ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec : CCAC
ENTRE : DIANE GÉLINAS ET RENÉ BELLEROSE;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : LES HABITATIONS PARIS ET FRÈRES 2012 INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE.;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S19-080601-NP
Décision
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Madame Diane Gélinas
Monsieur René Bellerose
Pour l’Entrepreneur : Sébastien Paris
Pour l’Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer
Date de l’audition : 4 décembre 2019
Date de la Décision : 21 février 2020
Identification complète des parties
Bénéficiaire : Madame Diane Gélinas
Monsieur René Bellerose
Trois-Rivières (Québec) [...]
Entrepreneur: Les Habitations Paris et frères 2012 Inc.
Monsieur Sébastien Paris
101-7200, boul. des Athlètes
Trois-Rivières (Québec) G9B 0E1
Administrateur : Garantie de construction Résidentielle
200-7171, rue Jean-Talon Est
Montréal (Québec) H1M 3N2
Et son procureur :
Me Pierre-Marc Boyer
Contentieux de la garantie (GCR)
200-7171, rue Jean-Talon Est
Montréal (Québec) H1M 3N2
Mandat
L’arbitre a reçu son mandat de CCAC le 6 août 2019.
Plumitif
06.08.2019 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe du CCAC
07.08.2019 Nomination de l’arbitre
10.09.2019 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur
10.09.2019 LT aux parties : disponibilités pour fixer appel conférence / conférence de gestion
30.09.2019 LT aux parties : confirmation date et heure de l’appel conférence / conférence de gestion
25.10.2019 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal aux parties
27.11.2019 LT aux parties : confirmation endroit, salle et heure de l’enquête et audition
04.12.2019 Enquête et audition (salle 1.12, de l’Édifice de la Sécurité Publique, situé au 878, rue de Tonnancour, Trois-Rivières)
21.02.2019 Décision.
Admissions
[1] Il s’agit d’un bâtiment unifamilial jumelé non détenu en copropriété.
[2] La signature du contrat préliminaire fut le 15 juillet 2018, la signature du contrat de garantie fut exécutée à la même date, et la réception du bâtiment est en date effective du 6 novembre 2018.
[3] Réception par l’Administrateur de la dénonciation écrite par les Bénéficiaires était le 3 avril 2019.
[4] Ouverture d’un dossier de réclamation par l’Administrateur le 24 avril 2019.
[5] Il eut une visite des lieux par le Conciliateur le 25 juin 2019 et une décision fut rendue en date effective du 4 juillet 2019.
Décision
Questions en litige
[6] Initialement les éléments portés en arbitrage et qui ont source à la décision de l’Administrateur du 4 juillet 2019 sont les points/éléments suivants :
[6.1] Point 2 « Infiltration d’eau aux soffites »
[6.2] Point 4 « Fissures récurrentes »
[6.3] Point 5 « Dalle de béton du patio arrière »
[6.4] Point 6 « Problème structural »
[6.5] Point 8 « Fissures dans les coins de murs ».
[7] Tous les points seront adressés dans le désordre tel qu’ainsi après expliqué.
[8] Point 2 « Infiltration d’eau aux soffites » est un point qui a été reconnu par l’Administrateur à la décision source du 4 juillet 2019. Des travaux correctifs furent effectués par l’Entrepreneur. Les Bénéficiaires s’interrogent quant à la qualité/pérennité de l’ouvrage et requièrent une vacation de l’Administrateur afin de valider ce qui, en tout ou en partie, a été adressé par l’Entrepreneur. L’Administrateur s’est engagé en temps utile à revoir ce point avec les Bénéficiaires et l’Entrepreneur. Je comprends donc que je n’aurai à statuer sur cet ouvrage.
[9] Point 5 « Dalle de béton du patio arrière » à nouveau ici ce point a été reconnu par l’Administrateur. L’Entrepreneur s’est déclaré disposé à faire des travaux correctifs, mais les Bénéficiaires contestent la nature des correctifs proposés par l’Entrepreneur suggérant qu’ils sont inadéquats.
[10] La preuve offerte, tant par l’Administrateur, l’Entrepreneur que les Bénéficiaires sur ce point porté à l’arbitrage est, à tout le moins, spartiate. Certaines fissures sont apparentes s’agit-il de tassement du sol ou de fissures de retraits? Nulle démonstration convaincante d’un côté comme de l’autre ne fut offerte. L’Entrepreneur est d’opinion qu’il est possible qu’entre son désir d’adresser les travaux et aujourd’hui, puisqu’il ne lui fut pas permis d’avoir l’opportunité de consolider l’ouvrage, il y a possibilité que depuis le printemps, la situation se soit détériorée, et que ceci ne devrait pas avoir la résultante d’aggraver sa position.
[11] Chose certaine, le remède proposé par l’Entrepreneur ne résisterait pas en toute probabilité à des tassements continus du sol sur lequel s’appuie cette dalle de béton.
[12] Face à l’absence de la réelle nature des causes de ces fissures, je ne peux que permettre l’Entrepreneur d’adresser et de corriger la situation selon la méthode qu’il suggère et/ou considère approprié, en lui rappelant, bien entendu, qu’il soit tenu à une obligation de résultat et que cette obligation de résultat suggère une certaine pérennité de l’ouvrage. Les Bénéficiaires ayant toujours le loisir de s’adresser de nouveau à l’Entrepreneur et à l’Administrateur en temps utiles.
[13] J’adresserai maintenant les points 4 (Fissures récurrentes), 6 (Problème structural) et 8 (Fissures dans les coins de murs).
[14] L’Entrepreneur et l’Administrateur (dans ce dossier) ne parlent que d’une seule voix. On nous suggère qu’il n’y a pas de preuve faisant la démonstration d’un problème structural. Il n’y aurait aucune analyse, aucun rapport quelconque pouvant suggérer que le bâtiment est atteint d’un problème d’ordre structural.
[15] L’Administrateur fait référence à la pièce A-8, un croquis arborant le sceau d’un ingénieur (onglet n°2 du cahier de pièces émis par l’Administrateur) qui appert donner son approbation à ce qui, dans les faits, a été construit. L’Administrateur et l’Entrepreneur me suggèrent que ce croquis confirme que « tout est conforme » (sic). À contrario, ces derniers suggèrent que les Bénéficiaires n’ont que pour seul appuie à leur prétention, un document qui se veut un rapport d’expert. Et donc, que pour le soussigné il ne s’agit que, et uniquement, d’une question de qualité de la preuve offerte par chaque partie. D’un côté, pour les Bénéficiaires, une expertise du bureau d’ingénieur-conseil EMS qui ne contient en annexe aucun calcul de charges et de l’autre côté au soutien de la position de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, la pièce A-8 un croquis/dessin qui arbore le sceau d’un ingénieur et nous confirmerait que le tout serait « conforme ». L’Administrateur et l’Entrepreneur me suggèrent que le fardeau de convaincre des Bénéficiaires n’a pas été rencontré et s’en remettent au témoignage de la conciliatrice de l’Administrateur qui mentionne que pour elle, le sceau d’ingénieur sur un croquis est nettement suffisant.
[16] L’Entrepreneur ainsi que l’Administrateur appuient leurs positions sur un croquis de deux pages qui arborent le sceau de l’ingénieur Paul Greth proposant que ce qui fut réalisé comme travaux (à savoir, une poutre à l’aide de bande de contre-plaquées dans l’entretoit), que ce croquis à lui seul valide la décision de l’Administrateur de considérer l’ouvrage adéquat.
[17] Bien que ces croquis (A-8) soient généreux quant aux détails des composantes et de son assemblage, il n’y a aucune mention (quelle que ce soit) quant à la charge que peut assumer un tel assemblage et ne fait aucune mention quant à la capacité portante de l’ouvrage et il ne va sans dire, sans adjoindre calculs à l’appui.
[18] Je rappelle aux parties que les Bénéficiaires contestent le fait que la réclamation n’a pas été reconnue par l’Administrateur et qu’ils appuient leur prétention sur une expertise sous la plume de Messieurs David Parent Labbé (ingénieur), et Kevin Rosenverry (ingénieur junior) [l’expertise «EMS»]. Cette expertise faisait partie de documents qui avaient été, préalablement à la conférence de gestion du 25 octobre 2019, communiqués au greffe, à l’Administrateur et à l’Entrepreneur.
[19] Je rappelle de plus aux parties qu’ils avaient lors de cette conférence de gestion précitée, acceptée que cette expertise puisse être déposée en preuve de consentement sans qu’il soit nécessaire qu’aucun de ses auteurs ne soit présent pour en attester de la véracité et de l’authenticité (sous réserve du droit de l’Administrateur et de l’Entrepreneur de faire une preuve à l’effet contraire). [L’Entrepreneur quant à cette expertise ne dit mot, faisant siens les propos et commentaires (représentations) de l’Administrateur.] L’Administrateur ne propose aucune une preuve autre que les croquis A-8 et se limite à tenter de fragiliser l’expertise « EMS » en alléguant que les experts des Bénéficiaires (Labbé /Rosenverry) ne fournissent au soutien de leur expertise les calculs utilisés pour appuyer leurs opinions.
[20] Le soussigné doit donc choisir entre d’une part, deux croquis soumis par l’Entrepreneur (pièce A-8) et d’autre part une opinion/expertise quant à la crédibilité de A-8 et la solution retenue par les Bénéficiaires (ie. L’expertise du 7 août 2019).
L’expertise du 7 août 2019 (Le rapport « EMS »),
[21] Quelque peu plus loquaces, les ingénieurs Labbé /Rosenverry affirment « avoir effectué une vérification par calcul en considérant l’interaction parfaite entre les panneaux de contreplaqués composants la poutre ainsi que la résistance apportée par la poutre de LVL qui a été mise en place lors de la construction initiale.» (Sans toutefois nous annexer leurs feuilles de calcul à l’appui de leurs conclusions).
[22] Toujours selon les experts Labbé /Rosenverry la poutre construite à l’aide des contreplaquées n’est pas suffisamment résistante pour supporter les charges prescrites par le code de construction du Québec (CCQ 2010). Ces derniers renchérissent que les assemblages tels qu’ils ont été exécutés (cloutage des panneaux) sont insuffisants pour assurer le bon comportement de la poutre et ainsi respecter leurs hypothèses de calcul.
[23] Bien qu’il soit vrai que les hypothèses de calcul n’ont pas été annexées au rapport EMS, il est tout aussi vrai qu’après que le dépôt de cette expertise, elle fut acceptée lors de la conférence de gestion du 25 octobre 2019, et depuis (en aucun temps) il ne fut (directement ou indirectement) requis une copie des « calculs » sources de l’expertise.
[24] Les ingénieurs Labbé /Rosenverry sont d’avis que les modifications apportées par l’Entrepreneur ne sont pas adéquates et qu’elles sont probablement à l’origine des fissures récurrentes apparaissant au plafond, au droit de la poutre.
[25] De l’humble avis du soussigné et à l’appui de l’avis donné par les ingénieurs Labbé /Rosenverry, les épreuves photographiques des Bénéficiaires déposées en liasse comme pièces B-1 et B-6 démontrent clairement qu’il y a désordre important et que ces désordres proviennent au pourtour de la poutre controversée.
[26] En raison de ce qui précède, je ne peux maintenir la décision de l’Administrateur sur ces points et je ne peux soutenir la proposition de solutions qui fut envisagée par l’Entrepreneur. Je retiendrai donc les solutions proposées par les ingénieurs Labbé /Rosenverry et au choix de l’Entrepreneur devra être fait :
[16.1] Le remplacement de la poutre actuelle par une poutre d’acier de profilé W310x39 ou alternativement
[16.2] Le renforcement de la poutre de bois à l’aide d’éléments en acier de profilé C310x31 de chaque côté de la poutre.
[27] Nous acceptons tous que l’Entrepreneur (le prestataire de services) ait le libre choix des moyens d’exécution et qu’il n’existe entre ce dernier et les Bénéficiaires aucun lien de subordination ; le choix et/ou de la méthode de correction appartiennent à l’Entrepreneur (article 2099 C.c.Q in fine) toujours, bien entendu, sujet à son obligation de résultat. Le soussigné ici n’impose pas une méthode de travail, mais bien impose un remède en fonction de la preuve offerte. Ceci est une obligation qui lui est imposée par la jurisprudence récente qui nous rappelle que les décisions arbitrales ne sont exécutoires qu’après homologation, donc et si comme dans le cas présent, l’arbitre au terme d’une décision doit « ordonner » à l’Entrepreneur de faire des travaux, celui-ci doit exécuter lesdits travaux et en cas de défaut l’Administrateur les exécutera. Pour ce faire, tous doivent cependant connaître de façon claire les résultats recherchés. Un ordre n’existe que si la manifestation impérative signifie clairement l’action ou l’abstention d’agir qui est recherchée du sujet du commandement.
[28] Évidemment nous ne sommes pas en matière d’injonction et la sanction du non-respect d’une décision n’est pas pénale. Peu importe, que l’Entrepreneur a (ou non) le choix des moyens pour exécuter les travaux, encore faut-il qu’il connaisse avec suffisamment de précision ce qui est attendu de lui.
[29] Puisque et avec plagiat de l’honorable Johanne Brodeur JCS (500-17-101927-187)
« … qu’il est dans l’intérêt de l’entrepreneur, des bénéficiaires, mais également de l’Administrateur de pouvoir comprendre exactement ce qui est ordonné. La décision n’est pas exécutoire parce qu’elle impose à l’entrepreneur une obligation indéterminée, la possibilité pour l’Administrateur s’il fait des travaux de récupérer le coût de ceux-ci devient aléatoire! »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE à tout le moins en partie la demande des Bénéficiaires
ORDONNE et au choix de l’Entrepreneur:
[A] Le remplacement de la poutre actuelle par une poutre d’acier de profilé W310x39
Ou alternativement
[B] Le renforcement de la poutre de bois à l’aide d’éléments en acier de profilé C310x31 de chaque côté de la poutre.
PERMET à l’Entrepreneur d’adresser et de corriger le désordre objet du Point 5 « Dalle de béton du patio arrière » selon la méthode qu’il suggère et/ou considère approprié, et
RÉSERVE aux Bénéficiaires le droit de s’adresser de nouveau à l’Entrepreneur et à l’Administrateur en temps utiles, si la méthode corrective s’avère inefficace.
Le tout, vu l’article 123 du Règlement, avec coût du présent arbitrage à la charge de l’Administrateur.
Montréal, le 21 février 2020
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Michel A. Jeanniot, ClArb.
Arbitre / CCAC