Arbitrage
En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs LRQ B.1.1-r.02
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC)
Entre Isabelle Boucher et Yanick Duval
(ci-après « les Bénéficiaires »)
C. 9165-7395 Québec Inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
Et Raymond Chabot administrateur provisoire inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie
des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie : 15-055 MB
No dossier CCAC : S15-022002-NP
SENTENCE ARBITRALE
_________________________________________________________________________________________________________
Arbitre : Alcide Fournier
Pour les Bénéficiaires : Me Claudia Bérubé
Pour l’Entrepreneur : Me Jean Rousseau
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date(s) d’audience : 27 avril 2017, 20 mars et 6 avril 2018
Lieu d’audience : 95, boul. Jacques-Cartier Sud,
Sherbrooke
Date de la décision : 28 septembre 2018
Identification des parties
Bénéficiaire :
Yanick Duval et Isabelle Boucher
[...]
Sherbrooke, Québec
[...]
Entrepreneur :
9165-7395 Québec Inc.
Habitations Plus
1545, Rue Vallée -des -Murmures
Sherbrooke, Québec
J1M 0B5
Administrateur :
Raymond Chabot administrateur provisoire inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
7333, Place des Roseraies, bur.300
Montréal (Québec)
H1M 2X6
Me Marc Baillargeon
Historique du dossier
23 avril 2010 : Contrat préliminaire et contrat de garantie
5 juillet et 25 août 2010 : Inspection Novoclimat
30 août 2010 : Contrat de vente
10 septembre 2010 : Formulaire pré-réception
6 février 2012 : Lettre de dénonciation
22 février 2012 : Avis de 15 jours
16 mars 2012 : Lettre de dénonciation
22 mai 2012 : Décision de l’Administrateur
13 juin 2012 : Lettre des Bénéficiaires adressée à l’Entrepreneur
13 août 2012 : Décision de l’Administrateur
(isolation du dessus de la fondation)
8 février 2013 : Inspection supplémentaire
2 avril 2013 : Rapport de Legault-Dubois
10 avril 2013 : Décision de l’Administrateur
3 septembre au 15 octobre 2013 : Travaux effectués par l’Entrepreneur
16 décembre 2013 : Dénonciation des travaux par les Bénéficiaires
16 décembre 2013 : Réponse de M. Dubuc, inspecteur
17 janvier 2014 : Inspection par Martin Calestagne de la ferme TIS
et par M. Sylvain Brosseau de la firme Burex
( voir rapports d’expertises)
4 -7 avril 2014 : Échange de courriels entre Yanick Duval et Jocelyn Dubuc
21 janvier 2015 : Inspection supplémentaire de M. Dubuc
9 février 2015 : Décision de l’Administrateur
20 février 2015 : Demande d ‘arbitrage
2 mars 2015 : Notification de l’arbitrage et nomination de l’arbitre
15 juillet 2015 : Demande à l’Administrateur d’émettre son cahier de pièces
10 décembre 2015 : Nouvelle demande de l’arbitre
26 avril, juin et septembre 2016 : Demandes verbales
18 janvier 2017 : Ordonnance de gestion de l’instance
3 février 2017 : Dépôt du cahier de pièces de l’Administrateur
3 mars 2017 : Décision arbitrale interlocutoire
31 mars 2017 : Rapport complémentaire Legault Dubois
28 avril 2017 : Visite des lieux et début de l’audience
20 mars 2018 : Audience à Sherbrooke
6 avril 2018 : Audience à Sherbrooke
30 août 2018 : Fin du délai pour la production d’une réplique écrite
27 septembre 2018 : Sentence arbitrale
[1] Le 30 avril 2010, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire et un contrat de garantie pour la construction d’un immeuble résidentiel situé sur la rue [...] à Sherbrooke.
[2] Un contrat de vente devant notaire est signé par les parties le 30 août 2010.
[3] Le 10 septembre 2010, le formulaire d’inspection pré-réception est signé par les parties avec mention de travaux à compléter.
[4] Le 6 février 2012, le Bénéficiaire fait parvenir à l’Entrepreneur et à la Garantie une lettre de dénonciation afin de corriger une non-conformité aux plans concernant l’isolation du haut des murs de fondation sur tout le périmètre du condo.
[5] En effet, une copie des plans des fondations et les photographies déposées montrent que l’encoche au haut du mur de fondation est absente et que cette partie des murs n’est pas isolée sur une largeur de 2 pouces et demi.
[6] Le 16 mars 2012, le Bénéficiaire dénonce à l’Entrepreneur et à la Garantie la présence d’un vice de construction et demande une série de modifications.
[7] Le 26 avril 2012, M. Jocelyn Dubuc, inspecteur-conciliateur de la Garantie, inspecte le bâtiment.
[8] Dans un courriel adressé à M. Dubuc, l’Entrepreneur l’informe que le Bénéficiaire a été présent sur le chantier durant toute la construction et qu’il connaît la construction puisqu’il détient une carte d’apprenti- charpentier-menuisier.
[9] L’Entrepreneur admet cependant que « la petite encoche…a été oubliée par le coffreur ».
[10] Le 22 mai 2012, l’Administrateur rend une décision rejetant les demandes concernant :
- Mur au rez-de-chaussée
- Mur de fondation est
- Conduit d’évacuation de gaz radon
- Escalier extérieur avant
- Dimensions du local de rangement au dernier étage
- Puisard à installer dans l’entrée de l’auto
- Aménagement paysager à l’avant du bâtiment
- Pentes de terrain autour du bâtiment
- Demande de compensation financière
-
[11] Cependant, concernant l’isolation du dessus de la fondation, l’Administrateur écrit :
1. Les faits
Le bénéficiaire dit avoir constaté, au cours de l’hiver 2011-2012, que le plancher du rez-de-chaussée était relativement froid au périmètre du bâtiment. Il dit avoir fait certaines vérifications, ce qui lui a permis de constater que le plancher flottant au périmètre du logement du rez-de-chaussée déborde légèrement sur le dessus des murs de fondation.
Lors de l’inspection, nous avons retiré une bande de plancher flottant le long du mur de la façade principale, ce qui a permis de constater qu’il y a effectivement un pont thermique à cet endroit. En fait, la partie du plancher flottant qui excède la dalle se retrouve directement sur le dessus du mur de fondation, sans aucun matériau isolant.
Analyse et Décision ( point 1) :
Selon les dires du bénéficiaire, cette situation d’inconfort aurait été découverte au cours de l’hiver 2011-2012, soit dans la deuxième année de la garantie. Par conséquent, pour statuer sur le point 1, l’administrateur devra se référer à l’article 3.3 du contrat de garantie portant sur le vice caché.
En vertu de cet article, exception faite des travaux de parachèvement et des malfaçons dénoncés par écrit lors de la réception, pour être couvert par la garantie portant sur le vice caché, à savoir :
a) Le vice doit être inconnu du bénéficiaire au moment de la réception ;
b) Le vice doit être caché
a) le vice doit être antérieur à la vente ;
b) Le vice doit être grave au point de rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou diminuer tellement son utilité que les bénéficiaires ne l’auraient pas acquis ou n’auraient pas donné si haut prix s’ils L’avaient connu. La gravité du vice doit d’abord et avant tout s’évaluer en fonction du déficit d’usage, autrement dit, des imitations qu’il pose aux occupants des lieux.
Dans l’affirmative, le vice doit avoir été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à l’administrateur à l’intérieur du délai raisonnable qui a été établi par le législateur et ne doit pas faire partie des exclusions mentionnées à la section 4 du contrat de garantie.
À la lumière des constats effectués sur place, l’administrateur est d’avis que la situation décrite au point 1 rencontre les critères du vice caché au sens du contrat de garantie. De plus, il appert que ce vice caché a été découvert et dénoncé à l’intérieur des délais prescrits au contrat de garantie.
Par conséquent, l’administrateur doit accueillir la demande de réclamation des bénéficiaires à l’égard du point 1.
L’entrepreneur devra donc procéder aux correctifs requis afin d’éliminer ce pont thermique qui rend le plancher inconfortable au périmètre du bâtiment au niveau du rez-de-chaussée.
12] Le 13 juin 2012, le Bénéficiaire met en demeure l’entrepreneur pour la réalisation de travaux correctifs qui lui sont ordonnés par l’Administrateur, et rejette la proposition de l’Entrepreneur de réaliser une isolation par l’extérieur des murs de fondation et exige de l’Entrepreneur une encoche de 3 pouces par 8 pouces au sommet des murs de fondation tel que prévu aux plans initiaux de construction.
[13] Dans sa décision du 3 août 2012, l’Administrateur rend une décision reconnaissant que l’Entrepreneur a une obligation de résultat et que la méthode de correction du vice caché n’est pas déraisonnable et que, de toutes façons, le Bénéficiaire aura un recours si ça ne fonctionne pas.
[14] Cependant, à l’automne 2012, les Bénéficiaires informent l’Administrateur que les travaux effectués par l’Entrepreneur ne sont pas concluants.
[15] Le 30 janvier 2013, la Garantie donne un mandat à la firme Legault-Dubois « afin d’établir des recommandations pour régler le problème de pont thermique identifié au mur de fondation ou, du moins, pour en minimiser les effets. »
[16] Après avoir visité le bâtiment des Bénéficiaires le 27 février 2013, cette firme d’experts émet ses recommandations le 2 avril 2013 :
Recommandations
Pour permettre au mur de fondation d’accumuler suffisamment d’énergie et de maintenir une température suffisamment élevée en périphérie, nous recommandons d’augmenter l’isolation par l’extérieur du mur de fondation.
Le mur doit être isolé de manière à atteindre une valeur isolante d’au moins R 10 et cette isolation doit se prolonger jusqu’à au moins 2 pieds sous le niveau du sol finis par l’extérieur.
Pour ce faire, nous recommandons les interventions suivantes* :
1. Retiré les premiers rangs de bardage de vinyle au bas des murs extérieurs au pourtour du bâtiment ;
2. Retirer l’isolation actuellement en place dans la partie hors-sol de la fondation ;
3. Retirer les dalles de béton vis-à-vis la porte-fenêtre et l’entrée du bâtiment ;
4. Faire une tranchée au pourtour du bâtiment de manière à permettre l’installation d’un isolant rigide de polystyrène d’une épaisseur suffisante pour atteindre R10, jusqu’à 2 pieds sous le niveau du sol ;
5. Un solin devra être installé de manière à permettre un égouttement d’eau adéquat entre le pare-intempéries des murs et l’isolation par l’extérieur de la fondation ;
6. Réinstaller la finition extérieure ;
7. Procéder à un recouvrement de l’isolation dans la partie hors-sol de la fondation ;
8. Refaire les dalles de patio et d’entrée.
* Les étapes séquentielles des travaux peuvent être dans l’ordre déterminé par le constructeur qui effectuera les travaux correctifs.
[17] Tenant compte de ce rapport, l’Administrateur, dans sa décision du 10 avril 2013, ordonne à l’Entrepreneur d’exécuter tous les travaux tels que décrits par cet expert.
[18] Selon la documentation au dossier, les travaux ordonnés par l’expert de la Garantie sont exécutés à l’automne 2013 sous la surveillance de M. Michel Mayer de la Garantie.
[19] Dans son courriel daté du 16 décembre 2013, le Bénéficiaire informe M. Dubuc de la Garantie qu’il constate toujours le même inconfort au pourtour du plancher du bâtiment.
[20] Le même jour, M. Dubuc informe le Bénéficiaire qu’il va venir faire une nouvelle inspection mais après ces vacances ses Fêtes 2013.
[21] Dans sa décision, M. Dubuc affirme qu’il a dû remettre son inspection au 21 janvier 2015, laissant ainsi filer une année complète dans le présent litige.
[22] Entre temps, les Bénéficiaires ont demandé à la firme TIS de réaliser une étude Thermographie spécialisée afin de connaître la situation véritable du bâtiment.
[23] Dans son rapport du 17 janvier 2014, M. Martin Calestagne écrit :
Page 4 : « Nous avons constaté une température intérieure de 10.1 C sur la surface du mur à la jonction du plancher. La température ambiante moyenne dans la cuisine était de 20.9 C et l’humidité relative moyenne était de 43.5%. Lorsque les écarts de température sont suffisamment marqués ( 10 à 15 entre les températures extérieure et intérieure), les pertes de chaleur vont se matérialiser par des écarts de température sur les surfaces des parois. Un écart de 10 C est considéré comme une anomalie thermique. La température extérieure était de -2 C. […] Lorsque les températures extérieures seront plus froides, l’Écart de température sera plus élevé, ainsi de la condensation pourrait apparaître à l’interne et causer des risques de dommages secondaires.
[24] Les Bénéficiaires ont également retenu les services de M. Sylvain Brosseau de la firme Burex qui écrit dans son rapport du 20 mai 2014 :
Page 5 : « Dès nos premiers pas sur le plancher de céramique du vestibule, nous ressentions du froid rapidement, et ce, près du mur de fondation. […]À l’intérieur de la garde-robe du vestibule, à partir d’une ouverture pour accéder à l’entrés d’eau principale, une sensation d’air froid s’y en dégage et nous remarquions que certaines brides de fixation et pièces métalliques sont corrodées, et ce, malgré la récente construction ce qui trahi qu’il y a formation de condensation récurrente favorisant l’oxydation. »
Page 6 à 9 : sensation de froid ressentie au plancher près des murs extérieurs dans les pièces suivantes du logement du rez-de-chaussée : salle à manger, cuisine, salon, 2 chambres à coucher, chambre des maîtres et pièce de remisage.
Page 10 : dans la salle mécanique, « une section du mur de fondation est directement exposée créant alors un pont thermique ce qui ne respecte d’aucune façon les exigences de Novoclimat » . (voir photos)
Page 13 : ¨En retirant la bande de départ du déclin de vinyle, nous constations que le solin est directement fixé sur la fourrure de bois ce qui favorisera la dégradation prématurée derrière l’isolant puisque l’eau pourra s’infiltrer progressivement au fil des années. « (voir photos)
[25] Ainsi les 2 experts engagés par les Bénéficiaires notent une « anomalie thermique » sur le plancher de toutes les pièces et ce, près du mur de fondation.
[26] Le 9 février 2015, l’Administrateur rend sa décision à l’effet « que le problème de pont thermique qui rendait le plancher du rez-de-chaussée inconfortable le long des murs est maintenant réglé. »
[27] Évidemment, les Bénéficiaires réfutent cette prise de position de l’Administrateur et à l’audience tenue à Sherbrooke le 28 avril 2017, le Bénéficiaire affirme que, malgré les travaux réalisés par l’Entrepreneur, il ressent toujours l’inconfort qu’il a dénoncé pour la première fois le 6 février 2012, soit il y a plus de 5 ans.
[28] D’ailleurs, M. Nadeau, locataire au 2885 depuis le 1 er juin 2016, avec sa femme et ses deux enfants, est venu témoigner à l’effet qu’ils éprouvent les mêmes problèmes que ceux dénoncés par M. Duval, et même qu’une pièce a été transformée en salle de jeux parce qu’elle était trop froide pour être utilisée comme une chambre à coucher.
[29[ Le 20 mars 2018, Mme Vanessa Boissonneau, conjointe du locataire du 2885, est venue confirmer les témoignages de son conjoint.
[30] Elle précise que par grand froid, la chambre du fond est trop froide pour servir de chambre à coucher pour les enfants.
[31] Elle précise qu’elle et son conjoint n’ont pas déménagé ni demandé de réduction de prix du loyer parce qu’entre autres, le proprio leur a affirmé que la situation se réglerait bientôt, qu’ils aimaient bien leur logement et le secteur dans lequel il est situé, etc.…
[32] Cependant, M. Pascal Cabana de la firme Legault-Dubois engagé par l’Administrateur affirme que toutes les recommandations émises dans son rapport du 2 avril 2013 ont été réalisées et que l’inconfort dénoncé par les Bénéficiaires n’est pas causé par le bâtiment mais plutôt par leur façon d’utiliser le logement.
[33] Cet expert va même jusqu’à suggérer que ça peut être dû au réglage du débit du liquide dans la tubulure du plancher chauffant.
[34] Cette affirmation plutôt surprenante ne tient pas compte du fait que l’inconfort ressenti par le Bénéficiaire a été reconnu comme vice caché par l’Administrateur dans sa décision du 22 mai 2012.
[35] Qui plus est, cette suggestion est faite par l’expert le dernier jour d’audience, le 6 avril 2018, alors que le premier rapport de cet expert a été émis le 27 février 2013.
[36] Finalement, le Tribunal constate qu’il s’agit d’une hypothèse émise par l’expert, hypothèse qui ne s’appuie sur aucune donnée factuelle, thermique ou règlementaire.
[37] Le Tribunal note plutôt que ce même expert avait écrit dans son rapport du 2 avril 2013 que :
« le système de chauffage semble installé dans les règles de l’art et que l’ensemble du réseau de tubulures transporte la chaleur adéquatement ».
[38] Et ce n’est pas la seule contradiction faite par ce témoin.
[39] En effet, à un certain moment, l’audience de la cause a été suspendue afin de permettre aux experts des parties de trouver une solution technique au problème soumis au Tribunal.
[40] Les 3 experts, après s’être consulté, ont fait un rapport écrit qui contenait entre autres :
« Couper lisière du bas du mur afin de gicler le nez de la fondation ».
[41] Or, dans son témoignage en arbitrage, M. Cabana a affirmé qu’il n’était pas d’accord avec cette suggestion et que s’il y avait consenti, ce n’était que pour mettre fin aux discussions.
[42] Cette affirmation déconcertante amène le Tribunal à s’interroger sérieusement sur la crédibilité de ce témoin.
[43] Par contre, les témoignages de Messieurs Calestagne de TIS et de M. Brosseau de Burex sont tout à fait crédibles et appuyés sur des données objectives.
[44] Dans le présent litige, l’existence d’un pont thermique au bas des murs extérieurs du rez-de-chaussée a été admis par l’Administrateur dans sa décision du 22 mai 2012.
[45] Malgré les travaux de corrections réalisés par l’Entrepreneur, le vice caché n’a pas été corrigé et le déficit d’usage existe toujours selon le témoignage du propriétaire, des locataires et des experts Castellane et Brosseau.
[46] Dans L’affaire ABB Inc. c. Domtar Inc. (2007) 3 RCS 461, la Cour Supérieure affirme :
« il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais simplement qu’il en réduise l’utilité de façon importante, en regard des attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent. »
[47] Dans l’affaire Gazaille c. Lebeau ( 2016 Ccs 6238), l’honorable juge Sylvain Provencher, JCS, affirme :
« le tribunal est d’avis que le problème de pont thermique réduit de façon importante l’utilisation du bien, en regard des attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent. Le vice est « grave » au sens de la loi.
[48] Dans sa plaidoirie, l’entrepreneur fait remarquer qu’il a effectué tous les travaux correctifs exigés par l’Administrateur et qu’en conséquence, il n’est pas responsable si d’autres travaux sont nécessaires pour corriger la situation.
[49] En toute déférence pour l’opinion contraire, les relations juridiques entre l’Entrepreneur et la Garantie ne font pas partie du présent litige et selon le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, l’Entrepreneur a toujours une obligation de résultats envers les Bénéficiaires.
[50] En conséquence, l’Entrepreneur, sous la surveillance de la Garantie, devra prendre toutes les mesures à sa disposition pour corriger la situation.
[51] Il devra entre autres couper une lisière au bas des murs intérieurs afin de gicler un isolant sur le nez de la fondation tout autour du bâtiment.
[52] Il devra refaire le bas des murs en les remettant dans l’état prévalant avant les travaux et si le contraste est trop évident, refaire le peinture des murs.
[53] Il devra également refaire le bas du mur extérieur en suivant exactement les directives de Legault- Dubois.
[54] Le Tribunal accorde à l’Entrepreneur un délai de 3 mois à compter des présentes pour réaliser l’ensemble des travaux.
[55] Finalement, avec un expert indépendant, un rapport de thermographie sera déposé par l’Administrateur, démontrant que le problème est réglé.
[56] Si l’Entrepreneur ne remplit pas ses obligations, c’est l’Administrateur qui devra s’en charger.
[57] Les Bénéficiaires réclament également le coût des expertises qui ont permis au Tribunal de rendre sa décision.
[58] Conformément à l’article 124, l’arbitre soussigné ORDONNE le remboursement aux Bénéficiaires des honoraires de la firme TIS :
-facture du 14 janvier 2017 pour la somme de 488.64 $
-facture du 28 janvier 2017 pour la somme de 574,88 $
-facture du 16 avril 2017 pour la somme de 747.34 $
pour un TOTAL de 1810.86 $
Et le remboursement des honoraires de la firme Burex :
-facture du 17 janvier 2014 pour la somme de 2726.52 $
-facture du 20 mars 2018 pour la somme de 2122.44 $
pour un TOTAL de 4848.96 $
[59] De plus, dans leur plaidoirie écrite, les Bénéficiaires demandent le remboursement des honoraires du procureur qu’ils ont engagé pour les représenter durant l’arbitrage.
[60] Les Bénéficiaires écrivent :
J. ÉQUITÉ
Enfin, vu les circonstances particulières de la présente affaire, nous vous soumettons qu’il y a lieu de faire appel aux règles de l’équité.
L’Administrateur a tout fait pour retarder ce dossier et a fait preuve de mauvaise foi, tel que le démontre le résumé des faits ( point A). De plus, son expert, M. Cabana, a agi de façon à induire les parties en erreur en soulevant pour la toute première fois, à la dernière journée d’audition, une nouvelle explication ainsi qu’une nouvelle solution jamais avancées dans ses deux rapports de 2013 et 2017.
En outre, nous vous soumettons que les Bénéficiaires ont connu des problèmes hors de l’ordinaire dans le traitement du dossier en l’instance. On peut notamment penser à :
- Les longs délais de M. Dubuc entre chacune des décisions et des inspections ;
- La supervision inadéquate de l’Inspecteur mandaté par l’Administrateur, M. Mayer ;
- L’absence de réaction de M. Dubuc suivant la demande des Bénéficiaires à l’effet que les travaux correctifs de l’automne 2013 n’avaient pas donné de résultat ;
- Le délai de 2 ans inexpliqué entre la demande d’arbitrage et le dépôt du cahier de pièces de l’Administrateur ;
- La demande d’expertise de l’Administrateur, 2 ans après la demande d’arbitrage, alors que l’expertise devait être sur le point d’être finalisée, ce qui était totalement faux ;
- La longueur de l’audience (3 journées complètes échelonnées sur 1 an) ;
- L’acharnement de l’Administrateur et de son expert à tout faire pour éviter d’admettre
que les travaux recommandés en 2013 pouvaient ne pas être suffisants ;
- Le défaut de l’Administrateur et de l’Entrepreneur de reconnaître que les experts s’étaient entendu sur la correction du pont thermique lors de la première journée d’arbitrage ( après une longue rencontre de plus d’une heure) ;
- Au total, des travaux correctifs effectués à l’automne 2013, une demande d’arbitrage en février 2015 et une audition d’arbitrage qui se termine en avril 2018 ;
[61] Les Bénéficiaires estiment que les frais et honoraires extrajudiciaires qu’ils ont dû assumer devraient leur être remboursés à hauteur de 75%.
[62] Dans un premier temps, le Tribunal estime qu’il s’agit d’une demande assimilable à une demande de condamnation pour des dommages causés aux Bénéficiaires par l’Administrateur de la Garantie.
[63] En effet, les longs délais injustifiés provoqués par l’inaction de la Garantie auraient amené les Bénéficiaires à retenir les services d’un avocat afin de faire valoir leurs droits, qui autrement, auraient pu être compromis.
[64] Ordonner le remboursement des honoraires juridiques serait assimilable à une condamnation pour dommages et intérêts et nulle part dans le règlement sur le plan de garantie, un tel pouvoir est déféré au Tribunal d’arbitrage.
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.
125. Les dépenses effectuées par les parties intéressées et l'administrateur pour la tenue de l'arbitrage sont supportées par chacun d'eux.
[66] Pour statuer, l’arbitre doit d’abord faire appel à la règle de droit; si cette dernière est inexistante ou tellement imprécise qu’elle devient inapplicable, alors, il peut faire appel à la règle de l’équité.
[67] Dans le présent litige, l’article 125 du règlement est clair et les dépenses encourues par les Bénéficiaires (sauf pour les expertises) ne sont pas remboursables.
[68] Bien que l’arbitre soussigné estime qu’il est exorbitant que l’Administrateur ne soit pas pénalisé pour son inaction injustifiée, il doit, lui aussi,se conformer au règlement et rejeter la demande des Bénéficiaires.
[69] Finalement, durant l’audience, la question des pentes négatives autour du bâtiment a été soulevée.
[70] Notons que ce point a été rejeté par l’Administrateur dans sa décision du 23 mai 2012, à savoir :
ANALYSE ET DÉCISION (points 7 à 9) :
À la lumière de ce qui fut constaté sur les lieux, il appert que les situations dénoncées aux points 7 à 9 portent sur des travaux qui ne font pas partie intégrante du bâtiment comme tel.
À cet égard, l’article 4.9 du contrat stipule que, les espaces de stationnement et les locaux d’entreposage situés à l’extérieur du bâtiment où se trouvent les unités résidentielles et tout ouvrage situé à l’extérieur du bâtiment tels les piscines extérieures, le terrassement, les trottoirs, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain, sont exclus de la garantie.
[71] Cette décision, n’ayant pas été contestée en arbitrage, est devenue définitive.
[72] En février 2014, le législateur a modifié le règlement pour y assujettir les pentes négatives des terrains.
[73] Cependant, comme le contrat de garantie a été signé par les Bénéficiaires avant la modification du règlement et que la modification au règlement n’a pas d’effet rétroactif, le Tribunal n’a d’autre choix que de maintenir la décision de l’Administrateur.
[74] Les Bénéficiaires ayant eu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.
[75] Après analyse de la preuve, des autorités citées et du règlement sur le plan de garantie, l’arbitre soussigné
- CONDAMNE l’Entrepreneur, sous la surveillance de l’Administrateur, à prendre les moyens pour corriger le pont technique au pourtour du bâtiment, c’est-à-dire qu’il devra, entre autres :
- couper une lisière au bas du mur afin de gicler un isolant sur le nez de la fondation tout autour du bâtiment ;
- remettre les lieux dans le même état qu’ils étaient avant les travaux ;
- payer une indemnité de relogement aux locataires, si nécessaire, durant les travaux.
- accorde à l’Entrepreneur un délai de 3 mois à compter des présentes pour réaliser les travaux ;
- CONDAMNE l’Administrateur à rembourser aux Bénéficiaires la somme de 1810.86 $ pour l’expertise de la firme TIS et 4848.86 $ pour l’expertise de la firme Burex ;
- REJETTE la demande de remboursement des frais juridiques présentée par les Bénéficiaires ;
- MAINTIENT la décision de l’Administrateur concernant la pente du terrain ;
- CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.
- RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de. Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours
(s) Alcide Fournier
_________________________________________
Alcide Fournier, BA.LLL
Arbitre
AUTORITES DES BÉNÉFICIAIRES
Marineau c. Chartrand , REJB 2004-81613, AZ-50285386 (C.S.) ;
Industries et équipements Laliberté ltée c. Ferme porcine de Beauce inc.,
2008 QCCA 2510 ;
Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 2008 [extraits] ;
Gazaille c. Lebeau, 2016 QCCS 6238
Carrier c. Charest, 2017 QCCS 3643
SDC 1120 de Sancerre, Longueuil et Innomax division résidentielle inc., CCAC, S14-032503-NP, 2014-12-10
Lapointe c. Construction Réjean d’Astous inc., 2006 CanLII 60494 ;
Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701;
Poulin c. Société immobilière Campiz Ltée, 2004 CanLII 58602
AUTORITÉS DE L’ADMINISTRATEUR
Dominguez & Arranz- Soréconi- A. Fournier, arbitre- 6 mars 2006
Cour d’Appel-500-09-013349-030- Garantie de l’APCHQ c. Maryse Desindes
15 décembre 2004
Monique Patenaude c. 9129-3464 Québec inc. et Garantie de l’APCHQ inc.-
M. Claude Dupuis, arbitre, 21 octobre 2010
Michel Morin c. Construction B. Gauley inc. et Garantie Habitation du Québec,
Me France Desjardins, arbitre- 27 septembre 2013
Cour d’Appel 500-08-007532-989- Colette Viel c. Les Entreprises Immobilières du Terroir Ltée, 8 mai 2002