Gabarit EDJ

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Sylvie Daigle et Yannick Richard

(ci-après les « bénéficiaires »)

 

ET :

Le Marquis Concept inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier QH : 92690 - 4928

No dossier GAMM : 2012-08-003

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour les bénéficiaires :

Me Pascal Porlier

 

Pour l'entrepreneur :

Me Lucien Cliche jr

 

Pour l'administrateur :

Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience :

16 mai 2013

 

Jurisprudence reçue jusqu’au :

10 juin 2013

 

Lieu d’audience :

Montréal

 

 

Date de la sentence :

17 juin 2013

I : INTRODUCTION : LES FAITS

[1]           Le ou vers le 25 mars 2011, les parties, soit les bénéficiaires et l’entrepreneur, ont signé un contrat préliminaire de vente pour l’achat d’une maison modulaire déjà fabriquée et en montre au Salon de l’habitation de Montréal.

[2]           Le prix de vente indiqué au contrat est de 274 150 $ (avant taxes), incluant une provision de 45 000 $ pour l’acquisition d’un terrain non identifié dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue.

[3]           Ce contrat comporte, entre autres, trois particularités.

[4]           Première particularité : le contrat n’est pas daté. Toutefois, les bénéficiaires ont remis un acompte de 50 000 $ sur l’achat de la maison le 25 mars 2011.

[5]           Deuxième particularité : le terrain n’est pas désigné. Par une provision au contrat de 45 000 $, l’entrepreneur s’engage, sous conditions, à installer l’unité d’habitation sur un terrain choisi par les bénéficiaires.

[6]           Troisième particularité : le contrat ne fait aucunement référence au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, à savoir que ce contrat n’est pas un contrat type de Qualité Habitation clairement identifié et incluant un résumé du texte de la garantie. On verra plus loin qu’au moment du dépôt de 50 000 $ par les bénéficiaires à l’entrepreneur, soit le 25 mars 2011, l’entrepreneur n’était pas encore accrédité auprès du plan de garantie.

[7]           Toujours est-il qu’à l’automne 2011, des différends importants surviennent entre les bénéficiaires et l’entrepreneur relativement à un retard de livraison, à des déficiences non corrigées, à des extras exigés par l’entrepreneur, ainsi qu’au refus de ce dernier de remettre le dépôt de 50 000 $ aux bénéficiaires.

[8]           Le 25 novembre 2011, les bénéficiaires adressent à l’entrepreneur une réclamation de 58 545,97 $, principalement en regard du dépôt de 50 000 $ et en regard d’autres frais connexes.

[9]           Le 29 février 2012, les bénéficiaires intentaient un recours en Cour supérieure contre l’entrepreneur en annulation du contrat de vente, tout en réclamant la remise de l’acompte de 50 000 $.

[10]        Sur la réclamation ci-devant citée des bénéficiaires auprès de l’entrepreneur, l’administrateur, en date du 9 novembre 2012, rendait une décision. Ce dernier fait état d’un certain nombre de considérations et termine comme suit :

CONSIDÉRANT qu’aucun jugement n’a toujours pas été rendu par la Cour Supérieure dans le dossier 615-17-000532-126;

CONSIDÉRANT que si l’administrateur rendait une décision quant à la validation du remboursement d’acompte, ceci confirmerait indirectement l’annulation du contrat et qu’il y aurait un risque à ce que la Cour Supérieure rende un jugement contradictoire;

L’ADMINISTRATEUR REND LA DÉCISION SUIVANTE :

             DE CE QUI PRÉCÈDE, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître la demande de remboursement d’acompte des bénéficiaires dans le cadre de son mandat.

[11]        Insatisfaits de cette décision de l’administrateur, les bénéficiaires, en date du 7 décembre 2012, soumettent le différend à l’arbitrage, tout en limitant la réclamation à 39 000 $, soit le maximum permis à l’article 13.1° du plan de garantie.

[12]        De consentement des parties, l’audience en arbitrage s’est tenue par voie de visioconférence.

[13]        En cours d’audience, les parties ont accordé au soussigné un délai de soixante (60) jours à compter de la date de réception finale des documents jurisprudentiels et doctrinaux pour rendre sentence dans la présente affaire.

II : POSITION DES BÉNÉFICIAIRES

[14]        Selon le procureur, deux facteurs principaux motivent la décision de l’administrateur quant au refus de rembourser l’acompte.

[15]        Le premier facteur invoqué par l’administrateur, c’est qu’en date de la signature du contrat, l’entrepreneur n’était pas accrédité au plan de garantie; en effet, le dépôt de 50 000 $ a eu lieu le 25 mars 2011, alors que le 22 mars 2011, l’administrateur, dans une lettre adressée à l’entrepreneur, indiquait qu’il était toujours en attente de documents pour poursuivre l’étude du dossier, et alors que le 8 juin 2011, l’administrateur, dans une autre lettre, confirmait l’accréditation de l’entrepreneur.

[16]        Le procureur entend démontrer que la décision de l’administrateur était erronée parce que ce dernier n’aurait pas dû prendre en compte la date de signature du contrat, mais plutôt la date du sinistre qu’ont subi ses clients, soit le 25 novembre 2011, au moment où on a refusé de rembourser leur acompte.

[17]        À cet égard, le procureur cite l’article 2481 du Code civil du Québec :

2481. Une personne a un intérêt d'assurance dans un bien lorsque la perte de celui-ci peut lui causer un préjudice direct et immédiat.

L'intérêt doit exister au moment du sinistre, mais il n'est pas nécessaire que le même intérêt ait existé pendant toute la durée du contrat.

[18]        Dans le présent cas, les clients sont les bénéficiaires de l’assurance, l’assuré étant l’entrepreneur.

[19]        Le sinistre provient de l’événement; les bénéficiaires jouissent de la couverture, car le refus de paiement de l’acompte constitue un événement, et ce dernier constitue un sinistre; donc, l’on ne doit pas s’attarder à la date de signature du contrat, mais plutôt à la date du sinistre, alors que ses clients bénéficiaient du plan de garantie.

[20]        Le procureur rappelle les faits, en se référant à la requête introductive d’instance en dommages et intérêts ré-réamendée, en date du 11 janvier 2013.

[21]        Il s’agit d’un module préfabriqué, exposé au Salon de l’habitation de Montréal, à être transporté sur un terrain à Val-d’Or.

[22]        Sur le chantier, des modifications sont apportées, notamment l’addition d’un garage, etc.

[23]        À l’automne 2011, les parties ne s’entendent plus sur le prix final, et les bénéficiaires décident d’acheter une autre maison.

[24]        Toutefois, un jugement de la Cour supérieure, en date du 6 juin 2012, fait en sorte que les bénéficiaires ne peuvent vendre la maison à l’origine du présent litige.

[25]        En conclusion, les bénéficiaires décident de ne plus acheter la propriété et ils demandent un remboursement d’acompte, ce qui est refusé par l’entrepreneur; ils se retrouvent alors sans maison ni acompte. S’agissant d’une maison neuve, les bénéficiaires font appel à la garantie.

[26]        Le procureur admet qu’il s’agit d’une interprétation du mot « sinistre » au sens large, car au moment du sinistre, les bénéficiaires étaient couverts par la garantie.

[27]        Le procureur soutient qu’au moment du contrat, l’entrepreneur livre une maison qui doit être couverte par le plan de garantie; à aucun moment, les bénéficiaires ne sont informés que l’entrepreneur n’est point enregistré à La garantie Qualité Habitation; l’absence de documents pertinents lors de la signature du contrat n’est pas imputable aux bénéficiaires.

[28]        Le procureur est d’avis que cette garantie existe et que ses clients croient qu’elle existe, qu’il y ait référence ou non au contrat.

[29]        À la suite de la décision de la Cour supérieure en juin 2012, l’entrepreneur a pu revendre ladite maison à un autre acheteur.

[30]        Le deuxième facteur invoqué par l’administrateur pour refuser la réclamation des bénéficiaires est la crainte de deux décisions contradictoires entre celui-ci et la Cour supérieure.

[31]        Le procureur soutient que cette crainte est non fondée, car si les bénéficiaires ont gain de cause en arbitrage pour un remboursement maximum de 39 000 $ de leur acompte, cette somme serait réduite du même montant en Cour supérieure suite à la requête introductive d’instance en dommages et intérêts.

[32]        D’autant plus que cette requête a fait l’objet d’une décision intérimaire de la Cour supérieure (6 juin 2012), laquelle ordonne la radiation de la conclusion suivante de cette requête, soit la confirmation de la vente survenue le 25 mars 2011.

[33]        En réplique, le procureur souligne que l’objectif principal du plan de garantie est la protection du client.

[34]        Affirmer qu’un dépôt n’est pas protégé va à l’encontre du plan de garantie.

[35]        Au moment où l’entrepreneur est accrédité, la construction n’est pas encore terminée; ainsi, l’accréditation est survenue durant la construction.

[36]        Citant l’article 1431 du Code civil du Québec, le procureur est d’avis que l’interprétation doit être faite d’une large façon. Il fait remarquer que la Cour supérieure n’est pas une spécialiste du plan de garantie et sa décision de juin 2012 est une simple révision de la requête introductive d’instance en attente de la sentence arbitrale; cette dernière sera tenue en compte par le juge qui ne pourra rendre une décision contradictoire.

[37]        La source de droit pour le tribunal d’arbitrage est le contrat de garantie, la source de droit pour la Cour supérieure étant les extras contractuels.

[38]        À l’appui de son argumentation, le procureur des bénéficiaires a soumis la jurisprudence suivante :

        Gagné c. Le Groupe La Laurentienne et La Prévoyance, compagnies d’assurance, C. A. 200-09-000637-857, juges Bernier, Chouinard et Bisson, 1990-07-12 (AZ-90011854).

        Desbiens c. Constructions Sylmat inc., 2011 QCCS 5121 ( AZ-50790866 ).

III : POSITION DE L’ENTREPRENEUR

[39]        En réplique à la prétention des bénéficiaires, le procureur soumet que la notion de sinistre est du domaine de l’assurance, alors que dans le présent dossier, il s’agit du plan de garantie, tel que stipulé à l’article 143 dudit plan :

143.  Seuls les bâtiments dont le contrat préliminaire ou le contrat d'entreprise est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter de la date de l'entrée en vigueur du présent article sont couverts par la garantie.

[40]        Pour être assureur, il faut détenir un permis; ainsi, tous les articles du Code civil du Québec qui ont trait à l’assurance ne peuvent s’appliquer ici.

[41]        À la Cour supérieure, les bénéficiaires ont déposé une requête introductive d’instance en dommages et intérêts, tandis que l’entrepreneur a déposé une défense et demande reconventionnelle.

[42]        Le contrat préliminaire a été signé au Salon de l’habitation, alors que les parties n’avaient aucune idée de l’endroit où la maison serait localisée; sur ce contrat, un montant de 45 000 $ est prévu pour le terrain.

[43]        Ultérieurement, le terrain choisi par les bénéficiaires a nécessité un déboursé de 62 000 $ par l’entrepreneur et a été acquis d’une entreprise qui n’a rien à voir avec ce dernier.

[44]        Dans le présent dossier, on ne peut invoquer le plan de garantie, car l’entrepreneur, au moment de la signature du contrat, n’est pas accrédité à ce plan, d’autant plus qu’il s’agit d’une propriété dont le terrain n’est pas encore acheté.

[45]        Ledit terrain, en pente, a nécessité des déboursés supplémentaires de la part de l’entrepreneur.

[46]        Selon le procureur, la principale question qu’il faut se poser est la suivante : est-ce qu’un contrat de garantie a été émis sur ladite maison par un entrepreneur accrédité?

[47]        Si l’arbitre accueille favorablement la présente demande, l’entrepreneur doit débourser, alors que cette question est déjà en demande devant la Cour supérieure.

[48]        Dans la présente affaire, l’entrepreneur a agi de bonne foi; il a construit selon la demande des bénéficiaires, alors que ces derniers ne veulent plus ce qu’ils ont demandé.

[49]        Il y a chevauchement entre les sommes réclamées au plan de garantie et à la Cour supérieure; par conséquent, le plan de garantie ne peut s’appliquer.

[50]        En réplique, le procureur cite l’article 1 du plan de garantie en regard de la définition de « plan approuvé ».

IV : POSITION DE L’ADMINISTRATEUR

[51]        Dans sa décision, l’administrateur constate que le contrat préliminaire a été signé avant que l’entrepreneur ne soit accrédité au plan de garantie de Qualité Habitation; à cet égard, le procureur cite l’article 143 du plan de garantie, lequel spécifie que seuls les bâtiments dont le contrat est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité sont couverts par la garantie.

[52]        De plus, l’administrateur fait preuve de déférence, parce que sa décision et celle d’un juge de la Cour supérieure pourraient être contradictoires; en effet, ledit contrat de dépôt a déjà été soumis à cette instance.

[53]        La traite bancaire relativement à l’acompte est en date du 25 mars 2011, alors que l’entrepreneur a été finalement accrédité au plan le 8 juin 2011. L’entrepreneur est donc délinquant en vendant sans être accrédité, et l’entrepreneur n’étant pas accrédité, la garantie ne peut pas s’appliquer sur cette maison.

[54]        Le présent contrat préliminaire n’est pas un contrat type de La garantie Qualité Habitation et il ne contient aucune mention relative au plan de garantie.

[55]        L’administrateur n’a reçu aucun certificat de dépôt.

[56]        Inversement, un contrat type inclut un texte clairement identifié sur la garantie ainsi qu’un certificat de dépôt à l’entrepreneur jusqu’à concurrence de 39 000 $.

[57]        Le procureur soumet que le plan de garantie est une obligation en vertu d’un système d’ordre public du Gouvernement du Québec, ce qui n’est pas le cas pour une assurance; il ne faut donc pas confondre un plan d’assurance avec un plan de garantie.

[58]        L’administrateur ne peut être responsable des obligations de l’entrepreneur avant que ce dernier soit accrédité, car à l’époque de la signature, l’entrepreneur aurait pu être accrédité à un autre plan.

[59]        En second lieu, le présent litige a déjà été soumis à une autre instance, soit par une requête introductive d’instance en dommages et intérêts soumise à la Cour supérieure par les bénéficiaires en février 2012, où l’on demande, entre autres, le remboursement de l’acompte de 50 000 $ et la passation de titre.

[60]        Dans une décision intérimaire, un juge de la Cour supérieure a déjà refusé la passation de titre.

[61]        La réclamation de 50 000 $ étant toujours présente à cette cour, il subsiste une concurrence de 39 000 $ entre cette dernière et le tribunal d’arbitrage.

[62]        Or, ce juge a autorité sur un montant de 50 000 $ et non pas sur un montant de seulement 39 000 $ (montant maximum prévu à l’article 13.1° du plan de garantie); ainsi, seule la Cour supérieure a la possibilité de régler le tout.

[63]        D’autant plus que l’entrepreneur, dans sa défense et demande reconventionnelle à la Cour supérieure, réclame à son tour des montants additionnels.

[64]        Le procureur soumet que le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est d’ordre public en vue de la protection des bénéficiaires en cas de faillite ou de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles.

[65]        Le plan de garantie ne couvre pas les conflits contractuels au niveau du prix de vente; par ailleurs, ce différend est déjà soumis à une autre instance judiciaire. Le procureur est d’avis que cette dispute au sujet du prix concerne un tribunal de droit commun.

[66]        Le procureur demande à l’arbitre de maintenir la décision de l’administrateur.

[67]        Au soutien de ses prétentions, le procureur a soumis le jugement suivant : Garantie habitation du Québec inc. c. Jeanniot, 2009 QCCS 909 .

V : DÉCISION ET MOTIFS

[68]        Même s’il n’y a pas eu de témoignages verbaux lors de l’audience, certaines conclusions s’imposent.

[69]        Le contrat préliminaire signé le ou vers le 25 mars 2011 entre les bénéficiaires et l’entrepreneur fait totalement abstraction du plan de garantie.

[70]        Ce contrat n’est pas un contrat type, et les textes habituels résumant la garantie ne sont pas joints; aucun montant d’argent n’est inclus relativement au coût de cette dernière.

[71]        Ce contrat n’est pas conforme aux articles 132.5°, 132.6° et 143 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

132.  Outre le texte de la garantie prescrite à la sous-section 1 ou 2 de la section II du chapitre II, selon le cas, le contrat de garantie doit comprendre les mentions suivantes:

[…]

  5°    les numéros d'accréditation et de licence de l'entrepreneur et les mots «titulaire d'une licence de la Régie du bâtiment du Québec»;

  6°    le caractère obligatoire de la garantie.

143.  Seuls les bâtiments dont le contrat préliminaire ou le contrat d'entreprise est signé entre un bénéficiaire et un entrepreneur accrédité et dont les travaux de construction débutent à compter de la date de l'entrée en vigueur du présent article sont couverts par la garantie.

[72]        Non seulement il existe cette non-conformité, mais en surplus il y a preuve et admission qu’à la date de la signature, soit vers le 25 mars 2011, l’entrepreneur n’était pas accrédité auprès de La garantie Habitation du Québec inc.

[73]        Même si dans ces circonstances l’entrepreneur est délinquant, il s’agit d’un règlement d’ordre public, et tout consommateur le moindrement averti doit s’informer lors de l’achat auprès d’un fournisseur des conditions minimales de la garantie du produit.

[74]        Or, d’après les écrits reçus par le tribunal et les argumentations des parties, il ressort que les deux parties se foutaient éperdument de l’existence d’une garantie lors de la signature du contrat préliminaire.

[75]        Rappelons que ce dernier a été signé vers le 25 mars 2011; dans une lettre datée du 22 mars 2011, l’administrateur informait en dernier avis l’entrepreneur à l’effet qu’il était toujours en attente de documents afin de poursuivre l’étude du dossier d’accréditation.

[76]        Or, ce n’est que le 8 juin 2011 que l’adhésion de l’entrepreneur auprès de La garantie Qualité Habitation a été confirmée. Entre-temps, l’entrepreneur n’a jamais informé cette dernière du contrat dont il est question dans ce dossier. Ce n’est que le 24 octobre 2012, soit au moment de la réclamation auprès de l’administrateur, que ce dernier a pris connaissance de l’existence de ladite résidence.

[77]        En accord avec le procureur de l’administrateur, le soussigné se demande comment l’administrateur peut être responsable des obligations de l’entrepreneur, alors qu’il n’est même pas avisé de la transaction.

[78]        Le procureur des bénéficiaires invoque l’article 2481 du Code civil du Québec. Cet article se situe dans la cinquième division de ce code, soit les contrats nommés, à la section assurance de dommages des biens.

[79]        Le procureur soutient que l’administrateur, dans sa décision, n’aurait pas dû prendre en compte la date de la signature du contrat, mais plutôt la date du sinistre survenu le 20 novembre 2011, au moment où les bénéficiaires se sont vu refuser leur réclamation sur le remboursement d’acompte et au moment où l’entrepreneur était à cette date accrédité.

[80]        Le soussigné soumet que l’on n’est pas ici en matière d’assurance, mais plutôt assujetti à un plan de garantie qui à lui seul peut résoudre le présent dilemme sans avoir besoin de recourir à d’autres notions.

[81]        D’ailleurs, un bref survol des définitions de « sinistre » ne nous permet pas de conclure qu’un refus d’un droit que l’on croyait posséder constitue un sinistre en termes d’assurance.

[82]        Une décision de la Cour d’appel[1] soumise au tribunal par le procureur des bénéficiaires est entièrement basée sur les articles du Code civil du Québec relatifs aux contrats d’assurance. La Cour d’appel s’est penchée sur l’interprétation de l’article 2576 du Code civil du Québec (de l’assurance maritime) concernant la responsabilité de l’assureur lorsque l’auteur du dommage fait partie ou non de la maison de l’assuré; la Cour soutient que « la responsabilité de l’assureur est engagée dès que survient le risque couvert et ce, peu importe que l’auteur du dommage soit connu ou non »; il s’agissait ici d’une indemnité suite à un incendie, soit un véritable sinistre en terme d’assurance.

[83]        Une autre décision[2] soumise au tribunal par le procureur des bénéficiaires en est une de la Cour supérieure concernant un contrat signé entre des bénéficiaires et un entrepreneur, de toute évidence accrédité au plan de garantie, comme en témoigne cet extrait :

[36]       The Contract is on the standard form document of “La Garantie de maisons neuves (GMN) de l’Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec (APCHQ)” and is considered, amongst others, as a contract of enterprise under the terms of the Civil Code of Québec.

[84]        Même si cette cause est semblable à la présente affaire, il existe toutefois deux différences fondamentales, soit celle de l’accréditation et celle de la concurrence (du moins, la Cour supérieure n’en fait point mention).

[85]        Le soussigné rappelle que la condition de base pour l’application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs réside sur le fait qu’un entrepreneur soit accrédité.

[86]        La présente réclamation concerne un remboursement d’acompte de 39 000 $ (soit le maximum permis par l’article 13.1° du plan de garantie) sur un total de 50 000 $ versé lors de la signature du contrat préliminaire.

[87]        Or, cette même réclamation de 50 000 $ de la part des bénéficiaires est toujours présente à la Cour supérieure, comme en fait foi la requête introductive d’instance en dommages et intérêts ré-réamendée en date du 11 janvier 2013.

[88]        À cet égard, je cite un extrait du jugement de l’honorable Johanne Mainville, j.c.s., en date du 6 mars 2009[3] :

[88]       Or, en l’espèce, la garantie demeure moindre et incluse dans le montant des dommages réclamés par les bénéficiaires devant la Cour supérieure.

[89]       Il n’est pas dans l’intérêt des parties de multiplier les procédures. À cet égard, le Tribunal est d’avis que les principes des articles 4.1 et 4.2 C.p.c. doivent servir de guide à son intervention : proportionnalité, surveillance par le Tribunal pour un bon déroulement de l’instance visant à ne pas perdre du temps et encourir des coûts pour des débats inutiles.

[90]       Compte tenu de l’ensemble des circonstances, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu d’user de la discrétion dont il dispose à l’article 46 C.p.c. et de suspendre les procédures arbitrales jusqu’à ce qu’une décision finale ait été rendue par la Cour supérieure.

[89]        Pour les motifs ci-devant mentionnés, au-delà du fait que le plan de garantie a pour premier objectif la protection du consommateur, le soussigné, dans le présent dossier, ne trouve aucune raison d’intervenir.

[90]        Ainsi, le tribunal :

CONFIRME               la décision de l’administrateur inscrite dans son rapport de conciliation en date du 9 novembre 2012, soit :

                                     « L’ADMINISTRATEUR REND LA DÉCISION SUIVANTE :

                                     DE CE QUI PRÉCÈDE, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître la demande de remboursement d’acompte des bénéficiaires dans le cadre de son mandat. »

Coûts de l’arbitrage

[91]        Conformément à l’article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’arbitre départage les coûts du présent arbitrage comme suit : cent dollars (100,00 $) à la charge des bénéficiaires, le solde à la charge de l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 17 juin 2013.

 

 

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre

 



[1]     Gagné c. Le Groupe La Laurentienne et La Prévoyance, compagnies d’assurance, C. A. 200-09-000637-857, juges Bernier, Chouinard et Bisson, 1990-07-12 ( AZ-90011854 ).

[2]     Desbiens c. Constructions Sylmat inc., 2011 QCCS 5121 ( AZ-50790866 ).

[3]     Garantie habitation du Québec inc. c. Jeanniot, 2009 QCCS 909 .