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Centre Canadien d’Arbitrage Commercial

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du Bâtiment du Québec conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c. B-1.1, r. 0.2)

 

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

 

DOSSIER N°:           S08-160502-NP

 

DATE                         :           Le 22 octobre 2008

 

 


ARBITRE       :           Me PIERRE BOULANGER

 

 

 


JEAN BRUNELLE et YOLANDA NARIO,

 

Bénéficiaires

 

c.

 

GROUPE CONSTRUCTION ROYALE INC.,

 

Entrepreneur

 

et

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,

 

Administrateur de la garantie

 

 


DÉCISION ARBITRALE

 

 


[1]        Il s’agit d’une demande d’arbitrage des bénéficiaires concernant la décision de l’administrateur datée du 8 avril 2008.

 

[2]        La demande d’arbitrage ne vise que le point no. 24 de cette décision, soit la couleur de la brique extérieure du bâtiment qui ne serait pas la même que celle sur laquelle les bénéficiaires et l’entrepreneur s’étaient entendus.

 

[3]        L’audition de cette demande d’arbitrage s’est tenue le 26 août 2008 dans le bâtiment concerné sis au 115 rue Benoit à Saint-Constant.  Ont alors été entendus, sous affirmation solennelle, les deux bénéficiaires et monsieur François Lalancette, inspecteur de l’administrateur.  Aucun représentant n’était présent pour l’entrepreneur, bien que ce dernier ait été dûment avisé de la tenue de l’audience.

 

[4]        Il n’y a aucune mention de la couleur de la brique extérieure du bâtiment à être construit dans la promesse d’achat de l’immeuble par les bénéficiaires, promesse faite et acceptée le 18 mars 2007.

 

[5]        Dans sa décision du 8 avril 2008, l’inspecteur François Lalancette a conclu que, nonobstant la couleur, la brique a été posée conformément aux règles de l’art.  Il a aussi conclu que le litige constitue une « mésentente contractuelle » qui n’est pas couverte par le plan de garantie.  Par voie de conséquence, il a rejeté la réclamation des bénéficiaires à ce sujet.

 

[6]        Lors de l’audience du 26 août 2008, les bénéficiaires ont produit, sous la cote    P-1, un document à l’entête de l’entrepreneur intitulé « estimation ».  On peut y lire :       « Montmagny identique comme la maison modèle ».  Ce document est également daté du 18 mars 2007.  Les bénéficiaires ont témoigné qu’ils avaient aussi confirmé leur choix de couleur par téléphone à l’entrepreneur au mois de juin 2007 en parlant par téléphone à une secrétaire.

 

[7]        Il est à noter que, lors de la livraison du bâtiment, le 17 octobre 2007, les briques extérieures n’étaient pas encore posées.  On peut d’ailleurs lire : « façade brick and vinyl siding not install » (sic) sur la liste des travaux à compléter rédigée à ce moment-là (pièce A-3).  Suivant le témoignage des bénéficiaires, la brique de façade a été installée environ deux semaines après la livraison, alors qu’ils habitaient dans le bâtiment.  Une fois la brique posée et nettoyée, ils ont constaté qu’elle ne correspondait pas tout à fait avec celle de la maison modèle quant à sa couleur.  Ils s’en sont alors plaints au représentant de l’entrepreneur mais se seraient fait répondre qu’il n’était plus possible de changer.

 

[8]        Regardant la maison modèle (située au 9 rue Boisjoli) de l’extérieur, j’ai constaté qu’il y a une légère différence de couleur, même si cela ne saute pas aux yeux.  Sur la maison modèle, la brique comprend deux tons de gris et un ton beige.  Sur la maison des bénéficiaires, il y a deux tons de gris, sans ton de beige.  J’ai aussi constaté que la porte de garage, la porte d’entrée, le contour des fenêtres et le soffite d’aluminium ne sont pas de la même couleur d’une maison à l’autre.  Sur la maison modèle, ils sont bruns alors qu’ils sont blancs sur la maison des bénéficiaires, tel qu’on peut l’apercevoir sur les photographies déposées par l’inspecteur François Lalancette (pièce A-10).  Pourtant, les bénéficiaires ne se plaignent pas de cette autre divergence qui fait aussi que les deux maisons ne sont pas « identiques ».  Je comprends que le blanc est la couleur qu’ils ont choisi pour les portes et fenêtres (voir la pièce A-4).

 

[9]        À l’audience, l’inspecteur François Lalancette a reconnu qu’il y a une différence de couleur dans la brique entre la maison modèle et celle des bénéficiaires.  Il a ajouté que, sans égard à sa couleur, la brique de façade est conforme aux règles de l’art.  Les bénéficiaires ne contestent pas ce dernier point.

 

[10]     Les bénéficiaires se disent déçus du fait que la couleur de la façade de briques de leur maison ne soit pas exactement la même que celle à laquelle ils s’attendaient.  Pourtant, la couleur de la brique de leur maison s’harmonise très bien avec la couleur blanche des portes et des fenêtres. Mais la question est de savoir si leur réclamation est couverte par la garantie contractuelle concernée, laquelle est régie par le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs [1].

 

[11]     Dans sa décision du 8 avril 2008, l’administrateur a correctement décrit le contenu du contrat de garantie sous étude, contrat qui couvre : 

 

            1°  le parachèvement des travaux (completion of work);

            2°  les malfaçons (poor workmanship);

            3°  les vices cachés (latent defects);

            4°  les vices majeurs (major defects);

 

[12]     Selon les bénéficiaires, il s’agit d’une malfaçon (poor workmanship) en ce qu’il y a eu un manquement de la part de l’entrepreneur. Selon l’administrateur, la différence de couleur n’est tout simplement pas couverte par son contrat de garantie car elle résulterait plutôt d’une « mésentente contractuelle ».

 

[13]     À l’audience, le procureur de l’administrateur a soumis deux décisions, rendues par le même arbitre, suivant lesquelles une couleur non désirée est une « mésentente contractuelle » qui n’est pas couverte par le contrat de garantie [2].

 

[14]     Avec égards, je vois la question sous un autre angle.  En considérant les quatre items ci-haut énumérés de la garantie contractuelle, je crois qu’il faut plutôt se demander si les travaux ont été « parachevés » au sens de la garantie contractuelle.

 

[15]     Le contrat de garantie et l’article 8 du règlement précité énoncent, comme suit, la définition de l’expression « parachèvement des travaux » :

 

                                 « Le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et prévus au contrat original conclu entre le bénéficiaire et l’entrepreneur et celui des travaux supplémentaires convenus par écrit entre les parties ».

 

                                                                                              (mon souligné)

 


 

[16]     Je suis porté à me rallier, en droit, à une autre décision arbitrale rendue par l’arbitre Robert Masson qui avait devant lui un cas où la tuile de céramique au sol dans l’espace laveuse-sécheuse n’était pas celle qui avait été choisie par le bénéficiaire [3].  Il a conclu qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon mais plutôt d’un manquement de l’entrepreneur à une obligation contractuelle clairement indiquée au contrat (de construction) et qu’il fallait mettre en œuvre la disposition de la garantie contractuelle concernant le parachèvement des travaux.  En conséquence, il a ordonné à l’entrepreneur de corriger la situation en enlevant la céramique installée et en la remplaçant par la céramique du modèle convenu.

 

[17]     Dans le présent cas, tel que mentionné plus haut, il n’y a pas de convention écrite spécifiant la couleur de la brique.  Fallait-il poser de la brique beige, comme sur la maison modèle, alors que les portes et fenêtres, sur la maison des bénéficiaires, ne sont pas brunes mais plutôt blanches ?  Ne fallait-il pas plutôt tenir compte du changement de couleur des portes et fenêtres?

 

[18]     En considération de tout ce qui précède, les bénéficiaires ne m’ont pas convaincu que les travaux n’ont pas été « parachevés » conformément au contrat de construction.  Ils ne m’ont pas démontré qu’il y a eu un manquement de l’entrepreneur à une obligation contractuelle.

 

[19]     Au surplus, les bénéficiaires n’ont pas démontré, comme ils en avaient le fardeau, qu’ils ont dénoncé le problème concerné, par écrit, au moment où le mur de briques a été complété.

 

[20]     Tel que mentionné plus haut, la brique aurait été installée environ deux semaines après la livraison de la maison le 17 octobre 2007, ce qui nous mène au début novembre 2007.  Or, l’avis écrit des bénéficiaires (pièce A-5) daté du 15 novembre 2007, traite de plusieurs points déjà dénoncés dans la liste du 17 octobre 2007 (pièce  A-3) en plus de mentionner :

 

                                 « Couleur de la brique en façade ne correspond pas à notre choix (maison modèle - 9 Boisjoli) (rapport au constructeur mais personne ne s’est déplacé pour constater) ».

 

[21]     Suivant l’acte 10(1) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le manquement doit être dénoncé par écrit au moment de la réception (ou dans les trois jours qui suivent tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé). Ce défaut d’avis constitue un motif additionnel pour rejeter la demande des bénéficiaires.


 

 

POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :

 

            MAINTIENT la décision de l’administrateur.

 

            REJETTE la demande des bénéficiaires.

 

            Vu les articles 116 et 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, CONDAMNE les bénéficiaires au paiement des coûts de l’arbitrage limités à 100.00$, le solde étant payable par l’administrateur.

 

 

 

 

                                                          

                                                                                                                                                        

                                                           Me PIERRE BOULANGER

                                                           Arbitre

 

 

 

Jean Brunelle et Yolanda Nario

Bénéficiaires

 

Me Élie Sawaya

SAVOIE FOURNIER

Pour l’administrateur

 



[1]       Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c.B-1.1, r.0.2.

 

[2]        Les Constructions Serge Carrière Inc. c. Jocelyn Legault et Réjeanne Michon et La Garantie des Bâtiments Résidentiels de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 17 avril 2008 par monsieur Claude Dupuis (couleur de la porte d’entrée);

 

         Brodeur et Boucher c. Groupe de Construction Royale Inc. et La Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 23 mai 2006 par monsieur Claude Dupuis (couleur du soffite d’aluminium).

 

[3]       Richard Vincent c. Les Constructions Sydobert et La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 15 décembre 2005 par Me Robert Masson.