Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
ENTRE: 9190-8400 QUÉBEC INC.
(ci-après «le Bénéficiaire»)
ET: DOMAINE DES MANOIRS INC.
(ci-après «l'Entrepreneur»)
ET: LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(ci-après «l’Administrateur»)
No dossier CCAC: S12-101602-NP
Arbitre: Me Lydia Milazzo
Pour le Bénéficiaire: Madame Catherine Hudon
Pour l'Entrepreneur: Madame Catherine Mignault
Pour l’Administrateur: Me Avelino De Andrade
Date de l’audition: 31 janvier, 2013
Date de la sentence: 26 février, 2013
Identification complète des parties
Bénéficiaire 9190-8400 Québec Inc.
Représentée par Mme. Catherine Hudon
5700 Place Trenet, #303
Laval (Québec) H7K 3Z2
Entrepreneur: Domaine Des Manoirs Inc.
Représentée par Mme. Catherine
Migneault
10260, rue Des Récollets
Montréal-Nord (Québec) H1H 4E6
Administrateur: La Garantie Habitation du Québec Inc.
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Anjou), Québec, H1K 4L2
Procureur: Me Avelino De Andrade
L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 23 octobre, 2012
19 novembre 2007 : Contrat Préliminaire de Vente et Contrat de Garantie Obligatoire (Pièce A-4);
30 mai 2008 : Formulaire d’Inspection Pré-réception (pièce A-3);
4 juin 2008 : Les parties signent un Acte de Vente devant notaire;
12 août 2008 : Les parties signent un acte dont le but est de corriger le prix de vente (Pièce A-2);
22 avril 2010: Le Bénéficiaire fait parvenir une Mise en Demeure à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur (Pièce A-7);
21 septembre 2012: Décision de l’Administrateur (Pièce P-5);
16 octobre 2012: Réception par le CCAC de la Demande d’Arbitrage du Bénéficiaire;
23 octobre 2012: Notification de la Demande d’Arbitrage et Nomination de l’Arbitre;
1er novembre 2012 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur;
10 janvier 2013: Audience préliminaire par conférence téléphonique;
31 janvier 2013: Audience à la salle 2.03 du Palais de justice de Laval.
Juridiction
1. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties. Le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.
La Décision de l’Administrateur
2. LeBénéficiaire a interjeté appel de la décision de l’Administrateur du 21 septembre 2012, laquelle décision a rejeté la réclamation du Bénéficiaire. Celui-ci réclamait le parachèvement de travaux, plus précisément l’installation d’un foyer, ou subsidiairement, une compensation monétaire, soit le remboursement d’un montant équivalant à la valeur de ces travaux, que le Bénéficiaire estime à $4000.00;
3. Selon la décision de L’Administrateur, la demande de parachèvement de travaux ne remplie pas les critères de l’Article 27, par.1 (a) du Règlement sur le Plan de Garantie des Bâtiments Résidentiel Neufs[1](ci-après « le Règlement »).
4. En abordant la réclamation subsidiaire du Bénéficiaire, soit la demande de crédit au montant de $4000.00, l’Administrateurprétend que cette demande est exclue de la juridiction de l’Arbitre, puisqu’il s’agit d’une compensation monétaire non-prévue par le Règlement.
Le Déroulement de l’Audience
5. À l’audience le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :
B-1 : copie d’un fax daté le 05/06/08 émanant de M. Alexandre Déry et adressé à l’Entrepreneur;
B-2 copie d’un fax daté le 27/10/08 émanant de M. Déry et adressé à l’Entrepreneur;
6. L’Administrateur a produit les pièces A1 à A-7, telles que contenues dans son cahier de pièces;
7. Le tribunal a entendu le témoignage d’un seul témoin, soit celui de Mme. Catherine Hudon, représentante du Bénéficiaire, les autres parties n’ayant présentées aucun témoin.
La preuve et la position des parties
8. Le 19 novembre 2007, le Bénéficiaire et l’Entrepreneur signent un Contrat Préliminaire de Vente et Contrat de Garantie Obligatoire de Condominium, soit la Pièce A-4 (ci-après « le Contrat de Garantie »). La clause 2.1 du Contrat de Garantie stipule que le prix de vente est de « $203, 728 avec foyer ». Selon le témoignage de Mme. Hudon, ceci constitue une erreur; la vente ne devait jamais inclure un foyer. Elle réitère, en contre-interrogatoire, le fait que la vente initiale devait se faire sans l’installation d’un foyer.
9. Mme. Hudon a, par la suite, référé le Tribunal à la Piéce A-3, soit le Formulaire d’Inspection Pré-réception pour la partie privative d’un bâtiment détenu en copropriété (ci-après « le Formulaire Pré-réception »), et plus particulièrement à la section 3, où l’on indique que le foyer est « à créditer ». Selon elle, il s’agit d’une correction au Contrat de Garantie, laquelle correction reflète la véritable entente entre les parties. Ce document porte la date du 30 mai, 2008.
10. Selon Mme. Hudon, une valeur de $4000.00 aurait été convenue pour l’installation dudit foyer, suite au propos du surintendant du chantier. Le procureur de l’Administrateur s’est objecté à ce que Mme. Hudon témoigne sur son opinion quant à la valeur que représente ladite installation. Le Tribunal a signalé queMme. Hudon n’a pas donné son opinion quant à ladite valeur, mais a plutôt relaté les discussions qui auraient eu lieu avec un représentant de l’Entrepreneur. De plus, le Tribunal note que l’Entrepreneur a, au moins de façon tacite, reconnu ce montant comme étant la valeur à créditer dans un courriel daté le 7 mai, 2012 et produit par l’Administrateur sous la côte A-6. Dans ledit courriel, Mme. Mignault, représentante de l’Entrepreneur et agissant à son nom, réclame du Bénéficiaire la somme de $11,323.56 (montant représentant les taxes supplémentaires payées par l’entrepreneur et non-prévues à la vente),moins la somme de $4000.00, laissant une balance de $7,323.56. Cette réclamation de la part de l’Entrepreneur ne fait pas partie du dossier dont est saisi le Tribunal.
11. Les prétentions de l’Entrepreneur reposent sur les faits suivants, tels que relatés dans le courriel de Mme. Mignault à la Pièce A-6 : un Acte de Vente devant notaire est signé le 4 juin, 2008 et corrigé le 2 aout, 2008. Selon la Pièce A-2, la correction consiste en la déduction d’un remboursement de T.P.S. et de T.V.Q., ayant comme effet la réduction du prix de vente total de $231, 818.01 à $221, 705.61 (ci-après « l’Acte de Correction »)Ni le foyer, ni le crédit pour l’installation de celui-ci est mentionné dans l’Acte de Correction; l’Acte de Vente n’a pas été produit.Toujours selon le contenu de la Pièce A-6, puisque le Bénéficiaire est une personne morale, ce dernier n’avait pas droit au remboursement prévu à l’Acte de Correction obligeant ainsi l’Entrepreneur à payer des taxes supplémentaires avec intérêts. Aucune preuve quant à la véracité de ces propos n’a été fournie par l’Entrepreneur;
12. Mme. Hudon témoigne que plusieurs tentatives de rejoindre l’Entrepreneur dans le but de récupérer ce crédit de $4000.00, mais que ces appels et télécopies sont demeurés sans réponse de la part de l’Entrepreneur. Elle réfère le Tribunal a deux fax, dont un porte la date du 5 juin, 2008, produit sous la côte B-1, et un autre daté le 27 octobre, 2008, produit sous la côte B-2. Les deux font références à un chèque de $4000.00 « moins le 220$ », que l’Entrepreneur devait acheminer au Bénéficiaire, au nom de « Alexandre Déry », ancien président de celui-ci.
13. Mme. Hudon reconnait que le représentant de l’Entrepreneur, M. Aldo Coviello, lui aurait dit lors d’une conversation téléphonique que l’Entrepreneur n’entendait pas donné de crédit au Bénéficiaire pour les raisons apparaissant à la Pièce A-6, soit que l’achat a été faite par l’entremise d’une compagnie n’ayant pas droit au des remboursements de taxes,contrairement à l’Acte de Correction, obligeant ainsi l’Entrepreneur payer des taxes supplémentaires, avec intérêts, au gouvernement, dont le montant dépassait la valeur du crédit réclamé par le Bénéficiaire. Selon Mme. Hudon, il n’appartient pas au Bénéficiaire de rembourser ces taxes à l’Entrepreneur, mais au notaire qui aurait commis l’erreur.
14. Mme. Hudon admet que ce n’est qu’un an plus tard que le Bénéficiaire envoi une mise en demeure à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur, soit la Pièce A-7, datée le 22 avril, 2010. Il s’agit du premier avis à l’Administrateur.
15. Le Bénéficiaire réclame la somme de $4000.00, soit le crédit auquel aurait consenti l’Entrepreneur, ou subsidiairement, l’installation du foyer tel que prévu au Contrat de Garantie. Mme. Hudon souligne que le Bénéficiaire favorise la réclamation monétaire, car elle prétend ne plus avoir confiance en l’Entrepreneur. Le Bénéficiaire présente tout de même une réclamation subsidiaire pour le parachèvement de travaux, soit l’installation du foyer.
16. L’Administrateur n’a pas présenté de témoins et prend la position que la demande de crédit ne relève pas de la compétence de l’Arbitre, car le Règlement ne prévoit pas un tel remède dans les circonstances. De plus, la demande subsidiaire à l’effet que l’Entrepreneur soit ordonné de procéder à l’installation du foyer selon le Contrat de Garantie ne remplie pas les critères de l’Article 27, par. 1 (a) du Règlement, car ce travail de parachèvement n’a pas été dénoncé par écrit selon les termes dudit article.
17. L’Administrateur soumet que le Règlement est d’ordre publique et que c’est avec rigueur que ses prescriptions doivent être appliquées par le Tribunal.
18. Lors de l’audience, le procureur de l’Administrateur a fait valoir un argument supplémentaire ne faisant pas partie de sa décision, soit la tardivité de la demande du Bénéficiaire auprès de l’Administrateur.
19. L’entrepreneur, pour sa part, n’a présenté aucune preuve et aucune plaidoirie.
ANALYSE ET DÉCISION
20. La demande de nature pécuniaire repose essentiellement sur la section 3 du Formulaire Pré-réception, où l’on mentionne que le foyer est à créditer, sans indiquer de montant. Malgré qu’aucune des cases correspondant à la Réception (avec ou sans réserve) ne soit coché sur le Formulaire Pré-réception, il ne semble pas avoir de dispute quant à la réception du Bâtiment et la date de fin des travaux est inscrite comme étant le 30 mai, 2008. Ledit formulaire est signé par un représentant dument autorisé du Bénéficiaire, tel que reconnu par le témoin, Mme. Hudon.
21. Même si le Tribunal accepte la position du Bénéficiaire relativement à l’existence d’une entente contractuelle entre les parties quant à l’octroi d’un crédit de $4000.00 par l’Entrepreneur au Bénéficiaire, celui-ci ne peut ordonner l’exécution des obligations contractuelles d’un entrepreneur que dans la mesure et de la manière prévues au Règlement.
22. L’Article 7 du Règlement contient le principe général relativement au contenu de la garantie: « un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section ». (soulignement ajouté)
23. Puisqu’il s’agit d’une copropriété divise, c’est la sous-section 2 (« Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété divise ») de la section 2 (« Contenu de la Garantie ») du Règlement qui trouve application : Articles 25 à 34.
24. L’Article 27 du Règlement prévoit le mécanisme de réclamation pour le parachèvement de travaux :
« La garantie d’un plan dans le case de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1. le parachèvement des travaux dénoncés par écrit :
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé dans les trois jours qui suivent la réception; »
25. Cet article ne prévoit pas de remboursement monétaire, soit pour compenser le manque d’exécution de travaux dénoncés ou pour remplacer les travaux que les parties ont tout simplement convenu de ne plus inclure dans leur contrat de vente. Le Bénéficiaire n’a pas non plus soumis d’argument quant à l’assise juridique de sa réclamation, se contentant de simplement référer au Formulaire Pré-réception.
26. Cette assise juridique doit nécessairement se retrouvée dans le Règlement, à défaut de quoi, le Tribunal ne peut donner suite à la réclamation.
27. L’Arbitre Claude Dupuis, dans une décision rendue le 3 juin, 2011, se prononce comme suit :
« Après la réception du bâtiment, le plan de garantie ne prévoit aucun remboursement d’argent pour dédommagement, sauf pour des réparations d’urgence nécessitant une intervention immédiate.. »[2]
28. Dans l’affaire d’ Isabelle Galibois et Sébastien Paquet c. Gignac Construction[3] , l’Arbitre, Jean Morin, écrit :
« Obliger l’administrateur a des réparations pécuniaires, serait lui imposer un fardeau difficilement quantifiable qui pourrait mettre en péril la solvabilité de l’administrateur, pourtant chère au législateur tel que nous l’avons précédemment rappelé. Dès lors, la réparation pécuniaire des dommages, si elle doit être prononcée, relève de la compétence du tribunal de droit commun et non pas du tribunal arbitral. »
29. La réclamation du Bénéficiaire, telle que présentée, n’habilite pas le Tribunal à ordonner à l’entrepreneur d’effectuer le paiement d’un montant d’argent dans le cas du présent dossier. Ceci ne représente pas une fin de non-recevoir et n’empêche pas le Bénéficiaire de s’adresser aux tribunaux du droit civil, sujet, bien entendu, aux règles de droit commun et à la prescription civile.
30. Quant à la demande subsidiaire pour l’installation d’un foyer, le Bénéficiaire n’a manifestement pas dénoncé de parachèvement de travaux à cet égard au moment de la réception, contrairement aux exigences de l’Article 27(1)(a) du Règlement, lequel, tel que mentionné ci-haut, prévoit le mécanisme de réclamation pour le parachèvement de travaux. De plus, Mme. Hudon, présidente et unique témoin du Bénéficiaire, a témoigné que l’installation d’un foyer ne devait jamais faire partie du contrat initial de vente et que c’est par simple erreur que ledit foyer a été inclus.
31. La demande subsidiaire du Bénéficiaire pour le parachèvement de travaux, soit l’installation d’un foyer, est donc rejetée.
CONCLUSION
32. Suivant mon appréciation des faits, de la preuve versée au dossier et présentée à l’audition, du témoignage entendu et du droit applicable, je suis d’avis que la reclamation du Bénéficiaire doit être rejetée et la décision de l’Administrateur maintenue.
LES FRAIS D’ARBITRAGE
32. En vertu de l’article 123 du Règlement, considérant que le Bénéficiaire appelant n’a eu gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, je me dois de départager les frais d’arbitrage entre l’Administrateur du Plan et le Bénéficiaire.
33. En conséquence, les frais d’arbitrage, aussi bien en droit qu’en équité, selon l’article 116 et 123 du Plan de Garantie, seront partagés entre le Bénéficiaire pour la somme de cinquante dollars (50.00$) et l’Administrateur du Plan de Garantie pour la balance de ces frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:
REJETTE l’appel du Bénéficiaire;
CONDAMNE le Bénéficiaire au paiement des frais du présent arbitrage, limités au montant de 50.00$ et l’Administrateur au paiement de la balance de ces frais.
Montréal, le 26 février, 2013.
(original signé)
____________________ME LYDIA MILAZZO
[1]Loi sur le Bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1, r. 02)
[2][2]André Lévesque c. Les Constructions du Sous-Bois Inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., (GAMM no. 2010-04-008, 3 juin 2011, M. Claude Dupuis, ing., Arbitre) à la page 4 ;
[3](Le Centre D’Arbitrage Commercial National et International du Québec, no. 00-0204, 25 avril 2000, M. Jean Morin, Arbitre) à la page 4.