CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
Dossier CCAC S07-041801-NP

Syndicat des copropriétaires le St-David

c.

2962-4558 Québec inc.

et

La garantie habitation du Québec inc.

COMPARAISSENT :

 

 

Pour Syndicat des copropriétaires le St-David

le «Bénéficiaire » :                                                       Me Michel PARADIS

 

 

Pour 2962-4558 Québec inc.

«l’Entrepreneur » :                                                       M. Gino DUCHESNE

 

 

Pour La garantie habitation du Québec inc.

« l’Administrateur »                                                       Me Stéphane AUDY

 

 

ARBITRE :                                                                           Me Jean MORIN

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                                     Québec

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   19 décembre 2007

 

 

DATE DE LA SENTENCE ARBITRALE :                            31 décembre 2007

SENTENCE SUR DEMANDE D’IRRECEVABILITÉ

Faits

[1]                Le 13 juillet 2006, l’Administrateur a transmis au Bénéficiaire « une copie des documents fournis par l’entrepreneur pour la réception des parties communes », soit : 1) un certificat de fin des travaux signé par Pierre Moreau, architecte, portant la date du 5 octobre 2005, 2) une liste de déficiences portant la date du 5 octobre 2005 et signée par Pierre Moreau, 3) le formulaire Inspection préréception - Fin des travaux - Réception du bâtiment daté du 5 octobre 2005 et signé par Pierre Moreau à titre de professionnel choisi par le syndicat des copropriétaires (section C) et par l’entrepreneur mais non signé par le bénéficiaire, 4) la liste des éléments à vérifier et 5) un avis de fin des travaux des parties communes portant la date du 5 octobre 2005 et signé par le représentant de l’entrepreneur. Tous ces documents concernent un immeuble détenu en copropriété divise et portant le numéro domiciliaire 3475, Albert Chrétien, Québec, (Québec), G1C 8J8, ci-après nommée « l’Immeuble ».

[2]                Le 2 août 2006, le Bénéficiaire a adressé à l’Entrepreneur une lettre, signée par monsieur Léo-Paul Marois, aux termes de laquelle il alléguait que la réception des parties communes n’avait pas été faite en présence d’un représentant du syndicat et il convoquait l’Entrepreneur « à une inspection officielle de ces parties communes le 8 août 2006 à 9 :00 heures en présence de deux représentants du Syndicat des Copropriétaires et de M. Michel Landry, technologue, de la firme « Investigations techniques de Québec Ltée ». »

[3]                Le 31 octobre 2006, monsieur Pierre Moreau, architecte, a adressé une lettre à Monsieur Richard Arsenault, dans laquelle il faisait référence à un rapport d’inspection signé par monsieur Michel Landry, informait avoir lui-même effectué une visite de l’Immeuble, le 26 octobre 2006, en compagnie d’un représentant de la copropriété et de représentants de l’entrepreneur, et dressait une liste de commentaires concernant le mesures à prendre « pour corriger les diverses anomalies s’il y a lieu ».

[4]                La 15 novembre 2006, monsieur Robert Linteau, conciliateur, signe un Rapport de conciliation. On y lit que l’inspection de l’Immeuble a été effectuée à plusieurs dates en novembre 2006 et que des représentants de l’Entrepreneur et du Bénéficiaire y ont assisté, de même que messieurs Pierre Moreau, architecte, et Michel Landry, technologue. Le Rapport contient une liste de 28 plaintes formulées, les décisions s’y rapportant et conclu notamment en ces termes :

« Advenant le cas ou cette décision n’est pas satisfaisante, vous pourrez avoir recours à la médiation ou à l’arbitrage, tel que prévu à votre contrat de garantie, et ce, dans un délai maximum de 30 jours de la réception de la présente. »

[5] Le 16 décembre 2006, le Bénéficiaire a adressé à l’Administrateur une lettre, signée par monsieur Léo-Paul Marois, aux termes de laquelle il affirme que certains éléments en litige ont été omis, que certains travaux n’ont pas encore été effectué et il fait part de nouvelles plaintes transmises par les copropriétaires.

[7]                Le 21 décembre 2006, Construction Richard Arsenault inc. a adressé une lettre à l’Entrepreneur exposant, point par point, l’état des travaux et accompagnée de lettres, toutes du 20 décembre 2006, signées par différents intervenants.

[8]                Le 9 janvier 2007, l’Administrateur a adressé au Bénéficiaire une lettre, signée par Robert Linteau, en réponse à la lettre du Bénéficiaire datée du 16 décembre 2006.

[9]                Le 15 mars 2007, le Bénéficiaire a adressé à l’Administrateur une lettre, signée par monsieur Léo-Paul Marois, aux termes de laquelle il fait référence au rapport de conciliation du 9 janvier 2007 et demande à l’Administrateur de prendre position quant aux travaux qui n’ont pas encore été effectués et qui sont résumés en 10 points.

[10]           Le 22 mars 2007, l’Administrateur a adressé au Bénéficiaire une lettre, signée par Robert Linteau, en réponse à la lettre du Bénéficiaire daté du 15 mars 2007, dans laquelle il rappelle que le rapport de conciliation est daté du 15 novembre 2006 et fait quelques commentaires sur les points soulevés par le Bénéficiaire dans sa lettre.

[11]           Le 16 avril 2007, le Bénéficiaire a adressé une demande d’arbitrage au Centre Canadien d’Arbitrage Commercial relativement « à la décision rendue le 22 mars 2007 » et à la date de réception des parties communes.

[12]           Le 28 mai 2007, le procureur de l’Administrateur comparait pour le bénéfice de son client et demande une audition distincte sur moyen préliminaire, soit la tardivité de la demande d’arbitrage.

Prétentions L’Administrateur

[13]           L’Administrateur affirme que les lettres du Bénéficiaire, portant les dates du 16 décembre 2006 et 15 mars 2007, ne constituent pas une demande d’arbitrage mais qu’elles ne font état que de commentaires. Au mieux, la lettre du 15 mars 2007 pourrait constituer une demande d’intervention de l’Administrateur pour voir à l’exécution de certains travaux.

[14]           Relativement à sa lettre du 9 janvier 2007, l’Administrateur se refuse à la considérer, ainsi que la qualifie le Bénéficiaire dans sa lettre du 15 mars 2007, comme un rapport de conciliation. L’Administrateur rappelle que le seul rapport de conciliation au dossier est celui signé par Robert Linteau, le 15 novembre 2007; document par ailleurs clairement identifié comme tel et qui rappelle les droits des parties si l’une ou l’autre était insatisfaite des conclusions.

[15]           Selon l’Administrateur, la seule demande d’arbitrage faite par le Bénéficiaire porte la date du 16 avril 2007, soit plus de cinq mois après la date de signature du rapport de conciliation. Un tel délai est bien au-delà des trente jours prescrits par l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neuf et n’est pas justifié par des motifs légitimes.

[16]           En effet, l’Administrateur reconnaît que le délai de l’article 35 n’est pas un délai de rigueur, mais il soutien que tout retard doit être justifié par des motifs légitimes. Il cite à cet égard la décision de la Juge Ginette Piché rendue le 9 juillet 2003 dans l’affaire Takhmizdjian c. Soreconi, dossier de la Cour supérieure du district de Laval portant le numéro 540-05-007000-023.

[17]           S’appuyant sur la décision rendue par l’arbitre Marcel Chartier dans l’affaire Bernier & Audet c. Rénovation Larocque et Fils inc.[1] l’Administrateur soutien également que les lettres du Bénéficiaire ne constituent pas une demande d’arbitrage.

Le Bénéficiaire

[18]           Le Bénéficiaire invoque les articles 19 et 106 du Règlement et prétend que la position de l’Administrateur, quant à la demande d’arbitrage, est trop restrictive et qu’elle ne cadre pas avec le sens très large qu’imposent le terme « insatisfait » de l’article 19 et la locution « tout différend » de l’article 106.

[19]           Il prétend également que la section « Recours » du rapport de conciliation est incomplète en ce qu’elle ne précise pas la nécessité du dépôt d’une demande d’arbitrage quand bien même certains travaux peuvent être en cours et d’autres demeurent à exécuter. Toujours selon le Bénéficiaire, il est légitime d’attendre l’exécution complète des travaux avant de recourir à l’arbitrage afin, notamment, de s’assurer que ces travaux ont été bien faits, ou non.

[20]           Le Bénéficiaire reproche ensuite à l’Administrateur de ne pas avoir invoqué, dans ses lettres du 9 janvier 2007 et du 22 mars 2007, le recours à l’arbitrage et il soutien que ces lettres doivent être considérées comme le prolongement du Rapport de conciliation.

[21]           Sans donner d’explication sur les causes de son retard à déposer une demande formelle d’arbitrage, le Bénéficiaire explique sa demande du 16 avril 2007 par la nécessité à mettre un terme au processus en cours.

[22]           Le Bénéficiaire rappelle également que le délai de trente jours ne peut pas constituer un délai de rigueur et que le dépôt tardif de la demande d’arbitrage, s’il en était ainsi, ne peut pas constituer un motif d’irrecevabilité de cette demande. Il s’appuie à cet égard sur trois décisions de la Cour d’appel[2] qui, toutes concernent un dépassement de délais contractuellement établis.

[23]           Le Bénéficiaire soumet également que l’article 19.1 du Règlement, quoique entré en vigueur le 6 août 2007, doit servir à l’interprétation du Règlement puisqu’il confirme la position du législateur, protectionniste à l’endroit du consommateur.

[24]           Enfin, le Bénéficiaire soutient qu’il n’y a jamais eu de réception des travaux au sens du Règlement et que, de surcroît, les conditions 3 et 4 de réception présumée de l’article 25.1 du Règlement ne sont pas exécutées.

Preuve

[25]           Les parties s’entendent pour affirmer que le délai de trente jours de l’article 35, qui reprend quant aux bâtiments détenus en copropriété divise, les mêmes dispositions que l’article 19, n’est pas de rigueur. Elles divergent toutefois de position quant aux conséquences pertinentes dans le présent dossier. L’Administrateur prétend qu’il n’y a aucun motif justifiant la prorogation du délai tandis que le Bénéficiaire allègue qu’il faut lui accorder le bénéfice du doute, se basant sur une disposition qui n’était pas en vigueur au moment où les faits sont survenus.

[26]           La computation du délai commence au jour de la réception du Rapport par le Bénéficiaire. Or, aucune preuve n’a été faite de cette date précise par l’Administrateur. On comprend toutefois, de la lettre du Bénéficiaire portant la date du 16 décembre 2006, qu’il a reçu ce rapport le 21 novembre 2006.

[27]           La demande d’arbitrage du 16 avril 2007 survient, donc un peu moins de cinq mois après la réception du rapport, soit près de quatre mois après la date prévue au Règlement. Aucun fait justifiant un tel retard n’est amené en preuve par le Bénéficiaire. Il explique son attitude en assimilant l’échange de correspondance entretenu avec l’Administrateur comme constituant un processus continu d’arbitrage.

[28]           L’Administrateur s’oppose à un telle interprétation, précisant que l’arbitrage prévu au Règlement ne s’inscrit pas dans un processus au sens ou l’entend le Bénéficiaire car il vient en fin de parcours lorsqu’une des parties est insatisfaite de la décision de l’Administrateur. Au surplus, décision antérieure à l’appui, il affirme qu’une lettre d’insatisfaction ne peut pas constituer un motif légitime de prorogation du délai.

[29]            L’Administrateur prétend en fait que le Bénéficiaire avait le choix, soit de demander l’arbitrage, soit de demander l’intervention de l’Administrateur pour forcer l’exécution des travaux. Il n’en fit rien. Sa méprise, ou son laxisme, ne peuvent d’aucune manière expliquer le retard à déposer la demande d’arbitrage et, de ce fait, la demande d’irrecevabilité doit être accueillie.

[30]           Quant à la prétention du Bénéficiaire qu’il n’y ait pas eu de réception des travaux, l’Administrateur prétend qu’elle n’est pas pertinente dans le contexte de la demande d’irrecevabilité pour tardivité.

Conclusion et ordonnance

[31]            Considérant l’entente des parties sur la nature du délai de l’article 35, il ne reste à ce sujet qu’à déterminer s’il existe une cause légitime expliquant le retard du dépôt de la demande d’arbitrage. La preuve ne révèle aucun fait pouvait justifier ce retard et le Bénéficiaire n’a pas prétendu l’ignorance de ce délai. L’eût-il allégué qu’il aurait été pertinent de s’interroger sur la coïncidence du fait que sa lettre du 16 décembre 2006, a été adressée à l’intérieur du délai. Au surplus, la décision rendue dans l’affaire Bernier[3] affirme, pour des circonstances semblables à celles du présent dossier, qu’une lettre de désaccord ne constitue pas une demande d’arbitrage.

[32]           Contrairement à la prétention du Bénéficiaire, la conclusion du Rapport de conciliation quant à la nature des actes à entreprendre par une partie en cas d’insatisfaction nous apparaît suffisamment explicite. Il faut adresser une demande de médiation ou d’arbitrage, dans les trente jours de la réception du rapport, aux organismes identifiés dont les coordonnées sont même inscrites. La consigne est on ne peut plus claire et précise. De plus, elle ne permet, d’aucune manière, à une partie de croire que le processus d’arbitrage peut-être un échange plus ou moins long de correspondances, d’appels téléphoniques, de courriels ou de messages texte ou de quoi que ce soit d’autres se concluant ou non, selon les circonstances, par un arbitrage formel.

[33]            Par ailleurs, pourrait-on, ainsi que le suggère le Bénéficiaire, assimiler les lettres le l’Administrateur, portant les dates du 9 janvier et du 22 mars 2007, à des compléments au Rapport de conciliation, dont l‘effet aurait été de suspendre le délai de l’article 35?. Il faudrait pour cela, considérant la nature suffisamment explicite de la conclusion du Rapport de conciliation, que ces lettres contiennent des éléments propres à induire le Bénéficiaire à une telle conclusion ou une renonciation à ce délai. Or, il n’en est rien. La lettre du 9 janvier ne contient certes pas de rappel de la procédure à suivre en cas d’insatisfaction mais elle ne contient pas non plus d’éléments pouvant laisser croire qu’elle constitue un rapport additionnel, une modification au rapport du 15 novembre ou une renonciation au délai. Quant à la lettre du 22 mars 2007, l’Administrateur précise d’entrée de jeu que le seul rapport de conciliation est celui du 15 novembre 2006.

[34]           Le Bénéficiaire n’a pas établit de motifs expliquant le retard du dépôt de la demande d’arbitrage et, quoique le délai de l’article 35 ne soit pas de rigueur, la preuve ne fait pas état d’excuse légitime à ce dépôt tardif. De plus, utiliser les dispositions de l’article 35.1 pour justifier ce retard serait lui donner, sans droit, un effet rétroactif.

[35]           Qu’en est-il de l’absence de réception du bâtiment? Sans statuer sur la prétention du Bénéficiaire à l’effet que cette réception n’est jamais survenue et quand bien même le Bénéficiaire n’a pas expliqué en quoi la non réception pourrait légitimer sa demande, il faut comprendre de la lecture des articles 26 et 27 du Règlement que la nature de la garantie diffère selon que la réception des parties communes a ou non eu lieue. De même, les articles 33.1 et 34 du Règlement établissent les procédures préalables nécessaires à toutes réclamations fondées respectivement sur les articles 26 et 27, soit avant ou après la réception des parties communes. Enfin, l’article 35 établit le recours d’un bénéficiaire ou d’un entrepreneur insatisfait d’une décision de l’administrateur, sans égard au fait que la réception du bâtiment ait été faite ou non. Cet argument ne semble donc pas déterminant puisque le délai de trente jours est le même dans les deux cas.

[36]           De surcroît, il est permis de s’interroger sur la survenance de la réception des parties communes. Certes, les dispositions du dernier alinéa de l’article 25 ne semblent pas avoir été strictement respectées mais la combinaison de certains éléments tendent à démontrer que l’objectif du législateur, soit la connaissance parfaite de l’état des parties communes pas le bénéficiaire, est atteint, ce qui pourraient nous inciter à conclure que cette réception a effectivement eu lieue. En effet, le certificat de fin des travaux et la liste des déficiences ont été transmis au Syndicat. De plus, le Syndicat a lui-même organisé une inspection officielle des parties communes et y a convoqué l’entrepreneur et un technologue. Ainsi, l’Administrateur et le Bénéficiaire ont pu suppléer au manquement de l’Entrepreneur. Au présent dossier, ou en d’autres circonstances et au bénéfice de tous les justiciables, il faut sans doute appliquer la règle énoncée par la Cour Suprême, dans l’arrêt Hamel c. Brunelle[4], voulant qu’une question de forme devient une question de droit lorsqu’une décision sur cette question de forme aurait pour conséquence de faire perdre son droit à un justiciable.

POUR CES MOTIFS, la demande en irrecevabilité de l’Administrateur est accueillie et la demande d’arbitrage du Bénéficiaire est rejetée.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l’article 37 du Règlement, la demande du Bénéficiaire ayant été rejetée, les frais de l’arbitrage seront supportés également par le Bénéficiaire et l’Administrateur.

Québec, le 31 décembre 2007.

Jean Morin, Arbitre



[1] Bernier et Rénovation Larocque et Fils inc. (O.A.G.B.R.N., 2006-07-04), SOQUIJ AZ-50390493 .

[2] Dubord Construction inc c. Elkman Development Corp., CA, 500-09-000621-888, 18 novembre 1991, EYB 1991-58089 ; Barrette c. Talbot, CA, 500-09-001664-838, 21 avril 1988, EYB1988-56723 et Bareil-Stea c. Piasentier, CA, 500-09-000539-890, 5 septembre 1995, SOQUIJ AZ-95011887 , [1995] R.D.I. 478 .

[3] Supra note 1

[4] [1977] 1 R.C.S. 147 .