ARBITRAGE SELON LE
RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998 et décret 156-2014 du 19 février 2014, c. B-1.1, r. 0.2)
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
____________________________________________________________________________________
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
DOSSIER NO: S14-110401-NP
STEEVE MORIN
ET
CHANTAL BOUCHARD
(LES « BÉNÉFICIAIRES »)
et
CONSTRUCTIONS PAUL GENESSE INC.
(L’« ENTREPRENEUR»)
et
LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION
(L’« ADMINISTRATEUR »)
______________________________________________________________________
DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre : Me Roland-Yves Gagné
Pour l’Entrepreneur: Monsieur Paul Genesse
Monsieur Alain Roy
Pour les Bénéficiaires: Madame Chantal Bouchard
Monsieur Steeve Morin
Pour l’Administrateur: Me François-Olivier Godin
Monsieur Martin Gignac
Date et lieu de l’audience : 26 février 2015
Palais de Justice de Chicoutimi
227, rue Racine Est,
Saguenay (Chicoutimi), Qc.
Salle 3.09
Date de la décision: 13 mars 2015
DESCRIPTION DES PARTIES
BÉNÉFICIAIRES
Monsieur Steeve Morin
Madame Chantal Bouchard
[…] Saint-David-de-Falardeau, Qc. […]
ENTREPRENEUR
Constructions Paul Genesse Inc.
a/s Monsieur Paul Genesse
18065 23ième avenue A
Saint-Georges, Qc.
G5Y 5B9
ADMINISTRATEUR
Garantie Qualité Habitation
a/s Me François-Olivier Godin
Bélanger Paradis
9200 est, boul. Métropolitain
Montréal, Qc.
H1K 4L2
ARBITRE
Me Roland-Yves Gagné
CCAC
1010 ouest, de la Gauchetière #950
Montréal, Qc.
H3B 2N2
PIECES
A l’audience, l’Administrateur a produit les pièces suivantes :
A-1 : Copie d’une notification de la demande d’arbitrage du 10 novembre 2014;
A-2 : Demande d’arbitrage datée du 29 octobre 2014;
A-3 : Addendum au rapport de conciliation complémentaire daté du 17 novembre 2014 (En référence aux rapports de conciliation émis le 23 avril 2013, le 11 décembre 2013 et le 2 mai 2014);
A-4 : Rapport de conciliation complémentaire daté du 10 octobre 2014 (En référence aux rapports de conciliation : émis le 23 avril 2013, 11 décembre 2013 et le 2 mai 2014).
A-5 : Rapport de conciliation complémentaire en date du 2 mai 2014 au rapport de conciliation du 23 avril 2013;
A-6 : Addendum daté du 10 janvier 2014 au rapport de conciliation complémentaire du 11 décembre 2013;
A-7 : Rapport de conciliation complémentaire daté du 11 décembre 2013 au rapport de conciliation du 23 avril 2013;
A-8 : Rapport de conciliation daté du 23 avril 2013;
A-9 : Formulaire d’inspection préréception;
A-10 : Contrat d’entreprise et contrat de garantie obligatoire de maison neuve;
A-11 : Curriculum vitae de Martin Gignac, conciliateur;
L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes :
E-1 : Document Alain Roy - Liste de Travaux supplémentaires;
E-2 : Facture de Constructions Paul Genesse Inc. à Qualité Habitation datée du 03/11/2014 au montant de $16,887.19 avec taxes (ou $14,687.70 sans taxe).
Les Bénéficiaires ont produit les pièces suivantes :
B-1
en liasse : photos 001 à 008.
MANDAT ET JURIDICTION
Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par l’Entrepreneur en date du 29 octobre 2014, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 4 novembre 2014, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 10 novembre 2014.
Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.
HISTORIQUE DU DOSSIER
L’immeuble est situé au 360 Munger, à St-David-de-Falardeau, Qc.
Le 11 octobre 2012 eut lieu la réception des travaux.
Le 19 décembre 2012 les Bénéficiaires ont fait parvenir une réclamation écrite à l’Entrepreneur et l’Administrateur.
L’Administrateur a rendu une décision les 23 avril 2013, 11 décembre 2013, 2 mai 2014 et 10 octobre 2014.
Le 4 novembre 2014 le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial reçoit la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur, et la notifie le 10 novembre 2014 aux parties.
L’Entrepreneur conteste la décision du 10 octobre 2014 et soumet certains points à l’arbitrage.
Le 17 novembre 2014, l’Administrateur rend une autre décision avec de nouvelles photos par rapport à sa décision du 10 octobre 2014.
INTRODUCTION
[1] Le 19 décembre 2012, les Bénéficiaires ont fait parvenir une réclamation écrite à l’Entrepreneur et l’Administrateur (pièce A-3 et A-4, note A).
[2] L’Administrateur a rendu une décision les 23 avril 2013, 11 décembre 2013, 2 mai 2014 et 10 octobre 2014.
[3] L’Entrepreneur a produit une demande d’arbitrage le 4 novembre 2014 au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement) :
Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.
[4] La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[1] a jugé que ce Règlement était d’ordre public :
[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
[5] L’Entrepreneur conteste la décision du 10 octobre 2014 (pièce A-2) :
Nous désirons soumettre en arbitrage le rapport de Qualité Habitation portant le numéro de dossier #89695 et le numéro de conciliation #5169 daté du 10 octobre 2014.
Voici les items que nous contestons :
#11, #7, #10, #17, #32, et #6.
[6] Lors de la conférence préparatoire par appel téléphonique tenue le 16 janvier 2015, l’Entrepreneur a confirmé que les points de la décision de l’Administrateur du 10 octobre 2014 soumis à l’arbitrage sont :
[6.1] Point 6 : solin au mur du mur extérieur du parement : finition;
[6.2] Point 7 : porte d’entrée principale et éléments extérieurs (prise de courant, grilles, etc) : étanchéité;
[6.3] Point 10 : Douche - salle de bain - rez de chaussée : finition céramique au mur et moulure de finition du vitrage et porte de douche et étanchéité;
[6.4] Point 11 : Salle de bain - rez-de-chaussée : nettoyage de l’époxy et finition de placoplâtre;
[6.5] Point 17 : Porte d’entrée principale : finition, coupe-froid, seuil;
[6.6] Point 32 : Garde-corps de la galerie avant : bris.
[7] Le 16 janvier 2015, l’Entrepreneur envoie les pièces E-1 et E-2, jointes au courriel suivant :
Bonjour ,
Veuillez annexé au dossier, un détaillé de travaux supplémentaires effectués par l'entrepreneur qui à été assigné pour terminer les travaux et une facture émise a Qualité Habitation à la demande du conciliateur, pour les travaux effectués, travaux demandés par les clients et par le conciliateur directement a l'entrepreneur présent sur le chantier , Ce sont des travaux qui n'étaient pas inclus dans les rapports de conciliation.
Paul Genesse
[8] À l’audition,
[8.1] l’Entrepreneur a confirmé qu’il allait faire faire les travaux correctifs quant aux points 6 et 7, et qu’il allait faire nettoyer le seuil extérieur tel que réclamé au point 17, et qu’il se désistait donc de sa demande d’arbitrage sur les points 6 et 7 et sur le nettoyage au point 17;
[8.2] l’Entrepreneur a confirmé que sa demande d’arbitrage sur la décision du 10 octobre 2014 portait également sur la décision du 17 novembre 2014 émise après sa demande d’arbitrage, ce qui a été accepté par les parties, l’Administrateur affirmant que la décision du 17 novembre 2014 n’avait de différente par rapport à celle du 10 octobre, que le remplacement de photos par des photos plus récentes.
[9] Aussi à l’audition, l’Entrepreneur, pour la première fois, indique qu’il demande au Tribunal d’arbitrage une condamnation au paiement de la facture qu’il doit assumer envers l’Entrepreneur Alain Roy pour des extras réclamés par l’Administrateur et les Bénéficiaires lors de travaux correctifs, extras faits sans sa connaissance et consentement - l’Administrateur s’est objecté à cette réclamation pour deux raisons :
[9.1] d’abord, elle serait irrecevable puisque le tribunal d’arbitrage créé par le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs ne donne aucun pouvoir à l’arbitre soussigné de trancher cette question (car seul les tribunaux de droit commun ont la compétence légale ou juridiction pour juger cette réclamation);
[9.2] ensuite, l’Administrateur est pris par surprise, puisque cette réclamation n’a pas été annoncée lors de la conférence préparatoire.
[10] Le Tribunal soussigné a répondu qu’il allait entendre l’Entrepreneur pour savoir ce qu’il avait à dire à ce sujet avant de pouvoir juger ce qu’il pouvait faire ou ne pas faire, sous réserves des objections de l’Administrateur, et que s’il venait à la conclusion qu’il avait la compétence légale pour trancher cette réclamation, il reconvoquerait les parties pour permettre à l’Administrateur de présenter toute sa preuve en défense à ce sujet, en accord avec la maxime audi alteram partem.
[11] L’audience a été précédée d’une visite des lieux.
DÉCISION
Point 10
[12] Dans sa première décision du 23 avril 2013 (A-8), l’Administrateur écrit quant au point 10 :
Le bénéficiaire nous mentionne que la céramique au mur de la douche a mal été installée.
Lors de la visite, nous avons constaté la situation, laquelle est d’ailleurs mentionnée au formulaire pré réception signée par les parties, le 11 octobre 2012 (suivent quatre photos pour illustrer la décision)
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[13] L’Entrepreneur n’a pas demandé l’arbitrage de cette décision du 23 avril 2013.
[14] Le 11 décembre 2013, l’Administrateur rend la décision suivante, qu’il qualifie d’addenda :
En vertu du texte de garantie, compte tenu que l’entrepreneur « Constructions Paul Genesse inc. » n’a pas effectué les correctifs requis, selon les règles de l’art, et selon le Code national du bâtiment et l’usage courant du marché, La garantie Qualité Habitation procédera par voie de soumission à l’autorisation des travaux aux points 1 à 11 [ajout de l’arbitre, incluant le point 10], 13, 14, 15, 17 et 19 ci-dessous reconnus.
[15] L’Entrepreneur n’a pas demandé l’arbitrage de cette décision du 11 décembre 2013.
[16] Le Tribunal d’arbitrage note que dans ces décisions de 2013, il n’est pas question de l’étanchéité de la porte de douche.
[17] Dans sa décision du 10 octobre 2014 (A-4) l’Administrateur écrit quant au point 10
Point 10 : Douche - salle de bain - rez de chaussée : finition céramique au mur et moulure de finition du vitrage et porte de douche et étanchéité;
[dénoncé] la finition de la céramique à plusieurs endroits.
- Commentaires du bénéficiaire lors de notre visite des lieux
Le bénéficiaire nous mentionne que la céramique au mur de la douche a mal été installée, qu’il y a de l’infiltration d’eau par les vitres de la douche et que des moulures de finition du vitrage et de la porte de douche sont égratignées.
- Constatations du conciliateur
Lors de notre visite des lieux, nous avons constaté la situation.
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur soumissionnaire devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[18] L’Entrepreneur a porté ce point en arbitrage le 4 novembre 2014 (date de réception de la demande).
[19] À l’audience, l’Entrepreneur témoigne à l’effet que, pour l’étanchéité et les égratignures, que ceux-ci découlent de travaux effectués par l’entrepreneur Alain Roy qu’il avait envoyé sur les lieux et que si une personne doit être tenue responsable, c’est l’entrepreneur Alain Roy et non lui-même.
Décision point 10
[20] Ce point porte sur la céramique, le manque d’étanchéité et les égratignures.
La céramique- fissure et non-alignement
[21] L’Entrepreneur déclare à l’audience qu’au moment de produire sa demande d’arbitrage, il n’était pas au courant de la fissure entre la céramique.
[22] Cette fissure n’est pas visible sur les photos prises en septembre 2014, mais est présente sur les photos de janvier 2015 soumises par les Bénéficiaires (B-1), et visible lors de la visite des lieux du 26 février.
[23] L’Entrepreneur dit qu’il était d’accord qu’une douche doit servir à son usage, donc que cette fissure soit corrigée.
[24] Quant au non-alignement, l’Entrepreneur allègue que le problème est seulement esthétique, que l’eau s’écoule quand même, alors que le Conciliateur a témoigné avoir utilisé comme base de la règle de l’art, le Guide de l’APCHQ qui déclare que le non-alignement ne doit pas dépasser 3mm entre deux céramiques et que la correction ne demanderait qu’une correction à un nombre limité de tuiles (il parle de 2 ou 3).
[25] Bien que le Tribunal soussigné ne soit pas lié par les règles de tolérance prévues au Guide de performance de l’APCHQ, et qu’il ne suffit pas de démontrer l’existence d’un problème pour assurer l’application de la garantie, l’Entrepreneur n’a pas été en mesure de démontrer le caractère déraisonnable de la décision de l’Administrateur.
[26] Ayant vu la céramique de la douche, le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion que l’alignement et la fissure ne sont pas conforme à la règle de l’art, qu’il se doit de maintenir la décision de l’Administrateur quant la céramique (non alignement et fissure) et rejeter la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur au sujet de la céramique.
L’Étanchéité
[27] Le Bénéficiaire témoigne à l’effet qu’il avait fallu démanteler la porte de douche au complet pour faire les travaux correctifs prévus à la céramique et qu’il avait fallu qu’elle soit remontée.
[28] Il ajoute que l’eau sort du coin du cadrage de la douche.
[29] Alain Roy confirme avoir démonté la douche quand il a refait la céramique et il a remonté le cadrage et la porte.
[30] La porte de douche doit servir à son usage et ne pas permettre que l’eau sorte par le coin du cadrage.
[31] Le Code civil stipule à l’article 2100 du Code civil que l’Entrepreneur a une obligation de résultat.
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[32] Alors que le Code civil stipule que l’Entrepreneur a une obligation de résultat, l’article 2101 ajoute qu’il est aussi responsable de l’exécution du tiers Alain Roy dont il s’est adjoint pour exécuter les travaux correctifs :
2101. À moins que le contrat n'ait été conclu en considération de ses qualités personnelles ou que cela ne soit incompatible avec la nature même du contrat, l'entrepreneur ou le prestataire de services peut s'adjoindre un tiers pour l'exécuter, il conserve néanmoins la direction et la responsabilité de l'exécution.
[33] Vu la preuve, vu les dispositions du Code civil et du Règlement, le Tribunal d’arbitrage rejette la demande d’arbitrage sur l’étanchéité et maintient la décision de l’Administrateur.
Les égratignures
[34] L’Entrepreneur rejette cette réclamation puisqu’il affirme que les problèmes viennent exclusivement du fait que la Bénéficiaire a demandé à l’entrepreneur Alain Roy l’inversion de la porte de la douche (pour qu’elle s’ouvre dans un autre sens); conséquence, ce qui était auparavant la partie intérieure fixée au mur est maintenant la partie extérieure, expliquant ainsi les égratignures en haut à droite, le tout, fait sans son consentement ni même sa connaissance.
[35] La preuve démontre que l’Entrepreneur avait reçu de l’Administrateur deux soumissions pour effectuer des travaux correctifs et l’Entrepreneur, trouvant cela trop cher, a contacté l’entrepreneur Alain Roy, qui a 40 ans d’expérience, qu’il n’avait jamais vu auparavant, pour faire les travaux correctifs.
[36] L’Entrepreneur a donné une liste de choses à faire à Alain Roy, en ajoutant, d’après l’Entrepreneur, qu’il fallait rendre les Bénéficiaires heureux ou, d’après Alain Roy, qu’il fallait satisfaire les clients (ce qui revient au même pour le Tribunal soussigné).
[37] Le témoin Alain Roy allègue dans sa lettre (pièce E-1) :
La présente est pour vous donner une description des travaux supplémentaires effectués sur le chantier mentionné plus haut. Ces travaux se sont ajoutés à la liste qui m’avait été fournie au début des travaux […]
- Inverser la porte de douche […]
[38] Alain Roy ajoute que
[38.1] c’est la Bénéficiaire qui lui a demandé d’inverser la porte de la douche, et, tout comme le plaide l’Entrepreneur (voir le paragraphe [34] de cette décision), que c’est la raison pour laquelle il y a des éraflures visibles en haut à droite de la porte maintenant inversée;
[38.2] la Bénéficiaire n’a rien demandé par écrit, en fait, « jamais personne ne voulait signer l’autorisation des travaux », le tout, sans la connaissance du donneur d’ouvrage l’Entrepreneur Genesse.
[39] Alain Roy dit avoir continuer les travaux qu’il ne pouvait arrêter, « j’essayais de satisfaire madame [la Bénéficiaire] ».
[40] L’Entrepreneur considère que puisque lui, il n’a pas donné le mandat à Alain Roy d’inverser le sens de la porte de douche, il n’a pas à payer pour les dommages en résultant et que c’est à la garantie d’Alain Roy à payer s’il y a un problème, pas à lui.
[41] À l’argument de l’Entrepreneur, le Tribunal d’arbitrage se doit de répondre qu’il n’a d’autres choix que de juger selon la Loi (voir, entre autres, l’article 2101 du Code civil cité au paragraphe [32] ci-haut) et le Règlement en vigueur.
[42] C’est avec l’Entrepreneur Genesse qu’ont contracté les Bénéficiaires pour leur douche, l’Entrepreneur leur doit une obligation de résultat, et c’est l’Entrepreneur Genesse que cautionne l’Administrateur en vertu du Règlement et du Plan de garantie.
[43] Dans l’affaire d‘arbitrage Pierre Blais et Diane Coupal-Blais et Villa Construction 2006 Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APHCQ[2], notre collègue Me Jean-Philippe Ewart écrit qu’il est de la responsabilité de l’Entrepreneur d’aviser les Bénéficiaires du caractère impropre des matériaux devant être utilisés ou de ne pas exécuter des travaux s’il soupçonne que ceux-ci ne seront pas conformes aux règles de l’art pour cette raison.
[44] D’une part, il y a absence de preuve à l’effet qu’Alain Roy ait mentionné à la Bénéficiaire que l’inversion du sens de la porte entraînerait la présence d’égratignures dans le coin droit en haut et que la Bénéficiaire ait accepté cet état de fait.
[45] D’autre part, le recours en garantie demandé par l’Entrepreneur (de tenir responsable Alain Roy et non l’Entrepreneur Genesse) n’est par prévu au Règlement : si l’Entrepreneur Genesse, cautionné par l’Administrateur, considère qu’Alain Roy, tiers que l’Entrepreneur s’est adjoint pour effectuer les travaux correctifs, est responsable de quoi que ce soit, ses recours à ce sujet relèvent des tribunaux de droit commun et non, du Tribunal d’arbitrage soussigné créé en vertu du Règlement.
[46] Vu la preuve, vu le droit en vigueur, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage se doit de maintenir la décision de l’Administrateur quant à tous les éléments du point 10 et rejeter la demande de l’Entrepreneur à cet effet.
Point 11
[47] Dans sa première décision du 23 avril 2013 (A-8), l’Administrateur écrit quant au point 11 :
Lors de la visite, nous avons constaté la situation, laquelle est d’ailleurs mentionnée au formulaire pré réception signée par les parties, le 11 octobre 2012 (suivent trois photos pour illustrer la décision)
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[48] L’Entrepreneur n’a pas demandé l’arbitrage de cette décision du 23 avril 2013.
[49] Le 11 décembre 2013, l’Administrateur rend la décision suivante, qu’il qualifie d’addenda :
En vertu du texte de garantie, compte tenu que l’entrepreneur « Constructions Paul Genesse inc. » n’a pas effectué les correctifs requis, selon les règles de l’art, et selon le Code national du bâtiment et l’usage courant du marché, La garantie Qualité Habitation procédera par voie de soumission à l’autorisation des travaux aux points 1 à 11 [ajout de l’arbitre, incluant le point 11], 13, 14, 15, 17 et 19 ci-dessous reconnus.
[50] L’Entrepreneur n’a pas demandé l’arbitrage de cette décision du 11 décembre 2013.
[51] Dans sa décision du 10 octobre 2014 (A-4) l’Administrateur écrit quant au point 11 :
Point 11 : Salle de bain - rez-de-chaussée : nettoyage de l’époxy et finition de placoplâtre;
[dénoncé] le nettoyage de l’époxy.
- Commentaire du bénéficiaire au moment de notre visite des lieux
Le bénéficiaire nous mentionne que lorsque les travaux correctifs ont été exécutés le plafond et les murs ont été abîmés.
- Constatations du conciliateur
Lors de notre visite des lieux, nous avons constaté la situation.
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur soumissionnaire devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[52] L’Entrepreneur a porté ce point en arbitrage le 4 novembre 2014 (date de réception de la demande).
[53] A l’audience, l’Entrepreneur allègue que le Bénéficiaire aurait dit de laisser faire puisqu’il allait s’en occuper lui-même quand il allait repeindre le tout, ce que nie le Bénéficiaire.
Décision quant au point 11
[54] La preuve démontre que l’époxy initialement dénoncé en 2013 est toujours présente.
[55] Le Bénéficiaire nie avoir dit de laisser faire le nettoyage.
[56] Le Tribunal d’Arbitrage ne peut donc conclure de la preuve, et des décisions de l’Administrateur rendues précédemment à ce sujet, qu’il se doit de maintenir la décision de l’Administrateur sur ce point, et rejeter la demande d’arbitrage.
Point 17
[57] Dans sa première décision du 23 avril 2013 (A-8), l’Administrateur écrit quant au point 17 :
Le bénéficiaire nous mentionne avoir dénoncé (lors de notre visite des lieux) la situation suivante :
- La porte d’entrée principale n’est pas au niveau.
Lors de la visite, nous avons constaté la situation, laquelle est d’ailleurs mentionnée au formulaire pré réception signée par les parties, le 11 octobre 2012 (suivent deux photos pour illustrer la décision)
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[58] L’Entrepreneur n’a pas demandé l’arbitrage de cette décision du 23 avril 2013.
[59] Le 11 décembre 2013, l’Administrateur rend la décision suivante, qu’il qualifie d’addenda :
En vertu du texte de garantie, compte tenu que l’entrepreneur « Constructions Paul Genesse inc. » n’a pas effectué les correctifs requis, selon les règles de l’art, et selon le Code national du bâtiment et l’usage courant du marché, La garantie Qualité Habitation procédera par voie de soumission à l’autorisation des travaux aux points […] 17 […] ci-dessous reconnus.
[60] L’Entrepreneur n’a pas demandé l’arbitrage de cette décision du 11 décembre 2013.
[61] Dans sa décision du 10 octobre 2014 (A-4) l’Administrateur écrit quant au point 17
Point 17 : Porte d’entrée principale : finition, coupe-froid, seuil;
[dénoncé lors de notre visite des lieux] la finition de la porte d’entrée principale à la suite de son ajustement n’est pas acceptable
- Commentaire du bénéficiaire au moment de notre visite des lieux
Le bénéficiaire nous mentionne qu’à la suite de l’ajustement de la porte d’entrée principale,
la peinture des chambranles n’est pas de la bonne couleur,
la porte est égratignée,
qu’il manque un bout de coupe-froid dans le bas de la porte et
que le seuil de la porte est toujours taché.
- Constatations du conciliateur
Lors de notre visite des lieux, nous avons constaté la situation.
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur soumissionnaire devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[62] L’Entrepreneur a porté ce point en arbitrage le 4 novembre 2014 (date de réception de la demande).
[63] À l’audience, il se désiste de sa demande d’arbitrage quant à : le seuil de la porte est toujours taché, reste donc les trois autres points.
Peinture des chambranles n’est pas de la bonne couleur
[64] La Bénéficiaire a témoigné avoir offert à Alain Roy la peinture encore disponible dans le même pot de peinture déjà utilisé pour parachever les travaux, mais qu’il lui a répondu que ce n’était pas à elle à fournir la peinture et il a pris sur lui d’acheter un autre pot de peinture en utilisant le code de la peinture.
[65] Alain Roy a témoigné à l’effet que la peinture dans la peinture dans le pot de peinture offerte était granulleuse et qu’il aurait dû la filtrer, c’est la raison pour laquelle il a acheté un nouveau pot de peinture en utilisant le code, mais « c’est sorti avec une autre couleur ».
[66] L’Entrepreneur Genesse plaide n’avoir personnellement commis aucune faute et qu’il n’a pas à être responsable.
[67] Tout comme nous l’avons écrit au paragraphe [45] de cette décision : le fait du tiers Alain Roy que l’Entrepreneur Genesse s’est adjoint n’est pas une défense admissible pour l’Entrepreneur Genesse devant ce Tribunal d’arbitrage puisqu’il a une obligation de résultat face aux Bénéficiaires.
[68] Subsidiairement, les faits du présent dossier sont particuliers et ce qui suit est énoncé sous toutes réserves pour des cas différents car chaque cas est un cas d’espèce :
[68.1] Alain Roy avait à sa disposition, la même peinture contenue dans le même pot déjà utilisé et fourni par la Bénéficiaire,
[68.2] il a pris la décision d’acheter et d’utiliser un autre pot de peinture (même avec le même code de peinture) que celui déjà utilisé et qui était à sa disposition, parce que cela lui aurait nécessité plus de travail,
[68.3] il a donc ouvert la porte à une possibilité
[68.3.1] d’en arriver à un résultat différent quant à la couleur, ou que la couleur « sorte avec une autre couleur » et
[68.3.2] d’entraîner la responsabilité de l’Entrepreneur Genesse que l’Administrateur cautionne, puisque l’Entrepreneur Genesse ne peut plus invoquer la défense de force majeure à cause de la présence d’une décision prise par le tiers qu’il s’est adjoint, soit Alain Roy.
[69] Vu la preuve, vu les articles 2100 et 2101 du Code civil, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage rejette la demande d’arbitrage et maintient la décision de l’Administrateur sur ce point.
La porte est égratignée
[70] La preuve démontre que la Bénéficiaire a indiqué à Alain Roy la présence de l’égratignure au moment des travaux de ce dernier sur la porte, et ce dernier a répondu « on ne peut pas réparer sans briser ».
[71] Vu la preuve, la décision de l’Administrateur est raisonnable, l’Entrepreneur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve qu’elle ne l’était pas, et le Tribunal d’arbitrage rejette la demande d’arbitrage.
Bout de coupe-froid dans le bas de la porte
[72] L’Entrepreneur témoigne d’une manière crédible à l’effet que la porte a été achetée et posée comme cela, que c’est la porte d’origine, qu’il y a une pièce de caoutchouc faite spécialement pour agir comme coupe-froid.
[73] La Bénéficiaire n’a aucun souvenir si elle a dénoncé ou non ce point au moment de la réception des travaux.
[74] Deux ans et demi est clairement déraisonnable comme délai de dénonciation dans un cas où il n’y a pas de preuve de malfaçon.
[75] Il n’y a pas de preuve non plus de dommages causés lors de travaux pour ce bout de coupe-froid.
[76] Vu la preuve, vu le Règlement, le Tribunal d’arbitrage se doit d’accueillir la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur sur le bout de coupe-froid et annuler la décision de l’Administrateur sur ce bout de coupe-froid.
Point 32
[77] Dans sa décision du 10 octobre 2014 (A-4) l’Administrateur écrit quant au point 32 :
Point 32 : Garde-corps de la galerie avant : bris
[dénoncé lors de notre visite des lieux] garde-corps de la galerie avant a été brisé lors de sa réinstallation par l’entrepreneur.
- Constatations du conciliateur
Lors de notre visite des lieux, nous avons constaté la situation.
Décision
Par conséquent, l’entrepreneur soumissionnaire devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché.
[78] La décision de l’Administrateur découle de la dénonciation des Bénéficiaires à l’effet que le garde-corps de la galerie avant a été brisé lors de sa réinstallation par l’entrepreneur.
[79] La Bénéficiaire à l’audience affirme qu’on n’avait pas le choix de retirer ce garde-corps car il était fixé à la maison; quand on a retiré la galerie, on a dû retirer ce garde-corps.
[80] L’entrepreneur Alain Roy nie vigoureusement à l’audience avoir réinstallé le garde-corps, insistant ne l’avoir jamais désinstallé car il n’avait aucune raison de le désinstaller : « le garde-corps de façade n’a pas été démanché, je n’ai pas démanché le garde-corps de façade, j’ai jamais touché à la façade et j’avais pas de raison de toucher à la façade ».
[81] Il affirme n’avoir enlevé que les garde-corps de côté qui étaient fixés à l’immeuble, mais pas celui de façade.
[82] Le témoignage d’Alain Roy est crédible et en contre-preuve,
[82.1] le Bénéficiaire, qui habite sur les lieux, affirme avoir toujours fait attention à son garde-corps : il est le seul qui déneige, il fait extrêmement attention, il n’a jamais donné de coup de pied, il n’aurait pas fait de réclamation s’il avait été la cause du bris;
[82.2] le Conciliateur affirme que ce ne peut pas être un coup de pelle et qu’on a dû forcer l’insertion du barreau du garde-corps.
[83] L’Entrepreneur Genesse et Alain Roy affirment qu’il s’agit du garde-corps de façade qui n’est pas attaché à l’immeuble.
[84] L’Entrepreneur plaide qu’il y a usure normale causée par 2 ans et demi d’habitation.
Décision quant au point 32
[85] Le Tribunal d’arbitrage doit se baser sur la preuve et la Loi pour rendre sa décision.
[86] Le Code Civil du Québec stipule :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention […].
[87] Les Bénéficiaires, et l’Administrateur sur la base de leur témoignage, affirment que l’Entrepreneur a causé un bris lors d’une désinstallation/réinstallation du garde-corps de façade qui, selon le témoignage crédible de l’entrepreneur Alain Roy, n’a jamais eu lieu.
[88] De plus, il n’y a aucune preuve au dossier que le garde-corps installé à l’origine faisait l’objet d’une malfaçon.
[89] Vu la preuve à l’audience, le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion qu’il n’a d’autre choix que d’accueillir la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur et d’annuler la décision de l’Administrateur sur le point 32.
Réclamation de l’Entrepreneur envers l’Administrateur
[90] L’Entrepreneur a donné une liste de choses à faire à Alain Roy, en ajoutant qu’il fallait rendre les clients heureux ou satisfaits.
[91] Alain Roy a fait des travaux à la demande de la Bénéficiaire et parfois de l’Administrateur, qu’il a eu de la misère à rejoindre.
[92] Le témoin Alain Roy allègue ce qui suit (pièce E-1) :
La présente est pour vous donner une description des travaux supplémentaires effectués sur le chantier mentionné plus haut. Ces travaux se sont ajoutés à la liste qui m’avait été fournie au début des travaux.
- Installer des moulures décoratives en aluminium autour des tuiles de céramique du bain ainsi que du muret entre le bain et la toilette
- Installer les tuiles de céramique sur le dessus et le bout du muret du bain et faire les joints à l’époxy
- Installer une nouvelle bande de mosaïque dans le haut de la douche
- Installer une 2eme bande de mosaïque dans le haut de la douche
- Installer des tablettes en verre dans l’alcôve de la douche
- Inverser la porte de douche
- Remplacer les rampes de l’escalier avant
- Enlever les pierres de revêtement extérieur de la façade
- Installer des nouvelles allèges en pierre à la base du nouveau revêtement de pierre
- Installer le nouveau revêtement de pierre, tirer les joints
- Évacuer les débris occasionnés par la démolition de la façade en pierre
- Installer des boisures à l’extérieur de la porte d’entrée avant
- Appliquer une couche de teinture sur la terrasse arrière
- Location de loader pour approcher les pierres que le client a fait déposer près de son garage. $30
[93] Alain Roy, qui se décrit comme un entrepreneur depuis 40 ans, a admis avoir accepté de faire les travaux, décrits dans sa lettre pièce E-1,
[93.1] qui n’étaient pas sur la liste de travaux donnée par son donneur d’ouvrage, l’Entrepreneur Genesse,
[93.2] sans demander des instructions à son donneur d’ouvrage l’Entrepreneur Genesse, et
[93.3] sans avoir exigé et sans avoir reçu, de demande écrite de la part de la Bénéficiaire ou de l’Administrateur pour ces travaux décrits dans sa lettre pièce E-1.
[94] La Bénéficiaire n’a rien autorisé par écrit, en fait, pour Alain Roy, « jamais personne ne voulait signer l’autorisation des travaux », le tout, sans la connaissance du donneur d’ouvrage l’Entrepreneur Genesse.
[95] Même en l’absence d’autorisation ou commande écrite, Alain Roy dit avoir continué les travaux qu’il ne pouvait arrêter, « j’essayais de satisfaire madame [la Bénéficiaire] ».
[96] Il lui est arrivé d’essayer d’avoir une autorisation du Conciliateur Gignac (de l’Administrateur) en appelant même de 4 à 5 fois par jour, il n’avait pas de retour d’appel mais a continué les travaux quand même.
[97] Alain Roy n’a pas, non plus, de contrat écrit avec l’Entrepreneur Genesse. Ce dernier lui a donné une liste de choses à faire (liste non produite), en disant de satisfaire les clients.
[98] Alain Roy admet avoir fait des travaux non prévus par le donneur d’ouvrage et non donné par le donneur d’ouvrage.
[99] Roy n’a donc aucune demande écrite, ni des Bénéficiaires, ni du donneur d’ouvrage l’Entrepreneur Genesse, ni de l’Administrateur, et pourtant, il a quand même fait des travaux, pour lesquels l’Entrepreneur Genesse réclame le paiement à l’Administrateur.
[100] L’Entrepreneur affirme qu’il s’agit d’une facture importante qu’il doit payer, qu’il doit rembourser suite à des « choses » qu’il n’a pas demandées; il ajoute que la facture produite comme pièce E-2 doit avoir un suivi.
[101] L’Administrateur s’objecte à la compétence légale du Tribunal d’arbitrage pour rendre une décision sur cette réclamation, que cela n’est pas prévu au Règlement qui donne une compétence à l’arbitre, affirmant que cela relève des tribunaux de droit commun : « ce n’est pas le bon forum, pas du ressort de l’arbitre, je ne pense pas trouver d’articles dans le Règlement qui donne compétence ».
[102] Subsidiairement, l’Administrateur ajoute que l’Entrepreneur n’a produit aucune facture au support de sa réclamation à la facture pièce E-2, qu’il avait l’obligation de minimiser ses dommages.
Décision sur la réclamation de l’Entrepreneur envers l’Administrateur
[103] Comme le soussigné l’a rappelé dans Syndicat « Les Copropriétaires du Oxxford » c. Mario di Palma et al.[3], puis dans Frève et Constructions Levasseur Inc.[4], la compétence d’attribution est autant une question d’ordre public que l’est le Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[104] La Cour d’appel dans Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal[5] écrit :
[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.
[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. Régime d’ordre public[5], le Règlement vise notamment à obliger que les réparations des bâtiments résidentiels neufs soient effectuées rapidement par l'entrepreneur ou prises en charge par l'administrateur de la garantie. Par la mise en place d'une procédure arbitrale qui implique non seulement l'entrepreneur, mais aussi la personne ayant accepté d'agir à titre de garantie, le législateur veille à ce que les propriétaires et les occupants d'un bâtiment neuf ne fassent pas les frais des délais d'un recours en dommages-intérêts pour vices cachés. De cette façon, le législateur cherche à assurer que le nouveau parc immobilier au Québec offre des logements de qualité. De plus, comme le rappelle l'arbitre, un entrepreneur qui omet d'effectuer des réparations requises peut voir son adhésion au plan de garantie annulée et sa licence d'entrepreneur suspendue ou annulée par la Régie du bâtiment[6].
[105] La Cour d’appel confirme donc que la procédure prévue au Règlement a une vocation différente que celle prévue au Code civil.
[106] Dans le présent dossier, la réclamation de l’Entrepreneur consiste à demander une condamnation par le Tribunal d’arbitrage soussigné de l’Administrateur pour le paiement et/ou remboursement que l’Entrepreneur considère qu’il doit assumer pour des travaux qu’il allègue être des travaux supplémentaires demandés par les Bénéficiaires et/ou par l’Administrateur, paiement et/ou remboursement que l’Administrateur refuse de payer.
[107] Le Tribunal d’arbitrage ne voit nulle part dans le Règlement où il est écrit que l’arbitre a juridiction pour juger les mésententes contractuelles pour travaux allégués comme supplémentaires qui ne visent pas ce qui est l’objet du Plan de garantie, soit, principalement, la garantie pour la malfaçon, vice caché ou vice majeur.
[108] L’Entrepreneur n’a fourni aucun argument en réponse à l’objection de l’Administrateur quant à la compétence d’attribution du soussigné de décider du sort de sa réclamation monétaire pour travaux supplémentaires, et le Tribunal d’arbitrage soussigné ne peut se donner une compétence d’attribution qu’il n’a pas, puisque la compétence d’attribution est d’ordre public.
[109] Malgré tous les pouvoirs qui sont dévolus à l’arbitre en vertu du Règlement et selon la jurisprudence à cet effet[6], le Tribunal d’arbitrage soussigné n’a pas la compétence lui permettant d’interférer dans les questions à trancher au fond de cette réclamation.
[110] Comme le rappelait notre collègue Me Michel A. Jeanniot dans l’affaire Piskonova et Habitations Germat et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APHCQ [7]:
[63] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie[7]. Bien que ceci inclue toute question de faits, de droit et de procédure, les éléments de la présente décision doivent prendre souche dans le texte du Règlement ou le plan de garantie.
[111] Pour paraphraser la Cour supérieure dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[8], il est clair que le « Règlement ne couvre pas l’ensemble des droits que possède un » Entrepreneur, « notamment en vertu des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat. »
[112] Faute de compétence d’attribution, le Tribunal d’arbitrage soussigné n’a d’autres choix que de rejeter la réclamation de l’Entrepreneur basée sur sa facture pièce E-2.
[113] La présente décision ne porte que sur la compétence d’attribution du Tribunal d’arbitrage en vertu du Règlement quant à la réclamation de l’Entrepreneur (pièce E-2) et non sur le fond de la réclamation de l’Entrepreneur (pièce E-2), sans que cette affirmation ne puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre quant au fond.
[114] Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits de l’Entrepreneur de porter ses prétentions devant les tribunaux de droit commun.
FRAIS
[115] L’alinéa 1e de l’article 123 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur;
ANNULE la décision de l’Administrateur quant au point 32 - bris au garde de corps;
ANNULE la décision de l’Administrateur quant au point 17 mais seulement quant au bout de coupe-froid dans le bas de la porte et MAINTIENT les autres objets mentionnés au point 17 soumis à l’arbitrage;
MAINTIENT la décision de l’Administrateur quant aux points 10 et 11;
REJETTE la réclamation de l’Entrepreneur envers l’Administrateur (facture pièce E-2), vu l’absence de compétence d’attribution du Tribunal d’arbitrage soussigné et RÉSERVE le droit de l’Entrepreneur, à supposer qu’il ait un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, sa réclamation, sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile;
CONDAMNE l’Entrepreneur et l’Administrateur du Plan de Garantie à payer chacun la moitié des frais d'arbitrage encourus dans le présent dossier.
Montréal, le 13 mars 2015
__________________________
Me ROLAND-YVES GAGNÉ
Arbitre / CCAC
Procureurs :
Me François-Olivier Godin
Bélanger Paradis
Pour l’Administrateur
Les Bénéficiaires et l’Entrepreneur
se
représentent seuls
Jurisprudence citée :
Garantie des bâtiments résidentiels de l'APCHQ Inc. c. Desindes, J.E. 2005-132 (C.A.).
Pierre Blais et Diane Coupal-Blais et Villa Construction 2006 Inc. et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APHCQ, Soreconi 120708001 et 132502001, 21 octobre 2013, Me Jean-Philippe Ewart, arbitre.
Syndicat « Les Copropriétaires du Oxxford » c. Mario di Palma et al., CCAC S13-031501-NP, 7 janvier 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre.
Frève et Constructions Levasseur Inc., CCAC S14-012201-NP et al., 6 octobre 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre
Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal Cour d’appel, 2013 QCCA 1211.
Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL, 2011 QCCA 56;
Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ 2009 QCCS 1941 (Marc Lesage JCS).
Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Hon. juge Jacques Dufresne).
Garantie des bâtiments résidentiles neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Hon. juge Gilles Hébert)
Borrelli c. Le Groupe Platinum Construction 2001 Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, CCAC S11-051701-NP, 5 septembre 2013.
Piskonova et Habitations Germat et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APHCQ : SORECONI, 070810001, 25 mars 2008, Me Michel A. Jeanniot, arbitre.
Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot 2009 QCCS 909 (Hon. juge Johanne Mainville).
[1] AZ-50285725 du 15 décembre 2004.
[2] Au paragraphe [105]; Soreconi 120708001 et 132502001, 21 octobre 2013.
[3] (Paragraphes [145] et suivants, CCAC S13-031501-NP, 7 janvier 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre).
[4] (Paragraphes [120] et suivants, CCAC S14-012201-NP et al., 6 octobre 2014, Me Roland-Yves Gagné, arbitre).
[5] 12 juillet 2013, Cour d’appel, 2013 QCCA 1211 Renvoi [5] : Voir art. 3, 4, 5, 18, 105, 139 et 140 du Règlement. Voir aussi Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL, 2011 QCCA 56, paragr. [13]; Garantie des bâtiments résidentiels de l'APCHQ Inc. c. Desindes, J.E. 2005-132 (C.A.), paragr. [11]; Renvoi [6] Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1, art. 79.1 . Voir les paragraphes 43 et 44 de la décision arbitrale interlocutoire - suspension du 2 octobre 2012. Renvoi [7] : J.E. 2002-1514.
[6] Voir, par exemple, Garantie habitation du Québec inc. c. Lebire J.E. 2002-1514 (Hon. juge Jacques Dufresne), paragraphes [97] et [98]; Garantie des bâtiments résidentiles neufs de l’APCHQ Inc. c. Décarie 2006 QCCS 907 (Hon. juge Gilles Hébert), paragraphes [26] à [28].
[7] SORECONI, 070810001, 25 mars 2008, Me Michel A. Jeanniot, arbitre, [7] Article 83.1 de la Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1.
[8] Paragraphe [63], Garantie Habitation du Québec inc c. Jeanniot, 2009 QCCS 909 (hon. Johanne Mainville, j.c.s.).