ARBITRAGE

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Centre canadien d’arbitrage commercial (CCAC)

 


No dossier CCAC :                  S12-030601-NP

No dossier Garantie :              147977-1

Date:                                       25 septembre 2012

 

ENTRE:           Manon Larivière

et

Stephane Yannakopoulos

(ci-après « les Bénéficiaires »)

Et                     9190-7485 Québec Inc.

(Les Constructions Melbou)

(ci-après « l’Entrepreneur »)

Et                     LA GARANTIE des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ INC

                                                (ci-après "l’Administrateur")

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                   Me France Desjardins

Pour les Bénéficiaires :           Madame Manon Larivière

 Monsieur Stephane Yannakopoulos

Pour l’Entrepreneur :               Me Martin Boisvert, procureur

                                                Monsieur Patrick Léger

Pour l’Administrateur :             Me Stephane Paquette, procureur

                                                Monsieur Jean Trépanier, inspecteur-conciliateur

Mandat :

L’Arbitre a reçu son mandat du CCAC le 15 mars 2012.

Historique et pièces :

 

30 juin 2009

Certificat d’analyse de l’eau pour l’Entrepreneur

8 mars 2010

Contrat préliminaire et contrat de garantie

20 mai 2010

Acte de vente

8 juillet 2011

Certificat d’analyse de l’eau pour les Bénéficiaires

22 août 2011

Certificat d’analyse de l’eau pour les Bénéficiaires

19 septembre 2011

Certificat d’analyse de l’eau pour les Bénéficiaires

10 octobre 2011

Mise en demeure des Bénéficiaires à l’Entrepreneur

16 novembre 2011

Réception de la dénonciation par l’Administrateur

6 février 2012

Décision de l’Administrateur

6 mars 2012

Demande d’arbitrage de l’Entrepreneur

11 mai  2012

1ière conférence préparatoire téléphonique

16 juillet 2012

2ième conférence préparatoire téléphonique

10 août 2012

Dépôt de documents par les Bénéficiaires

23 août 2012 :

Audition

 

INTRODUCTION

[1]           Le 8 mars 2010, les Bénéficiaires signent un contrat pour l’achat d’une maison modèle à Saint-Colomban. Le bâtiment est couvert par le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement)[1]. La réception du bâtiment a lieu à la fin du mois de mai 2010.

[2]           Lors de l'inspection pré-réception du bâtiment, les Bénéficiaires notent que l’eau qui s’écoule des robinets a une odeur ferreuse et une couleur rouille. L’Entrepreneur  explique que, comme il s’agit d’une maison-modèle, l’eau n’a pas coulé pendant plusieurs mois. Il indique que le tout devrait se rétablir après quelque temps. Il recommande de faire l’achat d’un système de filtration, ce que l'inspecteur mandaté par les Bénéficiaires conseille également.

[3]           Quelques mois plus tard,  l’eau a toujours une odeur et un goût ferreux. Au service de l'eau Paquette, qui a installé le système de filtration de l'eau à la résidence, fait procéder, pour les Bénéficiaires,  à des analyses dont les résultats démontrent que l’eau n’est pas conforme ni potable en raison de la présence de coliformes et de bactéries. 

[4]           Après qu’un puisatier, monsieur St-Vincent, leur ait indiqué que leur puits artésien serait probablement mal scellé, ils adressent, en novembre 2011, une réclamation à l’Administrateur qui rend une décision le 6 février 2012, concluant que la situation rencontre les critères du vice caché, accueillant la réclamation et ordonnant de réaliser les travaux correctifs (forage d’un nouveau puits) afin d’assurer la qualité potable de l’eau du puits.

[5]            Insatisfait de la décision de l’Administrateur, l’Entrepreneur dépose une demande d’arbitrage le 6 mars 2012. Il y allègue l’absence des éléments requis pour conclure à l’existence d’un vice caché et le changement dans la situation des lieux entre la réception du bâtiment et la réclamation des Bénéficiaires.

[6]           Les exigences relatives à la demande d’arbitrage par l’Entrepreneur étant complétées, l’Arbitre tient une première conférence téléphonique le 11 mai 2012, laquelle est reportée à une date ultérieure afin de permettre les échanges entre les parties. Une seconde conférence téléphonique est tenue le 16 juillet. Il y est convenu que les parties déposeront leurs documents le 10 août 2012 et l’audition de la demande est fixée le 23 août 2012.

 

LA PREUVE ET L’ARGUMENTATION

 

[7]            Le procureur de l’Entrepreneur, Me Martin Boisvert, fait entendre monsieur Patrick Léger, vice-président de la compagnie, qui indique qu’à sa connaissance, il n’y a eu aucun avis du puisatier à l’effet que le puits en litige posait problème et qu’il n’y aurait eu aucun autre problème dans cette rue. Il explique que le territoire de Saint-Colomban est constitué de roc.

[8]           Interrogé sur ce qui est fait après le forage, monsieur Léger indique qu’il y a désinfection du puits, soit avec du sel, soit avec de l’eau de javel, selon la compagnie qui y procède. Le témoin dépose finalement un certificat d’analyse de l’eau, émis le 30 juin 2009 (pièce E-1), lequel conclut à la conformité de l’échantillon d’eau prélevé la veille.

 

[9]            Monsieur Léger est ensuite invité à se prononcer sur les conclusions que le puisatier, monsieur Bernard Dagenais, a adressées à l’Entrepreneur dans une lettre datée du 14 juin 2012, ce à quoi Me Paquette s’objecte. Le Tribunal autorise Me Boisvert à communiquer avec le signataire de la lettre, qui accepte de se déplacer immédiatement pour rendre témoignage.

[10]         Contre-interrogé par le procureur de l’Administrateur, Me Stéphane Paquette, le témoin identifie d’autres maisons construites par l’Entrepreneur dans le voisinage immédiat et confirme qu’elles ont toutes un puits artésien. Il ne peut dire si le forage a été effectué par le même puisatier. Il confirme cependant que les autres puits ont été creusés après celui des Bénéficiaires.

[11]         Référant à la pièce E-1, Me Paquette demande pourquoi s’être adressé à un autre puisatier ((Services Pompes et Traitement Monette & Fils) plutôt qu’au puisatier qui a effectué le forage du puits (Puits Artésiens La Source), ce à quoi monsieur Léger répond "Peut-etre qu’on faisait un autre puits à ce moment".  À la question combien de tests d’eau sont faits selon son expérience, monsieur Léger répond qu’un test est généralement fait pour répondre aux conditions de financement des banques.

[12]         Concernant la profondeur des autres puits creusés, le témoin indique que ça dépend...ça varie de 50 pieds d’un puits à l’autre". Il confirme ensuite qu’il y a eu dynamitage autour de la résidence des Bénéficiaires car Saint-Colomban est un plateau de roc.

[13]         Enfin, appelé à identifier la date de signature du contrat préliminaire, monsieur Léger déclare l’ignorer.

[14]         Contre-interrogé par monsieur Yannakopoulos, monsieur Léger indique que le représentant de l’Entrepreneur qui est allé voir les lieux est monsieur Bouthillier. Il témoigne à l’effet qu’il y a généralement un délai de 2 à 3 semaines entre le nettoyage du puits et les tests d’eau.

[15]         À la question si l’Entrepreneur assume les frais lorsqu’un client souhaite que son puits soit foré plus creux, monsieur Léger répond que c’est le puisatier qui décide. Il indique ensuite avoir construit 5 maisons à part celle des Bénéficiaires. Il n’est cependant pas en mesure de dire combien de puits ont été forés par Puits Artésiens La Source. Il confirme toutefois que c’est cette compagnie qui a procédé au nettoyage du puits.

[16]         L’Entrepreneur fait ensuite entendre monsieur Bernard Dagenais, puisatier, qui explique avoir foré le puits des Bénéficiaires, avoir installé 20 pieds de tuyau de métal, l'avoir cimenté et avoir continué jusqu’à 125 pieds, l’avoir chloré.

[17]         Il témoigne être retourné sur les lieux avec une caméra et avoir constaté que le puits était bien scellé et reconnaît avoir signé la lettre du 14 juin 2012 qu’il a adressée à l’Entrepreneur, déclinant toute responsabilité.

[18]         Le témoin explique qu'à Saint-Colomban,  il est souvent obligé de recommencer des puits et installer alors 80 pieds de tuyau de métal. Dans ce cas, il fait un prix spécial.

[19]         À savoir ce qui est arrivé pour que l’eau ne soit pas potable, monsieur Dagenais indique qu’il y a souvent du dynamitage à Saint-Colomban, ce qui produit des fissures. Dans ces cas, l’eau sent la dynamite et n’a pas bon goût, ajoute-t-il.

[20]         Contre-interrogé par madame Larivière, monsieur Dagenais réitère être allé vérifier le puits avec une caméra pour voir s’il y avait infiltration au sabot.

[21]         Contre-interrogé par Me Paquette, monsieur Dagenais indique avoir creusé, à 400 pieds, le puits de la résidence de l’Entrepreneur et un autre dans le même quartier que la résidence des Bénéficiaires. Il indique avoir creusé le puits des Bénéfiiciares à 125 pieds parce qu’il y a trouvé de l’eau. Il demande des certificats d’analyse lorsque le client lui demande mais ajoute que son contrat ne garantit pas la qualité mais le débit d’eau.

[22]         Appelé à préciser ses propos précédents, monsieur Dagenais explique qu’à Saint-Colomban, l’eau n’est pas bonne avant 100 pieds et que son contrat établit son obligation de forage à 100 pieds. Il ajoute qu’il y a 60% de chance que l’eau ne soit alors pas potable, ce dont il n’aurait pas discuté avec l’Entrepreneur.

[23]         Le témoin confirme ensuite devoir creuser ailleurs s’il est obligé de refaire un puits qui aurait été contaminé.

[24]         Enfin, monsieur Dagenais n’est pas en mesure d’identifier à quelle date il serait retourné sur les lieux car c’est son employé qui y est allé. En réponse aux questions du procureur, le témoin répond que l’employé a passé une caméra dans le puits pour vérifier le sabot d’enfoncement. Il explique que sous le sabot, c’est le roc et qu’il pourrait y avoir des fissures s’il y a dynamitage.

[25]         Invité à dire s’il avertit le client des risques à Saint-Colomban, monsieur Dagenais répond par l’affirmative. Il dit au client que l’eau n’est pas bonne "en haut". Il recommande aussi d’installer 80 pieds de tuyau.

[26]         Questionné par monsieur Yannakopoulos, monsieur Dagenais indique avoir creusé 4 à 5 puits pour l’Entrepreneur dont le dernier pour sa propre résidence. Le témoin confirme qu’il peut y avoir une grande variance de profondeur dans un même quartier. Il réitère que la seule façon de vérifier un puits est au moyen d’une caméra.

[27]         À la question de madame Larivière, monsieur Dagenais explique qu’il en coûte 15$ du pied pour creuser au-delà de 100 pieds.

[28]         Madame Larivière témoigne pour les Bénéficiaires et jure que l’employé du puisatier qui est allé vérifier le puits n’avait pas de caméra mais seulement un petit miroir.

[29]         Monsieur Yannakopoulos témoigne et réitère que le témoin Dagenais a confirmé que la vérification exige une caméra. Il rappelle ensuite les tests effectués et les résultats qui démontrent que l’eau n’est pas potable. Il réfère au feuillet de la Société canadienne d’hypothèques et de logement produit sous B-2, et intitulé : "L’achat d’une maison avec un puits et une installation septique".

[30]         Contre-interrogé par Me Boisvert, monsieur Yannakopoulos indique être entré dans la maison le 30 mai 2010. Il confirme avoir visité avant, avoir fait couler les robinets, avoir signalé l’odeur de fer et ajoute que l’Entrepreneur a recommandé d’acheter un système de filtration. Il confirme avoir demandé du financement mais l’institution financière n’a pas demandé d’analyse de l’eau vu le peu de financement requis.

[31]         Le témoin indique avoir reçu un test écrit manuellement mais pas le certificat daté du 30 juin 2009. Il indique qu’il n’a pas fait faire de test parce que l’Entrepreneur leur a dit qu’il fallait attendre que l’eau circule pendant deux à trois mois avant de procéder à des tests. Le premier test a été demandé par les Bénéficiaires en juillet 2011.

[32]         En réponse aux questions du procureur, les Bénéficiaires expliquent qu’au début, ils cuisinaient avec l’eau mais ne la buvaient pas mais depuis qu’ils ont appris qu’elle contenait des coliformes fécaux, ils ont arrêté de l’utiliser. Ils indiquent avoir aménagé le terrain en 2012 et avoir fait vérifier la fosse septique, laquelle est conforme.

 

[33]         Invité à identifier monsieur St-Vincent dont il est question dans la décision de l’Administrateur, les Bénéficiaires expliquent qu’il s’agit d’un puisatier qui a vérifié le puits avec une caméra, n'y a décelé aucune fissure dans les parois et a conclu à l’impossibilité de déterminer la source du problème sans ouvrir le puits. Toutefois, selon son expérience, il croit que le puits n’est pas assez profond, mal scellé et qu’il ne faut pas boire l’eau. Les Bénéficiaires n’ont pas demandé de rapport écrit parce que le puisatier ne pouvait faire la preuve de son opinion sans ouvrir le puits.

[34]         Questionnée par Me Paquette sur d’autres tests auxquels elle avait référés, comme convenu, madame Larivière a fait parvenir un certificat d’analyse daté de septembre 2011 après l'audition.

[35]         L’Administrateur fait entendre monsieur Jean Trépanier, inspecteur-conciliateur signataire de la décision de l’Administrateur. Celui-ci a inspecté les lieux le 25 janvier 2012 en présence de madame Larivière. La réclamation concernait le forage d’un nouveau puits. Monsieur Trépanier a examiné les trois certificats d’analyse de l’eau (A-4) et considéré l’historique du dossier à l’effet que les Bénéficiaires ont découvert en juillet 2011 que l’eau n'était pas conforme. N’ayant rien d’autre avant, il a supposé que l’eau était contaminée avant cette date.

[36]         Interrogé par Me Paquette, monsieur Trépanier témoigne qu’il n’avait pas en mains la pièce E-1, soit le certificat d’analyse du 30 juin 2009, déposé par l’Entrepreneur. Il indique que s’il l’avait eu, il aurait rendu une décision différente et considéré l’eau conforme. En regard des règles de l’art, monsieur Trépanier réfère aux règles environnementales applicables aux ouvrages de captage individuels, plus particulièrement aux statistiques de la profondeur moyenne  des puits dans la région des Laurentides, laquelle se situe à 164 pieds. À la question du procureur sur les obligations de l’Entrepreneur, le témoin répond : "fournir une eau de qualité avec un débit conforme aux normes".

[37]         Contre-interrogé par Me Boisvert sur la valeur du tableau statistique comme norme légale, monsieur Trépanier indique qu’il s’agit d’un barème et que la moyenne nationale est de 147 pieds. À la question à savoir si le puisatier Dagenais a suivi les règles de l’art, monsieur Trépanier opine qu’il "a fait le minimal".

[38]         Le témoin confirme avoir procédé à l’inspection l’hiver sans avoir accès au puits et avoir communiqué avec monsieur St-Vincent avant de rendre sa décision, un premier cas de ce genre pour lui.

[39]         À la question de l’Arbitre qui lui demande s’il est confortable avec le fait que le certificat  E-1 porte la date du 30 juin 2009 alors que la vente a eu lieu en mai 2010, monsieur Trépanier répond qu’il ne sait pas car il s’agit d’une question légale.

[40]         Contre-interrogé par monsieur Yannakopoulos sur les raisons qui amèneraient les institutions financières à exiger un certificat d’analyse de moins d’un an, monsieur Trépanier ne le sait pas. Il ne sait pas non plus comment on peut prouver d’où vient la source d’eau pour fins d’analyse.

[41]         En argumentation, Me Boisvert réfère à l’article 3.3 du contrat de garantie, relatif au vice caché et en reprend les critères. Ainsi, plaide-t-il, le vice doit être inconnu lors de la réception alors que déjà les Bénéficiaires ont constaté que l’eau ne sentait pas bon; la situation est cachée mais le vice doit être antérieur à la vente, ce qui n’est pas le cas considérant le certificat d’analyse produit daté de juin 2009, seul document produit faisant état d’une analyse de l’eau avant la réception du bâtiment.

 

[42]         Au soutien de ses prétentions à l’effet que les Bénéficiaires ont manqué de diligence en ne faisant aucune vérification préalable de la qualité de l’eau et sont donc mal fondés de s’en plaindre, Me Boisvert dépose deux jugements rendus par les tribunaux de droit commun. [2]

 

[43]         Le procureur argue qu’en l’absence du certificat d’analyse antérieur à la vente, l’inspecteur-conciliateur n’a pas pu tenir compte de l’antériorité. Il rappelle que c’est le 1er dossier de l’inspecteur en matière de puits et qu’avec les faits connus aujourd’hui, selon son témoignage, la réclamation aurait été rejetée.

 

[44]          Me Boisvert représente que les Bénéficiaires n’ayant pas fait entendre le puisatier St-Vincent,  personne n’a pu démontrer que le travail n’a pas été fait selon les règles de l’art. Par conséquent, conclut-il, la décision de l’Administrateur est déraisonnable et préjudiciable à l’Entrepreneur.

[45]         En argumentation, monsieur Yannakopoulos rappelle l’existence de deux problèmes d’eau. D’une part, un problème minéral identifié par la couleur et la senteur  et d’autre part, un problème de coliformes et bactéries. Il plaide qu’ils savaient qu’il fallait acheter un système de filtration d’eau pour contrer le problème minéral.

[46]         Il réitère que, contrairement aux prétentions de l’Entrepreneur, le puisatier Dagenais n’a pas tout fait car il n’a pas inspecté le puits avec une caméra.

[47]         Quant à leur diligence, les Bénéficiaires ont fait inspecter la maison et l’inspecteur leur a recommandé d’attendre pour l’eau car il s’agissait d’une maison témoin. Selon eux, la situation est couverte par la garantie car ils ne peuvent jouir de leur maison.

[48]         Enfin, Monsieur Yannakopoulos  fait remarquer que, pour atteindre la moyenne de la profondeur des puits de son quartier, établie à 342 pieds selon les documents produits et signés par ses voisins, il en aurait coûté 3 000$ de plus, considérant le prix de 15$ du pied additionnel exigé par le puisatier.

 

[49]         Madame Larivière rappelle pour sa part que le puits a été foré en février 2009, le premier test sur la qualité de l’eau est effectué en juin 2009 par un autre puisatier et ils ont pris possession de la maison en mai 2010.

[50]         En argumentation,  Me Paquette plaide que la décision de l’Administrateur a été rendue sur la base des documents fournis à l’inspecteur-conciliateur.  Il rappelle que la question posée à l’inspecteur par l’Arbitre est exactement celle à laquelle le tribunal doit répondre.

 

[51]         Me Paquette argue qu’au moment de la vente, l’Entrepreneur doit fournir l’eau potable. Il ajoute qu’on comprend du témoignage du puisatier que la première partie de 20 pieds est scellée mais après, non. Le puisatier ne garantit pas la qualité de l’eau mais l’Entrepreneur a l’obligation de la garantie. Selon le puisatier, l’eau n’est pas bonne "en haut". Son contrat établissant son obligation de forage à 100 pieds, les chances d’avoir de l’eau de qualité sont de une sur deux.

 

 ANALYSE ET MOTIFS

 

[52]         Avant d’amorcer l’analyse pour disposer du litige, il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement. Bien que le Tribunal puisse interpréter certaines dispositions d’autres lois dans l’application de son mandat, c’est en vertu du Règlement qu’il doit déterminer les droits et obligations de chacun. Sa décision doit prendre sa source dans la règle de droit et s’appuyer sur la preuve soumise par les parties.

[53]         Considérant la preuve entendue, l’Arbitre doit établir si la décision de l’Administrateur est fondée.

[54]         Les Bénéficiaires disent avoir observé une odeur ferreuse dès la réception du bâtiment en mai 2010 mais, selon les recommandations, tant de leur inspecteur, que de l’Entrepreneur, ils ont attendu quelques mois que l’eau circule vu qu’il s’agissait d’une maison témoin. Puis, ils ont acquis un système de filtration de l’eau au coût de 3 500$, lequel a quelque peu amélioré la situation. Ce n’est qu’à l’été 2011 qu’ils ont pris connaissance de résultats d’analyse faisant état de la présence de coliformes et bactéries dans l’eau, la rendant non potable.

[55]         L’Entrepreneur conteste la décision de l’Administrateur lui ordonnant de procéder au forage d’un nouveau puits. S’appuyant sur un résultat d’analyse effectué pour son compte le 30 juin 2009, l’Entrepreneur soumet que l’Administrateur ne disposait pas des éléments requis pour conclure à l’existence d’un vice caché, plus particulièrement quant à l’antériorité à la vente.

[56]         Il convient de rappeler d'abord les dispositions législatives et réglementaires pertinentes au présent arbitrage, plus particulièrement les articles 1 et 10 du Règlement.

 

                                    1. Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

"bâtiment":

le bâtiment lui-même, y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d'épuration et le drain français.

 

 

 

10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

 5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

 

[57]         Ainsi la garantie trouvera application si l’Entrepreneur est en défaut de respecter ses obligations légales ou contractuelles, plus précisément s’il néglige de terminer les travaux convenus ou si l’exécution des travaux est affectée de vices ou de malfaçons.

[58]         De plus, le Règlement est d'ordre public (on ne peut y déroger, même par convention), comme l'a rappelé la Cour D'Appel sous la plume de l'Honorable juge Pierrette Rayle qui s’exprime ainsi sur ce sujet :[3]

’[10] La Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c.B.-1.1 ci-après la Loi) oblige les entrepreneurs généraux à détenir une licence, ce qu’ils ne peuvent obtenir à moins de remplir certaines conditions. L’une d’elles est l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations légales et contractuelles pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf.

 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

 

 

[59]         De l’ensemble de ces éléments, comme l’a exprimé l’arbitre Robert Masson, il ressort que :

«le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en        vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le      gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et             d’améliorer la qualité des constructions neuves»

Le Procureur général du Québec s’exprimait ainsi alors qu’il intervenait dans un débat concernant une sentence arbitrale    rendue en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels      neufs où il avait été appelé :

«Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle»[4]

 

[60]         Ainsi, au-delà des effets du seul contrat d’entreprise, c’est dans le cadre d’une relation fortement réglementée, dont le contenu est dicté par un règlement d’ordre public, que le Tribunal est appelé à analyser le comportement des parties à l’arbitrage.

 

[61]         Généralement, c'est sur celui qui conteste le bien-fondé de la décision de l’Administrateur (ici l’Entrepreneur), que repose le fardeau de la preuve et cette preuve doit être prépondérante, en application des dispositions contenues aux articles 2803 et 2804 du Code Civil du Québec :

           

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les  faits sur lesquels sa prétention est fondée.

 

2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

[62]         À l’audition,  l’inspecteur-conciliateur à déclaré que, s’il avait pris connaissance de la pièce E-1 (certificat d’analyse de l’eau antérieur à la vente), il aurait rendu une décision différente et rejeté la réclamation des Bénéficiaires. Ce faisant, l’Administrateur a ainsi substitué le motif principal de sa décision écrite initiale par un autre motif invoqué pour la première fois à l’audition.

 

[63]         Cette situation est peu commune, puisque l’Administrateur fait habituellement son nid dans ses décisions. Il ne peut, au gré de la preuve faite par l'autre partie à l'audition, modifier ses conclusions à un point tel qu'il place une partie, prise par surprise, dans l'incapacité de supporter sa preuve et son argumentation à l’égard de ce nouveau dispositif de la décision qui lui devient défavorable.  Cela ne veut pas dire que l'inspecteur-conciliateur ne doit pas faire preuve d'intégrité dans son témoignage puisque son rôle est de soutenir le Tribunal dans sa prise de décision. Toutefois, il appartient au Tribunal de juger de la crédibilité du témoignage et de s'assurer qu'une telle volte-face ne cause pas préjudice à la partie qui en fait l'objet.

 

[64]         En l'espèce, quoique important, le Tribunal ne croit pas que ce revirement  puisse être qualifié de crucial dans l'issue du litige. En effet, en regard de la date du certificat d'analyse sur lequel il appuie ses nouvelles conclusions, interrogé sur son confort quant au fait qu'il porte une date de près d'un an avant la vente, monsieur Trépanier déclare ne pas savoir car, selon ses propres termes, "c'est une question légale". Par ailleurs, à l'audition, l'inspecteur-conciliateur n'a pas remis en cause ses conclusions quant à l'existence même d'un vice caché et n'a pas non plus, démontré par son expertise que la qualité de l'eau en 2009 devait être déterminante de la qualité de l'eau un an plus tard.

 

[65]         Cela dit, quelle est la preuve soumise de part et d'autre en regard des obligations de l'Entrepreneur.  Quoique les Bénéficiaires n’aient pas beaucoup étayé leur argumentation, il ressort clairement de la preuve documentaire que l'eau du puits n'était  pas potable entre juillet et septembre 2011, soit un peu plus d'un an après la réception du bâtiment..

 

[66]         Considérant la preuve de la qualité de l'eau en juin 2009 selon le certificat d'analyse E-1, l'Entrepreneur prétend que la qualité de l'eau aurait été affectée après la vente, soit à cause de dynamitage dans l'environnement, soit parce que la situation des lieux a changé en raison notamment de l'aménagement du terrain par les Bénéficiaires.

 

 

[67]         Ni les Bénéficiaires, ni l'Entrepreneur n'ont soumis une preuve technique au soutien de leurs prétentions, si ce n'est, pour l'Entrepreneur, le témoignage du puisatier, monsieur Bernard Dagenais, qui a lui-même procédé au forage du puits et qui décline toute responsabilité dans le présent litige.

 

 

[68]          Il est clair que l’Entrepreneur s’en est totalement remis au puisatier sous-traitant, dont la preuve n’est pas convaincante.  En effet, son affirmation écrite  à l'effet que le puits est conforme aux normes et lois en vigueur et qu'aucune infiltration d'eau ne provient du sabot d'enfoncement, est peu crédible. D'une part, le puisatier a d'abord indiqué qu'il avait fait lui-même la vérification du puits en juin 2012 pour dire plus tard que c'est plutôt son employé qui y avait procédé. D'autre part, la Bénéficiaire contredit le témoignage de monsieur Dagenais à l'effet que l'inspection a été effectuée au moyen d'une caméra en jurant que l'employé n'a utilisé qu'un petit miroir. Or, monsieur Dagenais a également certifié que le seul moyen pour inspecter un puits est par caméra.

 

 

[69]         Le Tribunal retient toutefois du témoignage de monsieur Dagenais plusieurs éléments pertinents à sa compréhension de la situation.  Ainsi, qualifiant Saint-Colomban de plateau de roc, monsieur Dagenais affirme que l'eau n'est pas de bonne qualité avant une profondeur de forage d'au moins 100 pieds. Il témoigne qu'à cette profondeur, vu le type de sol et les fréquents dynamitages dans la région, il y a 60% de chances que l'eau ne soit pas potable. C'est pourquoi, comme il est très fréquent de devoir forer un nouveau puits, il recommande à ses clients d'installer 80 pieds de tuyau scellé.

 

 

[70]         Or, la preuve démontre que, conformément au contrat qui le liait avec l'Entrepreneur pour la résidence des Bénéficiaires, le puisatier a installé 25 pieds de tuyau qu'il a scellé et a foré à une profondeur de 100 pieds alors que la moyenne de des puits dans le quartier se situe à 342 pieds (dont la résidence de l'Entrepreneur à 400 pieds) et l'eau y est potable. Qui plus est, l'Administrateur a produit une brochure publiée par le ministère de l'Environnement du Québec intitulée Les puits[5], qui traite du Règlement sur le captage des eaux souterraines[6] faisant état des normes et responsabilités qui incombent aux propriétaires d'ouvrages de captage d'eau souterraine. Il y est fait état que  la profondeur moyenne des puits dans la région des Laurentides se situe  à 164 pieds.

 

[71]         Si le puisatier n'a pas, en vertu de son contrat avec l'Entrepreneur, l'obligation de garantie de la qualité de l'eau mais seulement celle du débit, l'Entrepreneur, pour sa part, a l'obligation de fournir une eau de qualité avec un débit conforme aux normes, comme l'a d'ailleurs fait valoir l'Administrateur à l'audition. Et cette obligation en est une de résultat en vertu des dispositions suivantes du Code civil du Québec:

 

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

            2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

            Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de       leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

 

 

[72]         Considérant le témoignage de monsieur Patrick Léger à l'audition, il ne fait pas de doute que l'Entrepreneur a une connaissance de la géologie à Saint-Colomban. Le Tribunal s'étonne donc que le contrat qui le lie avec le puisatier soit aussi peu exigeant en regard de la profondeur du puits à forer pour la résidence qui est devenue celle des Bénéficiaires. Force est de conclure que, considérant les spécificités du sol à Saint-Colomban, l'Entrepreneur n'a pas agi conformément aux usages et règles de l'art et au mieux des intérêts de son client éventuel.

 

 

[73]         Par conséquent, vu l'incapacité du puits à assurer l'approvisionnement en eau potable, le Tribunal ne peut qu'en déduire que le puits de la résidence des Bénéficiaires est affecté d'une déficience qui entrave son fonctionnement et permet à des organismes de s'y introduire.

 

 

[74]         Cette défectuosité constitue-t-elle un vice caché? Dans son traité portant sur la garantie de qualité, Edwards analyse les exigences de qualification du vice prévu à l’article 1726 C.c.Q. au sens de la garantie et conclut que :  

« Tout phénomène, quelle que soit sa forme ou son origine, constitue un vice dès qu’il entrave l’usage normal du bien. »[7]

 

[75]         Les Bénéficiaires ont largement fait valoir que depuis qu'ils ont pris connaissance des tests démontrant la présence de coliformes et de bactéries dans l'eau, ils ne l'utilisent plus du tout pour les activités courantes comme par exemple cuisiner. Par conséquent, le vice se qualifie en regard du critère de gravité exigé par l'article 1726 du Code civil. 

 

[76]         Qu'en est-il des autres critères?  L'Entrepreneur a représenté que la situation ne peut être qualifiée de vice caché parce qu’un certificat d’analyse démontre la qualité de l’eau en juin 2009, soit avant la vente. Selon lui, la non-conformité de l’eau en 2011 ne répondrait pas au critère d’antériorité à la vente nécessaire pour conclure à la présence d’un vice caché. Au soutien de son argumentation, le procureur de l’Entrepreneur a déposé deux jugements pour faire valoir que les Bénéficiaires ont manqué de diligence en omettant de faire analyser l’eau avant d’acheter la maison.

 

[77]         Ainsi, dans l’affaire Saulnier c. Rouleau[8], le Tribunal conclut que constitue une erreur inexcusable  pour un acheteur d’une résidence dont l’alimentation en eau potable est assurée par un puits artésien, le fait de ne faire aucune vérification préalable.  Il dépose également un jugement  de la Cour du Québec dans l’affaire Marcotte c. Levasseur[9] dans lequel l’acheteur allègue l’insuffisance d’eau en quantité. S’appuyant sur l’affaire précédemment citée, le Tribunal conclut que « même si l’insuffisance d’un puits peut être considérée comme un vice, il n’est pas caché au sens de la loi parce qu’il est facilement décelable par des tests qu’exigerait un acheteur prudent et diligent »

 

 

[78]         Le procureur a déposé ces jugements afin de démontrer l'importance que les tribunaux de droit commun accordent à la diligence dont les acheteurs doivent faire preuve lorsque la maison est alimentée par un puits artésien. Le Tribunal en convient mais toute la jurisprudence qui lui est connue en cette matière concerne des maisons usagées.

 

 

[79]         Or, l'acheteur d'une maison neuve garantie au sens du Règlement, n'a pas à répondre à de telles exigences. Dans l'affaire Fortier c. Marcil, le juge Claude H.Chicoine expose bien l'état de la jurisprudence à cet effet:[10]

Récemment, madame la juge Marie St-Pierre reprenait l'essentiel de cette définition :

« [49] En matières immobilières, l'acheteur d'une maison construite depuis de nombreuses années ne peut penser être traité comme l'acquéreur d'une maison neuve. Une maison construite selon les  normes en vigueur au jour de sa construction n'est pas affectée d'un vice caché du seul fait qu'elle ne soit pas conforme aux normes applicables au jour de la vente. Comme l'écrit le juge Savoie dans Lacasse c. Vallières :

" Le vendeur d'une maison usagée n'est pas tenu à la garantie du constructeur d'une maison neuve mais uniquement à celle de qualité prescrite par l'article 1726, laquelle s'évalue en fonction des circonstances particulières à l'espèce. (…).

[50] En présence d’indices laissant présager un défaut, l’acheteur doit faire preuve de prudence et de vigilance accrues.

......

                        [51] De l'acheteur, la présence d'indices exige d'autant de prudence que                             le bien est « d'un certain âge ou d'un âge certain ».

 

[80]         Au surplus, le Tribunal est d'avis que les Bénéficiaires n'ont pas manqué de diligence. Lors de l'inspection, ils ont été rassurés par les explications reçues à l'effet que l'eau dans la région était ferreuse, qu'après circulation pendant quelque temps, la situation allait s'améliorer et que l'installation d'un système de filtration allait régler le problème. On ne peut aujourd'hui leur reprocher leur manque de vigilance, d'autant plus que le problème était alors identifié comme "normal" à Saint-Colomban. À ce moment, rien ne laissait présager la présence d'un problème plus grave d'eau non potable, lequel n'a été découvert qu'après s'être conformé aux recommandations reçues lors de l'inspection.

 

[81]         On ne peut non plus  reprocher aux Bénéficiaires de ne pas avoir requis un certificat d'analyse de l'eau avant l'achat.  Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler qu'ils achetaient une maison modèle, inhabitée depuis plusieurs mois, et qu'on leur représentait une situation habituelle d'eau ferreuse à laquelle il serait facilement remédié. Sur cette question, l'extrait suivant du jugement rendu dans l'affaire Saulnier c. Rouleau, citée par le procureur de l'Entrepreneur, a retenu l'attention du Tribunal:

 

            [55]" Les experts au procès s'entendent pour dire que, règle générale, un puits nouvellement creusé prend de trois à six mois pour se nettoyer des résidus et poussières résultant du forage. Exceptionnellement, ce délai pourra être d'un an, voire un an et demi. Il faut que le puits soit sollicité...."

 

 

[82]         Notons que la demanderesse a eu gain de cause dans cette cause et s'est vue accordée l'annulation  de la vente.

 

[83]         L'Entrepreneur a fait valoir qu'aucune preuve ne démontre qu'antérieurement à la vente, l'eau n'était pas potable. Certes, aucun des parties n'a déposé une preuve documentaire de la qualité de l'eau qui soit contemporaine à l'achat de la propriété. En ce qui concerne l'institution financière, elle n'avait pas non plus intérêt à requérir un certificat d'analyse récent d'une part parce que la maison était neuve et d'autre part, à cause de la hauteur minime du financement demandé selon la preuve.

 

[84]         L'audition a beaucoup porté sur l'importance qu'il faudrait accorder au certificat d'analyse daté du 30 juin 2009, celui-ci étant le seul qui est antérieur à la vente. Avec respect, le Tribunal croit que ce document ne peut, à lui seul, faire preuve de la qualité de l'eau au moment de la vente d'une maison neuve garantie au sens du Règlement.  Ainsi, le test d'eau a été effectué par un autre puisatier que celui qui a procédé au forage du puits en litige et ce, plus de trois mois après son installation. Les circonstances de la prise de l'échantillon n'ont pas été expliquées à l'audience. Par ailleurs, la preuve soumise a permis de constater qu'un test effectué immédiatement après désinfection du puits, produit des résultats où la présence de coliformes et bactéries est beaucoup moins importante, voire nulle.

 

[85]         De plus, pour les mêmes raisons que celles qui ont été invoquées aux Bénéficiaires lors de la visite de la propriété, la fiabilité du test effectué fin juin 2009 peut être mise en doute, le puits n'ayant pas encore été sollicité depuis son forage. Comme précédemment démontré, seule l'utilisation d'un puits peut permettre d'en vérifier le bon fonctionnement, ce qui, de toute évidence, ne fut pas le cas jusqu'à la date du test en juin 2009.

 

[86]         Par ailleurs, l'Entrepreneur n'a pas démontré que l'aménagement du terrain par les Bénéficiaires a pu affecter le puits, ledit aménagement n'ayant été effectué qu'en 2012, selon la preuve non contredite. Il n'a pas démontré non plus que le dynamitage aurait pu affecter le puits de quelle que  façon que ce soit.

           

[87]         De la preuve entendue, le Tribunal conclut plutôt que la problématique de la non-conformité de l'eau n’est pas nouvelle.  À cet effet, le Tribunal réfère aux propos du juge Daniel Lavoie dans l'affaire Marquis c. Lachance [11]:                   

                                                [49] Comme les demandeurs ont dû encourir des frais pour faire creuser                un nouveau puits, ils ont droit au remboursement de ces coûts établis à 7178,09 $.

                        Ce que notre droit reconnaît :

                                    L'auteur Jeffrey Edwards rappelle quant à la préexis­tence du vice que                     celui-ci peut être dans un état latent et qu'il suffit qu'il soit simplement en germe à l'occasion de la vente pour satisfaire à la condition d'antériorité (Jeffrey Edwards, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Montréal, Wilson & Lafleur, 1998. p. 163).

                                    La jurisprudence est nombreuse à identifier le mau­vais     fonctionnement d'un puits artésien comme susceptible de créer un défaut caché rattaché à la garantie légale d'un bien vendu.

                       

[88]         Quant à savoir quelle est la cause du problème,  la preuve prépondérante, étayée par les témoignages sur les pratiques et usages dans la région, est à l'effet que, dans l'installation du puits, les règles de l'art pour le forage d'un puits capable d'assurer la conformité de l'eau potable à Saint-Colomban n'ont pas été suivies.

 

[89]         Or, pour adhérer à un plan de garantie et obtenir un certificat d’accréditation, l’entrepreneur doit, conformément à l’article 78 du Règlement, signer la convention d’adhésion fournie par l’administrateur, comportant les engagements énumérés  à l’annexe II du Règlement. L’entrepreneur accrédité s’y engage, entre autres;

…..

«3e à respecter les règles de l’art et les normes en vigueur applicables au bâtiment»

4°    sans restreindre la responsabilité qui est sienne en vertu des lois en vigueur au Québec, à respecter la garantie lui incombant en vertu du plan de garantie approuvé par la Régie et, le cas échéant, à parachever les travaux ou à réparer les vices et malfaçons couverts par la garantie et ce, dès que l'administrateur est d'avis qu'une réclamation est fondée, sauf au cas de contestation;

 

 

[90]         Il ressort de la preuve que l'Entrepreneur n’a pas accordé toute l’attention requise aux problèmes de non-conformité de l'eau qui lui ont été dénoncés en s'en remettant au puisatier, niant ainsi, du moins en apparence, sa responsabilité à l’égard du respect des règles de l'art et de la garantie.

 

[91]         Pour tous ces motifs, le Tribunal conclut qu'il n'y a pas lieu de modifier la décision de l'Administrateur et la maintient.

 

LA CONCLUSION

 

[92]         À titre d’arbitre désigné, la soussignée est autorisée à trancher tout différend découlant des plans de garantie.  L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[12] Sa décision lie les parties; elle est finale et sans appel.[13]

 

[93]         En vertu de l’article 123 du Règlement, les coûts du présent arbitrage sont partagés à parts égales entre l'Administrateur et l'Entrepreneur.

 

123.   Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

 POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE  la demande d’arbitrage de l'Entrepreneur;

MAINTIENT la décision de l’Administrateur et ORDONNE à l’Entrepreneur d’effectuer, au plus tard le 31 octobre 2012, les travaux de forage d'un nouveau puits selon les règles de l’art  ainsi que la remise en état de l'aménagement du terrain.

        

ORDONNE à l’Administrateur de s’assurer que les travaux correctifs requis soient exécutés et, à défaut par l’Entrepreneur de s’y conformer, de procéder auxdits travaux dans les trente (30) jours suivant l’expiration du délai alloué à l’Entrepreneur;

 

CONDAMNE l’Administrateur et l'Entrepreneur au paiement, à parts égales, des frais d’arbitrage.

 

 

             (s) Me France Desjardins

Me France Desjardins

Arbitre/CCAC



[1] L.R.Q., c.B-1.1, r.0.2

[2] Lisette Saulnier c. Marcel Rouleau, CS 250-05-001013-010, jugement rendu par l'Honorable Jean Bouchard, le 24 mars 2003; Nathalie Marcotte et Sylvain Desruisseaux c. Normand Leavsseur, CQ 415-32-003741-041, jugement rendu par l'Honorable Pierre Labrie le 23 septembre 2005.

[3] La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, Les Honorables Thérèse Rousseau-Houle, Benoît Morin  et Pierrette Rayle , C.A. 500-09-013349-030 (450-05-004987-026), 15 décembre 2004.

[4] Teymour Sharifi et Froogh Rezanejhad c. Groupe Immobilier Grilli Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Robert Masson, dossier Soreconi 061018003

[5] Bibliothèque nationale du Québec, 2003, ISBM 2-550-40980-9

[6] R.Q. Q-2, R-1.3

[7] Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, Wilson et Lafleur, 1998, p. 134

[8] Voir note 2

[9] Voir note 2

[10] René Fortier c. Dominic Marcil et Julie Lavallée, CQ 505-22-011612-050, 9 mars 2006.

[11] Diane Marquis et denis Dumont c. Johanne Lachance et Pierre Beaupré, CQ,  200-22-019738-020, 26 juin 2003

[12] Article 116 du Règlement

[13]Articles 20 et 120 du Règlement