoit que ce n’est pas aux cautions à intervenir, mais à l’administrateur.
[21] D’ailleurs, une lecture des contrats de caution (E-1) démontre bien que ceux-ci sont libellés au bénéfice de l’Administrateur, la Garantie de construction résidentielle, et non à celui des Bénéficiaires. Il n’existe aucun lien juridique entre les Bénéficiaires et les cautions. Les cautions feront valoir leur droit devant une autre instance, le cas échéant, lorsque l’Administrateur intentera des procédures en remboursement contre eux.
[22] Un autre motif favorise le rejet de la demande d’intervention des cautions. L’objectif recherché par le processus d’arbitrage prévu au Règlement est d’éviter de longs délais par une procédure plus expéditive. Malheureusement, le présent dossier n’est pas un bon exemple en raison des incidents qui ont été soulevés.
[23] Dans l’arrêt Consortium MR Canada ltée, la Cour d’appel s’est prononcée sur la nature du processus d’arbitrage prévu au Règlement. Elle a confirmé le jugement de première instance et a cité, avec approbation, le passage suivant de la première juge :
[20] Les dispositions du Règlement ne sont qu’un complément aux garanties prévues au Code civil du Québec. Le Règlement vise précisément à faire réparer les vices et malfaçons rapidement et à éviter les longs délais engendrés par les appels en garantie.
[21] Le but du Règlement, et en particulier de la procédure d’arbitrage, est de protéger le propriétaire en obligeant l’entrepreneur à réparer rapidement les vices de construction et malfaçons. Le dossier en Cour supérieure est à peine commencé et ne sera pas en état avant plusieurs mois. [3]
[nos soulignés]
[24] Je souligne que le Règlement ne prévoit pas de procédure d’appel en garantie ou d’intervention volontaire comme le prévoient les articles 184 ss du C.p.c. Le Règlement ne renvoie à aucune de ces dispositions.
[25] Plusieurs autres extraits de cet arrêt m’apparaissent particulièrement déterminants :
[13] La juge avait raison d’écrire que l’intervention des tribunaux de droit commun pendant le processus d’arbitrage doit être limitée à des cas d’exception. C’est d’autant plus le cas pour une sentence arbitrale interlocutoire. Comme la Cour le rappelle dans l’arrêt Endorecherche inc. c. Université Laval, cité à bon droit par la juge, ce régime d’exception vise à préserver « l’autonomie de l’arbitrage et son déroulement efficace ».
[…]
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public, le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie. Par la mise en place d'une procédure arbitrale qui implique non seulement l'entrepreneur, mais aussi la personne ayant accepté d'agir à titre de garantie, le législateur veille à ce que les propriétaires et les occupants d'un bâtiment neuf ne fassent pas les frais des délais d'un recours en dommages-intérêts pour vices cachés. De cette façon, le législateur cherche à assurer que le nouveau parc immobilier au Québec offre des logements de qualité. De plus, comme le rappelle l'arbitre, un entrepreneur qui omet d'effectuer des réparations requises peut voir son adhésion au plan de garantie annulée et sa licence d'entrepreneur suspendue ou annulée par la Régie du bâtiment.
[19] Le juge Dufresne, alors de la Cour supérieure, expose à bon droit les finalités du recours arbitral prévu au Règlement dans La Garantie habitations du Québec inc. c. Lebire :
[69] Le législateur veut, par l'adhésion obligatoire de tout entrepreneur à un plan de garantie dont les caractéristiques sont définies au Règlement, donner ouverture à un mode de résolution des réclamations ou des différends survenus à l'occasion de la construction ou de la vente d'un bâtiment résidentiel neuf qui soit plus souple, plus rapide et moins coûteux pour les parties à un contrat assujetti au Règlement.
[70] Le plan de garantie vise entre autres la réparation des vices de construction et malfaçons, ainsi que la réalisation et le parachèvement des travaux. L'article 79.1 de la Loi prévoit que l'entrepreneur, qui est tenu d'adhérer à un plan de garantie, doit réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution des travaux de construction couverts par le plan de garantie. L'article 74 du Règlement dispose que l'administrateur du plan « doit assumer tous et chacun des engagements de l'entrepreneur dans le cadre du plan approuvé ». L'administrateur agit, en quelque sorte, comme caution des obligations d'exécution et de réalisation de l'entrepreneur.[4]
[26] Pour l’ensemble de ces motifs, je suis d’opinion de rejeter la demande d’intervention des cautions et de constater le défaut de l’Entrepreneur, afin que l’Administrateur puisse faire effectuer les travaux correctifs conformément à la décision du 5 juillet 2016 (A-18).
[27] Les Bénéficiaires et l’Administrateur n’étant pas prêts à procéder sur le quantum des frais d’expertise, il a été convenu que l’arbitre se réserverait sa compétence sur ce point.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[28] REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
[29] CONFIRME la décision de l’Administrateur du 5 juillet 2016;
[30] CONSTATE le défaut de l’Entrepreneur afin que l’Administrateur puisse assumer les engagements de l’Entrepreneur conformément à l’article 74 du Règlement;
[31] CONDAMNE l’Administrateur à payer les coûts du présent arbitrage conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts aux taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours;
[32] RÉSERVE à la Garantie de construction résidentielle (GCR) ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur, pour tous les travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieu et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
[33] RÉSERVE sa compétence sur les frais d’expertise.
Québec, le 26 octobre 2017
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Luc Chamberland, avocat
Arbitre / Société pour la Résolution de Conflits inc. (SORECONI)