TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide du
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Canada
Province de Québec
Dossier no: S22-022301-NP
CORPORATION IMMOBILIÈRE DOMICIL INC.
Demandeurs - Entrepreneur
c.
MANON GAUTHIER ET PATRICK St-Pierre.
Défendeurs - Bénéficiaires
Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc.,
ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie
La Garantie Habitation du Québec inc.
Administrateur
________________________________________________________________
DÉCISION ARBITRALE
________________________________________________________________
Arbitre : Me Jean Philippe Ewart
Pour les Bénéficiaires:
Mme Manon Gauthier et M. Patrick St-Pierre
Pour l’Entrepreneur:
M. François Barnabé, président
Pour l’Administrateur:
Me Martin Thibeault, Thibeault avocat inc.
Dates de l’Instruction: 22 août 2022
Date de Décision : 16 mars 2023
Identification des Parties
entrepreneur:
CORPORATION IMMOBILIÈRE DOMICIL INC.
Attention: M. François Barnabé, Président
100, Montée des Pionniers
Terrebonne (Québec) J6V 1S8
(« Entrepreneur »)
BÉNÉFICIAIRES :
manon gauthier et patrick st-pierre
[...]
Longueuil (Québec) [...]
(les « Bénéficiaires »)
ADMINISTRATEUR :
RAYMOND CHABOT ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC.,
ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie
La Garantie Habitation du Québec inc.
Attention: Me Martin Thibeault
Thibeault Avocat inc
7333, Place des Roseraies, 4e étage
Montréal (Québec) H1M 2X6
(« Administrateur »)
Introduction et Litige
[2] La réception du Bâtiment est intervenue le 29 août 2014 et c’est l’Entrepreneur qui a requis l’intervention de l’Administrateur par demande initiale de conciliation le 30 octobre 2015 relativement à une déformation de planchers de bois francs.
[3] L’Administrateur, par décision en date du 8 février 2018 (Pièce A-3) [conciliateur et auteur, M. Labelle], (« Décision Adm 1 »), a rejeté une réclamation du seul élément sous analyse, soit le revêtement de plancher, considérant que la dénonciation se devait d’être, sous la version du Règlement alors en vigueur (article 10 para 3), dans un délai raisonnable lequel ne peut alors excéder 6 mois de la découverte de malfaçons non apparentes.
[4] Les Bénéficiaires ont porté la Décision Adm 1 en arbitrage le 8 mars 2018, et notre collègue l’Arbitre Me Jacinthe Savoie a émis une décision sur moyens préliminaires en date du 17 juillet 2019 (Pièce A-4) (« Décision Arb1 ») qui renversait la Décision Adm 1 et considère la dénonciation initiale confirmée et donc dans les délais de découverte au sens alors du Règlement.
[5] Il y a mention à la Décision Adm 1 d’un deuxième motif, sous analyse mais non adjugé, sur lequel le tribunal arbitral conservait alors juridiction référant possiblement à une question de taux d’humidité intérieure du Bâtiment.
[6] En date du 12 décembre 2019, l’Arbitre Savoie rend une décision sur le fonds du litige (Pièce A-6) ( « Décision Arb2 ») ordonnant « … réfection complète des planchers de bois et en corrigeant ou en changeant les appareils des équipements de chauffage / climatisation et d’échangeur d’air… » (appareils tel que plus amplement explicité et défini ci-après « et/ou CVC ou CVCA ») « … afin que le taux d’humidité se situe dans les plages de normalité applicables. ».
[7] L’Entrepreneur effectue des mesures correctrices mais le différent relatif aux taux d’humidité subséquents, et on comprend de la preuve, et conséquemment de la cause de déformation de planchers, n’est pas résolu et l’Administrateur rend une décision datée du 26 janvier 2022 (Pièce A-8) [conciliateur et auteur, M. Arès] (« Décision Adm 2 ») ordonnant à l’Entrepreneur, ou à défaut l’Administrateur, de prendre en charge les travaux correctifs requis selon la Décision Arb2.
[8] Le Tribunal comprend qu’il n’y a qu’un seul Point en litige aux présentes, soit : « Revêtement de plancher : parquet de bois endommagé » et qu’il est soulevé en demande par l »entrepreneur que le problème quoiqu’en en lien avec un taux d’humidité qui ne serait pas dans les plages de normalité est relié possiblement à la performance ou utilisation du système CVC du Bâtiment.
Mandat et Juridiction
[9] Le Tribunal est saisi du dossier en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.08) (« Règlement ») adopté en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1), quant à réclamation pour couverture sous le plan de garantie au Règlement visé par les présentes (« Garantie » ou « Plan »), par nomination du soussigné en date du 14 juin 2022, en remplacement de Me Karine Poulin initialement saisie du présent dossier le 3 mai 2022 (maintenant Hon. K. Poulin, juge, Tribunal administratif du travail -TAT) relativement à une demande d’arbitrage de l’Entrepreneur en date du 23 février 2022 au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) .
[10] Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les Parties et juridiction du Tribunal a donc été confirmée dans le cadre de la présente Instruction.
Pièces
[11] Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur ou déposées au dossier par la suite sont identifiées comme A- avec numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou par la suite à l’enquête en suivi des cotes (et dans le cadre de la présente Instruction, les pièces déposées par l’Administrateur sont référées sous cote DA-); les Pièces des Bénéficiaires sont identifiées sous cote B- (à la présente Instruction, sous cote DB-) alors que les Pièces de l’Entrepreneur sont identifiées sous cote E- (et à la présente Instruction, sous cote DE-), numérotées par le Tribunal dans l’ordre de réception.
Chronologie de l’Arbitrage
[12] Sommaire de la chronologie du présent arbitrage :
2013.10.20 Contrat d’entreprise et garantie (Pièce A-1)
2014.09.29 Formulaire d’inspection préréception (Pièce A-2)
2018.02.08 Rapport d’inspection du Bâtiment
(« Décision Adm 1 ») (Pièce A-3)
2018.05.23 Courriel du procureur de l’Administrateur le 30 octobre 2018 confirmant la date du 30 octobre 2015 comme étant la date de dénonciation du vice allégué.
2018.07.19 Décision arbitrale (Soreconi : dossier 180803001)
(« Décision Arb1 ») (Pièce A-4)
2018.10.18 Rapport d’inspection plancher et qualité d’air (Pièce A-5)
2019.12.12 Décision arbitrale (Soreconi : dossier 180803001)
(« Décision Arb2 ») (Pièce A-6)
2022.01.26 Décision de l’Administrateur (« Décision Adm 2 ») (Pièce A-8)
2022.02.23 Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur quant à la Décision Adm 2 (Pièce A-9)
2022.05.03 Nomination de l’arbitre Me Karine Poulin (maintenant Hon. K. Poulin, TAT)
2002.06.14 Tribunal saisi du dossier en remplacement de l’Hon. K. Poulin.
2022.07.20 Conférence préparatoire fixée pour le 2022.07.21
2022.07.21 Conférence préparatoire
2022.08.08 Transmission par l’Entrepreneur au Greffe de rapports de tests.
2022.08.12 Date limite du dépôt de l’ensemble de la preuve documentaire
2022.08.16 Date limite du dépôt des cahier de sources
2022.08.22 Instruction.
Le Règlement
[13] Le Règlement est d’ordre public tel que confirmé à diverses reprises par notre Cour d’appel [1] et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie qui est inconciliable avec le Règlement est nulle [2] et conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.
[14] La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue [3].
Faits et Éléments d’analyse précédents
[15] La Décision Arb1 relative au délai pour assurer couverture du Plan de déchéance de 6 mois de la découverte pour assurer couverture du Plan tranchait la question de la façon suivante :
« RECONNAÎT que le point 1 du rapport de l’Administrateur a été dénoncé conformément à l’article 10 alinéa 3 du Règlement ;
MAINTIENT sa juridiction concernant le deuxième motif de refus de l’Administrateur quant au point 1 de la décision de celui-ci »
[16] Le Tribunal comprend que la mention d’un deuxième motif à cette décision sous scission pour moyen préliminaires réfère possiblement à une question de taux d’humidité et des équipements et systèmes de chauffage / climatisation et d’échangeur d’air et à une exclusion de couverture de la Garantie par faute des Bénéficiaires (contrôle du taux d’humidité intérieure par utilisation inadéquate par les Bénéficiaires de ces systèmes CVCA).
[17] En date du 12 décembre 2019, la Décision Arb2 sous la plume de l’Arbitre Me Savoie sur le fonds alors du litige (Pièce A-6), énonce les conclusions suivantes utiles à nos fins :
« ACCUEILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires;
ORDONNE à l’Entrepreneur ou, à défaut, à l’Administrateur, de prendre en charge les travaux correctifs quant au point 1 intitulé « revêtement de plancher : parquet de bois endommagé » de la décision de l’Administrateur du 8 février 2018, en procédant à la réfection complète des planchers de bois et en corrigeant ou en changeant les appareils de chauffage / climatisation et d’échangeur d’air afin que le taux d’humidité dans le Bâtiment se situe dans les plages de normalité;
[…]
ORDONNE à l’Administrateur de rembourser aux Bénéficiaires 100% des frais de l’expert Scott Vitus et 40 % des frais relatifs à l’expertise en ventilation de Patrice Lévesque;
[…]
[18] L’Entrepreneur a procédé à l’installation d’un nouveau climatiseur d’un différent tonnage et capacité et de 3 sondes pour valider le taux d’humidité à l’intérieur du Bâtiment. La période de lecture s’est échelonnée de juin 2021 au 17 novembre 2021. Le taux d’humidité durant cette période d’évaluation n’a semble-t-il pas atteint l’objectif d’abaisser suffisamment le taux d’humidité du Bâtiment (Pièce A-7).
[19] Le taux d’humidité n’étant pas conforme malgré le changement de certaines composantes du système de ventilation, l’Entrepreneur affirme qu’il s’est conformé à l’ordonnance et que l’ajout d’un déshumidificateur est à la charge des Bénéficiaires. (Pièce A-7)
[20] L’Entrepreneur a avancé qu’uniquement une fois le taux d’humidité contrôlé et aux normes, l’installation du plancher pourra être effectuée. (Pièce A-7).
[21] Il est approprié de brièvement souligner certains éléments découlant des Décisions Adm 1 et 2 et de rapports inclus à celles-ci, incluant diverses correspondances indiquent des taux d’humidité repris à la Décision Adm 1.
[22] Il y a eu trois (3) visites des lieux de l’inspecteur-conciliateur (et représentants des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur), soit en novembre 2015, août 2016 et décembre 2017 préalablement à la Décision Adm 1. On comprend d’autre part que l’inspecteur-conciliateur a aussi été présent lors d’une visite des lieux le 20 février 2019, la première journée de l’Instruction résultant en la Décision Arb2.
[23] On note, et d’importance, les constats très détaillés des analyses et tests des trois visites de l’inspecteur-conciliateur et auteur des Décisions Adm 1 et 2, Michel Labelle, T.P., et ses conclusions (dont certaines en complet désaccord) quant aux Notes C et D de la Décision Adm 1, incluant citées, les exigences en certaines circonstances de l’orientation des lames de parquet au Code de construction du Québec 2005 – ch. I (art. 9.30.3.2.) et les calculs de puissance requise qui se doivent d’être aux exigences du Code (art. 9.33.5.1. et s/s 9.33.1).
[24] La Décision Adm 1 (note C) (Pièce A-3) inclut une ‘Lettre d’avis technique’ détaillée de ‘Legault-Dubois, Inspection et Expertise de Bâtiment’ (« LD ») du 13 septembre 2017, adressée aux Bénéficiaires (« Avis LD 2017 ») quant :
aux analyses du CVC, tests, thermographie, détecteur d’humidité utilisés (lecteur ambiant et de planchers de bois franc), et
retrait d’une partie de plancher pour analyse de l’installation et des matériaux du plancher et sous-plancher,
revue des recommandations du fabricant des lames de parquet,
avis qui, nonobstant ses énoncés et conclusions, indique que celui-ci ne constitue pas un rapport complet ni un rapport d’expertise technico-légale.
[25] Le Tribunal aux présentes ne peut considérer les opinions ou recommandations de cet avis comme un rapport d’expertise entre autres alors que celui-ci indique ne pas être un rapport complet et de plus qu’il n’a pas le bénéfice de la présence ou disponibilité de l’auteur pour caractérisation et/ou interrogatoire et contre -interrogatoire.
[26] L’Avis LD 2017 fait référence entre autres :
à l’utilisation en été du VRC (ndlr : défini ci-dessous) en mode échange à haut débit qui selon LD introduit de façon constante un air humide extérieur, et
à la puissance de l’appareil de climatisation (constat d’un climatiseur de 60 000 BTU (5 tonnes) et commentaire d’une surpuissance – surdimensionnement qui résulterait en des cycles de refroidissement très courts et une condensation de l’humidité par le serpentin de refroidissement - considérant qu’un choix de 30 000 BTU (2.5 tonnes) ‘aurait suffi’.
[27] On note d’autre que des représentants de la firme Mistral Ventilation Inc. (« Mistral ») sont présents lors des visites de l’Administrateur précitées de novembre 2015 et août 2016.
[28] Mistral, que l’on comprend être la firme ayant fourni et installé le système CVC du Bâtiment, avise (Décision Adm 1 - note D, Pièce A-3) sur un calcul que le Tribunal considère surtout théorique et générique qui ne prend pas en considération divers éléments pouvant affecter les circonstances particulières sous étude telles l’orientation du Bâtiment ou une taux d’humidité quelconque [qui découle d’ailleurs du mode de vie des occupants incluant l’utilisation du VRC, etc …], et Mistral la caractérise de règle estimative du pied carré par tonne, ici une superficie de 3000 pi.ca. qui résulte selon Mistral à une puissance estimée de 4.3 tonnes requise. Nous y reviendrons, mais notons d’emblée que même cette règle ne tient pas compte aussi de la superficie en sous-sol.
[29] Mistral est toutefois catégorique (« … il est impensable » ) que 30 000 BTU (2.5 tonnes) puisse satisfaire la demande en climatisation.
[30] La Décision Arb1 est suite à trois (3) jours d’Instruction.
[31] La Décision Arb1 fait mention et bénéficie de rapports et témoignages,
soumis par les Bénéficiaires, de
S. Vitus, inspecteur certifié de la ‘National Wood Flooring Association’ (N.W.F.A.)
P. Lévesque, ingénieur en mécanique du bâtiment, firme Novamech.
P. Cabana, de LD, auteur de l’Avis LD 2017,
soumis par l’Entrepreneur, de
R.. Rocheleau, inspecteur certifié N.W.F.A., Planchers Rochebois inc.
G. Yetisgen, ingénieur, Building Consultants S.E.N.C.
et de la présence de l’inspecteur-conciliateur, Michel Labelle, auteur des Décisions Adm 1 et 2 et tel que mentionné ses constats à ces décisions.
[32] Les rapports dont mention aux décisions précédentes et inclus au présent Cahier de l’Administrateur, et témoignages décrits à la Décision Arb2, et les témoignages et preuve documentaire lors l’Instruction dont découle les présentes sont chacun pris en considération, tenant compte toutefois de l’absence des auteurs de rapports antérieurs lors de notre Instruction.
[33] Le présent Cahier de l’Administrateur inclut (Pièce A-5, en liasse) le rapport de S. Vitus (20 avril 2018) - et son addendum du 19 octobre 2018 (collectivement « Rapport Vitus ») qui adresse le rapport de P. Lévesque, Novamech et commente que le fabricant des lames de parquet indique une planche d’humidité entre 37% et 50% et, si non contrôlée, peut annuler la garantie du fabricant.
[34] La Pièce A-5, en liasse, comporte aussi un rapport de P. Lévesque, ing. Novamech, Consultant en mécanique du bâtiment (avec tous égards, pour uniquement alléger le texte « Lévesque ») du 19 octobre 2018 (dont visites d’inspection des 22 mai et 10 octobre 2018) (« Rapport Lévesque ») et un Avenant No. 1 à un rapport de R. Rocheleau (du 3 octobre 2018) (« Rapport Rocheleau »).
[35] Les Rapports Vitus et Rocheleau s’adressent plus particulièrement à l’état et l’installation de planchers de bois francs, et des recommandations pour installation alors que le Rapport Lévesque s’adresse au choix de HVAC et des conditions d’humidité au Bâtiment et de l’interrelation entre les différentes composantes et capacités de ces installations.
[36] La Décision Arb2 fait aussi référence au rapport de G. Yetisgen, ing. (Building Consultants SENC - mandaté par l’Entrepreneur) et résume son témoignage (incluant en contre-interrogatoire. Il est indiqué à la Décision Arb2 que la première inspection du Bâtiment par cet expert est au 20 février 2019 alors que le Rapport de Building Consultants, co-signé par G. Yetisgen et I. Saumur est daté du 27 avril 2018 (« Rapport Yetisgen »).
[37] Le Rapport Yetisgen (6p. et 33 pp. d’annexes – dont tableaux et graphiques, et informations et spécifications détaillées sur les équipements HVAC) est intitulé ‘Rapport sur les capacités de l’unité de climatisation existante et étude sur les facteurs potentiels d’humidité’ et on peut comprendre qu’il a été rédigé sans alors visite des lieux.
[38] G. Yetisgen considère qu’il ne faut pas changer le système de 5 tonnes HVAC, et que si l’Appareil avait une capacité de 3 tonnes « … ça pourrait aider le problème d’humidité mais ça en causerait un de température ». Il y aussi une référence au système à deux vitesses proposé par Lévesque qui « pourrait régler le problème, mais il n’en a pas vu beaucoup de ce type d’installation dans le secteur résidentiel ».
[39] Cette référence à système à deux vitesses, se retrouve au Rapport Lévesque (Pièce A-5, p. 24).
Faits Pertinents
[40] En suivi de la Décision Arb2, la preuve est non contredite que l’Entrepreneur a remplacé le HVAC (voir définition ci-dessous) de 5 tonnes initialement installé. Toutefois, la preuve n’est pas aussi claire relativement au choix et arguments de l’Entrepreneur sur le remplacement. Nous y reviendrons.
[41] En suivi de la Décision Arb2, et suite à l’installation et mise en marche du CVCA de remplacement (par l’Entrepreneur) du système CVCA initialement installé, l’Entrepreneur installe 3 sondes à l’intérieur du Bâtiment et précède à des lectures quotidiennes de juin 2021 au 17 novembre 2021. Les sondes (capteurs) sont installées au rez-de-chaussée cotés droit et gauche, et à l’étage.
[42] Les résultats sur une base quotidienne sont présentés (Pièces A-7, en liasse, et E-2) sous tableau mensuel de l’Entrepreneur datée du 19 novembre 2021 :
[43] En Pièce A-7 est joint sous pli par l’Entrepreneur une représentation graphique mensuelle, avec segments hebdomadaires et graphisme journalier ainsi que les rapports numériques journaliers (à 16H06) – (l’Entrepreneur indiquant disponibilité aux Bénéficiaires de rapports sur des lectures de quotidiennes différentes et a transmis au Tribunal à sa demande, pré-Instruction, des exemples à 12h00).
[44] On comprend (utilisant comparativement les pièces A-7 et E-2) que nonobstant que tous les relevés sous A-7, sont identifiés avec un signe de pourcentage (%) sur ces relevés quotidiens, certains représentent des données en centigrades (C0 ).
[45] Les relevés rapport horodatage quotidiens indiquent : température, H.R. (humidité relative), point de rosée, et VPD (kPa) soit selon le Tribunal le déficit de pression vapeur (VPD : Vapor pressure deficit) et que pour cette donnée pour nos fins mentionnons simplement que le VPD est un différentiel (déficit) entre la pression générée de l’humidité à des conditions d’intérieur (fixes) et la pression à saturation – ce qui signifie pour nos fins que le VPD est inversement proportionnel à l’humidité relative à un température de l’air statique (déterminée).
[46] Les rapports graphiques visent le degré d’humidité relative par capteur, avec minimum, moyenne et maximum.
[47] Le Tribunal note toutefois qu’il y a quelques différences de lecture entre les moyennes, minimum et maximum des taux d’humidité au tableau versus ceux des rapports horodatage et que les relevés graphiques démontrent des pointes de taux d’humidité plus élevés tel à l’étage de 66-67% en juillet-août et de 75-76% en septembre et octobre (avec en certains cas un nombre de jours en continu avec des taux plus élevés que la moyenne calculée).
[48] Ces constats du Tribunal sont pour illustrer la complexité de ce type de calculs, tant aux heures de captation, que des étages d’un bâtiment, que différents autres facteurs que le Tribunal souligne autrement aux présentes. Je répète la bonne foi et transparence de l’Entrepreneur ne sont pas en cause, au contraire.
Analyse et Motifs
Liminaire
[49] Tel qu’indiqué précédemment, le Tribunal comprend qu’il n’y a qu’un seul Point en litige, soit : « Revêtement de plancher : parquet de bois endommagé » et que le problème serait en lien avec un taux d’humidité qui ne serait pas dans les plages de normalité et relié possiblement à la performance ou utilisation du système CVC du Bâtiment.
[50] L’Entrepreneur souligne, dans son choix de remplacement du HVAC qu’il a suivi les recommandations de l’expert des Bénéficiaires sous la Décision Arb2, alors que les Bénéficiaires répondent et ceux-ci allèguent que cet expert a été caractérisé d’expert par le tribunal à la Décision Arb2 et donc n’est pas ‘leur’ expert mais celui du tribunal.
[51] Cet allégué des Bénéficiaires est incorrect. Un expert mandaté/retenu par une partie n’est pas un ‘expert du tribunal’ [i.e. expert nommé (commis) par le Tribunal, art. 234 -236 C.p.c]. La caractérisation d’expert de l’auteur d’un rapport déposé est requise afin que le Tribunal puisse prendre en considération non seulement les faits rapportés mais alors aussi les opinions de celui-ci (à la seule discrétion du Tribunal – et encore plus dans des circonstances de rapports contradictoires), mais sans plus.
[52] La mission d’un expert est d’éclairer avec impartialité et rigueur le Tribunal dans sa prise de décision (art. 235 C.p.c.), ce qui prime clairement sur l’intérêt d’une partie qui a retenu ses services.
[53] Toutefois, la preuve au dossier (Rapport Lévesque) ne permet pas au Tribunal de cerner l’approche de l’Entrepreneur qu’il a suivi les recommandations de l’expert des clients [i.e. Lévesque] (inter alia correspondance 19 novembre 2021 de l’Entrepreneur aux Bénéficiaires Pièce A-7, en liasse).
[54] En effet, une analyse du Rapport Lévesque constate une surcapacité de refroidissement en été et cause de l’augmentation de l’humidité relative, mais offre selon le Tribunal des alternatives alors que l’on lit :
« La modification de conduits problématiques et/ou l’ajout d’un ventilateur ‘booster’ est donc requise. »
« L’ajout de l’air neuf en provenance du VCR suggère l’utilisation d’une capacité de 3.5 tonnes.»
« Selon l’utilisation ou non du VCR par les occupants ([…]) un bon compromis serait l’utilisation d’un groupe condensateur/compresseur à deux vitesses. »
« Une autre option serait de remplacer […] par une plus petite capacité ajustée … » [ndlr : sans mention de cette capacité].
[55] En suivi de son commentaire que le contrôle ‘Platinum’ est en erreur (vs thermostat Honeywell) – et soit de procéder à ajustements ou remplacement, on lit aussi :
« Il est aussi possible d’installer un autre modèle de contrôleur avec lequel on pourrait fixer le taux d’humidité relative maximum voulue … »
[56] L’Entrepreneur indique dans un cadre de la preuve, non-contredite, qu’une entente quant aux corrections des travaux a été proposée et acceptée par les parties (Pièce A-7, en liasse; Pièce E-2). En effet, le Tribunal est aussi d’avis qu’une réfection des planchers de bois francs requiert pour pérennité que le taux d’humidité du Bâtiment soit contrôlé.
[57] Dans les circonstances procédurales de ce dossier, tel que souligné précédemment, il ne s’agit pas de remettre en question les conclusions et ordonnances de la Décision Arb2 mais de répondre en suivi de la Décision Adm 2 à la question additionnelle soit les obligations de l’Entrepreneur aux présentes et la question de la responsabilité d’installation et coût d’un déshumidificateur pour corriger la situation, s’il en est.
[58] En tout premier lieu, le Tribunal désire souligner l’analyse minutieuse de l’Arbitre Me Savoie de la preuve qui lui fut présentée, incluant les témoignages rendus dans le cadre de la Décision Arb2.
[59] De même, il y a eu un nombre important de rapports et avis à ce dossier, et selon le Tribunal une approche de bonne foi de l’Entrepreneur et de transparence de collaborer à chaque étape de ce processus. De même, le Tribunal reconnait le passage du temps pour les Bénéficiaires aux préjudices avancés et à ce même processus.
Équipements CVC - HVAC
[60] L’industrie utilise certaines expressions pour identifier les appareils et équipements de chauffage / climatisation et d’échangeur d’air, soit entre autres chauffage, ventilation et climatisation, ou « CVC » ou « CVCA » pour chauffage, ventilation et conditionnement de l'air qui inclue un ‘échangeur d’air’ (en abrégé aussi « HVAC », expression largement utilisée – même dans différents textes en français).
[61] Un échangeur d’air est (i) généralement de type ventilateur récupérateur de chaleur (« VRC ») [quoique certains sont sans noyau de récupération de chaleur -ce qui semble moins adapté au Québec] et (ii) pour certains une centrale de traitement de l'air, sous l’acronyme « CTA », et (iii) est généralement une ventilation électrique indépendante composé d'un moteur et d'un filtre qui permet un changement d’air périodique à l’intérieur d’une résidence où on introduit de l’air extérieur et expulse l’air vicié. Ce système permet d'assainir l'air intérieur et vise surtout à régler le taux d'humidité intérieur.
[62] Il y a clairement un certain chevauchement entre CVC et CTA et certains considèrent qu’une CTA fait partie du système CVC, soit que la CTA est conçue pour conditionner l'air qui est traité dans le système CVC. Pour nos fins, nous utiliserons au même effet les expressions CVC, CVCA ou HVAC.
Déshumidificateur
[63] Un déshumidificateur vise à réduire le niveau d’humidité (taux d’hygrométrie). Le tout se fait en aspirant l’air à l’intérieur de l’appareil et en retirant l’excès d’humidité qui s’y trouve, pour ensuite le resouffler à l’intérieur de la maison.
[64] Un déshumidificateur peut être à condensation (puissant, consommation maîtrisée d’électricité, niveau sonore généralement jusqu’à 50 dB) ou absorption (absorption par un matériau qui assèchera l’air, relativement silencieux mais possiblement moins efficace à des taux et conditions d’humidité très élevés).
[65] L’approche générale semble s’adresser à un déshumidificateur installé dans une pièce d’une résidence et dont le choix est dirigé entre autre par la superficie de la pièce et la température ambiante.
[66] Il existe aussi des modèles conçus pour répondre aux besoins d’une maison entière, mais certains acteurs de l’industrie HVAC soulignent que ceux-ci ne devraient être utilisés que dans un climat très humide, ou si vous avez une très grande résidence.
Déshumidificateur versus climatiseur
[67] Il y a déjà une complexité significative à la conception et réalisation d’un système HVAC dans un bâtiment que ce soit entre autres:
orientation du bâtiment qui a un effet sur la température ambiante,
qualité des luminaires,
qualité de l’isolation thermique (tant murs que fenêtres, …)
[68] Tel que souligné à la preuve d’autre part, les habitudes de vie des occupants peuvent avoir des conséquences sur une augmentation du taux d’humidité ou le réduire (utilisation de la hotte de cuisinière, ventilateur de salle de bains, …).
[69] Il y de même des discussions à la preuve sur les options, fonctionnalités et paramètres du système de réglage du HVAC et on ne peut éliminer la possibilité que l’ajout d’un système pour déshumidificateur (tels sécurité anti-débordement ou évacuation des condensats, vitesses de ventilateur, périodes de mise en marche ou en continu, …) pourrait complexifier davantage la coordination de l’ensemble.
[70] Pour les raisons et motifs ci-dessous, ce n’est pas au Tribunal de faire ce choix entre modifications aux HVAC ou installation de déshumidificateur(s), car quoique le Tribunal a sous le Règlement le pouvoir de fixer des travaux correctifs, l’Entrepreneur demeure avec le choix des méthodes d’exécution des travaux correctifs.
[71] Il y a une différence de base entre un déshumidificateur qui principalement travaillent sur le taux d’humidité alors qu’un climatiseur effectue un travail mécanique plus complexe et affecte la température de la maison principalement en introduisant de l’air froid - mais un HVAC peut aussi avoir une fonction sèche et donc fonctionner comme déshumidificateur, alors que l’inverse n’est pas possible.
Obligation de l’Entrepreneur : obligation de résultat
[72] Pour nos fins, notons tant au contrat d’entreprise ou de vente, l’application réciproques de diverses règles qui découlent de chacune de ces circonstances; en effet, la garantie prévue par 2120 C.c.Q. est applicable au contrat d’entreprise, ou au contrat de vente par l’effet de l’art. 1794 C.c.Q. (et au même effet pour le promoteur immobilier tel que prévu à l’art. 2124 C.c.Q.) qui assujetti la vente par un entrepreneur d’un fond et immeuble d’habitation aux règles du contrat d’entreprise relatives aux garanties, alors que la garantie prévue par l’article 1726 C.c.Q. au chapitre de la vente trouve application au contrat d’entreprise par l’effet de l’article 2103 C.c.Q.
[73] Les obligations de l’Entrepreneur sont des obligations de résultat. Quoiqu’il n’y ait pas d’automatisme à ce niveau [4], les auteurs Baudouin et Deslauriers écrivent:
« 39 […] au chapitre du contrat d’entreprise […] le législateur a renoncé à fixer l’intensité de l’obligation de l’entrepreneur […] (sauf pour les pertes ou vices de construction des ouvrages immobiliers [5]» [6]
[74] En effet, le Pr Crépeau (voir note 4 in fine) confirme l’intensité de l’obligation, cité à diverses reprises par la Cour d’appel tant en 2014 dans Hydro-Québec c. Kiewit (para. 401) [7]
« 16. L'obligation de résultat est celle où le débiteur est tenu d'obtenir un résultat précis, déterminé. Il ne s'agit plus, comme dans l'obligation de diligence, d'un résultat envisagé ou souhaité, mais bien d'un résultat promis ou imposé. »
que dans Pasagard Development [8] en 2017 qui stipule:
[80] […] l’entrepreneur est tenu à une obligation de résultat par rapport aux travaux qu’il exécute ou dont il supervise l’exécution par des sous-traitants. Comme le juge a retenu ce niveau d’intensité de l’obligation de l’appelante, il n’avait pas à faire un examen de la faute ou du lien causal. L’appelante avait l’obligation, non pas d’être prudente et diligente dans la réalisation des travaux, mais de fournir des travaux conformes aux règles de l’art.
[citations omises]
[75] Cette obligation pour l’entrepreneur en construction est une obligation qui lui est imposée en vertu de l’article 2100 C.c.Q. (d’ordre public de protection [9]) :
« 2100. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu’ils sont tenus au résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure. » (nos soulignés)
[76] La Cour d’appel en 2017 dans l’arrêt Entreprises de construction Guy Bonneau reprend une jurisprudence constante lorsqu’elle indique :
«En effet, aux termes mêmes du contrat D-1, et bien que les mots « obligation de résultat » n’y soient pas employés, l’appelante s’oblige clairement à un « résultat précis et déterminé » et non pas seulement à fournir les efforts susceptibles de produire un tel résultat. »[10] (nos soulignés)
[77] L’approche doctrinale à l’art. 2100 C.c.Q. cristallise l’obligation de résultat de l’Entrepreneur, non seulement quant aux obligations prévues à la Loi, au contrat et aux plans et devis mais aussi pouvant découler explicitement ou implicitement du respect des règles de l’art et de la conformité aux usages de l’industrie.
[78] Le soussigné souligne cette approche doctrinale dans l’affaire récente (2019) Trigone c Promenades du golf [11], citée par les Bénéficiaires lors de l’Instruction, affaire qui vise un manque de ventilation et par le fait même d’un maintien d’un taux d’humidité relative de l’air ambiant trop élevée et qui découle alors d’une instruction arbitrale précédente ayant considéré que les travaux correctifs effectués n’avaient pas donné les résultats attendus et stipule :
[99] L’obligation de l’Entrepreneur au contrat d’entreprise est généralement une obligation de résultat, non seulement quant aux obligations prévues au contrat et aux plans et devis, mais aussi quant au respect des règles de l’art et de la conformité aux usages de l’industrie, tel que le souligne le Pr Karim :
« […] pour remplir son engagement, l’entrepreneur doit donc, conformément à l’article 2100 C.c.Q., rendre un ouvrage conforme à l’ensemble des documents contractuels et aux obligations pouvant découler explicitement ou implicitement de la loi, des usages et des règles de l’art. En effet, il n’est pas inutile de rappeler que l’obligation de délivrer un ouvrage conforme aux règles de l’art est une obligation de résultat » [12] (nos soulignés)
Les règles de l’art
Définition
[79] La définition des règles de l’art fut déjà en partie abordée par l’arbitre Me France Desjardins, qui se réfère aux définitions fournies par la Régie du bâtiment du Québec dans l’affaire Valiquette et Construction Nordi[13] que j’ai moi-même repris dans l’affaire Blais c. Villas Construction[14] :
«38 (…) Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.
Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :
(Les soulignés sont de l’Arbitre [ndlr : Me F. Desjardins])
39] De fait, ces définitions constituent un résumé de ce que les tribunaux ont depuis longtemps reconnu à savoir : le non-respect des normes reconnues et/ou édictées par l’autorité compétente constitue une malfaçon en ce qu’il ne respecte pas les règles de l’art. »[15]
[80] La Cour Supérieure dans Construction R. Cloutier c. Entreprises CJS [16] en 2007 s’appuie sur les propos du professeur Jacques Deslauriers à ce qui concerne la définition des règles de l’art :
129 « Dans son traité « Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service[17]» le professeur Jacques Deslauriers définit les règles de l’art en matière de construction dans les termes qui suivent :
« Dans le domaine de la construction, les règles de l’art réfèrent à la méthode de travail, à l’emploi judicieux des matériaux approuvés par l’autorité compétente et à l’assemblage des matériaux permettant d’obtenir un ouvrage qui, une fois terminé, remplira les fins pour lesquelles il a été conçu. »
Suivi des normes ou non
[81] Le suivi des normes ou non n’est pas toujours une garantie que l’ouvrage a été fait dans les règles de l’art. Nous reprenons le passage de la décision Genest c. Rénoconstruction SBC où le professeur Beaudoin est cité :
« L’obligation de livrer un ouvrage conforme aux règles de l’art ne signifierait pas pour autant qu’il doive être conforme à toutes les normes de l’industrie, dont les dispositions pertinentes du Code de la construction invoqué par les défendeurs. Comme le mentionne le professeur Jean-Louis Baudouin (précédemment de la Cour d’appel), la jurisprudence est peu uniforme sur le poids réel qu’il convient d’accorder à ces normes:
« Respecter le Code National du bâtiment du Canada n’emporte donc pas une exonération, tout comme y contrevenir ne garantit pas une condamnation» [18]
Règles de l’art - Portée des Codes et Guides de référence
[82] La portée des Codes et des guides de référence de l’industrie a déjà été traité par les tribunaux d’arbitrage sous l’égide du Règlement, incluant par le soussigné dans la décision Constructions Raymond et fils [19] et j’en reprends un passage pertinent ici :
66 Tel qu’établi, l’Entrepreneur a une obligation de se conformer aux règles de l’art. Lesdites « règles de l’art » sont constituées de l’ensemble des techniques et pratiques de construction approuvées. La doctrine reprend d’ailleurs :
« Les règles de l’art s’appliquent à tous les corps de métier (art. 2101 C.c.Q.) et à toutes les étapes de la construction. Elles sont constituées de l’ensemble des techniques et pratiques de construction approuvées et portent sur la méthode de travail, l’emploi des matériaux et leur assemblage».
(nos soulignés)
[83] Le Tribunal fait preuve d’une retenue à l’endroit des normes établies par les guides de l’industrie et autres publications mais retient aussi toutefois que la doctrine et notre jurisprudence sur le sujet nous enseignent d’autre part, quant aux guides d’instruction, normes et autres sources, et plus particulièrement pour nos fins la Cour d’appel dans l’affaire Groulx c Pilacan:
« On trouve souvent des règles de pratique dans les guides d’instructions des fabricants, des normes élaborées par différents organismes, sans qu’aucune de ces sources ne soit obligatoire en soi [20] ni ne lie les tribunaux [21]. […] Il importe de préciser qu’il est possible de déroger aux normes du Code national du bâtiment[22] dans la mesure où une telle dérogation n’entraîne pas une diminution de la qualité de l’ouvrage ou ne pourra pas être perçue comme un vice de construction ou une malfaçon[23]. »[24] (nos soulignés)
[84] Le Tribunal n’est donc pas lié au Code de construction du Québec, quelquefois, le Code du Bâtiment, lequel est maintenant constitué du Code national du bâtiment (CNB) 2015 et des modifications apportées par le Québec [Code de construction du Québec - Chapitre 1, Bâtiment, et Code national du bâtiment - Canada 2015 (modifié Québec)] [25]
Fardeau de preuve
[85] L’entrepreneur tenu à une obligation de résultat est tenu de fournir un résultat précis. L’absence de résultat fait présumer de sa faute.
[86] Dans le cadre d’une obligation de résultat, comme aux présentes, obligation de bonne exécution technique des travaux, malgré que l’Entrepreneur agit avec prudence et diligence, l’absence du résultat fait présumer de la faute et les Bénéficiaires n’ont pas à faire la preuve d’une faute, uniquement de l’absence du résultat prévu.
[87] Les dispositions de l’art. 2100 al. 2 C.c.Q. (précité) stipule que l’Entrepreneur sous obligation de résultat ne peut alors se dégager de sa responsabilité qu’en prouvant force majeure, règle que la jurisprudence souligne, tel cet extrait de notre Cour d’appel dans l’affaire Voie Maritime du St-Laurent et P.G. du Canada c. United Dominion et Canron sous la plume du juge Beauregard :
« Étant donné qu'en principe l'obligation d'un constructeur est une obligation de garantie, l'absence de faute de celui-ci n'a pas de pertinence à l'égard de la réclamation de son co-contractant pour la réparation ou le remplacement de la chose construite.»[26]
et la doctrine est d’ailleurs au même effet :
« Le débiteur d’une obligation de résultat est tenu non seulement d’accomplir un fait, mais aussi de fournir un résultat précis. L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur ou du prestataire de services. Pour engager la responsabilité de ces derniers, le client n’a pas à faire la preuve d’une faute. Il lui suffit de démontrer le défaut au résultat convenu.»[27]
[88] Finalement, notons la règle générale du fardeau de preuve (art. 2803 C.c.Q.); toutefois, dans nos circonstances, les tribunaux nous avisent (de 2102 C.c.Q.) :
« L'article 2803 al. 1 C.c.Q. prévoit que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. En principe, c'est donc sur les demandeurs, qui réclament l'exécution d'une obligation, que repose le fardeau de la preuve. Toutefois, ce principe doit être atténué et distingué en fonction des dispositions de l'article 2102 C.c.Q. » [28]
et de tenir compte de l’art. 2103 al. 2 C.c.Q.:
« Les biens qu’il [ndlr : entrepreneur] fournit doivent être de bonne qualité; il est tenu, quant à ces biens, aux mêmes garanties que le vendeur. »
Pouvoir du Tribunal d’ordonner des travaux correctifs et des vérifications préalables
Ordonner des correctifs
[89] Dans la cause Coupal-Blais c. Villas Construction devant la Cour supérieure (2017) sous laquelle les demandeurs réclament de la défenderesse Villas Construction 2006, la somme de 263 250,98$ alors déjà indemnisée à concurrence du maximum prévu alors au Règlement de 260 000$, la Cour accorde la demande, citant entre autre le soussigné:
« [10] ATTENDU que le 21 octobre 2013 l’arbitre, Me Jean Phillipe Ewart rendait une décision non équivoque établissant les correctifs devant être apportés aux travaux faits par la défenderesse. » [29]
[90] Cette décision de la Cour supérieure fait référence à une décision du soussigné dans Blais et Coupal-Blais c. Villas Construction et Garantie de l’APCHQ. [30] dans laquelle est illustré les deux éléments distincts entre le pouvoir du Tribunal d’ordonner des travaux et le choix d’exécution qui demeure à la discrétion de l’entrepreneur :
« [93] Une distinction se doit d’être faite entre d’une part le choix des méthodes ou modes d’exécution des travaux et, d’autre part, les type et qualité des travaux, de l’ouvrage lui-même - soit au contrat d’entreprise où l’Entrepreneur s’engage à réaliser un ouvrage matériel (art. 2098 C.c.Q.) - deux réalités distinctes qui font dire à l’arbitre Despatis dans l’affaire Rae :
« 117 […] En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver. »
[91] En effet, la Cour d’appel avait confirmée (de nouveau en 2011) ce principe dans l’affaire Rae [31] (sentence arbitrale sous l’égide du Règlement, annulée par jugement de la Cour Supérieure sur révision judiciaire, jugement infirmé par notre Cour d’appel qui rétablit la sentence arbitrale) alors que l’arbitre Me Despatis détermine :
(119) […] si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire […] »
Vérifications préalables
[92] De même, quant à fixer des conditions d’exécution, et pour nos fins des conditions de vérifications préalables avant correctifs, la Cour supérieure dans l’affaire Garantie Habitation et Sotramont sous la plume du juge Dufresne (maintenant de notre Cour d’appel) nous enseigne (dès 2002):
« 91 … L’Arbitre a-t-il, toutefois, excéder sa compétence en imposant à l’entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc? Le Tribunal ne le croit pas.
92. Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d’expert présentée par les parties, l’existence et la nature du vice, l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher. En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi. »
93. Contrairement à ce que plaident les requérantes, l'Arbitre n'avait pas à se convaincre de l'existence d'un défaut de structure pour rendre sa décision. Il pouvait ordonner l'exécution de travaux qui comprennent la vérification préalable de certains éléments de structure. […] » [32]
[93] Dans l’affaire Dumitru c . Immobilier Veridis 1 et Garantie Habitation du Québec (CCAC : S16-072901-NP, 3 mars 2017), l’arbitre Y. Fournier s’appuie sur une décision du soussigné pour de nouveau confirmer le pouvoir d’un tribunal arbitral d’ordonner des vérifications préalables :
[145] Dans le cadre de ses pouvoirs, l’arbitre peut ordonner que les ou des recommandations contenues à un rapport soient suivies. Le Tribunal s’appuie notamment sur la décision de Me Jean Philippe Ewart, dans l’affaire SDC Place Marien (4) c. Développement Allogio Inc. et la Garantie Abritat Inc.. Il écrit :
«[25] Le Tribunal a compétence pour conclure à l’ensemble des fenêtres et portes patio et de pourvoir pour fins des travaux correctifs à ordonnance incluant l’obligation de l’Administrateur dans le cadre des travaux correctifs de vérifier si des infiltrations d’air proviennent des composantes usinées de celles-ci, tel que conformé entre autres par la Cour Supérieure dans Sotramont où, sous la plume du juge Dufresne, J. (maintenant de notre Cour d’appel) … » [avec citations des paras 91 à 93 de Garantie Habitation et Sotramont (citations précitées ci-dessus aux présentes)].
[94] Le soussigné reprend son sommaire dans sa décision arbitrale Trigone (précitée) qui note diverses jurisprudences en appui :
« [117] En sommaire, il s’impose que : (i) les moyens de correction ne doivent pas seulement minimiser une situation problématique mais constituer une solution permanente et définitive [[37]] , et que des travaux correctifs ne doivent pas être que superficiels afin de nier par la suite une responsabilité qui demeure incomber à l’Entrepreneur [[38]], (ii) lorsque requis alors que la cause du préjudice ou du dommage ne peut être clairement identifiée, il y a une obligation de bonne foi de procéder à des vérifications nécessaires à un vice constaté afin d’en déterminer la cause, ce qui permettra de valider les correctifs et méthodes proposées [[39]] et (iii) il ne suffit pas de plaider que les normes de construction sont respectées alors qu’il y a défaillance et préjudice [[40]] […]. »
[[37]] Stéphan Allaire et Claudette Ladouceur c. B & A Construction Ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., CCAC S14-121602-NP, sentence rendue le 7 juillet 2016, para 110. Me Albert Zoltowski, Arbitre.
[[38]] 2433-2553 Québec Inc. c. Mélanie Cabral et François Dionne et La Garantie des Bâtiments Résidentiels de l’APCHQ Inc., SORECONI 11092001, sentence rendue le 21 février 2012, para 44. Me France Desjardins, Arbitre
[[39]] Syndicat de Copropriété Garneau-Rivard c. Développement Covacor Ltée et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., SORECONI 061214001, sentence rendue le 6 septembre 2007, para 39, : Me Robert Masson, ing., Arbitre.
[[40]] Syndicat de copropriété Le Jouvence c. 9187-2903 Québec Inc. et La Garantie Abritat Inc., GAMM 2010-12-016, sentence rendue le 14 juin 2013, para 48. Me Jeffrey Edwards, Arbitre, (maintenant de la Cour Supérieure).
Éléments de vérification et problématiques soulignées.
[95] Lors de l’audience du 22 août 2022, l’expert témoin à l’Instruction, Patrick Lévesque, ingénieur en mécanique du bâtiment, firme Novamech (mandaté par les Bénéficiaires) (quelquefois, en tous égards pour alléger le texte « Lévesque ») (assermenté et Déclaration relative à l’exécution de la mission d’un expert reçue) – seul expert qui a témoigné lors de l’Instruction, mais interrogé et contre-interrogé in extensio par les Parties – a confirmé au Tribunal que le Code du bâtiment ne prévoit pas l’installation d’un déshumidificateur. Selon ce dernier, l’ajout d’un déshumidificateur serait une solution temporaire à un problème permanent. Selon lui, il faut s’attaquer à la source du problème à la place de s’attaquer aux effets négatifs du problème.
[96] L’expert affirme aussi que l’installation d’un VRE (ventilateur récupérateur d’énergie) aggraverait la situation pour le Bâtiment comparativement un VRC (ventilateur récupérateur de chaleur).
[97] Durant son témoignage à l’Instruction, Lévesque explique que la différence observée (Pièce A-5) entre l’entrée d’air et la sortie d’air est importante (entrée à 141 CFM et sortie à 82 CFM). Selon lui, cet état de fait cause une pressurisation du Bâtiment qui force l’air à s’exfiltrer de l’enveloppe de la bâtisse. Il ajoute que l’air peux sortir par des trous de sécheuses, les murs, etc.
[98] L’usage de la maison est considéré normal par tous et cette affirmation n’a pas été remise en question par les parties. L’expert conseil de changer les tuyaux flexibles par des tuyaux rigides qui sont plus performants. Il ajoute que l’échangeur d’air ne semble pas fonctionner correctement et que le Code du bâtiment prévoit aux articles 9.32.3.1 à 9.32.3.4 une différence de débit d’air de plus ou moins 10 %.
[99] Dans le rapport d’expert (Pièce A-5), il est précisé que plusieurs raccordements entre les conduits flexibles ne sont pas faits correctement et que l’isolant est compressé au point où la condensation s’est formée et à dégoutée au sol.
[100] Un ventilateur d’aide (un « booster ») est aussi suggéré par l’expert. Il pourrait permettre d’améliorer la performance des tuyaux flexibles.
[101] Durant son témoignage, l’expert Lévesque mentionne qu’une des causes du problème pourrait se trouver au niveau du contrôleur du système HVAC. Selon lui, le contrôleur ne contrôle pas la bonne chose.
[102] En résumé et sans se prononcer sur la cause du problème, le Tribunal retient que l’expert a identifié plusieurs éléments pouvant être responsables des problèmes et ce dernier a fait plusieurs observations concernant l’efficacité du système, sa conformité au Code du bâtiment et aux règles de l’art, soit entre autre:
Conclusions
[103] Les énoncés qui suivent reprennent entre autres certains des constats du Tribunal décrits à la rubrique ‘Analyse et Motifs’.
[104] On retrouve en littérature un taux d’humidité acceptable en été jusqu’à 60%, mais tel qu’illustré ceci propose un différentiel sur les recommandations aux présentes du manufacturier de plancher.
[105] De plus, c’est l’Entrepreneur qui a fait le choix d’un plancher de bois franc d’érable dont les tolérances à l’humidité peuvent être différentes d’autre choix de bois francs.
[106] La doctrine concrétise cette obligation de résultat de l’Entrepreneur, s’appuyant sur notre Cour d’appel et les écrits de l’Hon. T. Rousseau-Houle (par la suite de notre Cour d’appel) :
« De fait, l’entrepreneur étant normalement considéré comme un expert en construction, il est généralement tenu à une obligation de résultat. »
et conclut d’autre part :
« Au demeurant, il doit compléter les travaux entrepris, même s’il réalise qu’il va subir une perte en ce faisant.»
(nos caractères gras et soulignés)
[107] La Décision Arb2 de l’Arbitre Me Savoie (Pièce A-6 – voir texte complet précité sous la rubrique Faits et Éléments d’Analyse Précédents ) pourvoir à ordonnance :
« … réfection complète des planchers de bois et en corrigeant ou en changeant les appareils de chauffage/ climatisation et d’échangeur d’air afin que le taux d’humidité dans le Bâtiment se situe dans les plages de normalité; »
[108] À première vue, l’Entrepreneur a bel et bien procédé à des modifications en accord aussi avec les considérants et ordonnances de la Décision Adm 2 (subséquemment au changement du système HVAC) sauf celles qui ne peuvent être alors suivies dans l’ordre identifié, i.e. donc ne sont pas exécutables tel que rédigées :
« Par conséquent, l’entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et les correctifs requis, selon les règles de l’art, et l’usage courant du marché pour que le taux d’humidité dans le bâtiment se situe dans les plages de normalité d’ici le 1er mai 2022. »
et qui requiert que les relevés de taux d’humidité soient effectués subséquemment à ces correctifs ‘requis’ afin que :
« Lorsque le taux d’humidité sera dans les plages de normalité, l’entrepreneur procédera au changement des planchers de bois. »
[109] Reprenons, dans une situation hors de l’ordinaire des différends que l’on retrouve généralement sous le Règlement, la problématique devant laquelle se trouve les Parties.
[110] L’Entrepreneur dans une lettre adressé aux Bénéficiaires (Pièce A-7) affirme s’être conformé à la décision rendu le 12 décembre 2019. Il écrit qu’après avoir effectué des travaux correctifs sur le système HVAC, le taux d’humidité reste trop élevé. Il enjoint les Bénéficiaires à installer un système supplémentaire – un déshumificateur - leur permettant de maintenir un taux d’humidité adéquat et ce, à leur frais (Pièce A-7), pour permettre l’installation d’un nouveau revêtement de plancher.
[111] Cependant, le Tribunal ne partage pas l’opinion de l’Entrepreneur quant à ses prétentions de conformité vis-à-vis la Décision Arb2. Bien que le système HVAC fut modifié, les problèmes d’humidité et de revêtement de plancher persistent chez les Bénéficiaires. L’ordonnance de l’Arbitre Savoie, à bon droit, ne demandait pas le changement du système de ventilation, il ordonnait la modification ou le changement du système « afin que le taux d’humidité dans le Bâtiment se situe dans les plages de normalité. »
[112] La preuve n’est pas contredite que le problème d’humidité persiste dans Bâtiment et l’installation du nouveau revêtement de plancher ne pourrait être effectué avec une conformité plus permanente sans que le problème d’humidité soit réglé, tel que je l’ai souligné et que les Parties ont reconnues et convenu.
[113] Le système HVAC présente encore des défaillances tant au niveau de la performance (différentiel CFM entrée/sortie hors normes [définitivement plus élevé que le +/- 10% (précité) au Code du Bâtiment, taux d’humidité élevé,…) qu’au niveau de l’installation dans les règles de l’art (tuyaux flexibles compressés, joints de raccordement mal installés, …).
[114] Certains commentaires au rapports d’expertise déposés d’intérêt pour nos fins regroupent deux sujets principaux, soit (i) le système HVAC, choix, installation et opérations, et les taux d’humidité appropriés, et (ii) l’installation déficiente des planchers et les conséquences des taux sur les planchers, auquel le Tribunal souligne le choix de bois franc.
Le système HVAC et un déshumidificateur
[115] D’une part, et d’importance, on note à la Décision Arb2 :
« [133] Nous croyons que les Bénéficiaires étaient en droit de s’attendre à l’installation d’un système de climatisation/chauffage et un système d’échangeur d’air qui leur permettent de contrôler le taux d’humidité afin qu’il soit dans la plage de normalité et ce, sans nécessité d’un déshumidificateur. »
[116] D’autre part, le Tribunal n’est pas convaincu de l’énoncé de l’Entrepreneur à sa correspondance aux Bénéficiaires du 17 juillet 2017 « … la solution serait l’installation d’un déshumidificateur au système de ventilation … » versus la correspondance de l’Entrepreneur à l’Administrateur du 30 octobre 2015 sous demande de conciliation « … malgré l’installation d’un déshumidificateur au sous-sol, le taux restait tout de même élevé. », correspondances en liasse à la Décision Adm 1, note A.
[117] L’expert Lévesque a témoigné à l’Instruction que la cause est le contrôleur, l’ajout d’un déshumidificateur serait une solution temporaire à un problème permanent, « …ce serait un plaster sur un bobo et le problème va continuer ».
[118] De même, un HVAC peut aussi avoir une fonction sèche et donc fonctionner comme déshumidificateur.
[119] Sous la Décision Adm 2, l’Administrateur arrive à une conclusion (pp. 7 et 8) que :
« Les experts au dossier sont unanimes le taux d’humidité de la maison est de la responsabilité des utilisateurs. »
Le Tribunal lit plutôt que tant par R. Rocheleau que S. Vitus, cités par l’Administrateur, visent le contrôle de l’humidité et non un taux qui découlerait des habitudes de vie des utilisateurs, que l’arbitre Me Savoie à la décision Arb2 très spécifiquement conclu que ce ne sont pas les habitudes de vie des Bénéficiaires qui est en cause – mais ceci n’exclut pas selon le Tribunal une conclusion que le contrôle de la température du Bâtiment et subsidiairement la demande d’un niveau de climatisation par les Bénéficiaires est intrinsèquement relié en partie à la problématique et que l’on ne peut d’autre part prendre uniquement la température intérieure et le taux d’humidité alors observé pour conclure dans les circonstances.
[120] On note que l’Entrepreneur n’a pas seulement changé le HVAC et sa capacité mais aussi le système de contrôle (initialement Emerson, par la suite Honeywell).
Les planchers.
[121] Les experts ont pourvu à diverses conclusions, tels :
S. Vitus [certifié N.W.F.A] (mandaté par les Bénéficiaires) qui identifie divers standards de Silhouette Hardwood pour installation incluant sous-plancher et couche de pose, et des lignes directrices et méthodes d’installation de la NWFA, et souligne plus particulièrement des déficiences relatives au sous-plancher et aux attaches/enclouage (fasteners);
R. Rocheleau [certifié N.W.F.A] (mandaté par l’Entrepreneur): enclouage inadéquat aux murs de terminaison et de départ de pose;
[122] Bien que l’Entrepreneur soit de bonne foi et tente de trouver une solution, la bonne foi n’est pas un moyen d’exonération vis-à-vis une obligation de résultat. Dans la présente affaire, l’absence de résultat persiste.
[123] L’Entrepreneur à le libre choix des moyens d’exécution pour remplir ses obligations contractuelles et la législation[33] est claire à cet effet mais au même effet le Tribunal peut ordonner des travaux correctifs et des vérifications préalables dans un cadre qui permettra à ses ordonnances d’être exécutées selon leurs termes.
[124] La preuve ainsi que les témoignages durant l’audience permettent de conclure que certaines recommandations de Lévesque n’ont pas été appliquées par l’Entrepreneur, telles que :
[125] L’installation du revêtement de plancher n’est pas possible tant et aussi longtemps que le système de ventilation n’est pas adéquat et capable de fonctionner normalement et de maintenir un niveau d’humidité dans les moyennes de normalité à l’intérieur du Bâtiment.
[126] Les problèmes du système de ventilation doivent donc être réglés et ce, de manière permanente avant la pose du revêtement de plancher.
Frais d’Expertise
[127] Lors de l’Instruction, l’expert Lévesque confirme ses frais d’honoraires soit 2.25 heures à taux horaire de 289$/heure plus TPS et TVQ. Le Tribunal accorde ces frais de l’ordre de 650.25$ plus taxes et, en conformité de l’art. 124 al. 2 du Règlement se doit d’ordonner solidairement que ces frais soient remboursés aux Bénéficiaires pour 50% par l’Entrepreneur et 50% par l’Administrateur tel que l’avait d’ailleurs souligné le procureur de l’Administrateur lors de la conclusion de l’Instruction.
[128] Le Tribunal ayant avisé M. Lévesque d’attendre la présente décision avant d’émettre facturation, requiert maintenant d’y pourvoir.
[129] En conformité de l’article 123 du Règlement, les coûts de l’arbitrage aux présentes sont partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
[130] ORDONNE à Corporation Immobilière Domicil Inc (« Entrepreneur ») ou, à défaut, à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc., ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de La Garantie Habitation du Québec Inc. (« Administrateur ») de faire les vérifications nécessaires préalables, tel que proposées au rapport de Novamech, Patrice Lévesque, ing. du 19 octobre 2018 ou identifiés par le Tribunal aux présentes découlant de l’Instruction au présent dossier, et plus particulièrement après une revue de modifier le choix du type de plancher de bois francs qui devra être installé suite aux correctifs du système de chauffage/climatisation et d’échangeur d’air du Bâtiment, soit les vérifications préalables entre autres :
Des modifications doivent être effectuées sur le système de canalisation de tuyaux flexibles (compression des tuyaux) (si non corrigés depuis les inspections ou correctifs apportés précédemment aux présentes);
Les raccordements de tuyaux de ventilation à refaire;
L’analyse de mettre le VRC en arrêt pour la période estivale;
Le changement du contrôleur du système de ventilation pour un contrôleur adapté au système installé, conservant ou non celui-ci (ou ajustements du mode ‘Smart’ et/ou du contrôleur ‘Platinum’ du ventilateur récupérateur de chaleur (« VRC »), ou l’installation d’un autre contrôleur avec fonction permettant de fixer un taux maximum d’humidité relative) – le tout, tenant compte de l’impact, s’il en est, des autres recommandations à vérifier;
Le différentiel CFM entrée/sortie au VCR est hors normes et devrait respecter l’écart de plus ou moins 10 % prévu au Code du bâtiment;
L’installation et utilisation d’un groupe condensateur/compresseur à deux vitesses devrait être analysé (tenant compte de divers paramètres applicables et l’ajout d’une valve d’expansion et un contrôleur de vitesse pour la fournaise) et/ou l’installation et utilisation d’un ventilateur d’aide (« booster »).
[131] ORDONNE que ces vérifications préalables soient effectués préalablement à une décision de l’Entrepreneur d’installer ou non un déshumidificateur, tenant compte que des tests appropriés par sonde et capteurs confirment que le taux d’humidité dans le Bâtiment se situe dans les plages de normalité du type de bois franc choisi pour installation des correctifs de plancher requis.
[132] ORDONNE que l’Administrateur participe a confirmer sur la base des tests, sondes et capteurs, que le taux d’humidité dans le Bâtiment se situe dans les plages de normalité du type de bois franc choisi pour l’installation des correctifs de plancher requis.
[133] ORDONNE, une fois que le taux d’humidité sera confirmé dans les normes, de procéder à la réfection complète des planchers de bois selon les règles de l’art et l’usage courant du marché et tenant compte des instructions et recommandations d’installation du manufacturier de bois franc alors choisi et des déficiences relatives au sous-plancher et aux attaches/enclouage identifiées au rapport du 20 avril 2018 et addendum de Scott Vitus du 19 Octobre 2018 et des normes et lignes directrices de la National Wood Flooring Association (NWFA) lorsqu’applicables.
[134] ORDONNE que les frais d’honoraires de Novamech, de Patrice Lévesque, ing. encourus lors de l’Instruction, soit de l’ordre de 650.25$ plus taxes soient remboursés en conformité de l’art. 124 al. 2 du Règlement aux Bénéficiaires pour 50% par l’Entrepreneur et 50% par l’Administrateur.
[135] ORDONNE en conformité du Règlement que les coûts du présent arbitrage partagés et assumés à parts égales (réparties 50% - 50%) entre l’Administrateur et l’Entrepreneur, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
DATE: 16 mars 2023
_______________________
Me Jean Philippe Ewart
Arbitre
[1] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ c. Desindes, 2004 CanLII 47872 (QC CA) para. 11; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. MYL Développements 2011 QCCA 56, para. 13; Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de) 2013 QCCA 1211 (para. 18), confirmant en appel un jugement de la Cour supérieure confirmant une décision arbitrale du soussigné.
[2] Articles 5 et 139 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs
(L.R.Q. c. B-1.1, r.08).
[3] Idem, articles 20 et 120 du Règlement.
[4] Le Tribunal se fonde, entre autres, sur les critères énoncés par P.-A. CRÉPEAU dans son ouvrage L’intensité de l’obligation juridique, ou des obligations de diligence, de résultat et de garantie, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1989, para n° 16, p.11 - pour déterminer l’intensité de l’obligation dont doit répondre l’Entrepreneur.
[5] Les auteurs référant aux art. 2118, 2119 et 2121 C.c.Q.
[6] BAUDOUIN, Jean-Louis et DESLAURIERS, Patrice, La responsabilité civile, Éd. Yvon Blais, 7e éd., p. 45.
[7] Hydro-Québec c. Construction Kiewit cie, 2014 QCCA 947
[8] 2414-9098 Québec inc. c. Pasagard Development Corporation, 2017 QCCA 1515
[10] 9033-5985 Québec inc. c. Entreprises de construction Guy Bonneau ltée, 2017 QCCA 980, par. 13.
[11] 9211-4388 Québec inc. (f/a/s Les Habitations Trigone inc.) c. SDC promenades du golf 4
2019 CanLII 62611 du soussigné, 24 mai 2019.
[12] KARIM, Vincent, Contrats d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrats de prestation de services et l’hypothèque légale, Éd. Wilson & Lafleur, 2e édition, 2011, para. 248.
[13] Raymond Valiquette et Construction Nordi inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., Me France Desjardins, Arbitre, CCAC S09-141001-NP et S09-091201-NP, 28 avril 2010
[14] Pierre Blais et Diane Coupal-Blais c. Villas Construction 2006 inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Soreconi 120708001 et 132502001, 21 octobre 2013
[15] Raymond Valiquette et Construction Nordi inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., Me France Desjardins, Arbitre, CCAC S09-141001-NP et S09-091201-NP, 28 avril 2010, para 38-39
[16] Construction R. Cloutier inc. c. Entreprises CJS inc., 2007 QCCS 652
[17] DESLAURIERS, Jacques, Vente, louage, contrat d’entreprise ou de services, Montréal, Éd. Wilson et Lafleur, 2005, p.652
[18] Genest c. Rénoconstruction SBC inc., 2017 QCCS 894, par. 92.
[19] MV et Al c. Les Constructions Raymond et Fils inc. et Raymond Chabot Administrateur Provisoire inc., 2018 CanLII 128203, Me Jean Philippe Ewart, S17-061301-NP.
[20] Voir les lois constitutives des corporations professionnelles. En guise d’illustrations, voir : Arsenault c. Coser Construction Inc., [1974] C.A. 651; Paquet c. Construction Godin & Leclerc, J.E. 98-199, REJB 1998-04212 (C.A.); Groupe commerce c. Chabot, AZ-50161688 (2003) (C.Q.).
[21] Voir, à ce sujet, Op. cit. BEAUDOUIN, J.-L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, vol. 2, no 2-19, p. 20.
[22] Paquet c. Construction Godin & Leclerc inc., AZ-98011105, J.E. 98-199, REJB 1998-04212 (C.A.); Groulx c. Habitation unique Pilacan inc., AZ-50452136, J.E.2007-1880, EYB 2007-124477 (C.A.).
[23] Groulx c. Habitation unique Pilacan inc., AZ-50452136, J.E. 2007-1880 (C.A.).
[24] Op. cit. KARIM, V. Contrats d’entreprise, paragr. 264.
[25] VOIR Op.cit. Groulx c. Habitation unique Pilacan inc., (C.A.); Turgeon c. Marseille, 2017 QCCQ 5604, Paras 75, 101-102. (para 75 citant Déziel c. Taché, 2007 QCCQ 10266, para 14 à 16), Ricard c. Boisvert, (1996) 1995 CanLII 10736 (QC CQ), R.L. 555, para 26 à 30 et Stepanian c. Marmor, 2001 CanLII 4 (QCCQ), para 37 et 38.
[26] Administration de la Voie Maritime du St-Laurent et Procureur Général du Canada c. United Dominion Industries Limited et Canron Incorporated (Cour d’appel - No: 500-09-001851-930 (AZ-97011046, p. 14.
[27] Op. cit. KARIM, Contrats d’entreprise, para. 295.
[28] Kirkman c. Gagné 2006 QCCS 2125, para. 53.
[29] Coupal-Blais c. Villas Construction 2006 inc., 2017 QCCS 2360
[30] Blais et Coupal-Blais c. Villas Construction 2006 Inc. et Garantie des Bâtiments Résidentiels neufs de l’APCHQ Inc SORECONI, 120708001 et 132502001, 21 octobre 2013, Me Jean Philippe Ewart, Arbitre.
[31] Construction Réal Landry inc. c. Rae 2011 QCCA 1851
[32] La Garantie Habitation Du Québec Inc. et Sotramont Québec Inc c. Gilles Lebire et Soreconi : Société Pour La Résolution Des Conflits Inc., Cour Supérieure No. 540-05-006049-013, 12 juillet 2002.
[33] Art. 2099 Code civil du Québec.