ARBITRAGE SELON LE
RÈGLEMENT SUR LE
PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Chapitre B-1.1, r. 8)
CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL
(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
No dossier S22-062801-NP
MAXIME BÉLANGER,
-et-
JESSYKA CHAPDELAINE.
Bénéficiaires
c.
L’Entrepreneur
-ET-
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR),
L’Administrateur
DÉCISION ARBITRALE
Arbitre : Me James R. NAZEM
Pour les Bénéficiaires: M. Maxime BÉLANGER -et-
Mme Jessyka CHAPDELAINE
Pour l’Entrepreneur : Mme Chantal AUGER
Pour l’Administrateur : Me Marc BAILLARGEON
Date de l’audience : 28 octobre 2022
Date de la décision : 13 décembre 2022
Description des parties
BÉNÉFICIAIRE :
M. Maxime BÉLANGER -et-
Mme Jessyka CHAPDELAINE
[...]
Saint-Lin-Laurentides (Québec), [...]
Canada
ENTREPRENEUR :
LES CONSTRUCTIONS AUGER-OUELLETTE INC.,
faisant affaires sous la raison sociale
LES CONSTRUCTIONS JEAN-GUY OUELLETTE
a/s Mme Chantal AUGER
643, avenue Villeneuve
Saint-Lin-Laurentides (Québec), H7M 3Y8
Canada
ADMINISTRATEUR :
LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR)
a/s Me Marc BAILLARGEON
4101, rue Molson, bureau 300
Montréal (Québec), H1Y 3L1
Canada
PIÈCES DÉPÔSÉES
L’Administrateur a produit les pièces suivantes:
A-1 : En liasse, contrat préliminaire ainsi que des annexes signés par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 4 février 2020;
A-2 : Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 15 mars 2020;
A-3 : Attestation d’acompte signée par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 18 juin 2020;
A-4 : Avis de fin de travaux signé par l’Entrepreneur le 18 juin 2020;
A-5 : Acte de vente signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 18 juin 2020;
A-6 : Courriel de dénonciation envoyé par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 9 janvier 2022 auquel est joint :
- Le formulaire de dénonciation daté du 9 janvier 2022;
A-7 : Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 25 janvier 2022;
A-8 : Courriel de l’avis de 15 jours envoyé par l’Administrateur à l’Entrepreneur daté du 25 février 2022 auquel sont joints :
- Le formulaire de dénonciation déjà soumis en A-6;
- Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur (non inclut à la présente);
A-9 : Courriel d’ajout à la dénonciation envoyé par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur daté du 11 mars 2022 auquel est joint :
- Le formulaire de dénonciation daté du 11 mars 2022;
A-10 : En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 2 juin 2022 ainsi que la preuve de réception de Postes Canada des Bénéficiaires datée du 13 juin 2022;
A-11 : Courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 22 juillet 2022 auquel sont joints :
- La demande d’arbitrage des Bénéficiaires datée du 28 juin 2022;
- La décision de l’Administrateur déjà soumise en A-10;
- La lettre de notification de l’organisme d’arbitrage ainsi que la nomination de l’arbitre datée du 22 juillet 2022;
A-12 : Curriculum vitae de Robert Prud’homme.
INTRODUCTION
[1] Les Bénéficiaires ont produit une demande d’arbitrage de la décision de l’Administrateur datée du 2 juin 2022 en vertu de l’article 35[1] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après, le « Règlement »). La demande d’arbitrage a été reçue par l’organisme d’arbitrage CCAC le 28 juin 2022 (pièce A-11).
[2] Vingt-trois points faisaient l’objet de la décision de l’Administrateur.
[3] L’Administrateur a rejeté la réclamation des Bénéficiaires sur tous les vingt-trois points.
[4] L’audition du présent arbitrage a eu lieu le 28 octobre 2022, par moyens technologiques, en utilisant la plateforme Whereby.
LA PREUVE
LA PREUVE DOCUMENTAIRE
[5] Les deux parties reconnaissent que le Bénéficiaire Maxime Bélanger a été l’employé de l’Entrepreneur en tant que représentant des ventes du 8 janvier 2020 au 25 novembre 2021. À cette dernière date, il aurait été congédié.
[6] Il appert du contrat préliminaire (et sa modification) intervenu entre les parties (pièce A-1) que, le 4 février 2020, les Bénéficiaires se sont engagés à acheter de l’Entrepreneur l’immeuble sis au [...], à Saint-Lin-Laurentides, au Québec.
[7] D’emblée, l’arbitre soussigné souligne que le choix que font le Bénéficiaire Maxime Bélanger et l’Entrepreneur à ce moment n’est pas anodin. Pour le premier, il s’agit de transiger avec son employeur. Pour le deuxième, il s’agit de transiger avec son employé.
[8] Il va sans dire que ce choix d’une double relation entre les parties impliquait que toute friction à une de ces deux relations risquerait d’affecter aussi la seconde relation. C’est d’ailleurs pour éviter ces risques d’opposition que les règles de conflit d’intérêts sont mises en place pour les transactions publiques. Ici, toutefois, puisqu’il s’agit de transactions privées, les parties avaient tout le loisir de choisir d’agir comme ils l’ont fait.
[9] En ce faisant, par contre, les parties ont accepté les conséquences de leur choix et ne pouvaient, par la suite, s’en plaindre ou l’invoquer comme excuse.
[10] Le 15 mars 2020, les parties ont signé un contrat de garantie (pièce A-2) tel que requis par les articles 2 et 6 du Règlement.
[11] Ci-après, voici quelques extraits du contrat de garantie A-2 :
« Art. 5 INSPECTION PRÉ-RÉCEPTION ET DÉCLARATION PRÉ-RÉCEPTION
5.1 Le Bâtiment visé par le présent Contrat de garantie doit faire l’objet d’une inspection pré-réception …
5.2 Toute inspection pré-réception doit être effectuée conjointement par l’Entrepreneur et le Bénéficiaire en utilisant la liste d’inspection pré-réception préétablie et fournie par l’Administrateur …
5.3 Lors de cette inspection, le Bénéficiaire et l’Entrepreneur identifient les travaux à parachever et les vices et malfaçons apparentes qui sont à corriger. Le Bénéficiaire et l’Entrepreneur conviennent lors de cette inspection d’un délai qui ne peut pas dépasser six (6) mois pour la réalisation de ces travaux de parachèvement et de correction.
5.4 Le résultat de cette inspection pré-réception et l’entente pour la réalisation des travaux … est consigné à la Déclaration de pré-réception … afin de valoir dénonciation …
…
Art. 8 GARANTIE DE PARACHÈVEMENT
…
8.2 Sous réserve des limites et des exclusions contenues aux présentes, l’Administrateur s’engage en faveur du Bénéficiaire, en cas de manquement de l’Entrepreneur à ses obligations contractuelles et légales après la Réception du bâtiment, à parachever les travaux dénoncés à la Déclaration de pré-réception lors de la Réception du bâtiment ou, tant que le Bénéficiaire n’a pas emménagé dans les trois (3) jours de celle-ci.
8.3 Dans l’éventualité où, contrairement à l’article 8.2, aucune Déclaration de pré-réception n’est remplie par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur conformément à l’article 5.4, le Bénéficiaire pourra tout de même se prévaloir de la garantie prévue à l’article 8.2 à condition que les travaux à parachever aient autrement été dénoncés par écrit à l’Entrepreneur au moment de la Réception du bâtiment ou, tant que le Bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois (3) jours de celle-ci. »
(Souligné par le soussigné)
[12] Les Bénéficiaires n’ont fait entendre qu’un seul témoin, le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER. Lors de son témoignage, ce dernier a admis que le contrat A-2 lui avait été expliqué par la représentante de l’Entrepreneur, Chantal AUGER, avant sa signature au 15 mars 2020.
[13] Le 18 juin 2020, les parties ont comparu devant Me Michel Vaillancourt, notaire, pour la signature de l’acte de vente du [...], à Saint-Lin-Laurentides (Québec), [...] (pièce A-5).
[14] Ci-après, voici un extrait de la troisième page dudit acte de vente A-5 :
« L’acquéreur devient propriétaire absolu dudit immeuble à compter de la date des présentes … aux charges et conditions suivantes que l’acquéreur s’engage et s’oblige à remplir et à observer, savoir :
…
2o. Prendre ledit immeuble dans son état actuel, ce que ledit acquéreur déclare bien connaître et en être content et satisfait, sous réserve de l’obligation du vendeur, le cas échéant, de compléter les travaux de construction sans délai. »
LE FORMULAIRE DE PRÉRÉCEPTION
[15] Aucune des parties n’a déposé au dossier un formulaire de préréception pour l’immeuble. Mais, la position des parties sur les circonstances et même l’existence d’un formulaire de préréception est singulièrement différente.
[16] Le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER a témoigné que la livraison de la propriété avait été fixée au 18 juin 2020. C’est à cette date, qu’il y aurait eu une visite rapide des lieux d’une durée de 20 à 25 minutes, à 6h30 le matin, juste avant la rencontre avec le notaire Michel Vaillancourt à Laval, à 8h00.
[17] Il a déclaré que, le 18 juin 2020, la représentante de l’Entrepreneur, Chantal AUGER, n’avait pas en sa possession le formulaire de préréception. Elle aurait donc pris des notes sur les feuilles d’une tablette de papiers. Elle aurait alors convenu oralement qu’elle compléterait le formulaire de préréception en se basant sur les points pris en note et qu’elle enverrait le formulaire pour signature électronique durant la visite chez le notaire. Selon lui, c’était la façon de procéder en juin 2020 dû aux restrictions imposées par les mesures sanitaires reliées à la Covid-19.
[18] Il a ajouté que même s’il n’avait pas reçu le formulaire de préréception, il a récupéré les clés de l’immeuble vers midi de la journée de la visite.
[19] Selon le Bénéficiaire, quelques jours plus tard, la représentante de l’Entrepreneur, Chantal Auger, lui aurait d’ailleurs réitéré sa promesse de fournir un formulaire préréception dûment complété électroniquement. Mais, malgré ses promesses, elle n’y aurait pas donné suite. Aucun formulaire n’aurait donc été signé par les parties malgré plusieurs promesses de la représentante de l’Entrepreneur.
[20] Le Bénéficiaire Maxime Bélanger considère donc n’avoir jamais eu l’occasion de procéder à l’inspection préréception avec un représentant de l’Entrepreneur. Selon lui, les Bénéficiaires auraient été brimés dans leurs droits puisqu’ils se seraient fiés sur la parole et la bonne foi de la représentante de l’Entrepreneur, Chantal AUGER. Il a expliquait que c’est ce fait qui expliquerait pourquoi aucun montant n’avait été retenu chez le notaire lors la signature de l’acte d’achat. Il en résulterait, toujours selon le Bénéficiaire, que leurs droits dans l’inspection préréception ont été brimés.
[21] Les Bénéficiaires ont demandé que le contenu de la décision de l’Administrateur, rendu le 2 juin 2022, fasse office de formulaire de préréception et que les points soulevés dans ladite décision soient reconnus pour valoir comme dénoncés, par écrit, au moment de la réception, c’est-à-dire le 18 juin 2020. De plus, ils ont demandé que la date de début de la garantie de maison neuve soit celle de la visite du conciliateur quand les points ont été reconnus.
[22] Le seul témoin de l’Entrepreneur était sa représentante, Chantal AUGER. Celle-ci a témoigné que le 18 juin 2020, les Bénéficiaires et elle avaient effectivement procédé à l’inspection préréception de l’immeuble. Cette inspection n’aurait toutefois révélé aucun manquement de la part de l’Entrepreneur. Les Bénéficiaires auraient donc accepté l’immeuble dans l’état qu’il se trouvait ce 18 juin 2020. C’est ce qu’ils auraient indiqué à un formulaire de préréception.
[23] Selon elle, certains travaux avaient même déjà été effectués dans l’immeuble à la demande des Bénéficiaires et à l’insu de l’Entrepreneur puisque le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER était déjà en contact avec les sous-traitants. Le Bénéficiaire n’aurait donc jamais demandé quoi que ce soit à l’Entrepreneur. Par exemple, les Bénéficiaires auraient construit un garage détaché en utilisant des prix rabais et de la main-d’œuvre disponibles chez l’Entrepreneur.
[24] Elle a même ajouté qu’elle avait parlé à « tout le monde » à la réception de la dénonciation et les sous-traitants avaient confirmé ne pas avoir été avisés par les Bénéficiaires de quelque manquement.
[25] Chantal AUGER aurait cherché le formulaire de préréception mais « elle n’est plus au dossier » sans que la représentante de l’Entrepreneur puisse comprendre pourquoi.
[26] Sans en dire davantage, elle ajoute que le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER avait toujours accès à tous les documents et à la dénonciation.
LA POSITION DES PARTIES
[27] Lors de son contre-interrogatoire par le procureur de l’Administrateur, le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER a admis avoir été familier avec le plan de garantie et son fonctionnement dû au fait qu’il avait travaillé en tant que représentant des ventes auprès de l’Entrepreneur.
[28] Il a aussi reconnu que, lors de la signature de l’acte d’achat chez le notaire Michel Vaillancourt, il n’avait aucunement soulevé l’absence de formulaire de préréception au moment de la visite du 18 juin 2020.
[29] Le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER affirme avoir réitéré verbalement sa demande à plusieurs reprises auprès de l’Entrepreneur concernant les manquements de l’Entrepreneur. Mais, il reconnait n’avoir comme preuve aucun avis écrit au soutien de ses doléances contre l’Entrepreneur. Son statut d’employé l’aurait empêché d’envoyé une mise en demeure par écrit à son employeur.
[30] Le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER reconnait aussi ne pas avoir dénoncé à l’Administrateur les manquements qu’il reproche à l’Entrepreneur, mais le justifie par son lien d’emploi avec l’Entrepreneur. Selon lui, il n’aurait pas pu dénoncer l’Entrepreneur à l’Administrateur puisque toute dénonciation aurait mis en péril son emploi auprès de l’Entrepreneur. Il ajoute avoir accepté la suggestion de la représentante de l’Entrepreneur de prioriser les autres acheteurs de maison et de s’occuper de la maison des Bénéficiaires par la suite.
[31] Selon le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER, il n’aurait pas pu dénoncer à l’Administrateur les manquements de l’Entrepreneur puisque l’Administrateur les auraient communiqué à l’Entrepreneur, ce qui, une fois de plus, aurait mis en péril son emploi auprès de l’Entrepreneur.
[32] Suite à la question de l’arbitre soussigné, le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER a bien reconnu avoir signé et compris le contrat de garantie (pièce A-2) ainsi que la nécessité de dénonciation à l’Administrateur. Son seul empêchement, selon lui, de dénoncer l’Entrepreneur était son lien d’emploi.
[33] Les Bénéficiaires ont plaidé qu’il était de la responsabilité de l’Entrepreneur de s’assurer que la documentation, y compris le formulaire de préréception, était bien complétée et signée. De plus, en absence du formulaire de préréception, c’est l’Administrateur qui serait responsable, la protection du Bénéficiaire étant un des devoirs de l’Administrateur.
[34] Les Bénéficiaires ont terminé en ajoutant qu’il serait déraisonnable de disculper l’Entrepreneur suite au simple écoulement des délais tandis des manquements graves demeureraient non corrigés.
[35] La représentante de l’Entrepreneur, Chantal AUGER, a témoigné que le Bénéficiaire Maxime était à l’emploi de l’Entrepreneur en tant que représentant des ventes pour expliquer aux clients le plan de garantie et du service après vente. Elle sous-entend qu’il aurait été familier avec des règles de dénonciation.
[36] Elle a ajouté que s’il y avait eu des demandes pour le parachèvement ou la correction par des Bénéficiaires, ça aurait été corrigé puisque le Bénéficiaire, en tant qu’employé de l’Entrepreneur, avait accès direct aux sous-traitants.
[37] Selon elle, la réclamation des Bénéficiaires ne visait donc que de « faire du tort » à l’Entrepreneur suite au congédiement du Bénéficiaire Maxime BÉLANGER.
[38] Elle a terminé en affirmant que, plusieurs mois après la réception du bâtiment, il n’était plus possible pour l’Entrepreneur de demander aux sous-traitants de corriger un défaut ou un manquement.
[39] À la question précise de l’arbitre soussigné, elle a répété qu’aucune dénonciation orale ne lui avait été faite. Elle ne reconnait même pas l’existence des malfaçons décrites par le conciliateur. Sa réponse « en 22 mois, qui nous dit que nous l’avons fait » est catégorique. Il y aurait donc eu signature d’un formulaire de préréception, mais que l’Entrepreneur ne retrouvait plus ce formulaire. Elle ne comprenait pas pourquoi le document ne pouvait plus être retrouvé. Elle ne pouvait pas affirmer si le document avait été enlevé du dossier. C’est d’ailleurs elle qui signait les documents. Habituellement, même si les documents étaient physiquement signés, sa signature était aussi électronique. Mais, elle ne retrouve pas non plus sa signature électronique pour l’immeuble des Bénéficiaires. Elle a confirmé que l’acte de vente notarié avait aussi été signé électroniquement.
[40] L’Entrepreneur a réitéré que, si les points en arbitrage avaient été dénoncés à temps, les mesures correctives auraient été prises.
[41] De son côté, le conciliateur de l’Administrateur, Robert PRUD’HOMME, a confirmé n’avoir reçu aucun formulaire d’inspection de préréception. Selon lui, en absence de formulaire, l’Administrateur devait établir une date de réception de la bâtisse pour établir le début de la garantie.
[42] Il a ajouté que les deux parties avaient admis l’existence d’une première inspection le 18 juin 2020. Aucun formulaire rempli à la main ne lui aurait été envoyé par les parties.
[43] Quant au fond, il a témoigné que les points 1 à 9 et le point 20 de la décision de l’Administrateur (pièce A-10) constituaient des malfaçons apparentes et sous la gouverne de l’article 19.1 du règlement qui donnerait, selon lui, un an comme délai raisonnable, pour la dénonciation de tels manquements.
[44] Pour les points 10 à 18 de ladite décision, il a ajouté qu’il s’agissait de malfaçons non apparentes.
[45] Il a estimé que le point 19 n’était pas une malfaçon mais plutôt une imperfection esthétique.
[46] Finalement, il avait décidé que les points 21, 22 et 23 étaient couverts par l’exclusion du comportement normal des matériaux.
[47] En contre-interrogatoire par le Bénéficiaire, le conciliateur a ajouté que, pour le point 20, il n’avait pas considéré la recommandation du fabricant comme une exigence. Il permettait donc à l’entrepreneur d’utiliser une autre méthodologie d’installation tout en assumant la responsabilité du résultat. Pour le point 20, au niveau des marches, aucun désordre n’avait été détecté par le conciliateur.
[48] L’Administrateur plaide que la Bénéficiaire Jessyka CHAPDELAINE n’était pas employée auprès de l’Entrepreneur et qu’elle n’avait aucune excuse pour ne pas dénoncer les manquements de l’Entrepreneur plus tôt. De toute façon, le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER qui agissait comme représentant des ventes connaissait les règles applicables au plan de garantie qui sont d’ordre public.
[49] L’Administrateur plaide de plus que s’il y avait des manquements graves, ils constituaient une raison de plus pour que les Bénéficiaires les dénoncent conformément aux exigences du Règlement.
[50] L’Administrateur a terminé en soulignant que le fardeau de preuve reposait sur les Bénéficiaires qui étaient en demande dans le dossier d’arbitrage.
QUESTIONS EN LITIGE
[51] L’arbitre soussigné détermine quatre (4) questions en litige :
ANALYSE
L’IMPACT DU LIEN D’EMPLOI ENTRE LES PARTIES
[52] Tel que déjà indiqué plus haut, l’arbitre soussigné est d’opinion que la liberté contractuelle permettait à l’Entrepreneur et les Bénéficiaires de se lier non seulement par le contrat préliminaire A-1 et le contrat de garantie A-2 mais aussi par un contrat d’emploi. Leur relation peut donc être définie comme étant enchevêtrée tant par la construction de l’immeuble que par le lien d’emploi.
[53] Or, l’Administrateur n’est pas partie au contrat d’emploi qui lie l’Entrepreneur et le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER. La règle de la relativité des contrats, tel qu’édicté par l’article 1440 C.c.Q., fait en sorte que ledit contrat d’emploi « n’a d’effet qu’entre les parties contractantes » et n’en a point à l’égard du tiers Administrateur.
[54] Le contrat d’emploi est inopposable à l’Administrateur qui n’y est pas intervenu. En fait, aux yeux de l’Administrateur, le contrat d’emploi n’existe pas. Il n’a d’ailleurs non seulement pas été signataire du contrat d’emploi, mais il n’a même pas été mis au courant de son existence.
[55] Je répète, l’Entrepreneur et le Bénéficiaire doivent accepter les conséquences de leurs choix. Au moment de la signature du contrat préliminaire A-1 et du contrat de garantie A-2, les Bénéficiaires connaissait l’existence du lien d’emploi entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur. Ils ont évalué les avantages et inconvénients de conclure le contrat préliminaire et le contrat de garantie avec l’Entrepreneur/employeur. Même si la preuve est presque silencieuse sur les privilèges que les Bénéficiaires ont ou auraient pu tirer des liens existants entre le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER et l’Entrepreneur, il est incontestable que, selon les Bénéficiaires, au moment de la signature du contrat préliminaire A-1 et du contrat de garantie A-2, il était à leur avantage d’acheter une maison de l’employeur de Maxime BÉLANGER plutôt que de l’acheter auprès d’un autre entrepreneur.
[56] Aujourd’hui, les Bénéficiaires doivent accepter les conséquences de leur choix et ne peuvent l’invoquer comme une excuse au détriment des droits d’un tiers, en l’occurrence l’Administrateur.
[57] Finalement, le soussigné rappelle que les dispositions du Règlement sont d’ordre public[2] et qu’on ne peut y déroger en invoquant un contrat d’emploi privé entre l’Entrepreneur et un des Bénéficiaires.
[58] Par conséquent, le lien d’emploi entre l’Entrepreneur et le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER n’a aucun impact sur les obligations de l’Administrateur. Il lui est inopposable.
LA RÉCEPTION DE L’IMMEUBLE ET SA DATE
[59] Selon l’article 8 du Règlement, la réception est « l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir l’usage auquel on le destine ».
[60] Dans le présent cas, il n’y a aucun doute sur la réception. Les Bénéficiaires ont non seulement acheté et payé le prix de l’immeuble le 18 juin 2020, mais ils y ont habité par la suite. À l’audition de l’arbitrage, ils ont déclaré comme adresse, l’immeuble en question. L’immeuble pouvait donc servir à l’usage auquel on le destinait.
[61] L’arbitre soussigné rappelle qu’il peut y avoir réception de l’immeuble même en absence de formulaire de préréception. La Cour supérieure, dans sa décision Constructions Léa inc. c. Skilling[3], nous rappelle que :
« [67] La réception de l’ouvrage est l’acte par lequel le client déclare accepter l’ouvrage (art. 2110 in fine C.c.Q.) :
2110. […] La réception de l’ouvrage est l’acte par lequel le client déclare l’accepter, avec ou sans réserve.
[68] La réception de l’ouvrage est un acte unilatéral par lequel le client déclare accepter l’ouvrage, l’ensemble des travaux étant complété. La réception peut découler de faits confirmant l’intention du client d’accepter l’ouvrage.
[69] Monsieur Skilling n’a pas signé un acte où il reconnait accepter l’ouvrage. L’intention peut cependant découler de certains gestes, tels que :
1. L’utilisation ou occupation de l’ouvrage;
2. Le paiement du prix de l’ouvrage;
3. La reconnaissance par l’architecte (mandataire du client) de l’acceptation de l’ouvrage;
4. Le parachèvement des travaux réclamé par le client;
5. La remise par le client de la liste des déficiences (vices et malfaçons) après la fin des travaux.
[70] Comme le précisent les auteurs, la fin des travaux (moment pouvant être déterminé objectivement) ne coïncide pas toujours avec le moment de la réception de l’ouvrage (moment où le client déclare unilatéralement recevoir l’ouvrage). »
[62] L’arbitre soussigné conclut donc que la date de la réception du bâtiment dans le cas des Bénéficiaires était le 18 juin 2020.
[63] Il est opportun de mentionner que la critique des Bénéficiaire à l’effet que le temps (20 à 25 minutes) manquait pour procéder à l’inspection lors de la préréception est mal fondée. Premièrement, il n’y a eu aucune preuve de contrainte envers les Bénéficiaires. Ils auraient simplement pu demander de remettre le rendez-vous pour la signature de l’acte de vente. Ils auraient également pu demander l’assistance d’un expert. Rien ne les empêchait de réagir immédiatement. Deuxièmement, le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER travaillait en tant que représentant des ventes pour l’Entrepreneur et connaissait les règles applicables au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, incluant la réception de l’immeuble. Finalement, vu son lien d’emploi, il serait irréaliste de penser qu’il n’avait pas accès privilégier à l’immeuble pour inspecter la progression des travaux avant même sa réception.
LE FORMULAIRE DE PRÉRÉCEPTION
[64] Comme déjà indiqué, la position des parties sur ce point est singulièrement opposée.
[65] Il ne s’agit pas de détails oubliés ou interprétés différemment. Les témoignages sont diamétralement opposés sur des faits concrets au point de remettre en question la bonne foi des parties.
[66] Selon Chantal AUGER, l’inspection préréception n’aurait révélé aucun manquement de la part de l’Entrepreneur. Les Bénéficiaires auraient donc accepté l’immeuble dans l’état qu’il se trouvait le 18 juin 2020.
[67] Cette affirmation est invraisemblable. Parmi les vingt-trois points soulevés dans la dénonciation du 9 janvier 2022 (pièce A-6), pas une seule n’aurait été soulevée lors de l’inspection préréception? N’oublions pas que le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER travaillait dans le domaine de la construction et était plus averti que l’individu moyen. Même si plusieurs de ces points sont des détails de moins d’importance, d’autres sont frappants. À titre d’exemple, le non-alignement horizontal du revêtement (le point 19 de la décision de l’Administrateur). Il s’agit d’un manquement qui saute aux yeux et qui ne peut avoir échappé aux Bénéficiaires.
[68] Finalement, la représentante de l’Entrepreneur affirme qu’il y a eu un formulaire de préréception mais qu’elle ne peut le retracer : ni le formulaire physique ni le formulaire électronique. Même si, comme elle le mentionne, le Bénéficiaire Maxime avait accès aux documents, le formulaire ne peut avoir été effacé sans laisser quelque trace des signatures électroniques et des courriels qui l’ont distribué.
[69] De son coté, le Bénéficiaire Maxime BÉLANGER affirme avoir dénoncé à l’Entrepreneur les points de son courriel du 9 janvier 2022 (pièce A-6) lors de l’inspection préréception du 18 juin 2020, alors que cette visite aurait duré, selon ses propres dires, 20 à 25 minutes. Comment peut-il avoir remarqué et dénoncé le manque de seuil à une porte alors qu’il doit se presser et que la visite s’effectue en juin quand la température est chaude.
[70] À tout événement, même si l’arbitre soussigné retenait la version du Bénéficiaire Maxime BÉLANGER sur l’absence de formulaire préréception, il n’en reste pas moins que les dispositions de l’article 17 du Règlement demeurent applicables. De plus, les parties ont signé le contrat de garantie A-2. Au paragraphe 8.3 de ce contrat, il est spécifiquement prévu que « Dans l’éventualité où, contrairement à l’article 8.2, aucune Déclaration de pré-réception n’est remplie par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur conformément à l’article 5.4, le Bénéficiaire pourra tout de même se prévaloir de la garantie prévue à l’article 8.2 à condition que les travaux à parachever aient autrement été dénoncés par écrit à l’Entrepreneur au moment de la Réception du bâtiment ou, tant que le Bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois (3) jours de celle-ci. » (souligné par le soussigné)
[71] Les termes « à condition que », « par écrit » et « au moment de la Réception » ne laissent aucune place à l’interprétation. Même en absence de collaboration par l’Entrepreneur, les Bénéficiaires devaient dénoncer par écrit les travaux à parachever ainsi que les vices et malfaçons apparents à l’Administrateur. Aucune dénonciation n’a été faite à l’Administrateur le 18 juin 2020. Celui-ci a été avisé pour la première fois des doléances des Bénéficiaires le 9 janvier 2022, soit presque dix-huit mois plus tard.
LES RÉCLAMATIONS ET LEURS NATURES
[72] Dans leur courriel du 9 janvier 2022 et le formulaire de dénonciation qui y est joint, les Bénéficiaires ont dénoncé plusieurs éléments :
[73] Dans sa décision, le conciliateur a traité les vingt-trois points suivants :
Je réitère, tous ces points ont été dénoncés pour la première fois à l’Administrateur le 9 janvier 2022.
[74] Lors de l’audition sur l’arbitrage, aucune nouvelle preuve n’a été présentée au soussigné concernant ces points. Le soussigné, se basera donc sur les faits mentionnés dans la décision du conciliateur et la preuve photographique qui s’y trouve pour qualifier la nature des réclamations.
Les points 1 à 9 et 19 (plusieurs vices et malfaçons apparents)
[75] Les vices ou malfaçons soulevés aux points 1 à 9 et 19 de la décision de l’Administrateur sont tous clairement visibles sur les photos prises par le conciliateur. Puisque ces vices ou malfaçons sont apparents sur les photos, l’arbitre soussigné n’a aucune raison de croire qu’ils ne l’étaient pas à la réception de l’immeuble. Ces points constituent donc des vices ou malfaçons apparents dans le sens de l’article 10 (2) du Règlement.
[76] Le délai ultime pour dénoncer les vices et malfaçons apparents est au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’y a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception de l’immeuble. La réception ayant eu lieu le 18 juin 2020, les Bénéficiaires avaient jusqu’au 21 juin 2020 pour dénoncer par écrit lesdits vices et malfaçons apparents à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.
[77] Dû à l’absence de dénonciation au plus tard le 21 juin 2020, les réclamations des Bénéficiaires sur ces points doivent tomber.
Le point 10 (l’infiltration d’air par la fenêtre)
[78] Au point 10 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation concernant l’infiltration d’air par la fenêtre de la cuisine. Selon le courriel des Bénéficiaires, ils auraient constatée ce point pour la première fois le 15 décembre 2020. Selon le conciliateur, il s’agirait d’un interstice au bas de la fenêtre. Puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rends l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception, ce point se qualifie de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement.
[79] Selon cette disposition, la dénonciation des malfaçons non apparentes doit se faire dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. La découverte ayant été faite le 15 décembre 2020, la dénonciation du 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, n’est pas faite dans un délai raisonnable.
[80] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 10 doit tomber.
Le point 11 (petites égratignures)
[81] Au point 11 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation concernant de petites égratignures sur les garde-corps et mains-courantes en aluminium. Les Bénéficiaires les auraient reçues après la date de réception (18 juin 2020). Ils auraient donc constaté les égratignures le 30 juin 2020.
[82] L’absence des garde-corps et des mains-courantes à la réception et leur installation subséquente constituait le parachèvement des travaux au sens de l’article 10(1) du Règlement et devait être dénoncé par écrit au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’avait pas emménagé, dans les trois jours qui ont suivi la réception de l’immeuble. La réception ayant eu lieu le 18 juin 2020, les Bénéficiaires avaient jusqu’au 21 juin 2020 pour dénoncer par écrit ledit le parachèvement à l’Entrepreneur et à l’Administrateur.
[83] En absence de dénonciation sur ce point au plus tard le 21 juin 2020, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 11 doit tomber.
Le point 12 (infiltration d’eau au garage)
[84] Au point 12 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation des Bénéficiaires concernant une infiltration d’eau au garage par la plomberie de la lessiveuse. Dès le premier jour d’occupation, soit le 18 juin 2020, les Bénéficiaires ont constaté l’infiltration d’eau. Puisqu’il s’agit d’un fait qui rends l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception, soit le lendemain de l’occupation, ce point se qualifie de vice caché au sens de l’article 10(4) du Règlement.
[85] Selon cette disposition, la dénonciation du vice caché doit se faire dans un délai raisonnable de la découverte du vice. La découverte ayant été faite le 19 juin 2020, la dénonciation faite le 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, n’ai pas fait dans un délai raisonnable.
[86] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 12 doit tomber.
Le point 13 (l’étanchéité de la porte du garage)
[87] Au point 13 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation concernant l’étanchéité de la porte piétonne extérieure du garage.
[88] Selon le conciliateur, le coupe-froid ne s’appuie pas sur tout le périmètre de ladite porte. Il s’agirait donc d’une malfaçon non apparente. Puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rends l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception (le 19 juin 2020), ce point se qualifie de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement.
[89] Selon cette disposition, la dénonciation des malfaçons non apparentes doit se faire dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. La découverte ayant été faite le 19 juin 2020, la dénonciation faite le 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, n’est pas raisonnable.
[90] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 13 doit tomber.
Le point 14 (fissure sur deux fenêtres latérales)
[91] Au point 14 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation concernant l’infiltration d’eau par une fissure sur deux fenêtres latérales au sous-sol. Les Bénéficiaires ont observé l’infiltration d’eau par la fenêtre pour la première fois le 9 septembre 2020. Puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rends l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception (le 9 septembre 2020), ce point se qualifie de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement.
[92] Selon cette disposition, la dénonciation des malfaçons non apparentes doit se faire dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. La découverte ayant été faite le 9 septembre 2020, la dénonciation faite le 11 mars 2022, soit plus d’un an après, n’est pas raisonnable.
[93] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 14 doit tomber.
Le point 15 (porte entre garage et maison non étanche)
[94] Au point 15 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation pour la porte non étanche. Selon le conciliateur, l’espace vertical entre le cadre de la porte et le mur n’est pas rempli d’isolant. Les Bénéficiaires ont constaté le défaut le 1 août 2020. Puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rend l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception (le 1 août 2020), ce point se qualifie de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement.
[95] Selon cette disposition, la dénonciation des malfaçons non apparentes doit se faire dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. La découverte ayant été faite le 1 août 2020, la dénonciation faite le 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, n’est pas raisonnable.
[96] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 15 doit tomber.
Le point 16 (bruit de la base de douche)
[97] Au point 16 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation pour bruit de la base de douche. La cause du bruit n’est pas indiquée par le conciliateur. Par contre, selon les Bénéficiaires le plombier aurait suggéré de coller la base et le soutenir au centre. Les Bénéficiaires ont constaté ce défaut le 18 juin 2020. Puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rend l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception (le 18 juin 2020), ce point se qualifie de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement.
[98] Selon cette disposition, la dénonciation des malfaçons non apparentes doit se faire dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. La découverte ayant été faite le 18 juin 2020, la dénonciation faite le 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, n’est pas raisonnable.
[99] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 16 doit tomber.
Point 17 (Trappe c’accès à l’entretoit)
[100] Au point 17 de sa décision, l’Administrateur refuse la réclamation pour condensation et moisissures à la trappe d’accès à l’entretoit. Les Bénéficiaires les ont découverts le 16 décembre 2020.
[101] Les Bénéficiaires ont confirmé au conciliateur ne pas procéder aux ajustements de contrôle de l’échangeur d’air. Le taux d’humidité lors de la visite du conciliateur était de 45%.
[102] Les Bénéficiaires ont déclaré au conciliateur que la situation s’était aggravée le deuxième hiver (2022). Puisqu’il s’agit d’un fait qui éventuellement rend l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception (le 16 décembre 2020), ce point se qualifie de vice caché au sens de l’article 10(4) du Règlement.
[103] Selon cette disposition, la dénonciation des vices cachés doit se faire dans un délai raisonnable de leur découverte. La découverte ayant été faite le 16 décembre 2020, la dénonciation faite le 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, n’est pas raisonnable.
[104] En absence de dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 17 doit tomber.
Le point 18 (porte difficile de manœuvrer)
[105] Au point 18 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation pour la porte de la salle d’eau de l’étage et de la salle de lavage. Elle frotte légèrement lors de sa manœuvre. La situation a été découverte le 5 décembre 2021 et dénoncé le 11 mars 2022. Puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rend l’immeuble impropre à l’usage, ce point ne peut pas être qualifié de vice caché.
[106] De plus, le point ne se qualifie pas de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement puisqu’il n’a pas été découvert dans l’année qui a suivi la réception.
[107] La réclamation des Bénéficiaires sur le point 18 doit donc tomber.
Le point 20 (Les balcons et marches avant)
[108] Au point 20 de sa décision, l’Administrateur a refusé la réclamation pour désagrégation du béton du balcon et des marches.
[109] Le conciliateur n’a pu constater de désagrégation dudit béton. En absence de preuve supplémentaire, cette constatation dispose de ce point.
[110] De plus, puisqu’il ne s’agit pas d’un fait qui rend l’immeuble impropre à l’usage et qu’il a été découvert dans l’année qui suit la réception (le 18 juin 2020), ce point si désagrégation avait été prouvée, se serait qualifié de malfaçon non apparente au sens de l’article 10(3) du Règlement.
[111] Or, selon cette même disposition, la dénonciation des malfaçons non apparentes devait se faire dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons. La découverte ayant été faite le 18 juin 2020, la dénonciation le 9 janvier 2022, soit plus d’un an après, ne peut être dans un délai raisonnable.
[112] En absence de preuve quant l’existence d’un manquement ainsi que d’une dénonciation dans un délai raisonnable, la réclamation des Bénéficiaires sur le point 16 doit tomber.
Les points 21, 22 et 23 (Interstice du plancher, fissures capillaire au gypse et la fondation)
[113] Sur les trois points 21, 22 et 23 de la décision de l’Administrateur, aucune preuve n’a été présentée par les Bénéficiaires. La seule preuve disponible est celle du conciliateur. Il affirme qu’il s’agit d’une situation attribuable au comportement normal des matériaux, ce qui est spécifiquement exclu du plan de garantie par l’article 12 du Règlement.
[114] À tout événement, ces événements constatés en juin 2020 ont été dénoncé dans un délai déraisonnable, soit en janvier 2022.
[115] Par conséquent, toutes les réclamations des Bénéficiaires auprès de l’Administrateur doivent être rejetées.
FRAIS
[116] L’article 37 du Règlement stipule :
Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.
[117] Les Bénéficiaires n’ont eu gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation. Mais, l’article 116 du Règlement permet à l’arbitre de faire « aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient », lui donnant une discrétion.
[118] Considérant le témoignage invraisemblable de la représentante de l’Entrepreneur, les frais d’arbitrage, selon les Articles 116 et 37 du Règlement, seront partagés entre l’Administrateur du Plan de garantie et l’Entrepreneur.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires sur tous les points;
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, partagés à parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par CCAC, après un délai de grâce de 30 jours;
RÉSERVE à La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (« l’Administrateur ») ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur et/ou caution, pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Montréal, le 13 décembre 2022
__________________________
JAMES R. NAZEM
Arbitre / CCAC
[1] 35. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.
107. La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. L’organisme voit à la désignation de l’arbitre à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie.
[2] SNC-Lavalin inc. (Terratech inc. et SNC-Lavalin Environnement inc.) c. Raymond Chabot Administrateur provisoire inc., 2020 QCCA 509 (CanLII), paragraphe 13.
[3] Constructions Léa inc. c. Skilling, 2019 QCCS 5141 (CanLII)