(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)
No dossier CCAC : S15-051201-NP
No dossier Garantie : 103681
Date: 5 avril 2016
ENTRE: Gabriela Dumitru et Dan Dumitru
(ci-après « les Bénéficiaires»)
ET
Immobilier Veridis I inc.
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET :
La Garantie Habitation du Québec inc.
(ci-après « l’Administrateur »)
L'Arbitre : Me France Desjardins
Pour les Bénéficiaires : Madame Gabriela Dumitru
Monsieur Dan Dumitru
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Jonathan Benatar
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Mandat
Le Tribunal est saisi d’une demande d’arbitrage par nomination du CCAC en date du 14 mai 2015 en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement)[1]
Historique et pièces
5 février 2014 |
Contrat préliminaire et contrat de garantie |
1er juillet 2014 |
Formulaire inspection préréception accompagné accompagn |
8 juillet 2014 |
Contrat de vente
|
Novembre 2014 |
Dénonciations des Bénéficiaires |
Févirer 2015 |
Dénonciations des Bénéficiaires |
10 mars 2015 |
Inspection de l'Administrateur |
10 avril 2015 |
Décision de l'Administrateur Demande d'arbitrage des Bénéficiaires |
12 mai 2015 Demande d'arbitrage
12 mars 2015 Nomination de l'Arbitre
22 juin 2015 Transmission du cahier des pièces de l'Administrateur
18 août 2015 Conférence préparatoire téléphonique
26 octobre 2015 Nouvelle décision de l'Administrateur
19 novembre 2015 Conférence préparatoire téléphonique
16 février 2016 Audition
31 mars 2016 Décision
LES FAITS
[1] Selon la preuve soumise, en février 2014, les Bénéficiaires signent avec l'Entrepreneur, un contrat préliminaire et de garantie pour la construction de leur résidence à Laval, dont ils prennent possession le 1er juillet 2014. Outre 24 autres points relatifs entre autres au système de chauffage et à la qualité de la construction et de la finition, le principal objet du litige concerne la conception des planchers de la résidence.
[2] À la suite de plusieurs dénonciations adressées à l'Entrepreneur celui-ci a effectué certaines réparations que les Bénéficiaires jugent non conformes aux règles de l'art, d'où les réclamations à l'Administrateur en novembre 2014 et février 2015. Une décision est rendue le 10 avril 2015 par l'Administrateur qui retient 8 points et en rejette 9 autres. Après avoir commandé l'expertise d'un ingénieur relativement à l'étendue des déficiences affectant les planchers de la résidence, les Bénéficiaires portent la décision en arbitrage le 12 mai 2015.
[3] Au cours d'une première conférence téléphonique tenue le 18 août 2015, il a été convenu que les Bénéficiaires dresseraient une liste exhaustive des réclamations qui n'auraient pas été traitées en totalité ou en partie par l'Administrateur dans sa décision du 10 avril, d'où la seconde décision rendue le 26 octobre 2015.
[4] Une deuxième conférence téléphonique est tenue le 19 novembre 2015 au cours de laquelle il est établi:
1. L’Administrateur et l’Entrepreneur acceptent que la décision rendue le 26 octobre 2015 soit jointe au dossier d’arbitrage S15-051201-NP dont l’arbitre est déjà saisie et ce, sans exiger qu’une nouvelle demande en arbitrage soit déposée par les Bénéficiaires.
Ils conviennent que l’arbitre soussignée a juridiction pour disposer des points nouveaux et complémentaires qui y sont traités par l’administrateur. Juridiction de l’arbitre est donc acquise.
2. Relativement à l’objet du litige, chacun des points ayant fait l’objet d’une décision de l’administrateur ont été examinés avant de conclure comme suit:
- Les points 1, 2, 4, 5, 9, 10, 18, 21 et 23 feront l’objet d’une audience au mérite au cours de laquelle les parties pourront faire valoir leurs prétentions respectives. L’arbitre rendra ensuite une décision pour disposer des divers points en fonction de la preuve produite et du Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs. L’argumentaire des parties doit s’appuyer sur ledit Règlement que l’arbitre est chargée d’appliquer.
-Les Bénéficiaires déclarent retirer les points 3, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 24 et 25 de leur demande d’arbitrage.
- L’arbitre a encouragé les parties à échanger des informations sur le type de réparations qu’entend effectuer l’Entrepreneur pour corriger les points 6 et 7 reconnus dans la décision du 10 avril 2015 et d’y procéder dans les meilleurs délais selon les règles de l’art. Les parties informeront l’arbitre de la suite du dossier sur ces points.
- Concernant les points 8, 11 et 20 relatifs à un conduit de chauffage coincé et le balancement du système de chauffage central, l’Administrateur transmettra la note de l’Entrepreneur à l’effet que le sous-traitant reconnaît le problème soulevé dans le rapport d’expertise déposé par les Bénéficiaires. Les parties communiqueront entre elles afin de planifier les réparations et informeront l’arbitre de la suite du dossier. À noter que, lors de l’audition, l’arbitre entendra les représentations des parties sur les frais d’expertise que les Bénéficiaires ont encourus auprès de la firme TECHNI-MEK.
- Le point 19 est reconnu par l’Administrateur et exclu de l’arbitrage.
3. D’ici le 15 décembre 2015, les parties transmettront tous les documents qu’elles entendent déposer en preuve lors de l’audition ainsi que la liste des témoins qu’elles prévoient y faire entendre. La disponibilité des témoins devra également être alors confirmée.
4. La visite des lieux et l’audition sont fixés le 16 février 2016 à 9H et 10H.
LA PREUVE ET L'ARGUMENTATION
[5] L'Arbitre a visité les lieux le 16 février 2016 en présence des représentants des parties et tenu l'audition le même jour au Palais de Justice de Laval. Aucune objection n'ayant été soulevée, la juridiction du Tribunal est acquise. Pour en faciliter l'analyse, il est convenu d'entendre la preuve par sujets en fusionnant certains points des deux décisions.
Planchers (Points 1, 2, 5, 9)
[6] Les points 1, 2, et 9 ont été regroupés pour une meilleure compréhension de la preuve. L'intitulé que le conciliateur a choisi de donner aux divers points de ses décisions ne reflète pas toujours la réalité des dénonciations qu'il rapporte et dont il était saisi, favorisant ainsi l'incompréhension de ses interventions. Essentiellement, les points en litige portent respectivement sur: la structure du premier plancher (point 1), les travaux de remplacement du plancher effectués en janvier 2015 dans la pièce au-dessus du garage (point 2), la structure et le revêtement des planchers aux deux étages (point 9), la finition et le craquement de l'escalier intérieur malgré les travaux correctifs effectués en juillet 2014 (point 10).
[7] Madame Dumitru explique que les planchers craquent et vaguent, qu'ils comportent des dénivellations entre les types de revêtement, Le problème serait présent depuis 2014 et l'Entrepreneur n'aurait apporté aucune solution satisfaisante. Les décisions de l'Administrateur ne reconnaissent qu'un élément, soit l'orientation parallèle des lames du parquet aux solives, le tout en contravention du Code de construction du Québec (ci-après le Code) . L'Administrateur n'a pas, selon les Bénéficiaires, considéré l'ensemble de la problématique. Ceux-ci croient que les règles de l'art n'ont pas été respectées et craignent des problèmes dit structuraux.
[8] À l'appui de leurs prétentions, les Bénéficiaires font entendre monsieur Simon Breault-Gosselin, ingénieur en structure. Celui-ci a mesuré un dénivelé de 1 à 2,5mm des planchers tant au rez-de-chaussée qu'à l'étage. S'appuyant sur les photos prises, l'expert fait état à l'audition des dénivellations dans la majorité des superficies. Lors de la visite des lieux, les Bénéficiaires et leur expert montrent ce qu'ils qualifient de rigidité insuffisante puisque le réfrigérateur et le vaisselier bougent quand on marche à proximité. L'expert opine que ces dépressions ont un impact sur la finition. Par exemple, le vide au plancher entre l'ilôt et le plancher ainsi qu'entre le coup-de-pied de l'armoire à côté du réfrigérateur et le plancher
[9] Au sous-sol, il note les agrafes du plancher de bois du rez-de-chaussée, visibles à la sous-face du plancher, le plafond du sous-sol n'étant pas fini et les solives qui sont assemblées bout à bout plutôt qu'en lien continu.
[10] À l'audition, l'expert explique ses constats. Plus précisément, outre l'installation parallèle aux solives des lattes de planchers, l'expert a noté que les poutrelles sont installées à 19,25 pouces, ce qui exigerait un sous-plancher de 3/4 de pouces alors que l'épaisseur ici est de 5/8, soit celle applicable lorsque les solives sont installées aux 16 pouces.
[11] Il ajoute que les différences de niveau plus ou moins de 1/4 pouce à la jonction des revêtements de planchers (bois et céramique) au rez-de-chaussée et à l'étage sont inacceptables.
[12] Monsieur Gosselin conclut que la valeur marchande du bâtiment est affectée et qu'il doit être rendu conforme aux normes et règles de l'art.
[13] En contre-interrogatoire, invité à expliquer ses références à des "constructions basse gamme" en regard d'un espacement de 19,25 pouces entre les poutrelles, monsieur Gosselin convient que le Code ne contient pas de normes basse ou haute gamme mais déclare que c'est un facteur aggravant dans une résidence de prestige. Quant à la différence de niveau des planchers de bois et de céramique, se référant à l'article 9.30.1.4 et 9.30.2.5 du Code, l'expert indique que la norme est à l'effet que la surface des planchers doit être totalement plane.
[14] S'adressant ensuite aux Bénéficiaires, le procureur de l'Administrateur demande quand ils ont dénoncé la différence de niveau entre les revêtements de planchers. Les Bénéficiaires confirment que le problème est apparu avec le rapport de l'expert Gosselin. À la question s'ils veulent imposer une méthode de correction ou que le problème soit corrigé, les Bénéficiaires indiquent qu'ils veulent que les normes soient respectées et une attestation de conformité une fois les travaux terminés.
[15] L'Entrepreneur fait entendre monsieur Mathieu Moreau, gestionnaire du projet, lequel déclare que l'Entrepreneur va suivre les recommandations de Qualité Habitation, les règles de l'art et la décision de l'Arbitre. En contre-interrogatoire, sur le respect des règles de l'art, monsieur Moreau convient que l'épaisseur des planchers n'est pas conforme.
[16] Monsieur Carl Donais, menuisier, témoigne ensuite pour l'Entrepreneur, à l'effet que les poutrelles ont été installées conformément aux exigences du fournisseur.
[17] Monsieur Jean-François Labelle, chargé de projet, précise que les maisons du projet ne sont pas construites de la même façon à cause des plans personnalisés. Appelé à préciser en regard des poutrelles de la maison modèle, le témoin indique qu'elles sont ajourées, rapprochées à 16 pouces, parce qu'il y a eu changement de fournisseur. Le témoin Moreau intervient pour préciser que tous les autres clients ont payé un surplus pour avoir un sous-plancher.
[18] Monsieur Yvon Latreille, ingénieur chez SIMTEQ, témoigne avoir élaboré les plans produits par l'Entrepreneur afin de trouver une solution (2X4 vissés en dessous à 18 pouces perpendiculairement aux solives) pour renforcer le platelage des planchers. Selon lui, avant de présumer, comme le fait l'expert des Bénéficiaires, qu'on ne peut ramener la déformation, il faut l'essayer. Selon le témoin Moreau, la solution proposée représente un coût de plus ou moins 30 000$. Les deux témoins concluent que le bois étant un matériau vivant, les lattes devraient reprendre leur forme, d'autant que le bâtiment n'a que deux ans.
[19] En contre-interrogatoire par les Bénéficiaires, monsieur Latreille confirme que le renforcement ne corrigerait pas la différence de niveau des revêtements de plancher, qu'il ne sait pas si l'amplitude maximale des dépressions est atteinte et qu'il n'a jamais effectué ni vu de travaux de redressement sans retirer le bois mais il affirme que le résultat sera conforme aux Code et règles de l'art.
[20] Répondant aux questions du procureur de l'Administrateur, le témoin explique que le bombement des lattes sera renforcé. Ce faisant, les charges seront retransmises aux poutrelles et un support sera ajouté. Monsieur Latreille confirme que si ça ne fonctionne pas, il faut corriger par le dessus mais ajoute qu'il serait "surpris que ça ne fonctionne pas".
[21] L'Administrateur fait entendre monsieur Michel Labelle, conciliateur. Celui-ci explique sa décision qui reconnaît le problème des lattes parallèles aux solives mais ne reconnaît pas de problématique laissant présager une structure déficiente. Quant à la différence de niveau entre les revêtements de plancher, le témoin indique qu'il n'y a pas de déficience selon le Code et qu'en définitive, ce point aurait dû être dénoncé à la réception du bâtiment.
[22] Contre-interrogé par les Bénéficiaires et leur expert, monsieur Labelle opine que la solution proposée par SIMTEQ est envisageable, rappelle que si la céramique brise, la remise en état est obligatoire et confirme l'absence de moulure de transition entre les revêtements de plancher. Il admet que tous les planchers sont en cause.
[23] En argumentation, les Bénéficiaires demandent que les planchers soient réparés selon les recommandations de leur expert, monsieur Gosselin, que les travaux soient surveillés par celui-ci et qu'une attestation de conformité leur soit remise à la fin des travaux. Ils réclament le remboursement des frais d'expertise et des frais de relocalisation de la famille compte tenu de l'ampleur des travaux.
[24] L'Administrateur plaide que la problématique des planchers est reconnue et que tous sont en mode solution. Référant à la jurisprudence à l'effet que l'entrepreneur a le choix des moyens et qu'il a une obligation de résultat, le procureur représente que celui-ci ne propose pas une solution artisanale et qu'il est celui qui prend les risques parce que si ça ne fonctionne pas, il va devoir reprendre les réparations.
[25] Il n'y a pas d'obligation de l'Entrepreneur de fournir une attestation et de permettre la supervision des travaux par l'expert des Bénéficiaires, d'autant qu'un professionnel y a apposé son sceau.
[26] En ce qui concerne le point 2 concernant le bureau, Me Godin rappelle que le plancher était concave lors de la décision de l'Administrateur et qu'aujourd'hui, à la visite des lieux, il était convexe. Si on préconise d'arracher le plancher, il n'y a pas lieu de le faire dans cette pièce, d'autant que les solives sont perpendiculaires depuis la réparation du plancher.
[27] Quant aux frais d'expertise, les Bénéficiaires réclament des frais pour trouver une méthode de correction alors que c'est l'entrepreneur qui dispose de ce choix. Quant aux frais de relogement, Me Godin argue que la réclamation doit être rejetée car non recevable en vertu du Règlement.
Douche de céramique - Salle de bain chambre des maîtres (Point 4)
[28] Ce point a été reconnu par l'Administrateur. Monsieur Labelle réitère que la situation est inacceptable et que les correctifs requis au carrelage de céramique du mur nain de l'enceinte de douche sous la garniture métallique, tant à l'extérieur et à l'intérieur de l'enceinte, doivent être effectués selon les règles de l'art.
Système de chauffage central (Points 8, 11 et 20)
[29] Les points 8, 11 et 20 concernent le système de chauffage. Le point 8, reconnu par l'Administrateur, fait état d'un conduit de chauffage coincé au plafond exposé du sous-sol.
[30] Les points 11 et 20 concernent la difficulté de chauffer les deux chambres de l'étage au mur nord-ouest. Dans sa décision du 10 avril 2015, s'appuyant sur une lettre de l'Entrepreneur alléguant la faute des Bénéficiaires qui auraient déréglé le système, l'Administrateur a rejeté la réclamation sur le point 11 au motif qu'elle est exclue de la garantie.
[31] C'est à la suite de cette décision que les Bénéficiaires ont commandé et soumis un rapport de balancement du système effectué par la firme TECHNI MEK, dont l'Administrateur a traité au point 20 de la décision rendue le 26 octobre 2015. L'Administrateur y indique ne pas avoir à statuer sur la question avant de connaître les intentions de l'Entrepreneur, à transmettre le 6 novembre 2015.
[32] En conférence téléphonique le 19 novembre 2015, l'Entrepreneur a indiqué que le sous-traitant reconnaît le problème soulevé dans le rapport d’expertise déposé par les Bénéficiaires et que les correctifs seront apportés.
[33] Sur représentations des Bénéficiaires, il fut décidé que le Tribunal entendrait les parties sur les frais d'expertise seulement lors de l'audition.
Escalier intérieur - Finition et craquement (Point 10)
[34] Lors de la visite des lieux et à l'audition, les Bénéficiaires soumettent que l'escalier intérieur craque, que le support installé en dessous par l'Entrepreneur ne tient pas. Ils allèguent que l'escalier est pourtant solide dans la maison modèle. Selon leur expert, le correctif apporté est inefficace et artisanal.
[35] L'Entrepreneur et l'Administrateur jugent que l'escalier est solide. Monsieur Labelle explique être monté et descendu en mars et octobre 2015 et n'avoir pas entendu de craquement anormal.
[36] En contre-interrogatoire par l'Entrepreneur qui croit que l'humidité est en cause, les Bénéficiaires admettent avoir installé la climatisation après les correctifs apportés par l'Entrepreneur.
[37] Dans sa décision, l'Administrateur a considéré ne plus devoir statuer sur la réclamation, une attestation de travaux exécutés selon les règles de l'art en juillet 2014 lui ayant été fournie par l'Entrepreneur. À l'audition, monsieur Dumitru signale que ledit formulaire porte la signature du représentant de l'Entrepreneur et non la sienne.
[38] Les Bénéficiaires ont porté la décision en arbitrage vu leur insatisfaction à l'égard des travaux effectués et leur interprétation à l'effet que la solidité de l'escalier à un lien avec la problématique générale des planchers.
Parement de maçonnerie - Jointement (Point 18)
[39] Les Bénéficiaires réfèrent à la visite des lieux et affirment que les joints sont plus larges que lors de la première visite à certains endroits, ce qui annonce une détérioration. Ils expliquent ne pas avoir embauché d'expert à ce sujet à cause des coûts mais veulent que ce soit réparé. L'expert Gosselin opine qu'il est simpliste de dire qu'on est en présence de retrait des matériaux car alors, pourquoi il n'y en pas ailleurs?
[40] Interrogé sur la présence d'une seule fissure lors de la première visite et neuf la deuxième fois, monsieur Labelle réitère que le parement n'est pas structural et qu'il s'agit de fissures de retrait, lesquelles sont exclues de la garantie.
Mur de partition - Niche pour appareil à combustion (Point 21)
[41] Référant à la visite effectuée le matin, les Bénéficiaires réitèrent qu'ils ont peur du feu parce que l'appareil vibre lorsque la porte d'entrée principale est ouverte ou fermée. Ils souhaitent que ce soit sécuritaire.
[42] L'Entrepreneur a fait effectuer une vérification par le représentant du gaz. Selon monsieur Moreau, le cadre du foyer est fixé par deux braquettes chaque côté, lesquelles bougent quand la porte s'ouvre.
[43] L'Administrateur a constaté le problème mais a rejeté la réclamation au motif que le problème n'a pas été dénoncé dans la première année et qu'il ne s'agit pas d'un vice caché. À l'audition, monsieur Labelle opine par ailleurs qu'il s'agit d'une cavité vide et d'un appareil de combustion au gaz. La sécurité y est donc très importante.
Cadrage intérieur des portes escamotables (Point 23)
[44] Les Bénéficiaires exposent deux problèmes.
[45] Dans un premier temps, après de nombreuses réparations effectuées par l'Entrepreneur, ils ont constaté que les moulures ont été retirées et pas réinstallées. L'Entrepreneur s'engage sur-le champ à réinstaller les moulures.
[46] De plus, des portes ferment mal et selon l'expert des Bénéficiaires, le Code exige que les cloisons parallèles soient supportées en dessous par des poutrelles ou solives. Sur ce, le procureur de l'Administrateur signale qu'aucune décision n'a été rendue sur cette question.
L'ANALYSE ET LES MOTIFS
[47] Il importe de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[2]. C’est donc sur les dispositions du Règlement que l’arbitre doit fonder sa décision.
[48] Pour une meilleure compréhension, il y a lieu de répertorier d’abord les dispositions légales et réglementaires qui encadrent les obligations des parties.
[49] En vertu de l’article 79.1 de la Loi sur le bâtiment[3] (ci-après la Loi), «l'entrepreneur est tenu de réparer tous les défauts de construction résultant de l'inexécution ou de l'exécution de travaux de construction couverts par le plan» de garantie auquel il a adhéré.
[50] De plus, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés à l’annexe II du Règlement.
[51] Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public (les parties ne peuvent y déroger, même par convention) du Règlement.[4].
[52] L’article 10 du Règlement établit la règle générale à l'effet que tout vice ou malfaçon découvert après la réception du bâtiment donnera ouverture à l'application de la garantie. Toutefois, le Règlement impose des conditions préalables à l'application de la garantie à savoir: un délai de découverte du vice ou de la malfaçon et un délai de dénonciation de cette découverte.
[53] C’est donc dans un contexte législatif et réglementaire bien encadré et d’ordre public, visant à assurer l’exécution de ses obligations par l’Entrepreneur, que le Tribunal doit analyser la demande d’arbitrage.
Planchers (Points 1, 2, 5, 9)
[54] Si toutes les parties conviennent d'une problématique aux planchers de la résidence, il y a divergence sur la reconnaissance des défauts de construction dont ils sont affectés et sur la façon de corriger la situation. Ce sont là les deux questions auxquelles le Tribunal doit répondre.
Les défauts de construction
[55] S'appuyant sur les conclusions de leur expert, monsieur Gosselin, les Bénéficiaires font état de plusieurs défauts de construction, cause de flexibilité excessive, vibration et dénivellement des planchers, tant au rez-de-chaussée qu'à l'étage. Plus précisément, la structure des planchers contreviendrait aux exigences du Code et des règles de l'art en regard de l'absence de couche de pose sous les revêtements de bois et de céramique, l'espacement des poutrelles et l'épaisseur du sous-plancher, l'orientation des lames du parquet de bois en parallèle aux poutrelles ainsi que la différence de niveau de plus ou moins 1/4 de pouce entre les divers revêtements de plancher.
[56] S'appuyant sur plusieurs documents de référence cités dans son rapport d'expertise, les mesures et les photos qu'il a prises, monsieur Gosselin conclut que "l'origine de la problématique principale des planchers réside dans la combinaison inappropriée espacement des poutrelles/épaisseur (ou composition) des pontages des planchers".
[57] Par ailleurs, dans les décisions qu'il a rendues, l'Administrateur n'a reconnu que l'orientation inadéquate des lames du parquet et a rejeté la réclamation en regard de la différence de niveau entre deux revêtements. À l'audition, monsieur Mathieu Moreau, qui témoignait pour l'Entrepreneur, a convenu que l'épaisseur du sous-plancher n'est pas conforme eu égard à l'espacement des poutrelles.
[58] De l'avis du Tribunal, la preuve prépondérante est à l'effet que la structure des planchers ne satisfait pas aux exigences du Code et des règles de l'art. Plus précisément, les articles 9.30.2.1 et 9.30.3.2 n'ont pas été respectés en ce qu'il y a absence de couche de pose et que les lames du parquet de bois sont orientées parallèlement aux poutrelles. Qui plus est, l'installation des poutrelles avec un espacement de 19,25 pouces contrevient aux pratiques de construction et/ou aux instructions du fabricant (16 pouces pour les revêtements de céramique et épaisseur du sous-plancher d'au moins 3/4 de pouce pour les parquets de bois lorsque les poutrelles sont espacées de plus de 16 pouces.)
[59] Le Tribunal ne peut cependant retenir les prétentions des Bénéficiaires en regard de la différence de niveau entre deux revêtements de planchers. Rejetant les prétentions de l'expert Gosselin quant à l'application de l'article 9.30.1.4 du Code (planitude de la surface des revêtements de sol), le Tribunal retient plutôt l'argument de l'Administrateur qui, par son expert, rappelle que cette règle vise le revêtement dans chaque pièce pour un même revêtement et non entre deux pièces.
[60] Si la situation dénoncée peut être désagréable pour les Bénéficiaires, elle ne constitue pas pour autant une malfaçon. La décision de l'Administrateur est donc bien fondée sur ce point.
La méthode correctrice
[61] Le projet de travaux correctifs de l'Entrepreneur consiste à renforcer le platelage en ajoutant des supports espacés de 18 pouces, vissés perpendiculairement aux poutrelles . Selon l'ingénieur Latreille, le dénivellement devrait se corriger, du moins il serait "surpris que cela ne fonctionne pas".
[62] Les Bénéficiaires plaident que cette mesure ne saurait assurer une correction en conformité des normes et des règles de l'art, affectant ainsi la valeur marchande de leur propriété. Selon l'expert Gosselin, le bois conservera la forme qu'il a prise. Il opine que la correction des problèmes ayant été négligée et les correctifs apportés étant artisanaux, il faut maintenant "démanteler et complètement refaire la majorité des revêtements de plancher du bâtiment et des éléments de finition connexes" pour les rendre conformes. De plus, ajoute-t-il, pour corriger la différence de niveau entre les revêtements, il faut effectuer les travaux par le dessus et non par en-dessous.
[63] L'article 2099 du Code civil prescrit:
"2099. L'entrepreneur ou le prestataire de service a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution"
[64] Le Tribunal a pris connaissance de l'ensemble de la jurisprudence traitant du principe de l'autonomie de l'entrepreneur et retient les propos de l'arbitre Ewart qui, après une analyse exhaustive de la loi, la doctrine et la jurisprudence, écrit:
"(43) L'ensemble de ces diverses expressions démontre clairement la distinction qui se doit d'être faite entre d'une part le choix des méthodes ou modes d'exécution de travaux et, d'autre part, le type et qualité des travaux, de l'ouvrage lui-même- soit au contrat d'entreprise où l'Entrepreneur s'engage à réaliser un ouvrage matériel (art. 2098 C.c.Q.)- deux réalités distinctes qui font dire à l'arbitre Despatis dans l'affaire Rae:[5]
"(117)... En cela le choix des travaux et méthodes d'exécution renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l'objet à faire et la seconde la façon d'y arriver"[6]
[65] En l'espèce, il y a désaccord sur l'identification même des malfaçons et, par conséquent, des travaux requis pour les corriger. De l'avis du Tribunal, l'interprétation divergente des défauts de construction existants et leur reconnaissance partielle seulement par l'Administrateur dans ses décisions explique a priori ce différend puisque les solutions de l'un et de l'autre sont calquées sur leurs prétentions respectives à l'origine du dossier.
[66] Il appert du dossier (lettre de l'entrepreneur datée du 2 décembre 2014 (A-3, page 14) qu'à l'origine, les Bénéficiaires ont obtenu un prix de lancement très avantageux et que, selon l'Entrepreneur, ils auraient dû être "content de ce que vous avez obtenu pour un prix si bas". De plus, il ressort des témoignages entendus à l'audition pour l'Entrepreneur que d'une part, les clients subséquents ont payé un supplément pour la pose d'une sous-couche et d'autre part, l'Entrepreneur a changé de fournisseur de plancher après la construction de la résidence des Bénéficiaires.
[67] Les Bénéficiaires, ont, pour leur part, insisté pour faire disposer de toutes les conclusions de leur expert par l'Administrateur puis, en arbitrage, avant d'accepter quels que travaux que ce soit.
[68] Cette attitude, de part et d'autre, a contribué à colorer les interventions et à créer des tensions non souhaitables pour la suite du dossier et l'établissement d'un mode solution chez tous les intervenants avant l'audition.
[69] L'audition a permis d'établir la position de chacune des parties quant aux correctifs requis. Ainsi pour l'Entrepreneur et l'Administrateur, il faut renforcer le plaquelage pour compenser l'orientation parallèle aux poutrelles des lattes du parquet de bois et le choix des moyens lui appartient alors que pour les Bénéficiaires, il faut aussi corriger l'espacement / l'épaisseur ou composition des poutrelles et la différence de niveau entre les revêtements.
[70] Dans l'affaire Fiset et Paquette c. Groupe Axxxco inc[7], déposée par le procureur de l'Administrateur, l'arbitre Pelletier conclut qu'il n'a pas à intervenir sur la méthode correctrice, l'ordonnance de l'administrateur étant "d'effectuer les correctifs requis suivant les règles de l'art et l'usage du marché". Le Tribunal note toutefois, que, pour étayer ses motifs, l'arbitre cite une autre décision dans laquelle l'arbitre Fournier, quoique refusant d'intervenir, écrit:
"(37)En contre-partie, l'entrepreneur a le choix des moyens pour parvenir au résultat qui lui est imposé par la loi et le règlement, à moins qu'il ne soit prouvé que la méthode choisie n'est pas adéquate, ne peut donner les résultats escomptés ou est contraire au code du bâtiment."[8]
[71] Dans cette perspective, la solution préconisée par l'Entrepreneur n'est pas convaincante parce qu'elle ne tient pas compte de tous les défauts de construction qui affectent les planchers. Ainsi, les nouveaux supports devant, selon le plan soumis, être installés à 18 pouces l'un de l'autre sans intervention sur l'épaisseur du sous-plancher, il subsistera une problématique de non-conformité au Code (orientation parallèle des lattes du parquet de bois) et aux règles de l'art (absence de couche de pose, espacement des poutrelles inadéquat pour les revêtements de céramique et épaisseur inadéquate des panneaux pour les revêtements de bois.
[72] Qui plus est, considérant que les planchers des deux étages sont concernés et nécessitent des correctifs, le Tribunal s'interroge sur le choix de l'Entrepreneur d'intervenir par en dessous dans la mesure où il devra démolir en entier le plafond du rez-de-chaussée pour exécuter les travaux à l'étage, un chantier très imposant d'autant que, selon le témoignage même de l'ingénieur Latreille, il n'a jamais effectué de tels travaux de renforcement, non plus que des travaux de redressement sans retirer le bois et n'a jamais vu ce genre de travaux ailleurs. Une telle solution pourrait rendre le bâtiment inhabitable durant les travaux.
[73] L'Administrateur soutient que l'Entrepreneur ne propose pas une solution artisanale et prend tous les risques. Certes, en apposant son sceau sur les plans de renforcement, qui représentent des coûts de l'ordre de plus ou moins 30 000$, l'ingénieur Latreille engage sa responsabilité professionnelle. Toutefois, la solution est inhabituelle dans le marché et il n'a pas été démontré qu'elle serait reconnue comme étant conforme aux normes applicables dans l'industrie de la construction. Le résultat réel étant inconnu, le Tribunal la juge inutilement hasardeuse considérant les inconvénients ainsi que les dommages directs et indirects qui peuvent en découler.
[74] Le Tribunal fait siens, entre autres, les propos de l'Honorable Jacques Dufresne dans l'affaire La Garantie Habitation du Québec inc. et Sotramont Québec inc c. Gilles Lebire et als ainsi que les conclusions de l'Arbitre Albert Zoltowski dans l'affaire SDC 47467 à 4827 8e Avenue et 3189 rue Claude Jodoin c. St-Luc Habitation et La Garantie des bâtiments résidentiels de l'APCHQ inc. pour conclure à sa compétence d' identifier les travaux requis.
"91... L'Arbitre a-t-il, toutefois, excédé sa compétence en imposant à l'Entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc ? Le Tribunal ne le croit pas.
92. Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d'expert présentée par les parties, l'existence et la nature du vice, l'Arbitre agit à l'intérieur de sa compétence lorsqu'il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher. Il détermine les travaux que l'Entrepreneur devra effectuer en vertu de la loi, et en définit les modalités d'exécution. En ce faisant, l'Arbitre accomplit son mandat à l'intérieur de la compétence que lui accorde la loi.[9]
"93... le tribunal d’arbitrage conclut que dans la présente cause, il possède la compétence d’ordonner à l’Entrepreneur d’effectuer des mesures correctives spécifiques. Ceci signifie que la compétence du tribunal d’arbitrage, lorsque le vice ou la malfaçon sont prouvés, ne se limite pas à rendre une ordonnance de mesures correctives qui sont laissées au libre choix de l’Entrepreneur en autant que le résultat final soit satisfaisant".[10]
[75] L'autonomie accordée à l'entrepreneur est assujettie à son obligation de résultat de fournir un ouvrage conforme aux règles de l'art. Dans les circonstances présentes, l'Entrepreneur ne pourra se décharger de son obligation de résultat en intervenant uniquement selon les ordonnances de l'Administrateur, d'autant que la solution proposée ne comporte aucune correction de l'épaisseur ou de la composition du sous-plancher. En cela, de l'avis du Tribunal, la solution n'est pas acceptable et ce n'est pas ce à quoi les Bénéficiaires sont en droit de s'attendre.
[76] Par ailleurs, la solution préconisée par les Bénéficiaires, que leur expert, monsieur Gosselin, évalue approximativement à 75 000$, tient grand compte de l'importance accordée à la différence de niveau entre les revêtements de bois et de céramique, une situation qui ne contrevient à aucune norme et n'a pas été retenue par l'Administrateur, ce que le Tribunal a jugé bien fondé, l'Entrepreneur n'ayant aucune obligation à cet égard.
[77] L'expert des Bénéficiaires a aussi amplement fait état d'usages dans les constructions bas de gamme par rapport aux exigences de qualité pour une construction de prestige comme celle des Bénéficiaires. Avec respect, l'Administrateur et le Tribunal doit rendre ses décisions en application du Règlement et se demander si la construction est affectée de défauts. La notion de manquement de l'Entrepreneur à ses obligations, prévue à l'article 10 du Règlement, réfère à malfaçon ou vice découlant du non respect des normes et des règles d'art et non de certains standards de qualité reliés au prix payé.
[78] Considérant l'ensemble de la preuve et après analyse qui tient compte de la balance des inconvénients, le Tribunal considère que la solution proposée par l'Entrepreneur ne garantit pas un résultat en conformité des règles de l'art et des usages courants du marché et la rejette. L'Entrepreneur devra donc effectuer les travaux correctifs par le dessus des planchers, le choix des moyens d'exécution lui appartenant .
Douche de céramique - Salle de bain chambre des maîtres (Point 4)
[79] Ce point a été reconnu par l'Administrateur. Les travaux seront effectués selon les règles de l'art.
Système de chauffage central (Points 8, 11 et 20)
[80] Les points 8, 11 et 20, qui concernent tous le système de chauffage, ont été regroupés en arbitrage afin d'en faciliter l'analyse.
[81] Le point 8 concerne un conduit de chauffage coincé au sous-sol et a été reconnu par l'Administrateur. Sa décision sera donc maintenue.
[82] Les points 11 et 20 concernent la difficulté de chauffer deux chambres à l'étage, réclamation rejetée par l'Administrateur en avril 2015 au motif que les Bénéficiaires auraient rendu les réparations nécessaires par leur faute. Le rapport d'expertise de la firme TECHNI MEK sur le balancement du système a fait l'objet d'une décision de l'Administrateur en octobre 2015 (point 20) à l'effet que l'Entrepreneur doit faire connaître ses intentions.
[83] En cours d'arbitrage mais avant l'audition, l'Entrepreneur a reconnu le problème soulevé par TECHNI-MEK et accepté de faire les travaux correctifs, ce qui fait dire au procureur de l'Administrateur que les frais d'expertise ne peuvent être remboursés, parce qu'engagés dans le cadre d'une dénonciation et non d'un arbitrage.
[84] Le Tribunal ne peut retenir cette argumentation, les faits ne la supportant pas. En effet, le mandat a été donné à TECHNI-MEK après la première décision de l'Administrateur sur le système de chauffage (point 8) et après le dépôt de la demande d'arbitrage.
[85] Considérant la première décision rendue(au point 11), le Tribunal est convaincu qu'en l'absence du rapport TECHNI-MEK, les positions respectives de l'Entrepreneur et de l'Administrateur n'auraient pas changé. Conséquemment, le Tribunal accueille la demande de remboursement des frais .
Escalier intérieur - Finition et craquement (Point 10)
[86] À la visite des lieux, quoique la démonstration de craquements excessifs n'ait pas été convaincante, les Bénéficiaires représentent que les réparations effectuées en 2014 pour corriger des déficiences à la structure de l'escalier n'ont pas totalement corrigé le problème eu égard aux craquements et à la solidité de l'escalier, ce que nient l'Entrepreneur et l'Administrateur.
[87] L'Administrateur ne s'étant pas réellement prononcé sur la présence ou non de malfaçons et considérant que, de l'avis du Tribunal, ce point peut être lié à la problématique des planchers, l'Administrateur devra rendre une décision dans les meilleurs délais pour en disposer.
Parement de maçonnerie - Jointement (Point 18)
[88] Quoique certaines photos puissent laisser croire à la présence de fissures autres que des fissures de retrait, les Bénéficiaires ne se sont pas déchargés de leur fardeau de la preuve à cet égard. Le Tribunal doit donc maintenir la décision de l'Administrateur.
Mur de partition - Niche pour appareil à combustion (Point 21)
[89] La preuve est prépondérante quant à l'existence d'un problème de bruit et vibration de l'appareil à combustion au gaz qui ne doit cependant pas être négligé, eu égard à la sécurité.
[90] Les Bénéficiaires ont pris possession de leur maison le 1er juillet 2014. La preuve soumise à l'audition est à l'effet que le problème a débuté "l'année dernière". Il y a eu intervention de l'Entrepreneur en février 2015 et il apppert du dossier que l'échange de couriels entre monsieur Dumitru et monsieur Benatar (B8) à ce sujet a été transmis en copie conforme à "réclamationqualitehabitation.com".
[91] Le Tribunal conclut à dénonciation dans les délais requis et juge mal fondée la décision de l'Administrateur sur ce point. Par conséquent, l'Entrepreneur devra faire les vérifications nécessaires et effectuer les travaux correctifs.
Cadrage intérieur des portes escamotables (Point 23)
[92] Concernant les moulures qui ont été retirées et pas réinstallées. après une intervention de l'Entrepreneur, ce dernier a, à l'audition, pris l'engagement de réinstaller les moulures.
[93] D'autre part, concernant des portes qui ferment mal parce que mal supportées selon l'expert des Bénéficiaires, l'Administrateur n'ayant rendu aucune décision à ce sujet, il y a lieu de lui retourner le dossier pour qu'il en dispose dans les meilleurs délais.
LES FRAIS D'EXPERTISE, DE RELOGMENT ET D'ARBITRAGE
[94] Les Bénéficiaires réclament le remboursement des frais qu'ils ont engagés pour obtenir des expertises à l'égard des planchers et du système de chauffage. En regard des planchers, les frais facturés par monsieur Simon Breault-Gosselin, ingénieur en structure, totalisent un montant de 4 886,44$ répartis comme suit: 1149, 75$ pour la phase 1 (Relevé sur les lieux), 1 724,63$ pour la phase 2 (Élaboration du document) et 2012,06$ pour sa présence à l'audience. Les frais d'expertise de la firme TECHNI-MEK concernant le balancement du système de chauffage représentent un montant de 459,90$.
[95] Sur le mérite de la demande de remboursement des frais d'expertise, l'article 124 du Règlement stipule:
124. L'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
[96] Cette disposition du Règlement établit trois critères de recevabilité au remboursement des frais d’expertise engagés par le bénéficiaire. Il doit avoir gain de cause, les frais réclamés doivent être raisonnables par rapport à la nature du problème et l’expertise doit avoir été utile.
[97] Pour les raisons déjà exposés, le remboursement des frais d'expertise relatifs au système de chauffage est accordé.
[98] En ce qui concerne l'expertise relative aux planchers, le procureur de l'Administrateur plaide que la problématique étant reconnue par l'Administrateur et l'Entrepreneur, les Bénéficiaires réclament en fait des frais pour trouver une méthode de correction.
[99] Les Bénéficiaires ayant eu gain de cause concernant les planchers, la demande répond au premier critère de recevabilité.
[100] De l’avis du Tribunal, l'expertise de l'ingénieur Gosselin a été utile à la compréhension des positions respectives des parties. De plus, elle a permis de saisir l'étendue des malfaçons qui affectent les planchers, particulièrement celles non identifiées par l'Administrateur dans sa décision. Le témoignage de l’expert à l'audience, très utile au Tribunal pour statuer sur le sort de la demande, a favorisé la tenue d'échanges explicatifs sur les problèmes potentiels et les correctifs envisagés.
[101] Quoique le rapport d'expertise propose une méthode de correction, cette section n'en constitue pas la majeure partie et demeure pertinente pour l'analyse de l'ensemble de la problématique et des solutions proposées pour y remédier.
[102] Quant à la raisonnabilité des frais, le Tribunal n’a aucun motif pour remettre en cause le montant total des frais réclamés tel qu’établi. Le Tribunal accueille donc partiellement la demande de remboursement et accorde le remboursement de 80% du montant total des frais encourus et jugés raisonnables, ce qui représente 3589,15$.
[103] Les Bénéficiaires réclament aussi les frais de relogement, déménagement et entreposage pendant les travaux.
[104] La disposition législative pertinente à cette demande, en vigueur depuis le 1er janvier 2015 en vertu de l'article 54 du Décret 156-2014 du 19 février 2014, se lit comme suit:
10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
(.....)
6° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire, lorsque, lors de travaux correctifs, le bâtiment n'est plus habitable;
7° la remise en état du bâtiment et la réparation des dommages matériels causés par les travaux correctifs.
[105] En application de cette nouvelle règle, les Bénéficiaires pourront donc soumettre, s'il y a lieu, leur réclamation à l'Entrepreneur et à l'Administrateur afin que ceux-ci en disposent selon la procédure prescrite à l'article 18 du Règlement.
[106] En vertu de l’article 123 du Règlement, les frais d'arbitrage sont à la charge de l'Administrateur.
123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
POUR LES MOTIFS EXPOSÉS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
DONNE ACTE du désistement des Bénéficiaires de leur demande d'arbitrage à l'égard des points 3, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 24 et 25.
MAINTIENT la décision de l'Administrateur sur le point 4 (Douche - salle de bain - chambre des maîtres) et ORDONNE à l'Entrepreneur d'effectuer les correctifs requis selon les règles de l'art.
MAINTIENT, la décision de l'Administrateur sur le point 8 (conduit d chauffage coincé) ACCCUEILLE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires sur les points 11 et 20 (système de chauffage central) et DONNE ACTE de l'engagement de l'Entrepreneur d'effectuer les correctifs requis au système de chauffage central selon le rapport d'expertise de la firme TECHNI-MEK.
REJETTE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires et MAINTIENT la décision de l'Administrateur sur le point 18 (Parement de maçonnerie).
ACCUEILLE la demande d'arbitrage des Bénéficiaires sur le point 21 (Mur de partition -Niche pour appareil de combustion) et ORDONNE à l'Entrepreneur de faire les vérifications nécessaires et d'effectuer les correctifs requis selon les règles de l'art.
DONNE ACTE à l'égard du point 23, de l'engagement de l'Entrepreneur de réinstaller les moulures aux portes escamotables.
RETOURNE LE DOSSIER à l'Administrateur afin qu'il rende une décision sur le point 10 dans les 30 jours des présentes, le sort de cette réclamation pouvant être lié à la problématique des planchers.
RETOURNE le dossier à l'Administrateur afin qu'il rende une décision à l'égard du point 23( portes qui ne ferment pas) dans les 30 jours des présentes, le sort de cette réclamation pouvant être lié à la problématique des planchers.
MAINTIENT la décision de l'Administrateur sur les points 1, 2, 5 et 9 ET ajoutant à ses conclusions, ORDONNE à l'Entrepreneur d'effectuer les travaux correctifs par le dessus des planchers en conformité des exigences du Code, des règles de l'art et des usages courants du marché, le choix des moyens d'exécution lui appartenant.
ORDONNE à l'Entrepreneur de compléter les travaux au plus tard le 15 septembre 2016.
ACCUEILLE EN PARTIE la demande des Bénéficiaires de rembourser les frais d’expertise de l'ingénieur Simon Breault-Gosselin et CONDAMNE l'Administrateur à rembourser un montant à 3 589,15$.
ACCUEILLE la demande des Bénéficiaires de rembourser les frais d'expertise de la firme TECHNI-MEK et CONDAMNE l'Administrateur à rembourser 459,90$.
DÉCLARE prématurée la demande des Bénéficiaires concernant les frais de relogement, déménagement et entreposage pendant les travaux correctifs aux planchers.
CONDAMNE l'Administrateur à payer les frais d'arbitrage.
France Desjardins
Arbitre / CCAC
[1] L.R.Q. c. B-1.1, r.02
[2] Voir note 1
[3] L.R.Q., c. B.-1.1
[4] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCH inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d’arbitre au CCAC, Cour d’appel, 15 décembre 2004, motifs de la juge Pierrette Rayle
[5] Pierre Gauthier et Maurice Bibeaud c. Frank-Fort Construction Inc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Arbitre Jean-Philippe Ewart, SORECONI 122105001, 5 avril 2013.
[6] Lisa Rae et Michael Nutter c. La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. et Construction Réal Landry inc., Arbitre Johanne Despatis, GAMM 2007-09-013, 10 juin 2008.
[7] Karine Fiset et Daniel Paquette et Groupe Axxco inc. et La Garantie Habitation du Québec inc, Arbitre Guy Pelletier, CCAC S09-010701-NP.
[8]Fernande Spooner et Pierre Bergeron c. 9020-8034 Québec inc. (Les Entreprises Robert Gagnon) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc, Arbitre Alcide Fournier, SORECONI 070630001, 6mars 2008.
[9] La Garantie Habitation du Québec inc. et Sotramont Québec inc c. Gilles Lebire et als, Honorable Jacques Dufresne, CS, JD 2067, 12 juillet 2002.
[10] Syndicat de copropriété 4767 à 4827 8e Avenue et 3189 rue Claude Jodoin c. St-Luc Habitation inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., Arbitre Albet Zoltowski, SORECONI 091221002, 27 avril 2010.