TRIBUNAL D’ARBITRAGE
Sous l’égide de
SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC (SORECONI)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
SORECONI : 131007001
GARANTIE ABRITAT : 305515-1
ENTRE :
Stéphany Boucher-Huet
et
Charles Desroches
"Bénéficiaires" Appelant
c.
Solvo Solutions Ltd
"Entrepreneur"
ET
La Garantie Abritat inc.
"Administrateur" de la garantie
ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SURLE PLAN DE GARANTIE
DESBÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 12 FÉVRIER 2014
YVES FOURNIER ARBITRE
IDENTIFCATION DES PARTIES
BÉNÉFICAIRES : Stéphany Boucher-Huet
et
Charles Desroches
[…], Condo […]
Longueuil (Québec)
[…]
Représentés par
Me Martin Janson
Janson, Larente, Roy Avocats
Solvo Solutions ltd.
1962, avenue Laurier Est
Montréal (Québec)
H2H 1B6
ENTREPRENEUR : Représentés par
Me Jessica Tremblay
Crochetière, Pétrin, s.e.m.c.r.l. Avocats
La Garantie Abritatinc.
5930, boul. Louis-H. Lafontaine
Montréal (Québec)
H1M 1S7
ADMINISTRATEUR : Représentés par
Me François Laplante
Savoie, Fournier Avocats
CHRONOLOGIE
06.05.2012 Contrat préliminaire et contrat de garantie (condominium). [Pièce B-1]
06.05.2012 Deux plans avec modifications. [Pièce E-1]
06.05.2012 Document intitulé" Zia Parc-Saint-Paul" (caractéristique). [Pièce E-3]
19.05.2012 Attestation d’acompte.
21.10.2012 Avenant de modifications au contrat préliminaire. [Pièce E-2]
09.11.2012 Courriel et pièces jointes en liasse, traitant de la visite du 8 novembre 2012. [Pièce A-3]
10.11.2012 Courriel de l’Entrepreneur transmis aux Bénéficiaires traitant 25 points. [Pièce A-4]
14.11.2012 Lettre des Bénéficiaires par l’entreprise de leurs procureurs (Janson, Larente) transmise à l’Entrepreneur à la recherche d’une " solution amicale ".[Pièce A-5]
26.11.2012 Lettre de Me Diane Landreville (Janson, Larente, Roy) à Me Jessica Tremblay répondant à l’offre élaborée par le courriel du 10 novembre 2012 avec pièces en liasse. [Pièce B-3]
04.12.2012 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur à Me Diane Landreville discutant de 27 points. [Pièce A-7]
06.12.2012 Lettre des procureurs des Bénéficiaires aux procureurs de l’Entrepreneur. [Pièce A-8]
07.12.2012 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur adressée aux procureurs des Bénéficiaires.
[Pièce A-9]
12.12.2012 Lettre des Bénéficiaires adressée à l’Entrepreneur et l’Administrateur les informant de leur intention d’annuler l’achat de l’unité 2. [Pièce A-10]
14.12.2012 Rapport d’expertise de Vincent Sauvé, ingénieur, pour le bénéfice des Bénéficiaires avec photos. [Pièce B-4]
CHRONOLOGIE (suite)
14.12.2012 Rapport d’expertise d’André Gagné pour le bénéfice de l’Entrepreneur.
20.12.2012 Demande de remboursement de dépôt adressée à l’Administrateur. [Pièce A-14]
20.12.2012 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur aux procureurs des Bénéficiaires.[Pièce A-12]
07.01.2013 Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur.[Pièce A-13]
22.01.2013 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur adressée à l’Administrateur.[Pièce A-15]
31.01.2013 Photos prises le 31 janvier 2013.[Pièces B-8, B-9, B-10]
07.02.2013 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur adressée aux procureurs des Bénéficiaires (mettant en œuvre la clause 31 du contrat préliminaire.[Pièce A-16]
12.02.2013 Lettre des procureurs des Bénéficiaires adressée aux procureurs de l’Entrepreneur.
[Pièce A-17]
13.02.2013 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur adressée aux procureurs des Bénéficiaires.
[Pièce A-18]
14.02.2013 Publicité sur internet annonçant le condo à vendre. [Pièce B-12]
15.02.2013 Lettre des procureurs des Bénéficiaires adressée aux procureurs de l’Entrepreneur.
[Pièce A-19]
19.02.2013 Lettre des procureurs de l’Entrepreneur adressée aux procureurs des Bénéficiaires.
[Pièce A-20]
13.04.2013 Courriel adressé aux procureurs de l’Administrateur par les procureurs de l’Entrepreneur. [Pièce B-7]
CHRONOLOGIE (suite)
22.04.2013 Lettre et photos différentes transmises aux procureurs de l’Administrateur des procureurs des Bénéficiaires. [Pièce B-6]
17.06.2013 Décision de l’Administrateur. [Pièce A-21]
05.08.2013 Lettre du Centre d’arbitrage (SORECONI) confirmant la demande d’arbitrage et la nomination de l’arbitre.[Pièce A-22]
Plan du condo. [Pièce B-12]
FAITS PERTINENTS
[1] Les Bénéficiaires réclament le remboursement de l’acompte de 28,500.00 $ dollars versé à l’Entrepreneur en considération de l’inobservance et du non-respect de certains aspects de l’entente contractuelle intervenue avec ce dernier avant la réception de leur unité de copropriété.
[2] Un contrat défini comme"contrat préliminaire et contrat de garantie"au montant de 285,500.36 $ dollars est signé par les deux parties le 6 mai 2012 (Pièce B-1), pour l’unité […], à Montréal.
[3] À ce contrat est rattaché deux plans initialés par les parties, identifiant certaines modifications apportées à ceux-ci (Pièce E-1). Un troisième document est signé par les parties, le même jour, intitulé « Zia Parc-Saint-Paul », lequel résume sommairement les caractéristiques du bâtiment. L’une de celles-ci est formulée ainsi : « Les planchers entre les unités sont constitués : Chape de béton de 2 pouces… »
[4] Le 19 mai 2012, une attestation d’acompte au montant de 28,550,00 $ dollars est signée par les parties (Pièce A-2).
[5] Un avenant de modification est conclu le 21 octobre 2012, reportant la date de livraison au 30 octobre 2012 (Pièce E-2).
[6] Le 9 novembre 2012, les Bénéficiaires transmettentpar courriel(Pièce A-3), 25 manquements de l’Entrepreneur suite à la visite de l’unité. Je me permets ici de reprendre cet envoi :
Bonjour Vincent,
Pour faire suite à notre visite, voici la liste des choses qui ne conviennent pas et qui nous empêche de signer le contrat :
1. L’état du plancher est inacceptable (une tache plus foncé dans le couloir, et deux dans la chambre dont une au centre et une sur le bord du mur).
2. Le comptoir de la salle de bain devait être de couleur nougat alors qu’il est de la même couleur que celui dans la cuisine (nous l’avons mentionné à plusieurs reprises à Caroline ainsi qu’à vous).
3. Les fils pour les speakers ne sont pas installés convenablement.
4. La porte de la chambre ouvre dans le mauvais sens.
5. Toujours pas de vitre de douche d’installer.
6. Les stoppers pour les armoires de la cuisine, chambres et salle de bain ne sont pas installer.
7. Il manque la vanité au dessus du lavabo dans la salle de bain.
8. Il y a plusieurs retouches afaire (notamment en dessous de la marche pour se rendre à la cuisine : aucune finition n’est installer. De plus, le bas du mur dans le couloir n’est pas pareil que le bas du mur à d’autres endroits dans l’appart. A certains endroits, surtout ou il y a la porte et la fenêtre côté du salon (mur ou la télé va) le bas n’est pas fini égale avec le reste du mur.
9. La pogner de la porte d’entré n’est pas conforme à ce qui était prévu.
10. Il n’y a aucune persienne que ce soit à l’avant ou à l’arrière (persiennes qui devait protéger des intempéries). Selon le courriel d’evernote, vous avez demandé à ébéniste d’avoir un prix pour les persiennes. Il est bien indiqué qu’il s’agit sur le plan A-300 du numéro 14 qui désigne les persiennes pour l’escalier central. En aucun cas nous avons été prévenus que ce détail architectural et pratique serait supprimé.
11. Les balcons sont faits d’une peinture et non d’un fibro ciment comme les plans l’indiquent.
12. La porte du garde-robe d’entré ne fonctionne pas.
13. La plomberie de la salle de bain est mal fixée et nous voyons plusieurs ouvertures directement au mur.
14. Marque sur les murs de bois noir sont toujours visible.
15. Armoire de la chambre sont ballotant et mal fixé.
16. La prise (switch de la lumière) est mal fixée dans la chambre.
17. Les armoires de la cuisine sont fixé avec un « gap » avec le plafond et le mur.
18. Seuil de porte d’entré non terminé.
19. Les tablettes de bois brut devaient être posées de façon à minimiser le soutien avec des crochets qui ne paraîtraient pas (aire de vie, salle de bain et douche).
20. Lumière dans la salle de lavage fixé au dessus de l’échangeur d’air.
21. Eau est inverse dans la cuisine.
22. Eau chaude/plancher non testé
23. Porte de la salle de bain a été changé des plans initiaux sans notre consentement et chargé pour un produit différent. Jamais on n’a pas été consulté (encore une fois) et ce même si a plusieurs reprises nous vous avons demandé des explications à ce sujet. Nous sommes arrivés devant le fait accompli.
24. Lumière extérieur non fixé.
25. Délais de livraison non respecté, actuellement à 69 jours de retard.
Bref, beaucoup de choses sont manquantes ou même inacceptable, c’est pourquoi nous avons refusé de signer le contrat. Tant que cette situation ne sera pas corrigée, nous ne signerons pas le contrat.
Nous attendons voir vos solutions proposées pour rectifier la situation, principalement le plancher qui est le point majeur.
La solution proposée nous permettra de prendre la décision si nous continuons les démarches pour annuler la vente.
Merci de votre compréhension et en espérant avoir des nouvelles dans les plus brefs délais.
N’oubliez pas que nous avons une date qui nous est impossible de dépasser pour le déménagement, soit le 17 novembre 2012.
(Sic)
(Je souligne)
[7] L’Entrepreneur, par l’intermédiaire de Vincent Gauthier, répond le 10 novembre 2012aux points soulevés par les Bénéficiaires (Pièce A-4). Monsieur Gauthier réitère son intention de trouver une solution à l’amiable. Il note le refus par les Bénéficiaires de signer le formulaire d’inspection de préréception qui avait été complété durant la visiteet ce, malgré que le condo, situé au […], à Montréal, était habitable, sans contredit.
[8] Traitant des corrections du plancher de béton, qui est le point majeur de toutes les revendications, Vincent Gauthier propose deux solutions. Il les présente ainsi :
1. Corrections du plancher de béton
Trois corrections ont été effectuées au système de plancher radian. Ces corrections nous ont obligés à ouvrir le plancher de béton en trois endroits. Soit deux corrections dans la chambre et une correction dans le corridor principal. Le système de chauffage et la dalle de béton ont retrouvé leur intégrité fonctionnelle. Il n’est pas possible de faire une correction non apparente dans une dalle de béton poli. Donc malgré les soins apportés par le cimentier, les corrections sont apparentes. Enfin le remplacement de la dalle de béton n’est pas une option viable puisque ces travaux pourraient endommager la structure du bâtiment et notamment compromettent l’insonorisation. Par souci de clarté et pour les raisons mentionnées ci-haut, Solvo Solutions Ltée refuse tout remplacement de la dalle de béton.
Par conséquent, je vous suggère l’une des options suivantes :
Ces deux options sont en suppléments des gratuités suivantes :
· Installation d’une bibliothèque murale. Valeur approximative de 1,750$.
· Installation d’un comptoir de quartz au lieu d’un comptoir de Corian tel que stipulé dans notre contrat. Valeur approximative de 1,500 $ supérieure à la valeur du comptoir en Corian.
· Installation d’un comptoir de quartz pouvant recevoir une plaque chauffante. Valeur approximative de 1,000 $.
· L’entrepreneur va assumer les frais de retour de matériel de plomberie.Ces frais ont été encourus suite à un changement que vous avez effectué dans la plomberie. Valeur de 150 $.
· Installation d’une porte coulissante dans l’entrée de la salle de bain. Valeur approximative de 150 $.
· Installation d’une vitre de douche avec porte. L’unité de base vient avec une vitre de douche simple sans portes. Valeur approximative de 1200 $.
· Portes de salle de bain sur pivot en remplacement de portes coulissantes. Valeur approximative de 800 $.
Valeur totale des gracieusetés : 6,550 $.
· Option 1 : Mon cimentier va préparer des échantillons de béton polis avec des teintes se reprochant de votre plancher. Vous pourrez choisir l’échantillon se reprochant le plus de votre plancher. Nous pouvons ouvrir le plancher dans le corridor sur une superficie de 2 pieds par la largeur du corridor. Les bordures de surface de l’ouverture seront faites avec une scie. Cette approche éliminera l’effet de « réparation locale » du plancher. Cette correction va prendre 2 à 3 jours et pourra être effectuée d’ici le 15 décembre 2012.
· Option 2 : Dédommagement supplémentaire de 4000 $ en argent canadien.
J’estime que ces gratuités additionnées de l’une des deux options ci-haut offrent un dédommagement supérieur à la perte de valeur l’habitation et à la perte de jouissance.
[9] Dans cette même lettre, monsieur Gauthier traite d’un autre point qui sera contesté par les Bénéficiaires. L’Entrepreneur répond au fait que les balcons « sont faits d’une peinture » et non d’un fibrociment. Cet élément aurait été soulevé par les Bénéficiaires, sans toutefois avoir été inclus dans l’inspection de préréception. Il justifie ce changement ainsi :
Durant la construction, nous avons été mis au fait de plusieurs projets utilisant des balcons de fibrociment avec des problèmes majeurs. En effet il semble que le fibrociment résiste mal aux hivers québécois. Après quelques années il tend à se fissurer et à délaminer. Nous avons donc remplacé les balcons de bois recouvert de fibrociment avec des balcons de bois recouvert de contreplaqué et de peinture spéciale. Avec un entretien convenable, ces balcons vont avoir une plus grande durée de vie que les balcons prévus initialement. De plus, nous avons meublé et appliqué un scellant sur tous les balcons pour procurer un aspect esthétique supérieur au balcon de fibrociment.
(Sic)
[10] Le 14 novembre 2012, Me Diane Landreville, procureure des Bénéficiaires, transmet une lettre (Pièce A-5) à Solvo Solutions ltd. J’en rapporte ici un passage :
…
De prime à bord, nos clients nous indiquent également vouloir trouver une solution amicale et pratique au présent litige, souhaitant éviter des procédures judiciaires qui, de toute façon, ne pourraient en définitive donner satisfaction totale à l’une ou l’autre des parties.
À cet effet, nous sommes présentement à évaluer les divers éléments de votre offre, certains points demandant une vérification additionnelle quant aux pistes de solutions proposées et d’autres pour lesquels une contreproposition vous sera présentée.
…
[11] Le 26 novembre 2012, les procureurs des Bénéficiaires, par l’intermédiaire de Me Diane Landreville, du bureau Janson, Larente, Roy, s’adressentpour la première foisaux procureurs de l’Entrepreneurpar lettre (Pièce B-3), en exposant une contre-proposition à l’offre déjà formulée. Pour ce qui est du plancher de béton, on peut lire :
D’emblée, nous tenons à vous indiquer que nos clients ont fait de multiples démarches afin d’envisager toutes les pistes de solutions possibles pour la question des planchers, et ce tant auprès d’experts que d’entrepreneurs, le but étant bien évidemment de trouver une solution permanente et satisfaisante aux trois réparations effectuées par votre cliente suite à la défaillance du système de chauffage radiant.
Nos clients, voulant conserver la finition de béton qui a d’ailleurs grandement influencé leurchoix d’acquérir une unité dans le projet de votre cliente, ont notamment fait des recherches quant à la possibilité de scarifier la dalle ou encore d’y ajouter des insertions esthétiques. Lors de leurs recherches, nos clients nous indiquent avoir discuté avec l’entrepreneur ayant procédé à la mise en place de la dalle de béton dans leur unité. Il appert de cette discussion qu’un problème soit survenu lors de la mise en place de la dalle de béton, les tuyaux alimentant le chauffage radiant de la dalle étant seulement à un quart de pouce de sa surface, alors que la norme en cette matière exigerait qu’ils soient situés à au moins un demi-pouce de celle-ci. Ce défaut anéantit toute possibilité de scarification ou d’insertion esthétique, en plus d’entraîner des conséquences sur le rendement en termes de chauffageet de créer un stress sur la dalle qui pourrait, selon les experts consultés, la faire fissurer ou se délaminer à moyen terme.
Pour ces motifs, nos clients demandent à la vôtre quant à cet aspect de leurs différends, de :
(i)détruire et reconstruire complètement la section moins élevée de la dalle de béton de leur unité, soit le corridor, la chambre et la salle de bain, positionner adéquatement les serpentins chauffants et reconstruire la dalle telle qu’elle aurait dû l’être à l’origine. Nos clients exigent en outre, pour cette option, une confirmation du fabriquant du système de chauffage que la situation pour la section supérieure est conforme à ses exigences d’installation ; ou encore
(ii) reprendre les trois rapiéçages déjà faits et repolir le plancher dans toute l’unité afin que le grain de béton soit plus visible et les ouvertures pratiquées moins apparentes, et fournir une confirmation du fabriquant du système de chauffage à l’effet que l’installation des tuyaux à un quart de pouce seulement de la surface de la dalle est adéquate et fournira assez de puissance pour chauffer correctement l’unité de nos clients. Comme cette situation, en toute vraisemblance, ne pourra jamais donner le produit fini attendu, nos clients demandent en outre à cet égard un dédommagement totalisant la somme de 9 000,00 $, représentant le coût d’achat d’un tapis pour la chambre et d’une bibliothèque pour le couloir, ainsi qu’une compensation pour la perte de valeur de l’unité, cette somme devant être payée par chèque au jour de la signature de l’acte de vente.
À défaut par vos clients d’adopter l’une ou l’autre des alternatives précédentes concernant la dalle de béton, nos clients demandent l’annulation de la vente et le remboursement de leur mise de fond au montant de 28 550,00 $.
Avenant que votre cliente accepte une des propositions faites quant à la dalle de béton, nos clients nous demandent d’adresser chacun des points visés par votre cliente dans son courriel du 10 novembre dernier, et d’y répondre de la façon suivante, ajoutant que en cas d’entente sur ces éléments, nos clients accepteraient en outre de ne rien réclamer à la vôtre pour les quelques deux mois et demi de retard subis jusqu’à présent.
(Je souligne)
[12] Quant au recouvrement du balcon, les Bénéficiaires font valoir que ce qui est proposé nécessite un entretien continu et débouche sur une durée de vie inférieure. Ils réclament donc un dédommagement de 1,250,00 $ dollars.
[13] Si leur proposition est acceptée par l’Entrepreneur, ils indiquent être prêts à signer les documents de préréception. Qui plus est, à défaut d’acceptation, l’offre deviendra nulle et non avenue,le contrat préliminaire sera réputé nul et non avenuet l’Entrepreneur devra alors rembourser les acomptes versés.
[14] Me Jessica Tremblay envoie un courriel (pièce A-7)le 4 décembre 2012à Me Diane Landreville, en réponse à la contre-offre du 26 novembre 2012.
[15] Relativement au plancher de béton, la position de l’Entrepreneur est ainsi libellée :
Nous comprenons de votre missive que vos clients craignent une certaine défaillance du système de chauffage.
Or, en date de ce jour et suivant les réparations effectuées, nous comprenons qu’il n’y a aucune manifestation d’un quelconque problème qui pourrait affecter ce système.
En l’absence d’une telle manifestation, il est prématuré pour vos clients de tenir de tel propos. Advenant le cas où des problèmes se manifesteraient, il va de soi que notre cliente assumera ses responsabilités. Nous vous rappelons aussi que vos clients bénéficient d’une sûreté suffisante, soit le plan de garantie ABRITAT.
D’abondant, nous vous rappelons que la méthode corrective appartient à l’entrepreneur. Advenant le cas où vos clients s’adresseraient au plan de garantie pour l’allégué préjudice subi, l’administrateur ne pourrait déterminer une méthode corrective autre que celle de l’entrepreneur.
Notre cliente réitère donc son offre de faire préparer, par le biais d’un sous-traitant, les échantillons de béton polis avec des teintes se rapprochant le plus de la teinte du plancher de vos clients. Ces derniers pourront assister afin de choisir de concert cette teinte, suivant quoi, le rapiéçage et le repolissage pourront être effectués.
Afin de compenser un quelconque préjudice esthétique, notre cliente se dit prête à offrir aux vôtres la somme de 4 500.00 $.
(Je souligne)
[16] Le 6 décembre 2012, Me Diane Landreville adresse une lettre (Pièce A-18) à Me Jessica Tremblay traitant spécifiquement du plancher de béton. Elle l’informe de la nécessité de procéder à une expertise. La finition du béton a grandement influencé le choix d’acquérir l’unité, note-t-elle, tout en ajoutant qu’il s’agit du seul mode de chauffage du condo.
[17] Il est annoncé que monsieur Vincent Sauvé, ingénieur, procédera à une expertise. Il est demandé de lui fournir trois (3) dates de disponibilitéet quatre (4) documents, soient la fiche technique du type de tuyau utilisé, le plan démontrant la configuration du système de chauffage installé dans la dalle de l’unité, le modèle et les descriptions techniques du système de chauffage etfinalement, le guide de pose du fabriquant.
[18] L’Entrepreneur transmet le 7 décembre 2012les coordonnées de monsieur Vincent Gauthier, représentant de l’Entrepreneur. Par cette lettre (Pièce P-9), il est requis que la position des Bénéficiaires soit transmise au plus tard le 13 décembre 2012.
[19] Le 12 décembre 2012, Charles Desroches et Stéphany Boucher-Huet transmettent directement à l’Entrepreneur et à l’APCHQ - Garantie Abritat, par lettre, leur décision d’annuler l’achat de l’unité 2 du projet Zia Parc Saint-Paul.
[20] Dans cette lettre (Pièce P-10), huit (8) points sont traités. On fait mention des délais, du manque d’organisation, de l’absence de plan électrique, de la qualité générale des matériaux utilisés et leur installation, des fournisseurs, du plancher, des charges d’extras et de la malhonnêteté.
[21] Il est indéniable que le point majeur se veut le plancher. Les Bénéficiaires résument ainsi leur position face à cette problématique :
6. Plancher : Notre choix de votre unité a grandement été fait par les planchers de béton et les vitres du condo. Nous avons payés des frais supplémentaires pour ceci et nous en étions conscients. Lors de la dernière visite des lieux, nous avons constaté que des « patchs » avaient été effectués sur le plancher rendant l’esthétisme de ceux-ci très peu attrayant. Nous avons donc fait des recherches auprès de fournisseurs de planchers de béton pour voir les solutions possibles. Nous avons aussi consulté une designer à nos frais pour voir les solutions. Nous avions trouvé une solution qui gardait le look général voulu, soit une insertion de bois la ou les marques sont présentes. Après avoir discuté avec béton prestige, ils m’ont informé que cette solution ne serait pas possible car le système de chauffage n’avait pas été posé correctement. En effet, les fils étaient à seulement ¼ de pouces du dessus de la dalle. C’est pour cette raison que les fils fut coupé lorsque les traits de scie dans le béton ont été fait. Il y a même une deuxième coupure des fils lors de la réparation occasionnant des patchs très grande et non esthétique. En continuant à discuter avec des ingénieurs à ce sujet, plusieurs points semblaient les inquiétés sur l’installation des tuyaux de façon non conforme au fabricant. Premièrement, il semblerait que les traces des fils seront visibles sur la dalle car les fils sont trop proches du dessus de celle-ci. De plus, le système devra être utilisé de façon plus importante afin de chauffer la même pièce comparativement à un système installé selon les normes. De plus, la dalle risque de craqué plus facilement à cause de cela. Je ne me considère pas expert à ce sujet, par contre un rapport de mon ingénieur vous sera fourni expliquant plus en détails ces points.
(Sic)
[22] Le 20 décembre 2012, les bénéficiaires revendiquent le remboursement du dépôt par le formulaire adressé à Abritat (Pièce A-14).
[23] Le même jour, les procureurs de l’Entrepreneur relancent (Pièce P-12)Me Diane Landreville, lui indiquant que ce dernier a effectué des correctifs à la dalle de béton, ce qui devrait satisfaire les Bénéficiaires. Il est demandé que ces derniers communiquent avec Solvo Solutions afin de constater le résultat des nouveaux travaux.
[24] Auparavant, le 14 décembre 2012, l’ingénieur Vincent Sauvé signait son rapport d’expert (Pièce B-4), avec photos, adressé à Charles Desroches, le tout faisant suite à sa visite sur les lieux du […], à Montréal, le 11 décembre 2012. Le rapport mérite d’être repris :
Monsieur,
Pour faire suite à ma visite du 11 décembre 2012 à 8 :30am, à l’adresse ci-haut mentionnée, j’ai fait les constatations, l’analyse et la conclusion qui suivent :
Constatations : Bâtiment neuf, en structure de bois. Spécifiquement, à l’unité concernée, ([…]) plancher en béton apparent. Selon les informations du surintendant sur place monsieur Éric Pinsonneault de Solvo Solution, (référence transmise par monsieur Vincent Gauthier de Solvo Solution), la chape de béton aurait une épaisseur de +/- 2 ½". Le plancher est chauffant/radiant, le chauffage est par flux liquide dans des tuyaux en polyéthylène (½"). Des réparations à trois endroits sont évidentes, 2 dans une chambre et une autre dans le corridor. Ces réparations coïncident avec le trait de scie effectuer pour contrôler les fissures de retrait, trait de scie de +/- ¼ " de profond selon le surintendant. De plus, selon les dires du surintendant, lors d’une tentative de réparation des tuyaux chauffants, et ce par le dessous de la dalle, le treillis métallique (armature de la dalle) serait directement sur le contreplaqué de fond. Enfin, les réparations sont d’une couleur différente du béton en place et donc très apparentes. Lors de cette inspection, je n’ai pas eu accès aux plans et devis.
Analyse et conclusion : Comme les tuyaux chauffants ont été sectionnés lors du trait de scie de +/- ¼ " de profondeur, ceci nous indique que les tuyaux chauffants ont été installés trop près de la surface du béton.
Résultat, fragilisation de la surface du plancher et il peut y avoir, dans le temps, une empreinte visible des tuyaux chauffants à la surface.
Le positionnement du treillis métallique au fond de la dalle enlève toute la capacité de cette dernière de fléchir sans fissurer, comme s’il n’avait pas été présent, totalement inefficace. Comme cette dalle est très mince et sur une structure de bois, le treillis est essentiel afin de préserver la dalle de la fissuration lors d’efforts de flexion.
Esthétiquement les réparations sont vraiment inacceptables, la couleur du béton n’est pas la même et le tout est très apparent.
Pour terminer, avec les informations disponibles à ce jour, la seule solution de réparation valide est d’enlever la dalle et de la recommencer. Cependant, il est possible à l’aide d’équipement électronique spécialisé de faire un relevé complet pour vérifier le positionnement des tuyaux et du treillis. Une fois le relevé complété, d’autres pistes de solution pourront être envisagées.
Espérant le tout conforme, veuillez accepter mes salutations.
Vincent Sauvé ing. (s)
(Je souligne)
[25] Le 7 janvier 2013 La Garantie Abritat, sous la plume de madame Anne-Marie Spezza, avise l’Entrepreneur par lettre (Pièce A-13) que les Bénéficiaires réclament l’annulation du contrat préliminaire, le remboursement de l’acompte qu’ils avaient verséet ce, dans le cadre du contrat de GarantieAbritat. Elle sollicite de leur part une réponse dans les quinze (15) jours.
[26] La réponse à Garantie Abritat est transmise par les procureurs de l’Entrepreneur, le 22 janvier 2013 (Pièce P-15). Il est soutenu que la prise de possession de l’unité d’habitation est possible depuis le début de décembre 2012. On ajoute que les Bénéficiaires négligent de signer l’annexe de préréception de l’unité. Au surplus, les Bénéficiaires devaient prendre contact avec le représentant de Solvo Solutions pour visiter l’unité d’habitation.
[27] Le 31 janvier 2013, Charles Desroches se rend sur les lieux pour y prendre une série de photos de la dalle de béton, une (1) de l’escalier extérieure métallique et quelques-unes à l’entrée montrant la porte et le plancher (Pièces B-8, B-9 et B-10).
[28] Le 7 février 2013, Me Jessica Tremblay transmet à Me Diane Landreville une mise en demeure enjoignant les Bénéficiaires de prendre rendez-vous avec Me Louis Perinet, notaire, dans les sept (7) prochains jours. Il m’apparaît utile de reprendre le contenu de cette mise en demeure (Pièce A-16).
Chère Consœur,
Suite à un contrat préliminaire intervenu entre les parties, le ou vers le 6 mai 2012, vos clients ont promis d’acquérir un immeuble en copropriété divise situé au […].
La prise de possession de l’unité d’habitation est possible depuis le début du mois de décembre 2012. Or, vos clients négligent de signer l’annexe de préréception de l’unité et par le fait même, de signer l’acte d’acquisition de l’unité.
Les travaux de construction étant terminés depuis un certain temps et ceux-ci étant conformes aux normes applicables dans l’industrie de la construction, vos clients ne peuvent refuser d’acquérir de leur unité.
Veuillez donc considérer la présente comme l’avis prévu à la clause 31 du contrat préliminaire et vos clients sont donc mis en demeure de prendre rendez-vous avec Me Louis Perinet, notaire, d’ici 7 jours des présentes.
Vous pouvez rejoindre Me Perinet au […].
À défaut, et en application de ladite clause 31 du contrat préliminaire, notre cliente considérera le contrat préliminaire résilié et elle conservera les acomptes déjà reçus à titre de dommages liquidés sans préjudice à tout autre recours et à tout autre dommage contre vos clients.
Nous comprenons que vous verrez à faire suivre la présente à vos clients.
Veuillez recevoir, chère Consœur, l’expression de nos sentiments les meilleurs.
CROCHETIÈRE, PÉTRIN
Jessica Tremblay (s)
[29] Le 12 février 2013, Me Diane Landreville réplique à cette dernière en faisant valoir qu’un dossier suivait son cours chez la Garantie Abritatinc. et qu’une décision serait rendue sous peu. Elle ajoute qu’elle fut informée que des travaux correctifs à la dalle de béton avaient été effectués sans que les Bénéficiaires en fussent avisés et par le fait même, sans pouvoir vérifier l’emplacement des tuyaux et leur assemblage. Au surplus, les documents requis le 6 décembre 2012 n’avaient jamais été transmis.En bout de piste, elle confirme son mandat de réclamer le remboursement des acomptes versés à l’Entrepreneur.
[30] Me Jessica Tremblay fait valoir le 13 février 2013, par une lettre (Pièce A-18) adressée à Me Landreville, qu’elle avait été avisée que les travaux avaient lieu avant le départ du congé des fêtes et que les Bénéficiaires devaient se présenter à l’unité afin de l’inspecterà leur retour de vacances. Contrairement à ce qui aurait été convenu, ils ne se sont pas présentés.Quant aux documents, elle assure que ceux-ci étaient disponibles lors de la visite de l’expect des Bénéficiaires.
[31] Finalement, Me Landreville corrige certains faits rapportés dans ce dernier envoi dans une lettre (Pièce A-19) datée du 15 février 2013, où elle écrit :
Sans vouloir prétendre répondre à chacun de vos arguments, nous nous permettons d’emblée de vous préciser que nos clients n’ont jamais été informés que des travaux « correctifs » allaient être réalisés à l’unité, non plus que de la date de leur début. En fait, ce n’est que lors de la transmission de votre lettre du 20 décembre 2012 que nous avons appris, a posteriori, que des travaux avaient été faits et complétés.
Au surplus, toujours afin de rétablir les faits, nous ajoutant que c’est votre cliente qui, suite à l’appel de nos clients ayant immédiatement suivi la réception de votre lettre, a reporté l’accès à l’unité par nos clients, justifiant son refus d’une visite immédiate par la période des fêtes. Dès leur retour de vacances, nos clients ont de nouveau tenté à de multiples reprises de rejoindre votre cliente, pour finalement réussir à obtenir une visite des lieux le 31 janvier 2013 avec le contremaître de chantier, visite qui leur a permis de constater que les travaux « correctifs » effectués par votre cliente étaient tout aussi inesthétiques.
[32] Le 19 février 2013, les procureurs de l’Entrepreneur avisent les procureurs des Bénéficiaires que le délai de sept (7) jours est expiré et que le contrat est par conséquent résilié.
[33] Le litige s’est transporté devant l’Administrateur de Garantie Abritatinc..Le 17 juin 2013Yvan Gadbois, conciliateur principal, rendait sa décision et donnait raison à l’Entrepreneur.
[34] Le conciliateur Yvan Gadbois expose ainsi son raisonnement :
Selon les faits recueillis et les échanges de correspondances, l’administrateur tire les conclusions suivantes :
Dans un premier temps, début novembre 2012, il y a eu une inspection de faite par les bénéficiaires et l’entrepreneur dans le but de remplir le formulaire d’inspection préréception de l’unité, conformément aux dispositions du Règlement.
Une liste a alors été établie, laquelle identifiait les malfaçons apparentes à corriger. Les bénéficiaires ont refusé de signer cette liste, faisant échec à la réception de la partie privative.
S’en est suivi un long échange de correspondances entre les procureurs des parties, où chacun a exprimé ses positions.
En février 2013, utilisant la clause 31 du contrat préliminaire, l’entrepreneur a résilié ce contrat après avoir mis en demeure les bénéficiaires de passer titre. La clause se lit comme suit :
DÉFAUT DU PROMETTANT-ACHETEUR
31.Le défaut par le promettant-acheteur de respecter l’une ou l’autre des conditions et obligations lui incombant en vertu du présent contrat préliminaire permettra au vendeur de le résilier, après l’écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas le vendeur conservera tous les acomptes déjà reçus du promettant-acheteur, sans préjudice à tout autre recours.
Suivant cela, l’entrepreneur considère que le contrat préliminaire est résilié et qu’il est en droit de conserver les acomptes versés.
De l’avis de l’administrateur, les raisons invoquées par les bénéficiaires pour demander le remboursement ne constituent pas des motifs valables pour ordonner un tel remboursement.
Tout au plus, ces raisons se qualifient de travaux de parachèvement ou de correction de malfaçons visés par la garantie après réception de l’administrateur prévue à l’article 27 du Règlement.
Considérant ce qui précède, l’administrateur est d’avis qu’il n’y a pas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales et contractuelles permettant aux bénéficiaires d’obtenir le remboursement de l’acompte de 29 550$ qu’ils ont versé à l’entrepreneur.
Au surplus, l’entrepreneur s’est prévalu de la clause 31 au contrat préliminaire afin de résilier celui-ci.
En conséquence, la demande de remboursement d’acompte des bénéficiaires est refusée.
REQUÊTE PRÉLIMINAIRE CIBLANT LA JURIDICTION
_________________________________________________________________
[35] Le 25 septembre 2013, prenait place une conférence téléphonique préparatoire en vue de la préparation de l’audition. Un ordre du jour pour cette conférence fut transmis préalablement aux procureurs des parties. Le troisième point à l’ordre du jour se lisait : " Compétence du tribunal ".
[36] Lors de la conférence téléphonique, tous les participants reconnaissaient la compétence du tribunal. Un procès-verbal fut dressé par le soussigné tel qu’il avait été indiqué au terme de la conférence. Il fut transmis aux procureurs et il est écrit : " La compétence du tribunal est reconnu par tous. "
[37] Le 8 novembre 2013, Me Jessica Tremblay, procureure pour l’Entrepreneur, avisait par courrier électroniquel’arbitre et les autres procureurs qu’elle entendait soulever :
L’absence de compétence d’un arbitre dans le cadre de la présente réclamation du plan de garantie faite par les bénéficiaires.
[38] Le procureur des Bénéficiaires s’objecta formellement à cette requête. Le soussigné invita alors les procureurs à soumettre sommairement leur prétention respective quant à la juridiction de l’arbitre. Qui plus est, il fut demandé à la procureure de l’Entrepreneur de justifier son droit à soulever cette question alors qu’elle avait déjà reconnu la compétence de l’arbitre au stade d’une conférence préparatoire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
ENTREPRENEUR
[39] Me Jessica Tremblay signale que dans le cadre du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, il est prévu à l’article 26 que la garantie d’un plan dans le cas d’un manquement à l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment doit couvrir dans le cas d’un contrat de vente deux aspects : les acomptes versés par le Bénéficiaire et, en second lieu, le parachèvement des travaux lorsque le Bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu’une entente à cet effet intervient avec l’Administrateur.
[40] Elle avance que la décision de l’Administrateur fut rendue après l’annulation du contrat préliminaire par l’Entrepreneur suite au défaut des Bénéficiaires de signer l’acte de vente. Rien dans le Règlement ne prévoit le droit de l’Administrateur de se prononcer sur le remboursement des acomptes, une fois le contrat préliminaire annulé. Elle argumente que le contrat préliminaire est lié au contrat de garantie. Conséquemment l’annulation de l’un entraîne l’autre.
[41] Elle ajoute que l’arbitre n’a pas compétence puisqu’il n’a le pouvoir que de réviser une décision de l’Administrateur, qui lui ne tire ses pouvoirs uniquement du Règlement.
[42] Elle soutient que le seul tribunal compétent pour se prononcer sur le remboursement des acomptes versés dans les circonstances du présent dossier se veut le tribunal de droit commun.
[43] Elle justifie le retard à soulever ce moyen préliminaire par le fait qu’il est apparu pour elle uniquement lors de la préparation de l’audition.
[44] Elle plaide que l’absence de compétence peut être soulevée en tout temps et doit même être soulevée d’office par le tribunal qui ne pourrait statuer sur un point pour lequel il n’aurait pas juridiction. À cet argument s’ajoute le fait que l’article 116 du Règlement énonce la possibilité de faire appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[45] Elle reconnaît qu’elle n’a pas relevé de jurisprudence au soutien de son argumentation.
BÉNÉFICIAIRES
[46] Me Martin Janson rappelle la lettre (Pièce A-10) des Bénéficiaires transmise le 21 décembre 2012 à l’Administrateur et à l’Entrepreneur laquelle énonçait les motifs rattachés à leur demande d’annulation de contrat préliminaire et de remboursement d’acompte, alors que l’Entrepreneur n’avait pas encore décidé d’annuler ledit contrat en se fondant sur l’article 31 du contrat.
[47] De plus, si tant est que l’Administrateur n’avait pas le pouvoir de se prononcer sur le remboursement des acomptes une fois le contrat préliminaire annulé (ce qui est nié par les Bénéficiaires), il n’en demeure pas moins qu’une décision de l’Administrateur a été rendue. Dès lors, l’Entrepreneur pouvait contester celle-ci, ce qu’il n’a pas fait.
[48] Pour ce qui est de la reconnaissance de la compétence de l’arbitre à trancher sur la demande formulée par les Bénéficiaires, Me Janson apporte trois (3) arguments.
[49] Premièrement, l’Entrepreneur est lié par la déclaration faite par son procureur, dans le cadre de la conférence préparatoire, sinon à quoi serviraient ces conférences.
[50] Dans un second temps, la raison invoquée par l’avocate pour justifier son changement de cap, ne tient pas la route parce qu’elle plaide sa propre négligence. Finalement, même si l’arbitre n’avait pas la compétence d’entendre le litige, les parties pourraient toujours s’entendre pour lui donner juridiction.
[51] Me Martin Janson s’en remet également au Code civil du Québec. Il retient trois (3) articles, à savoir 2631, 2638 et 2642.
2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
2638. La convention d’arbitrage est le contrat par lequel les parties s’engagent à soumettre un différend né ou éventuel à la décision d’un ou de plusieurs arbitres, à l’exception des tribunaux.
[…]
2642. Une convention d’arbitrage contenue dans un contrat est considérée comme une convention distincte des autres clauses de ce contrat et la contestation de la nullité du contrat par les arbitres ne rend pas nulle pour autant la convention d’arbitrage.
[52] Il est découle pour Me Janson que même si l’on prétendrait que la juridiction de l’arbitre tel que prévu par le Règlement ne va pas jusqu’à statuer sur le remboursement des acomptes " une fois le contrat préliminaire annulé ", rien n’empêcherait les parties de donner compétence à ce même arbitre, par l’effet d’une convention au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec., à décider du sort du contrat et du droit des Bénéficiaires de ne pas passer titres tout en exigeant le remboursement des acomptes.
[53] En conséquence des admissions pouvant être faites par les parties lors de la conférence préparatoire, par exemple la compétence de l’arbitre et la question au fond, les parties peuvent s’entendre alors, au sens de l’article 2631 du Code civil du Québecà prévenir " une contestation à naître " sur la question de la compétence de l’arbitre.
ANALYSE
[54] Je reprendrai d’abord le second point amené par le soussigné avant de recevoir l’argumentation des parties, à savoir, l’Entrepreneur et/ou son procureur sont-ils liés par la déclaration faite lors de la conférence préparatoire ?
[55] Il faut reconnaître qu’il s’agit ici d’une admission. Mais de quel type d’admission s’agit-il et qu’elle en est la conséquence ?
[56] Lors d’une conférence préparatoire une ou les parties peuvent faire des admissions. Ces dernières peuvent être assimilées à des aveux judiciaires qu’on ne peut révoquer sinon qu’en prouvant qu’elles furent livrées à la suite d’une erreur de fait. C’est le Code civil du Québec qui en dispose ainsi (art. 2850 et 2852) :
2850. L’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur.
2852. L’aveu fait par une partie au litige, ou par un mandataire autorisé à cette fin, fait preuve contre elle, s’il est fait au cours de l’instance où il est invoqué. Il ne peut être révoqué, à moins qu’on ne prouve qu’il a été la suite d’une erreur de fait.
[57] Aussi il est admis et reconnu par la doctrine et la jurisprudence que l’aveu ne peut porter que sur des faits, non pas sur le droit. Pour considérer qu’une déclaration constitue un aveu, il faut qu’elle soit sous un certain angle, contre l’intérêt du déclarant car elle peut alors servir contre lui.
[58] Conséquemment, je suis d’avis que la procureure de l’Entrepreneur est en droit de se raviser et de contester la juridiction de l’arbitre. Cette question de droit, comme elle le souligne, peut même être soulevée par le tribunal en tout temps.
[59] L’insertion de la compétence du tribunal à l’ordre du jour de la conférence préparatoire se veut nécessaire pour raccourcir le débat ou pour éviter de prendre par surprise les autres parties. J’ajouterai que la conférence préparatoire n’a pas l’encadrement prévu comme le prévoit le Code de procédure civile du Québec.
JURIDICTION
[60] Je dois me rallier à la position soutenue par le procureur des Bénéficiaires quant à la juridiction. J’en retiendrai certains éléments.
[61] Il est incontestable, et la jurisprudence rendue en matière de Plan de garantie est unanime, que le Règlement est d’ordre public.
[62] Les pouvoirs reconnus à l’arbitre sont de deux ordres, dans un premier temps statuer si une décision a été rendue par l’Administrateur et, dans un second temps, confirmer qu’elle est en conformité au Règlementmême si l’équité fut prise en considérationcomme le permet l’article 116 du même règlement.
[63] Le législateur en adoptant le Règlement a permis tant au Bénéficiaire qu’à l’Entrepreneur qui conteste une décision de l’Administrateur de se pourvoir en arbitrage, ce qui est le cas dans le présent dossier. Autant l’une ou l’autre des parties pourra faire valoir ses prétentions et sa position.
[64] Le Règlement prévoit en son article 26, dans le contexte de la Garantie relative aux bâtiments détenus en copropriété devise, la couverture des acomptes :
1. Couverture de la garantie
[…]
26.La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1o dans le cas d’un contrat de vente :
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire ;
[…]
[65] En 2006, en vue de clarifier le Règlement, le législateur le modifiait par l’article 33.1 :
33.1 La procédure suivante s’applique à toute réclamation sur la garantie prévue à l’article 26 :
[…]
2o pour la mise en œuvre de la garantie des acomptes ou de la garantie de parachèvement des travaux avant la réception du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur. La procédure décrite aux paragraphes 2 à 6 de l’article 34 s’applique à cette réclamation compte tenu des adaptations nécessaires;
Pour l’application du paragraphe 2 du premier alinéa, le bénéficiaire doit verser à l’administrateur des frais de 100 $ qui lui sont remboursables aux mêmes conditions que celles prescrites pour les frais prévus au paragraphe 2 de l’article
[…]
[66] Aussi, l’article 34 prévoit-il l’obligation pour l’Administrateur de décider d’une demande de réclamation.
34. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la
garantie prévue à l’article 27 :
[…]
5o dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire ;
[67] En bout de piste, le Règlement confère à l’arbitre le pouvoir et la juridiction de décider sur tout différend découlant d’une décision rendue par l’Administrateur avec laquelle une partie serait en désaccord :
106. Tout différent portant sur une décision de l’administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l’arbitre désigné en vertu de la présente section.
116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.
[68] La juridiction conférée à l’arbitre emporte tous les pouvoirs inhérents à rendre une décision, notammentsur un manquement contractuel ou sur l’annulation ou la résiliation du contrat préliminaire.
[69] L’arbitre Jean-Philippe Ewart, écrivait dans la décision Desrochers et Desforges c.Sotramont Québec inc. et La Garantie Habitation du Québec inc., 18 janvier 2010, au paragraphe 127 :
Le tribunal est plutôt d’avis que l’Administrateur se doit de statuer sur la réclamation de remboursement d’acompte dans le cadre de son mandat sous le Règlement où il agit sous une fonction juridictionnelle, organisme administratif statutaire qui en certaines circonstances accomplit des actes quasi-judiciaires, non pas en tentant de déterminer comme objet principal s’il y a nullité, résolution ou résiliation de contrat mais, tel que le spécifie le Règlement, en déterminant si les faits permettent de conclure à un « …cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception du bâtiment… dans le cas d’un contrat de vente… [ou] dans le cas d’un contrat d’entreprise… » et dans chaque cas de pourvoir à la détermination des éléments mixtes de fait et de droit permettant le choix d’application de la disposition appropriée de l’article 9 du Règlement ; il est possible que cette démarche résulte en une annulation ou résolution du contrat sous-jacent aux obligations de l’Entrepreneur, et cette résultante est partie des obligations de l’Administrateur de statuer sur la réclamation d’acompte prévue au Règlement.
[70] Le procureur de l’Administrateur a pour sa part reconnu la compétence de l’arbitre. En bref, il a résumé sa position ainsi. L’Administrateur fut saisi d’une demande formulée par les Bénéficiaires. Il l’a traitée et a rendu une décision car il devait en livrer une en vertu des termes et conditions figurant au contrat de garantie et du Règlement.
[71] J’en conclue que les Bénéficiaires étant insatisfaits de la décision pouvait alors formuler une demande d’arbitrage. Par conséquent, la requête préalable doit être rejetée.
PLAIDOIRIES QUANT À LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DES ACOMPTES
____________________________________________________________________________________________
Approche des bénéficiaires
[72] Le procureur des Bénéficiaires rappelle que ceux-ci ont choisi cet immeuble spécifiquement pour son designexceptionnel et épuré, notamment sa finition de plancher en béton poli, au surplus chauffant (chauffage radiant).
[73] Il soutient qu’ils ont accepté de payer davantage que ce qu’ils s’étaient fixés et également en rapport aux comparables du marché.
[74] Suite à deux ou trois traits de scie malencontreux de l’ouvrier chargé de s’exécuter au niveau du plancher en béton poli pour apporter les joints d’expansion dans l’unité, des réparations à trois endroits en découlèrent. Cette mauvaise exécution "anéantissait dans le couloir de l’entrée principal de l’unité de même que dans la chambre à coucher, cet effet épuré " [Photos B-12].
[75] Cette erreur commise par le préposé de Béton Prestige fut communiquée aux Bénéficiaires par un représentant (M. Dubé) de cette compagnie à un spécialiste retenu par ces derniers.
[76] Leur ingénieur spécialisé en structure et expert, Vincent Sauvé, se présenta sur place le 11 décembre 2012 et rédigea un rapport daté du 14 décembre 2012 (B-4). Je me permets de le reprendre :
Constatations : Bâtiment neuf, en structure de bois. Spécifiquement, à l’unité concernée, ([…]) plancher en béton apparent. Selon les informa-tions du surintendant sur place monsieur Éric Pinsonneault de Solvo Solution, (référence transmise par monsieur Vincent Gauthier de Solvo Solution), la chape de béton aurait une épaisseur de +/- 2 ½. Le plancher est chauffant/radiant, le chauffage est par flux liquide dans des tuyaux en polyéthylène (½"). Des réparations à trois endroits sont évidentes, 2 dans une chambre et une autre dans le corridor. Ces réparations coïncident avec le trait de scie effectuer pour contrôler les fissures de retrait, trait de scie de +/-¼" de plafond selon le surintendant. De plus, selon les dires du surintendant, lors d’une tentative de réparation des tuyaux chauffants, et ce par le dessous de la dalle, le treillis métallique (armature de la dalle) serait directement sur le contreplaqué de fond. Enfin, les réparations sont d’une couleur différente du béton en place et donc, très apparentes. Lors de cette inspection, je n’ai pas eu accès aux plans et devis.
Analyse et conclusion : Comme les tuyaux chauffants ont été sectionnés lors du trait de scie de +/- ¼" de profondeur, ceci nous indique que les tuyaux chauffants ont été installés trop près de la surface du béton.
Résultat, fragilisation de la surface du plancher et il peut y avoir, dans le temps, une empreinte visible des tuyaux chauffants à la surface.
Le positionnement du treillis métallique au fond de la dalle enlève toute la capacité de cette dernière de fléchir sans fissurer, comme s’il n’avait pas été présent, totalement inefficace. Comme cette dalle est très mince et sur une structure de bois, le treillis est essentiel afin de préserver la dalle de la fissuration lors d’efforts de flexion.
Esthétiquement, les réparations sont vraiment inacceptables, la couleur du béton n’est pas la même et le tout est très apparent.
Pour terminer, avec les informations disponibles à ce jour, la seule solution de réparation valide est d’enlever la dalle et de la recommencer. Cependant, il est possible à l’aide d’équipement électronique spécialisé de faire un relevé complet pour vérifier le positionnement des tuyaux et du treillis. Une fois le relevé complété, d’autres pistes de solution pourront être envisagées.
[77] Quant à l’expert de l’Entrepreneur, André Gagné, le procureur fait valoir qu’il ne possède qu’une technique en architecture de niveau collégial. Il souligne le fait que bien que représentant de l’Entrepreneur, il loge à la même adresse que l’Administrateur, son procureur de même que son inspecteur conciliateur ce qui doit être pris en considération dans l’évaluation de la force probante de son témoignage. Il suggère que son impartialité d’expert pourrait être mise en doute. Il pourrait également vouloir " satisfaire l’Administrateur du plan de garantie, dont l’actionnaire unique est son employeur, à savoir l’APCHQ, qui devra cautionner l’Entrepreneur en cas de non-exécution de la sentence. "
[78] J’ouvre ici une parenthèse. Avec respect pour l’opinion contraire, je considère qu’il s’agit de spéculations.
[79] Quant à André Gagné, sa qualité d’expert a été reconnue non seulement par le soussigné mais par d’autres tribunaux.
[80] Sur le droit applicable, le procureur indique que l’appréciation des faits doit se faire en considérant à la fois le contrat préliminaire et de garantie, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et finalement le Code civil du Québec.
[81] Il rapporte les articles 30 et 31 du contrat préliminaire qui traitent du défaut du vendeur et du défaut du promettant vendeur.
30. Advenant un retard dans la livraison, les parties aux présentes conviennent que les dommages liquidés à être payés par le vendeur seront uniquement ceux prévus au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, lesquels constitueront un règlement complet et final de tout litige. Sous réserve de la clause pénale stipulée ci-haut, le défaut par le vendeur de respecter l’une ou l’autre des clauses et obligations lui incombant en vertu du présent contrat permettra au promettant-acheteur de la résoudre, après l’écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas le vendeur devra remettre au promettant-acheteur les acomptes reçus, le tout sans préjudice à tout autre recours.
31. Le défaut par le promettant acheteur de respecter l’une ou l’autre des conditions et obligations lui incombant en vertu du présent contrat préliminaire permettra au vendeur de le résilier, après l’écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas le vendeur devra remettre au promettant-acheteur les acomptes reçus, le tout sans préjudice à tout autre recours.
[82] Il poursuit avec la couverture de la garantie à l’article 26 :
26. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1o dans le cas d’un contrat de vente :
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire ;
[…]
[83] Il souligne que l’article 34 du Règlementprévoit l’obligation faite à l’Administrateur de décider d’une demande de réclamation.
[84] Trois articles du Code civil du Québec sont mis en évidence.
1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérent ou du consommateur.
§2.- De l’exception d’inexécution et du droit de rétention
1591. Lorsque les obligations résultant d’un contrat synallagmatique sont exigibles et que l’une des parties n’exécute pas substantiellement la sienne ou n’offre pas de l’exécuter, l’autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d’exécuter son obligation corrélative, à moins qu’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu’elle soit tenue d’exécuter la première.
(Je souligne)
2100.L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.Lorsqu’ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.
[85] Me Janson affirme que l’article 26, paragraphe 2, alinéa 1 du Règlement (clause 2 du contrat) ne résulte pas uniquement de cas de faillite d’un entrepreneur ou l’abandon de chantier puisque le texte parle de "manquement de l’Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles. "
[86] Il souligne que l’obligation de l’Entrepreneur en est une de conformité du bien et de résultat. Quant à la conformité, il rapporte l’ouvrage de Pierre-Gabriel Jobin, La Vente, (3e éd), Éditions Yvon Blais, paragraphe 99 :
99. Identité du bien délivré - Le vendeur a l’obligation de délivrer un bien rigoureusement conforme à celui qui a été convenu. Cette règle touche principalement l’identité, la quantité et, dans une certaine mesure, la qualité du bien. Souvent la convention est très explicite sur l’identité et la quantité, ou alors elle contient des indications qui permettent de les déterminer.
Le bien délivré doit être identique à celui sur lequel les parties se sont entendues. Il doit notamment posséder toutes les caractéristiques (couleur, dimension, modèle, par exemple) précisées par l’acheteur lors de la vente. Cette obligation du vendeur en est une de résultat. Sa bonne foi n’est pas pertinente.
(Je souligne)
[87] Le procureur insiste sur le fait que l’Entrepreneur est soumis à l’obligation de résultat. Il doit livrer un ouvrage conforme aux plans et devis et aux règles de l’art. La décision de l’arbitre Ewart dans Coupal et Blais c.Villas Constructions 2006 inc. et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., 21 octobre 2013, en traite largement aux paragraphes 66 à 71.
[88] Il note que les réparations du plancher de béton qu’engendraient des travaux se situent à près de $ 40,000,00 dollars, dans le cas où il faudrait reprendre tout le travail.
[89] À cela s’ajoute les déficiences du chauffage radiant dues au positionnement des tuyaux. Le chauffage ne serait pas uniforme et le plancher risquerait de craquer. C’est la thèse adoptée par l’expert des Bénéficiaires. Toutefois l’expert de l’Entrepreneur réfute totalement cette assertion.
[90] Il fait état que les documents demandés par les Bénéficiaires afin d’aider leur expert dans l’appréciation de la situation n’ont jamais été fournis par l’Entrepreneur si ce n’est que lors de la transmission du cahier de pièces de ce dernier.
[91] Finalement, les dérogations aux plans et devis et descriptions techniques sont également signalées. Il met l’éclairage sur l’absence de chauffage électrique avec thermostat indépendant et programmable, l’absence d’un cabanon de rangement, l’absence de persiennes de protection et la modification unilatérale fibrociment promis aux balcons.
[92] Les Bénéficiaires ont dénoncédès le 9 novembre 2012 ce qui constituaient pour eux des manquements de l’Entrepreneur. Le refus du contracteur à s’exécuter ou à respecter ses obligations amena les Bénéficiaires à demander l’annulation de leur contrat préliminaire et le remboursement de leurs acomptes (A-10 et A-5).
[93] Face à ces manquements, les Bénéficiaires étaient donc en droit de ne pas passer titre et de réclamer remboursement de leur acompte.
[94] Le procureur enveloppe cette conclusion avec certains principes rapportés par l’auteure Pauline Roy dans son article, "La rénovation et l’acquisition d’un immeuble d’habitation : le difficile arrimage des mesures de protection." J’en rapporte ici certains passages soulignés par le procureur.
(90) Lorsque l’entrepreneur manque à ses obligations, le bénéficiaire du plan de garantie et l’administrateur peuvent conclure une entente pour permettre le parachèvement des travaux. Dans le cas de la vente d’un immeuble, cette solution n’est possible que si le bénéficiaire est détenteur du titre de propriété (art. 9 et 26(1o)b)). Lorsque les travaux à parachever sont substantiels, on imagine mal que le promettant-acheteur puisse être contraint de conclure le contrat de vente et de payer le solde du prix de vente, sans savoir dans quelle mesure l’administrateur est prêt à s’engager ou y est tenu. C’est à une telle situation qu’une interprétation littérale des articles 9 et 26 du règlement pourrait conduire. En revanche, une interprétation compatible avec l’objectif poursuivi devrait permettre d’arriver à une solution plus acceptable pour le bénéficiaire.
Dans de telles circonstances, il nous semble que le promettant-acheteur ne devrait pas être contraint de conclure que le contrat de vente, tant qu’une entente satisfaisante n’est pas intervenue avec l’administrateur et ce, tant au sujet de l’étendue des travaux à faire et des délais prévus pour les compléter, qu’à celui des différents frais accordés (art. 9 et 26(3o)), s’il y a lieu.
(Je souline)
[95] Me Janson argumente que ce n’est pas le "Défaut du promettant-acheteur" qui est ici en cause (art. 31 du Contrat), mais bien le "Défaut de l’Entrepreneur", au sens de la clause 30 qui permet alors aux Bénéficiaires de :
résoudre [le contrat préliminaire], après écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas le vendeur devra remettre au promettant-acheteur les acomptes reçus, le tout sans préjudice à tout autre recours.
[96] Il se réfère également à l’article 1432 du Code civil du Québec pour disposer de clauses ambigües quant à leur interprétation :
1432. Dans le doute, le contrat s’interprète en faveur de celui qui a contracté l’obligation et contre celui qui l’a stipulée. Dans tous les cas, il s’interprète en faveur de l’adhérant ou du consommateur.
[97] Dès lors, si le tribunal est en face d’un doute quant à l’interprétation des clauses 30 et 31 du contrat préliminaire, il devra privilégier l’interprétation favorisant les Bénéficiaires.
[98] La décision du juge Jean-Pierre Sénécal de la Cour supérieure, dans LeFrançois c.Kottaras et Danco, 505-05-005727-992, 21/07/2003, est soulignée pour définir la norme d’appréciation qui doit être prise en considération lors de la résiliation unilatérale d’une promesse d’achat comportant une condition d’inspection. Le juge écrit :
[13] Cela dit, la clause ne peut trouver application et conduire à l’annulation de l’offre d’achat que si les conditions qu’elle prévoit sont remplies. Il faut :
Ø qu’apparaissent des facteurs révélés par l’inspection ;
Ø susceptibles d’affecter la valeur de la propriété à la baisse, d’en diminuer les revenus ou d’en augmenter les dépenses ;
Ø le tout, de façon significative.
[14] Cela signifie que tout «défaut» ou «problème» révélé par l’inspection n’ouvre pas automatiquement le droit à l’annulation de la promesse d’achat. L’utilisation du mot «susceptible» indique que le «facteur se rapportant à l’immeuble» dont on se plaint doit avoir la capacité de diminuer la valeur du bien, être de nature à avoir cet effet. Il doit par ailleurs être, ou l’ensemble des défauts et problèmes doivent par ailleurs être suffisamment importants pour avoir un impact «significatif» sur le prix offert, soit qu’ils diminuent la valeur de l’immeuble ou ses revenus (ce dernier élément n’est pas applicable ici), soit qu’ils augmentent les dépenses éventuelles.
[15] L’ampleur des vices pouvant être invoquée est à rapprocher de celle des vices cachés dont traite l’article 1726 C.c.Q. Tandis que la clause d’inspection traite des «facteur[s] susceptible[s], de façon significative, de diminuer la valeur de l’immeuble», l’article 1726 traite des vices «qui diminuent tellement l’utilité [du bien] que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus». Dans les deux cas, il s’agit de se demander si les vices sont d’une telle importance qu’ils sont de nature à modifier la décision d’acheter au prix convenu (sinon d’acheter purement et simplement). En somme, il s’agit de se demander s’ils sont de nature à justifier une diminution du prix de vente. Lorsque c’est le cas, la clause d’inspection donne le droit à l’acheteur d’annuler purement et simplement sa promesse d’achat.
[16] Pour en juger, il faut bien sûr tenir compte de l’âge du bien vendu, de sa «nature» (ici, une maison ancestrale) et du prix d’achat.
DISCUSSION ET ANALYSE
[99] À ce stade, le tribunal indique qu’il ne peut endosser les arguments des Bénéficiaires malgré la qualité de travail de leur procureur et malgré le fait que leur cause puisse paraître fort sympathique. Le raisonnement n’est pas suffisamment supportépar la preuve et par le droit.
[100] Le tribunal s’en remettant à l’ensemble des témoignages et des pièces produites ainsi que l’argumentation présentée tant par les procureurs de l’Entrepreneur que de l’Administrateur doit conclure au rejet de la demande de remboursement soumise par les Bénéficiaires pour les motifs qui suivent.
[101] Quel est le niveau de preuve à offrir pour les Bénéficiaires ?
[102] À l’article 2803, du Code civil du Québec, le législateur indique :
2803- Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
[103] L’article 2804 qui suit définit la preuve prépondérante.
2804- La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est insuffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.
[104] Il suffit pour les Bénéficiaires, en l’espèce, que leur preuve soit prépondérante. La Cour suprême, dans l’arrêt Montréal Tramways Co. c. Léveillé, [1933] R.C.S. 456, nous enseignait :
This does not mean that he must demonstrate his case. The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon.
[105] La décision doit être rendue judiciairement, par conséquent en conformité des règles de preuve généralement admises devant les tribunaux.
Rappel de certains faits importants
[106] Les parties signent le contrat préliminaire en date du 6 mai 2012 ainsi qu’un document intitulé : "Zia Parc Saint-Paul Caractéristique".
[107] De consentement elles reportent au 30 octobre 2012 la date de livraison et signent un avenant de modification (E-2), le 21 octobre 2012.
[108] Le bénéficiaire Charles Desroches a témoigné avoir eu un premier contact avec l’Entrepreneur en avril 2012. Par la suite, il s’est amené à trois reprises sur les lieux de l’immeuble avant de procéder à la signature du contrat préliminaire. Il reconnaît que ce projet correspondait à ce qu’il recherchait tant sur le design que sur le type de matériaux utilisés. Il souligne qu’il se rendait assidûment à son unité du […] à Montréal durant la construction.
[109] La preuve a révélé qu’en date du 21 octobre 2012, les travaux montrent une progression importante.
[110] Le 1e novembre 2012, une visite pré-réception prend place. Le plancher est en parfait état. Il ne consent pas à signer la liste de pré-réception dû au fait qu’il veut attendre que l’alimentation en eau soit fonctionnelle et par voie de conséquence que le système de chauffage soit fonctionnel.
[111] Une seconde visite de pré-réception prend place le 8 novembre 2012. C’est alors qu’il constate que des réparations apparaissent à trois endroits au plancher de béton. Les Bénéficiaires refusent de signer la liste de pré-réception.
[112] Par la suite, les Bénéficiaires s’inquiètent des performances du système de chauffage radiant, en plus des correctifs visibles à la dalle de béton.
[113] En regard au système de chauffage radiant, l’expert des Bénéficiaires, Vincent Sauvé, témoigne que malgré les inquiétudes qu’il soulève à ses clients, il n’a jamais procédé à des vérifications ou à une expertise précise.
[114] Aucun test de lecture par appareil infrarouge ou autre n’a été fait par l’expert. L’exercice aurait été d’une certaine utilité pour ne pas dire d’une utilité certaine. Pourtant, il écrit dans son rapport du 14 décembre 2012 :
… Cependant, il est possible à l’aide d’équipement électronique spécialisé de faire un relevé complet pour vérifier le positionnement des tuyaux et du treillis.
[115] Les faits qu’il relatedans son rapport sont basés sur du ouï-dire. Ce qu’il donne comme information ne provient pas de celui qui s’est exécuté ou qui a constaté la pose des tuyaux et treillis, mais par un représentant de l’Entrepreneur. Lors de son témoignage l’ingénieur et expert, Vincent Sauvé, a reconnu qu’il s’est basé uniquement sur les propos livrés par Éric Pinsonneault lequel n’était pas sur les lieux lors des fissurations. Il n’a pas testé le système de chauffage et n’a pas effectué un test de lecture de la température à infrarouge. Il a indiqué que la recommandation était d’installer les tuyaux à ¾ de pouces de la surface.Le tribunal est d’avis qu’il aurait été utile et nécessaire d’entendre Éric Pinsonneault à l’audition puisque le rapport d’expert des bénéficiaires repose sur ce qu’il aurait dit.
[116] Suite à la rencontre du 8 novembre 2012, correspondance et courriers électroniques sont échangés entre les parties. Des propositions et contre-propositions sont faites de part et d’autre afin de tenter de régler le dossier.
[117] Suite au refus de l’Entrepreneur de consentir aux demandes des Bénéficiaires et pour autres motifs, ces derniers s’adressent le 12 décembre 2012 à Garantie Abritat et à l’Entrepreneur, tout en indiquant leur décision d’annuler l’achat de l’unité 2 du projet Zia Parc Saint-Paul (A-10).
[118] Le document A-10 parle des "délais". Le procureur des Bénéficiaires a reconnu à l’audition que cet argument n’était plus un enjeu.
[119] Pour les autres points, mis à part le balcon et la dalle de béton, rien dans le témoignage des Bénéficiaires n’est venu convaincre le tribunal de considérer ou retenir ces points. Pour les manquements soulevés, ceux-ci pouvaient entrer dans la liste de pré-réception. J’y reviendrai plus loin.
[120] Nul doute que le point majeur, dès la seconde visite et par la suite, se voulait la dalle de béton, plus précisément son esthétique. Il était indiqué par courrier électronique, dès le lendemain, d’une possibilité d’annulation de vente.
[121] Voici la partie de cet envoi qui en traite :
Bonjour Vincent,
Pour faire suite à notre visite, voici la liste des choses qui ne conviennent pas et qui nous empêchent de signer le contrat.
1. L’État du plancher est inacceptable (une tache plus foncée dans le couloir, et deux dans la chambre dont une au centre et une sur le bord du mur)
[…]
Bref, beaucoup de choses sont manquantes ou même inacceptables, c’est pourquoi nous refusons de signer le contrat. Tant que cette situation ne sera pas corrigée, nous ne signerons pas le contrat.
Nous attendons voir vos solutions proposées pour rectifier la situation, principalement le plancher qui est le point majeur.
La solution proposée nous permettra de prendre la décision si nous continuons les démarches pour annuler la vente.
[122] Dans ce même document il m’apparaît incontournable de pouvoir qualifier illico les points 2 à 24 de travaux de parachèvement ou à corriger.
[123] Dans cette situation, le Règlement prévoit une réception de l’unité avec réserves et à la terminaison de l’ouvrage arrivera celle des parachèvements ou des correctifs.
[124] Je comprends des correspondances échangées (B-3 et E-6) le 26 novembre et le 4 décembre 2012 entre les procureurs que tous les points outre le balcon et la dalle de béton sont en quelque sorte réglés.Quant à la dalle de plancher, il est utile de reprendre certains passages de ces deux documents.La lettre du 26 novembre 2012 (B-3) des procureurs des Bénéficiaires adressée aux procureurs de l’Entrepreneur expose la proposition suivante :
Pour ces motifs, nos clients demandent à la vôtre quant à cet aspect de leurs différends, de :
i) Détruire et reconstruire complètement la section moins élevée de la dalle de béton de leur unité, soit le corridor, la chambre et la salle de bain, positionner adéquatement les serpentins chauffants et reconstruire la dalle telle qu’elle aurait dû l’être à l’origine. Nos clients exigent en outre, pour cette option, une confirmation du fabriquant du système de chauffage que la situation pour la section supérieure est conforme à ses exigences d’installation ; ou encore
ii) Reprendre les trois rapiéçages déjà faits et repolir le plancher dans toute l’unité afin que le grain de béton soit plus visible et les ouvertures pratiquées moins apparentes, et fournir une confirmation du fabricant du système de chauffage à l’effet que l’installation des tuyaux à un quart de pouce seulement de la surface de la dalle est adéquate et fournira assez de puissance pour chauffer correctement l’unité de nos clients. Comme cette situation, en toute vraisemblance, ne pourra jamais donner le produit fini attendu, nos clients demandent en outre à cet égard un dédommagement totalisant la somme 9 000,00 $, représentant le coût d’achat d’un tapis pour la chambre et d’une bibliothèque pour le couloir, ainsi qu’une compensation pour la perte de valeur de l’unité, cette somme devant être payée par chèque au jour de la signature de l’acte de vente.
(Je souligne)
[125] Sur ce point, les procureurs de l’Entrepreneur répondent le 4 décembre 2012 (E-5) ainsi :
Nous comprenons de votre missive que vos clients craignent une certaine défaillance du système de chauffage.
Or, en date de ce jour et suivant les réparations effectuées, nous comprenons qu’il n’y a aucune manifestation d’un quelconque problème qui pourrait affecter ce système.
En l’absence d’une telle manifestation, il est prématuré pour vos clients de tenir de tel propos. Advenant le cas où des problèmes se manifesteraient, il va de soi que notre cliente assumera ses responsabilités. Nous vous rappelons aussi que vos clients bénéficient d’une sûreté suffisante, soit le plan de garantie ABRITAT.
D’abondant, nous vous rappelons que la méthode corrective appartient à l’entrepreneur. Advenant le cas où vos clients s’adresseraient au plan de garantie pour l’allégué préjudice subi, l’administrateur ne pourrait déterminer une méthode corrective autre que celle de l’entrepreneur.
Notre cliente réitère donc son offre de faire préparer, par le biais d’un sous-traitant, les échantillons de béton polis avec des teintes se rapprochant le plus de la teinte du plancher de vos clients. Ces derniers pourront assister afin de choisir de concert cette teinte, suivant quoi, le rapiéçage et le repolissage pourront être effectués.
Afin de compenser un quelconque préjudice esthétique, notre cliente se dit prête à offrir aux vôtres la somme de 4 500.00 $.
(Je souligne)
[126] De toute évidence, il en manquait peu pour qu’il y ait une entente. Le calcul se veut facile.
[127] Je reprends ici les points soulevés en argumentation par le procureur des Bénéficiaires avant d’analyser la situation de la dalle de béton.
[128] En ce qui a trait à l’absence de chauffage électrique, tel que souligné par la procureure de l’Entrepreneur, il n’y aucune mention de ce manquement à l’intérieur de quelque correspondance que ce soit en provenance des procureurs des Bénéficiaires. Il en est tout autant pour l’absence d’un cabanon de rangement. Qui plus est, il n’y a aucune référence d’un cabanon dans le contrat préliminaire (E-3). Par contre, il est fait mention de " l’accès exclusif à la salle mécanique ".
[129] Pour les persiennes, la preuve a révélé qu’elles avaient été retranchées avant même que les parties se rencontrent, la ville de Montréal l’aurait exigé. Aucun document faisant partie d’ententes écrites n’en fait mention.
[130] Finalement, quant à la modification ou au changement de matériaudu balcon, le témoin Martin Maday avait initialement demandé à des sous-contractants de soumissionner pour des balcons en fibrociment. Trois sous-contractants lui ont déconseillé ce matériau puisqu’il craquait après un certain temps. L’Entrepreneur a alors jugé bon de le remplacer, le droit de substitution appartenant à celui-ci, faut-il le rappeler.
La dalle de béton
[131] L’analyse des reproches formulés par les Bénéficiaires m’amène à conclure que le véritable et unique point en litige se voulait l’esthétique de la dalle en béton.
[132] La correspondance du 9 novembre 2012 établit clairement que les Bénéficiaires menacent de mettre fin au contrat uniquement pour le préjudice esthétique découlant des réparations faites à la dalle de béton.
[133] Le 26 novembre 2012, ils allèguent pour la première fois qu’un problème de non-conformité au standard établi affecte la pose des tuyaux alimentant le chauffage radiant de la dalle. La lettre de leur procureur en témoigne :
Nos clients, voulant conserver la finition de béton qui a d’ailleurs grandement influencé leur choix d’acquérir une unité dans le projet de votre cliente, ont notamment fait des recherches quant à la possibilité de scarifier la dalle ou encore d’y faire des insertions esthétiques. Lors de leurs recherches, nos clients nous indiquait avoir discuté avec l’entrepreneur ayant procédé à la mise en place de la dalle de béton dans leur unité. Il appert de cette discussion qu’un problème est survenu lors de la mise en place de la dalle de béton, les tuyaux alimentant le chauffage radiant de la dalle étant seulement à un quart de pouce de sa surface, alors que la norme en cette matière exigerait qu’ils soient à au moins un demi-pouce de celle-ci. Ce défaut anéantit toute possibilité de scarification ou d’insertion esthétique, en plus d’entraîner des conséquences sur le rendement en termes de chauffage et créer un stress sur la dalle qui pourrait, selon les experts consultés, la faire fissurer ou se délaminer à moyen terme.
[134] Comme le souligne la procureure de l’Entrepreneur de deux choses l’une : ils étaient prêts à accepter les réparations effectuées à la dalle puisqu’ils considéraient la possibilité de sacrifier la dalle ou encore de corriger le tout en faisant des insertions.
[135] Il ressort de cette correspondance qu’ils ont délaissé cette idée au motif qu’une problématique plus importante semblait affecter la dalle soit que les tuyaux alimentant le chauffage radiant de la dalle étaient à un quart de pouce seulement de sa surface. Encore faut-il redire que l’énoncé de ce fait découlait d’une conversation avec un représentant de l’Entrepreneur Yannick Dubé ayant procédé à la mise en place de la dalle de béton.
[136] Le témoin Dubé de Béton Prestige fut amené à donner sa version des faits par les Bénéficiaires. Son interrogatoire en chef nous a appris que les traits de scie avaient été faits avec une lame de ¾ de pouce.
[137] Le même témoin a indiqué qu’il n’y avait rien d’exceptionnel à faire face à des fissurations lors des traits de scie et que cela se produisait à l’occasion car, selon lui, les tuyaux sont appelés à bouger. Ce témoignage contredit les propos avancés dans la lettre des procureurs des Bénéficiaires du 26 novembre 2012.
[138] Les Bénéficiaires firent également appel à Martin Maday lors de l’audition. Cet entrepreneur général était le contremaître du chantier. Il fut témoin de l’installation. Il affirme que ce qu’il a vu : les tuyaux ont été placés à au moins ¾ de pouce de la surface ce qui se veut conforme aux normes du manufacturier (Pièce E-12).
[139] Il explique les fissurations des tuyaux par le fait qu’il a eu erreur dans les plans utilisés. Béton Prestige aurait utilisé des plans d’une autre unité dont la disposition des tuyaux n’était pas identique. L’erreur me paraît toutefois grossière puisque lui-même était là en sus de l’exécutant.
[140] La seule évaluation du préjudice esthétique fut apportée par l’expert André Gagné qui le chiffre à 3,000,00 $ dollars. Évidemment, cela se veut purement subjectif puisque chacun pourrait y mettre sa propre évaluation.
[141] Les Bénéficiaires dans la lettre du 26 novembre 2012 (B-3) exigeait un dédommagement de $ 9,000.00 dollars, ce qui représentait le coût d’achat d’un tapis pour la chambre, d’une bibliothèque pour le couloir, ainsi qu’une compensation pour la perte de la valeur de l’unité. En bout de piste, je le répète, l’écart n’était pas irréconciliable.
LE DROIT
[142] L’article 26 du Règlement permet-il le remboursement des acomptes en l’espèce ?
[143] La demande de remboursement des acomptes formulée par les bénéficiaires est régie par l’article 26 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, plus particulièrement au paragraphe 26.
26. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1 o dans le cas d’un contrat de vente :
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire ;
b) soit le parachèvement des travaux lorsque le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété et qu’une entente à cet effet intervient avec l’administrateur;
[144] Cet article 26 traite donc des protections accordées à un bénéficiaire avant la réception de la partie privative.
[145] L’article 25 du Règlement vient définir la réception d’une partie privative.
25. Pour l’application de la présente sous-section, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
[…]
« réception de la partie privative» : l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter la partie privative qui est en état de servir à l’usage auquel on la destine et dont, s’il y a lieu, certains travaux sont à parachever ou à corriger;
[…]
[146] L’articulation de la réception du Règlement est fort semblable à celle présentée au Code civil du Québec, à l’article 2110.
2110. Le client est tenu de recevoir l’ouvrage à la fin des travaux ; celle-ci a lieu lorsque l’ouvrage est exécuté et en état de servir conformément à l’usage auquel on le destine.
La réception de l’ouvrage est l’acte par lequel le client déclare l’accepter, avec ou sans réserve.
[147] Pour cequi est des protections offertes au Bénéficiaire après la réception de la partie privative, c’est l’article 27 du Règlement qui en traite.
27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1o le parachèvement des travaux dénoncés, par écrit :
a) par le bénéficiaire, au moment de la réception de la partie privative ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;
b) par le professionnel du bâtiment, au moment de la réception des parties communes ;
2o la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception ;
3ola réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons ;
4ola réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ;
5ola réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l’article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties commune ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[148] Les Bénéficiaires ont refusé de passer titre, je le rappelle. L’unité était prête aux fins auxquelles elle était destinée depuis décembre 2012. L’Entrepreneur étant devant une impasse, fut amené à livrer un avis écrit suivant la clause 31 du contrat préliminaire, laquelle fut rapportée plus haut.
[149] Il fut souligné, avec raison, par la procureure de l’Entrepreneur, que les Bénéficiaires n’ont jamais transmis d’avis suivant la clause 30 du contrat préliminaire, laquelle édite :
DÉFAUT DU VENDEUR
30. Advenant un retard dans la livraison, les parties aux présentes conviennent que les dommages liquidées à être payés par le vendeur seront uniquement ceux prévus au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, lesquels constitueront un règlement complet et final de tout litige. Sous réserve de la clause pénale stipulée ci-haut, le défaut par le vendeur de respecter l’une ou l’autre des clauses et obligations lui incombant en vertu du présent contrat permettra au promettant-acheteur de le résoudre, après l’écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas le vendeur devra remettre au promettant-acheteur les acomptes reçus, le tout sans préjudice à tout autre recours.
[150] À la lecture des articles 25, 26 et 27 du Règlement, on comprend que deux protections ont été apportées dans la mesure où les parties se retrouvent avant ou après la réception.
[151] Toutes les discussions rendues en égard de l’article 26 (1) a) du Règlement traitant des acomptes à rembourser se veulent toutes en situation de faillite de l’Entrepreneur ou d’abandon du chantier. Tous ces cas où l’Entrepreneur n’est plus en mesure de livrer un bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel il était destiné. Mis à part ces deux situations, la jurisprudence semble inexistante. Le procureur des Bénéficiaires n’a soumis aucune décision à l’effet contraire.
[152] La procureure de l’Entrepreneur souligne certains extraits de l’auteure Pauline Roy, dans son article intitulé « La rénovation et l’acquisition d’un immeuble d’habitation : le difficile arrimage des mesures de protection » (opus cite). L’auteure avance que le remboursement des acomptes (art. 26 (1) a)), n’aura lieu que dans les cas où l’Entrepreneur est en faillite ou alors, lorsqu’il y a eu abandon du chantier par celui-ci.
81. Le remboursement des acomptes versés par le bénéficiaire a lieu lorsque l’entrepreneur n’est pas en mesure de respecter ses engagements contractuels. S’il est vrai qu’en pareille situation, le remboursement incombe au premier chef à l’entrepreneur, conformément aux règles applicables en cas de résolution ou de résiliation du contrat, il n’en demeure pas moins que, s’il n’est pas en mesure d’y satisfaire, c’est l’administrateur du plan qui s’en porte garant. Tel est l’objectif du plan de garantie.
[…]
bb) La promesse bilatérale de vente
(84) […]
Avant de discuter de cet aspect de la question, il importe de rappeler que le remboursement des acomptes ne peut avoir lieu que si le contrat de vente n’est pas conclu2. Lorsqu’il est évident que l’entrepreneur refuse ou n’est pas en mesure de construire l’immeuble faisant l’objet de la promesse, nous ne croyons pas qu’il soit conforme à la logique inhérente à l’adoption d’un mécanisme extrajudiciaire de résolution des litiges, qui s’inscrit en quelque sorte dans l’esprit de la réforme du Code civil, d’exiger que l’administrateur du plan attende qu’un tribunal ait prononcé la résolution du contrat préliminaire pour rembourser le promettant-acheteur165.
[…]
[…]
90. Lorsque l’entrepreneur manque à ses obligations, le bénéficiaire du plan de garantie et l’administrateur peuvent conclure une entente pour permettre le parachèvement des travaux. Dans le cas de la vente d’un immeuble, cette solution n’est possible que si le bénéficiaire est détenteur du titre de propriété (art. 9 et 26 (1o) b)). Lorsque les travaux à parachever sont substantiels, on imagine mal que le promettant-acheteur puisse être contraint de conclure le contrat de vente et de payer le solde du prix de vente, sans savoir dans quelle mesure l’administrateur est prêt à s’engager ou y est tenu. C’est à une telle situation qu’une interprétation littérale des articles 9 et 26 du règlement pourrait conduire. En revanche, une interprétation compatible avec l’objectif poursuivi devrait permettre d’arriver à une solution plus acceptable pour le bénéficiaire.
Dans de telles circonstances, il nous semble que le promettant-acheteur ne devrait pas être contraint de conclure le contrat de vente, tant qu’une entente satisfaisante n’est pas intervenue avec l’administrateur et ce, tant au sujet de l’étendue des travaux à faire et des délais prévus pour les compléter, qu’à celui des différents frais accordés (art. 9 et 26(3o)), s’il y a lieu. C’est seulement au moment de donner suite à l’entente que l’acheteur devrait faire la preuve qu’il détient les titres de propriété sur l’immeuble à parachever. Une telle interprétation est d’autant plus justifiée lorsque l’on sait que, en cas d’entente pour parachever ou corriger les travaux, le bénéficiaire doit faire retenir par son institution financière ou verser dans un compte en fidéicommis « toute somme encore due en vue du paiement final des travaux qui seront exécutés par l’administrateur »173. Seul le bénéficiaire qui n’a pas conclu le contrat de vente, ni payé le solde du prix d’achat, peut satisfaire à cette exigence.
[153] Le procureur des Bénéficiaires a soutenu que le texte de l’article 26 (1) a) ne cible pas uniquement ces deux situations. Je ne peux souscrire à cette interprétation.
[154] Comme le souligne le procureur de l’Administrateur, le mécanisme avant/après réception au Règlement paraît clair. La couverture avant réception trouvera application lorsque l’Entrepreneur n’est pas en mesure de livrer le bâtiment pour les raisons nommées plus haut.
[155] Quant à la couverture après réception (art. 27), on la retrouvera lorsque le bâtiment est reçu (réception) par le Bénéficiaire, puisqu’il est en état de servir à l’usage auquel il est destiné. Lors de la réception, le Bénéficiaire doit indiquer les travaux à corriger, à terminer, pour pouvoir bénéficier des protections qui lui donnent le plan de garantie.
[156] Par cette procédure, calquée au Code civil du Québec, le législateur provincial a voulu qu’une réception puisse aboutir même si l’ouvrage ou le bâtiment n’est pas parfait. Les parties visitent l’unité et une liste pré-réception est alors dressée. Si cette réception est faite avec réserves, le Bénéficiaire pourra aviser l’Administrateur pour qu’il déclenche le processus décrit à l’article 27.
[157] Pour simplifier, la protection des acomptes interviendra lorsque l’Entrepreneur peut livrer un bâtiment en état de servir à l’usage auquel il est destiné.
[158] La protection pour le parachèvement, les malfaçons et les vices, interviendra après la réception du bâtiment, lorsqu’il est en état de servir à l’usage auquel il est destiné et que le Bénéficiaire note les travaux à parachever ou à corriger.
[159] Dans le présent cas, le Règlement prévoyant une réception avec réserves, les Bénéficiaires auraient dû prendre réception de l’unité et si un désaccord aurait subsisté quant au parachèvement des travaux et la réparation des malfaçons ou des vices apparents dénoncés, ils se devaient alors de faire intervenir l’Administrateur lequel aurait alors exercé les devoirs qui lui incombaient. Ce dernier aurait donc pu se prononcer sur le parachèvement et les corrections dénoncées à la réception et les qualifier de malfaçons ou non. S’il y a manquement de l’Entrepreneur, au sens du texte législatif, ce dernier devra s’exécuter. Sinon, il appartiendra à l’Administrateur de faire exécuter les travaux qui s’imposent.
[160] Le procureur des Bénéficiaires a fait état que l’obligation de l’Entrepreneur en est une de résultat. La procureure de l’Entrepreneur ne le nie pas. Elle répond que, dans le présent dossier, l’Entrepreneur a rencontré son obligation : il a livré l’habitation.
[161] Le Règlement n’établit aucunement que pour qu’il y ait réception, tout doit être en parfait état et de l’unique point de vue du Bénéficiaire.
[162] La décision de l’arbitre Jeffrey Edwards, dans Gauthier c. Goyette Duchesne Lemieux inc., no 050629001, SORECONI, 24 novembre 2006, confirme cette chronologie d’étapes.
[23] L’Entrepreneur n’est pas nécessairement tenu d’effectuer les travaux ou corrections inscrits sur cette liste. Par contre, l’Entrepreneur ne peut, en raison du fait qu’il ne consent pas à entreprendre certains travaux demandés, refuser ou empêcher les acheteurs d’inclure des éléments à parachever. En cas de désaccord persistant entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur quant aux travaux à corriger ou à parachever, les Bénéficiaires auront le droit de soumettre une réclamation à l’Administrateur en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (Section C, article 1 du contrat de garantie). La décision de l’Administrateur à ce sujet pourra à son tour faire l’objet d’une demande d’arbitrage.
[24] L’objectif et l’utilité de l’Étape 5 sont notamment de dénoncer les problèmes apparents à l’Entrepreneur et à l’Administrateur ainsi que les éléments que les acheteurs jugent incomplets ou insatisfaisants et devront être réparés. Dans l’éventualité où les acheteurs décidaient de demander à l’Entrepreneur de corriger ces problèmes et qu’une plainte à l’Administrateur devrait être déposée, il est crucial que des éléments apparents aient été dénoncés dans l’Étape 5 à l’Entrepreneur pour être recevable en vertu de la protection d’une année pour les malfaçons apparentes (articles 3.1 et 3.2 du contrat de garantie).
[163] Quelle était la situation pour les parties, le 8 novembre 2012 ?
1. Ce n’est pas contesté que la partie privative était en état de servir à l’usage auquel elle était destinée.
2. Il y a eu une liste des éléments à parachever ou à corriger qui fut dressée par l’Entrepreneur.
3. Il y a eu une seconde liste préparée par les Bénéficiaires identifiant ces éléments. Cette liste se retrouve à la pièce A-3.
[164] Ces faits ou gestes sont synonymes de gestes nécessaires et requis pour la réception de la partie privative et non pas pour un remboursement d’un acompte.
[165] Rien n’empêchait les Bénéficiaires de prendre réception avec réserves du bâtiment.
[166] L’auteure Françoise Lebeau confirme cette approche dans son article : Les plans obligatoires de garantie des maisons neuves, un bilan après l’immobiliser, (2007), Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2007, EYB2007DEV 1398.
3. QUELQUES PROBLÉMATIQUES SPÉCIFIQUES LIÉES À L’APPLICATION DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES MAISONS NEUVES
3.1 La portée de la garantie préréception
On sait que la garantie financière que constitue le plan de garantie des maisons neuves vise à assurer qu’à défaut par l’entrepreneur d’assumer ses engagements, l’administrateur prenne la relève. Le débiteur principal de l’obligation de livraison du bâtiment et des garanties qui en est l’accessoire est l’entrepreneur et, en principe, l’intervention de l’administrateur pour parachever les travaux ou corriger les malfaçons et vices de construction devrait principalement être requise lorsque l’entrepreneur a fait faillite ou n’est plus en mesure de faire face à ses obligations.
[…]
Une autre question s’est posée à propos de la garantie des acomptes à savoir, peut-il y avoir remboursement des acomptes sans qu’il y ait auparavant annulation du contrat de vente ou de construction du bâtiment visé par le plan de garantie et, plus encore, peut-il y avoir remboursement des acomptes lorsque le bénéficiaire du plan de garantie demeure propriétaire du bâtiment?
Dans le cas de contrats d’entreprise, les tribunaux n’ont pas hésité à accorder le remboursement des acomptes à un bénéficiaire du plan de garantie, propriétaire du bâtiment couvert par le plan de garantie. La Cour d’appel a conclu qu’à défaut d’entente pour le parachèvement des travaux avec l’administrateur, l’indemnisation de bénéficiaire pouvait être exécutée en nature, par le remboursement des acomptes.
[…]
· Le parachèvement des travaux
Plusieurs des litiges qui ont eu une portée sur la notion d’acompte sont liés à l’application des dispositions du règlement relatives à la garantie préréception suivant laquelle cette garantie ne peut s’appliquer que s’il y a entente à cet effet avec l’administrateur (art. 9(1)b) et (2)b)., 26(1)b) et (2)b) du règlement). Cette disposition qui voulait permettre qu’il soit tenu compte des situations particulières propres à chaque chantier de construction et éviter l’enrichissement sans cause, à plutôt été interprétée, et ce, à plus d’une reprise, comme laissant à l’administrateur le choix de parachever ou non les travaux, et ce, sans que l’arbitre s’autorise à réévaluer ce choix. Ainsi la Cour d’appel conclut que n’est pas manifestement déraisonnable la conclusion de l’arbitre de condamner l’administrateur à rembourser aux bénéficiaires un montant de 30 000 $ équivalant à la garantie des acomptes plutôt que de parachever les travaux ; l’arbitre reconnaissait ainsi en quelque sorte à la garantie le droit que confère l’article 1545 C.c.Q. à la partie débitrice d’une obligation alternative de choisir entre deux prestations principales, comme le règlement prévoit que l’exécution en nature n’est possible que s’il existe une entente entre les bénéficiaires et l’administrateur.
Cette situation pose problème lorsque le parachèvement des travaux s’élève à un montant qui va au-delà des limites prévues pour le remboursement des acomptes (39 000 $ depuis 2006).
Des décisions ont ainsi fait appel à l’équité (art. 116 du règlement) pour octroyer, en sus des acomptes, un montant pour les non-conformités, les malfaçons et les frais liés à la détérioration et aux travaux conservatoires, et ce, dans le cadre de la garantie pré-réception.
[167] Il n’y a pas lieu d’interpréter en l’espèce le contrat préliminaire ainsi que le contrat de garantie, ceux-ci étant libres de toute ambiguïté. Comme le souligne la procureure de l’Entrepreneur, le contrat préliminaire n’est pas un contrat d’adhésion, il s’agit d’un contrat règlementaire, tel que la Cour d’Appel en a décidé dans La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes, REJB 2004-81730 (C.A).
38. Avec égard pour l’opinion contraire, je suis d’avis que l’article 1432 C.c.Q. ne s’applique pas en l’espèce. Les droits des parties et les difficultés d’interprétation susceptibles de se poser, le cas échéant, ne découlent pas du contrat, mais du Règlement lui-même, ce qui exclut le recours à une règle d’interprétation qui ne s’applique qu’à certains types de contrats. D’ailleurs, comme je l’ai indiqué antérieurement, il est admis que les intimés auraient bénéficié d’une protection identique même si un contrat de garantie n’avait pas été signé le 14 décembre 2001.
39. Au mieux, nous sommes en présence d’un contrat réglementé, c’est-à-dire d’un contrat dont le contenu est imposé par le législateur et non par l’appelante, elle aussi obligée de se plier aux volontés du législateur et de faire approuver son plan par la Régie.
[168] Je me dois également de me rallier aux propos suivants de Me Laplante, procureur de l’Administrateur.
[169] Ainsi en refusant de prendre réception de la partie privative et invoquant la garantie avant réception pour le remboursement des acomptes, les Bénéficiaires tentent de détourner l’application du Règlement. Pour des considérations qui ne sont à la fin qu’esthétiques, les Bénéficiaires voudraient mettre en péril la stabilité contractuelle et les protections que le législateur a prévues à l’article 27 du Règlement et 2119 du Code civil du Québec.
[170] Les acomptes doivent être remboursés si l’Entrepreneur ne fait plus partie de l’équation, si la construction n’a pas débutée ou si l’Entrepreneur ne peut livrer le bâtiment. Ouvrir la porte à ce que des malfaçons ou des préjudices esthétiques amènent le remboursement d’un acompte risquerait de placer l’Entrepreneur et sa caution (l’Administrateur) dans une situation précaire, à la merci des insatisfactions de clients. Ces insatisfactions ont été prévues par le législateur avec la garantie après réception de l’article 27 du Règlement.
[171] Le tribunal ne peut souscrire à l’effet que la seule possibilité était de détruire la dalle et la refaire. L’expert des Bénéficiaires concluait ainsi son rapport d’expertise du 14 décembre 2012.
Pour terminer, avec les informations disponibles à ce jour, la seule solution de réparation valide est d’enlever la dalle et de la recommencer. Cependant, il est possible à l’aide d’équipement électronique spécialisé de faire un relevé complet pour vérifier le positionnement des tuyaux et du treillis. Une fois le relevé complété, d’autres pistes de solution pourront être envisagées.
Aucune piste ne fut envisagée par l’expert du moins dans son expertise ou lors de son témoignage. Cela aurait été d’un bénéfice certain pour les Bénéficiaires.
[172] Finalement, je me permets de reprendre un passage de la décision Scott c. Pascan Construction inc., [2007] QCCQ, 11819. Après avoir fait exécuter des travaux de rénovation à l’extérieur de son domicile, la demanderesse dans cette cause demanda l’annulation du contrat passé avec l’Entrepreneur et le remboursement de l’acompte versé. Elle invoquait que les travaux n’avaient pas été exécutés suivant les règles de l’art et qu’ils devaient être démolis au complet.
51. Si l’entrepreneur en construction est en défaut d’exécuter ses obligations, le client dispose des recours prévus par les articles 1458 et 1590 et suivants du Code civil du Québec, à savoir la résiliation du contrat, des dommages-intérêts ou l’exécution forcée de l’ouvrage. Le tout dépend évidemment de la situation factuelle de chaque cas.
52. Les deux parties se sont évertuées à tenter de démontrer (à l’aide de témoignages d’expert) que les règles de l’art n’avaient pas été respectées (quat à Scott) et, qu’au contraire, l’ouvrage réalisé remplit pleinement les fins pour lesquelles il a été conçu (quant à Pavcan). Le Tribunal devra donc départager les deux thèses et trancher entre les expertises contradictoires Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide… Pour ce faire, le Tribunal doit étudier les éléments propres à chaque expert et à leur expertise.
53. Tout d’abord, l’expert de la demande, l’ingénieur Mendel Sapunariu. Celui-ci n’a été sur les lieux qu’une seule fois peu après la fin des travaux. Son rapport daté du 12 décembre 2005 est basé sur des suppositions : il ignore si le béton est armé adéquatement ou s’il est supporté par des fondations à l’abri du gel; la dalle du trottoir semble reposer sur deux sonotubes et il ignore si elle est armée adéquatement et si les sonotubes ont la profondeur nécessaire pour être à l’abri du gel.
54. Lorsqu’il affirme avoir constaté «avec certitude» que la dalle de béton est en contact direct avec le sol, il n’explique nullement d’où lui vient cette certitude. Pourtant, les témoins de Pavcan ont affirmé avoir coulé le béton sur un lit de pierres concassées d’une épaisseur suffisante.
58. Que dire maintenant de la conclusion à l’effet qu’il faille tout refaire l’ouvrage, alors que le rapport d’expertise n’en parle pas. De plus, lors de son témoignage Sapunariu a reconnu que des correctifs pouvaient être apportés aux problèmes soulevés.
[…]
64. D’autre part, aucun témoin de la demande n’a pu démontrer de façon crédible que les quelques fissures observées attestent que la solidité de l’ouvrage est affectée. Les fissures sont plutôt le résultat d’un problème de malfaçons apparentes, lesquelles étaient couvertes par la garantie de deux ans prévue au contrat. D’ailleurs, la mise en demeure du 22 novembre 2005 de Scott va dans ce sens. Il s’agissait bel et bien de déficiences.
Cinquième question en litige : Dans la négative, Scott a-t-elle droit à l’annulation du contrat signé avec Pavcan et à des dommages-intérêts ?
65. En l’espèce, le Tribunal ne retient pas la thèse voulant qu’il faille reprendre en entier les travaux exécutés par Pavcan. Scott n’a pas droit à la résiliation du contrat P-1. Elle ne peut donc réclamer le remboursement de l’acompte de 4 900 $ et les frais de démolition de 6 000 $.
[173] Le tribunal conclut que la demande des Bénéficiaires n’est pas recevable.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la requête préliminaire de l’Entrepreneur ;
REJETTE la demande des Bénéficiaires de remboursement d’acompte des Bénéficiaires ;
RÉSERVE les recours des Bénéficiaires devant un tribunal civil, s’il y a lieu ;
CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.
LAVAL, ce 12 février 2014
Yves Fournier ARBITRE