ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

Province du Québec

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

La Société pour la résolution des conflits (SORECONI)

 

No dossier Garantie :

155069-4149

No dossier CCAC :

211009001

 

Entre

 DÉVELOPPEMENT DOMONT INC.,

Entrepreneur

Et

LYSANNE GERARD et GUILLAUME LAPOINTE,

Bénéficiaires

Et

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR),

Administrateur

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

Arbitre :

Me James R. NAZEM

 

 

Pour les bénéficiaires :

Me Élise VEUILLETTE (présente)

 

 

Pour l’entrepreneur :

Me Vladimir DAVID (présent).

 

 

Pour l’administrateur :

Me Marc BAILLARGEON (présent)

 

Date(s) d’audience :

1 juin 2023

 

 

Lieu de l’audience :

Virtuellement.

 

 

Date de la décision :

4 juillet 2023

______________________________________________________________________

 

 

PIÈCES

 

L’Administrateur a produit les pièces suivantes :

 

Pièce A-1 : En liasse, le contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 25 avril 2018 ainsi qu’une annexe signée le 13 décembre 2018;

 

Pièce A-2 : Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 1er décembre 2018;

 

Pièce A-3 : Avis de fin de travaux signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 1er décembre 2018;

 

Pièce A-4 : Courriel de dénonciation envoyé par les Bénéficiaires à l’Entrepreneur le 19 mai 2020 auquel est joint le formulaire de dénonciation envoyé le 19 mai 2020;

 

Pièce A-5 : Courriel des Bénéficiaires à l’Entrepreneur daté du 4 septembre 2020 auquel est jointe une mise en demeure datée du 3 septembre 2020 ainsi qu’une photo;

 

Pièce A-6 : Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 28 septembre 2020;

 

Pièce A-7 : Courriel de l’avis de 15 jours envoyé à l’Entrepreneur le 30 octobre 2020 auquel sont joints :

 

-          Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur, vierge;

-          Le courriel de dénonciation déjà soumis en A-4;

-          Le courriel de mise en demeure déjà soumis en A-5;

 

Pièce A-8 : Échange de courriels entre l’Entrepreneur et l’Administrateur daté du 11 novembre 2020;

 

Pièce A-9 : Courriel des Bénéficiaires à l’Administrateur daté du 30 mars 2021 auquel est joint une copie de l’échange de messages entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur entre le 12 juillet et le 22 août 2019 ;

 

Pièce A-10 : Formulaire d’inspection préréception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 1er décembre 2018 ;

 

Pièce A-11 : En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 23 avril 2021 et la preuve de réception de Postes Canada de l’Entrepreneur datée du 28 avril 2021 ainsi que la décision supplémentaire de l’Administrateur datée du 13 août 2021 et la preuve de réception de Postes Canada de l’Entrepreneur datée du 16 août 2021 ;

 

Pièce A-12 : Courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 15 septembre 2021 auquel sont joints :

 

-          La lettre de demande d’arbitrage de l’avocat de l’Entrepreneur datée du 10 septembre 2021;

-          La lettre de notification de l’organisme d’arbitrage ainsi que la nomination de l’arbitre;

 

Pièce A-13 : Curriculum vitae de Marylène Rousseau.

 

 

 

INTRODUCTION

 

[1]           L’Entrepreneur Développement Domont Inc. a produit une demande d’arbitrage de la décision de l’Administrateur datée du 10 septembre 2021 en vertu de l’article 35[1] du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après, le « Règlement »).  Cette demande d’arbitrage a été reçue par l’organisme d’arbitrage SORECONI le 10 septembre 2021 (pièce A-12).

[2]           Deux (2) points faisaient l’objet de la décision de l’Administrateur 1) l’exécution des joints de gypse et 2) la fissuration au parement de maçonnerie et de la fondation;

[3]           L’Administrateur a accueilli la réclamation des Bénéficiaires pour les deux (2) points et a décidé de prendre en charge les travaux relatifs à ces deux points sans autre avis ou délai.  Cette prise en charge était motivée par l’insatisfaction des Bénéficiaires des travaux correctifs de l’Entrepreneur suite à une décision antérieure de l’Administrateur lui accordant un délai pour le faire.

 

LA GESTION DU DOSSIER ET SA MISE EN ÉTAT

[4]           Le 15 septembre 2021, Me Karine POULIN a été nommée arbitre au présent dossier.

[5]           Les parties ont été convoquées dans un premier temps à une conférence téléphonique de gestion le 15 décembre 2021.

[6]           Lors de cette première conférence de gestion, les Bénéficiaires n’étaient pas représentés par avocat.  L’arbitre Karine POULIN les a avisés, entre autres, de leur droit à l’avocat.  Un échéancier pour la mise en état du dossier a été établi par l’arbitre et les parties ont été convoquées à une conférence de gestion subséquente pour le 4 février 2022.

[7]           Lors de la conférence téléphonique de gestion du 4 février 2022, un délai a été accordé à l’Entrepreneur pour produire son rapport d’expertise.  De plus, la valeur du litige a été évaluée entre 10 000$ et 15 000$.

[8]           Les expertises de l’Entrepreneur et des Bénéficiaires ont donc été communiqués aux parties.  Toutefois, le 22 mai 2022, Me Karine POULIN a été nommée juge administrative au Tribunal Administratif du Québec.  Par conséquent, ce dossier a été confié au soussigné.

[9]           L’arbitre soussigné a convoqué les parties à une conférence téléphonique de gestion le 4 juillet 2022.  Le procureur de l’Entrepreneur a informé l’arbitre soussigné de la possibilité de règlement à l’amiable entre les parties. La procureure des Bénéficiaires a indiqué que ces derniers étaient disposés à considérer les offres de l’Entrepreneur.  Par conséquent, le dossier a été suspendu jusqu’au 22 août 2022 et une nouvelle conférence de gestion a été fixée à cette dernière date.

[10]      Vu l’absence de règlement à l’amiable entre les parties, la conférence téléphonique de gestion du 22 août 2022 a fixé une échéance pour la production par l’Administrateur de son rapport d’expertise ainsi que la mise en état du dossier par les parties.  Une nouvelle conférence téléphonique de gestion a été fixée au 2 décembre 2022.

[11]      Lors de la conférence téléphonique de gestion du 2 décembre 2022, les procureurs des parties ont indiqué à l’arbitre soussigné ne pas être en mesure de fixer la date de l’audience de l’arbitrage.  Par conséquent, l’arbitre soussigné a imposé aux parties une échéance pour l’informer du nombre de leurs témoins ainsi que la durée de leurs témoignages.  L’arbitre soussigné a aussi convoqué les parties à une conférence téléphonique de gestion le 19 janvier 2023 pour fixer la date de l’audience au mérite de l’arbitrage.

[12]      Lors de la conférence téléphonique de gestion du 19 janvier 2023, suite aux indications des parties quant à la preuve de chaque partie et les représentations de leurs procureurs, l’audience au mérite du présent dossier a été fixée pour trois jours, soient les 1, 2 et 3 mai 2023.

 

LES DEMANDES DE REMISE DE L’AUDIENCE

[13]      Le 12 avril 2023, dû à un changement de procureurs, l’Administrateur a demandé une remise de la date d’audience.  Son nouveau procureur n’était pas disponible les 1, 2, et 3 mai 2023.

[13.1] Il s’agissait donc d’une demande de remise de l’audition par une partie à moins de 30 jours avant la date de l’audience convenue, le tout sujet à l’article 2.1.1. de la grille de tarification.

[13.2] Le 24 avril 2023, lors d’une conférence téléphonique avec les parties, le soussigné a fixé l’audience de l’arbitrage au 1 juin 2023, 4 juillet 2023 et le 7 juillet 2023.

[13.3] De plus, le soussigné a ordonné que l’audience soit tenue virtuellement.

[14]      Le 31 mai 2023, à 13h58, le soussigné a reçu un courriel du procureur de l’Entrepreneur demandant une remise de l’audience du 1 juin 2023.  Voici le contenu dudit courriel :

« Bonjour Me Nazem,

 

Par ce courriel, nous venons solliciter une demande de remise pour l’audience du jeudi 1er juin.

 

Notre témoin-expert, notre unique témoin à une restriction imposée par l’ordre des ingénieurs, du fait qu’il n’a pas complété ses heures de formations obligatoires.

 

J’ai appris qu’il était en restriction que lundi soir, et dès lundi soir je me suis mis à trouver une solution, pour que la date du 1er juin soit maintenue.

 

Hier matin j’ai fait part de ce problème à mon confrère Me Baillargeon.

 

Me Baillargeon serait prêt à accepter qu’il soit remplacé à condition que son remplaçant visite lui-même les lieux et que ce dernier établisse un rapport pour pouvoir témoigner.

 

Cette solution convient à notre client.

 

Nous vous proposons :

 

  • Soit de réduire l’audition prévu pour 3 jours à 2 jours, dans ce cas, on annulerait le 1er juin et on maintient l’audition du 4 et 7 juillet 2023, le temps pour notre expert-remplaçant de produire son rapport.
  • Ou d’annuler l’audition du 1er juin, en maintenant les dates du 4 et 7 juillet, et si les deux jours ne suffissent pas, on choisira selon nos disponibilités un troisième jour.

 

Pour ma part, 2 jours d’auditions me suffissent.

 

 

Cordiales salutations»

 (Souligné par le soussigné)

[15]      En réaction à ce courriel, l’arbitre soussigné a requis la réaction de la procureure des Bénéficiaires.  Voici le courriel de celle-ci reçu le 31 mai, 2023, à 16h39:

« Monsieur l’arbitre,

 

Nous nous objectons à la demande de remise de Me David.

 

Pour les motifs qui suivent, cette demande fort tardive est mal fondée et a pour effet d’induire en erreur.

 

Nous aimerions porter à votre attention les éléments suivants :

 

  1. Cette demande est tardive et nous notons que l’avocat de l’Entrepreneur indique avoir lui-même connaissance du motif sous-jacent à cette demande de remise depuis le 29 mai.

 

  1. Or, l’avocat de l’Entrepreneur n’a jamais porté à notre attention la situation relative à l’expert de l’Entrepreneur ni à un empêchement de procéder avec l’audition du 1er juin. Nous en sommes informés pour la première fois via le courriel ci-dessous.

 

  1. L’Entrepreneur a tenté d’induire les Bénéficiaires en erreur en les invitant à participer à des discussions de règlement les 30 et 31 mai, et ce, sans que son avocat n’informe la soussignée de la situation décrite dans la demande de remise de ce jour.

 

  1. Dans ce contexte, les discussions alléguées en parallèle entre Me David et Me Baillargeon au sujet d’une possible remise et d’un changement d’experts révèlent l’intention de l’Entrepreneur d’occulter cette situation aux Bénéficiaires.

 

  1. Alors que la demande de remise laisse entendre que M. Michel Ki Hong Kim, ing. (membre no 116977) fait l’objet d’une radiation administrative temporaire pour avoir fait défaut de remplir ses obligations en matière de formation continue, il n’en est rien. En effet, nos vérifications depuis la réception du courriel ci-dessous révèlent plutôt les faits suivants :

 

  1. M. Kim fait l’objet d’une décision du Comité des requêtes de l’Ordre des ingénieurs du Québec (le « Comité de l’OIQ ») limitant son droit d’exercice relativement à ce qui « se rapporte au domaine des charpentes et fondations. »

 

  1. Cette décision date du 23 juin 2022 et la limitation en question est en vigueur depuis le 7 juillet 2022, tel qu’il appert de l’avis de limitation du droit d’exercice du 8 août 2022, ci-joint.

 

  1. Après avoir discuté du courriel ci-dessous avec Me Baillargeon, nous comprenons que les discussions entre lui et Me David ne sont pas rapportées avec exactitude. Nous laisserons toutefois à Me Baillargeon le soin de préciser la teneur des échanges qui ont eu lieu sans notre participation.

 

  1. En retardant la formulation de sa demande de remise, l’Entrepreneur a aussi privé les parties et le tribunal d’arbitrage de la possibilité de bénéficier d’une décision sur la question à la première occasion.

 

  1. Ainsi, les Bénéficiaires ont encouru les frais nécessaires à la préparation de l’audition du 1er juin et, en parallèle, les frais additionnels liés à des discussions de règlement sans en connaître la prémisse ni le risque de remise de l’audition.

 

  1. De plus, suivant la conférence préparatoire du 19 janvier 2023, l’Entrepreneur a annoncé avoir l’intention de faire entendre 5 témoins. La durée prévue de la preuve testimoniale de l’Entrepreneur est d’une journée en incluant le temps de contre-interrogatoires. Or, l’interrogatoire de M. Kim est prévu pour une durée de 10 minutes. L’Entrepreneur est donc en mesure de faire entendre les quatre autres témoins prévus demain.

 

Par ailleurs, les Bénéficiaires s’opposent aussi à la demande de l’Entrepreneur de produire une seconde expertise puisque cette demande est tardive et abusive pour les mêmes motifs. Plus particulièrement, nous ajoutons que :

 

  1. la situation relative au droit d’exercice de M. Kim n’est pas nouvelle et existe depuis juin 2022;

 

  1. l’Entrepreneur a eu l’occasion de confirmer la disponibilité de M. Kim pour l’audition dans le présent dossier à plusieurs reprises, notamment en préparation à la conférence préparatoire du 19 janvier 2023 et de la conférence de gestion du 24 avril 2023, ce qui implique de confirmer les qualités de l’expert et la situation relative à son droit d’exercice.

 

Ainsi, les circonstances ne justifient aucunement ni la remise de l’audition ni le dépôt d’une nouvelle expertise.

 

Le tout respectueusement soumis,

 

Élise Veillette »

 

[16]      Le procureur de l’Administrateur y a joint son objection.  Voici son courriel reçu le 31 mai 2023, à 18h14 :

« Monsieur l’Arbitre,

 

J’abonde dans le même sens que ma Consœur, il n’y a aucun motif valable pouvant justifier cette demande de remise.

 

Je déplore aussi les propos de Me Davis qui laisse sous-entendre au Tribunal que je suis d’accord avec cette demande de remise. Il n’en est rien.

 

De plus, les propos de Me David à mon égard tenus lors de notre conversation téléphonique de lundi le 29 mai était à l’effet que les parties étaient en discussion pour trouver une entente et qu’il venait tout juste d’apprendre que l’expert Kim ne pourrait témoigner à l’audition.

 

Jamais on ne m’a précisé que cette situation était connue, ou aurait dû l’être, depuis l’été dernier (23 juin 2022), et ce, bien avant que je ne remplace Me Boyer au dossier, à titre d’avocat de GCR dans le présent dossier.

 

Un dernier sujet que je me dois d’aborder, puisque, semble-t-il, ce sujet ne semble pas avoir été discuté par mon prédécesseur devant le présent Tribunal.

 

Ma compréhension du dossier est à l’effet que c’est uniquement la « Décision supplémentaire du 13 août 2021 » (pièce A-11 à la fin) qui est portée en arbitrage devant le Tribunal, et non pas la décision antérieure du 23 avril 2021, par laquelle les points 1 & 2 étaient reconnus.

 

La seule conclusion dans la décision devant le Tribunal est la prise en charge des travaux par GCR.

 

L’Entrepreneur ne peut donc pas tenter de revenir en arrière, alors qu’il n’a pas contesté en arbitrage la 1ère décision du 23 avril 2021, et tenter indirectement de contester les points reconnus, qui ont maintenant le statut de « chose jugée », cette décision n’ayant pas fait l’objet d’une demande d’arbitrage, dans le délai prévu au Règlement.

 

Seule la prise en charge des travaux peut maintenant faire l’objet du présent arbitrage.

 

Nous vous référons à la pièce A-12 qui est la demande d’arbitrage formulée le 10 septembre 2021, et qui ne précise aucunement de qu’elle décision il est question, ni ne donne de détails sur les motifs qui feront l’objet de l’arbitrage.

 

Cette demande du 10 septembre 2021 (A-12), déposée dans les 30 jours de la décision du 13 août 2021, est la seule qui a été déposée dans le délai prévu au Règlement, elle ne peut donc que viser la décision du 13 août, et non pas celle rendue précédemment.

 

Bien que je reconnaisse le droit de l’entrepreneur de présenter la preuve qu’il veut devant le Tribunal, je dois tout de même soulever la question de savoir pourquoi ce dernier veut produire une expertise « dans le but d’évaluer la structure du bâtiment (…) » selon le « Contexte et portée du mandat » donné à l’expert Michel Kim, alors que cette question a déjà été réglée par la décision du 23 avril 2021, et/ou n’est plus pertinente.

 

Pour ces motifs, et ceux de Me Veillette, je considère aussi qu’il n’y a pas lieu de donner à l’Entrepreneur la possibilité d’obtenir une nouvelle expertise, dont la pertinence me parait de toute façon très douteuse.

 

En conséquence, je demande à ce que l’audition prévue demain matin à 9h30 soit maintenue, et si l’Entrepreneur n’est pas en mesure de présenter sa preuve, alors que sa demande d’arbitrage soit rejetée sans autre formalité.

 

Je rappelle que le Règlement est d’ordre public et que la Cour d’appel a statué que le processus d’arbitrage se doit d’être rapide, moins formel et moins couteux que les tribunaux civils (je paraphrase). On semble loin de cet objectif dans le présent dossier de 2021!

 

Bonne soirée et à demain matin.

 

Salutations distinguées.

 

Marc Baillargeon, Avocat »

 

[17]      Considérant la position des parties, l’arbitre soussigné a convoqué les parties à l’audience du 1 juin 2023, tel que prévue à 9h30, afin de débattre de la remise ou non de l’audition des témoins.

[18]      Lors de l’audience du 1 juin 2023, le procureur de l’Entrepreneur a souligné qu’il n’y avait aucune entente avec le procureur de l’Administrateur sur la remise de l’audition de la journée.

[19]      Il a de plus expliqué que, le soir du 29 mai 2023, lors de sa discussion avec l’expert de l’Entrepreneur, cet expert l’avait informé des restrictions que son ordre professionnel lui avait imposées concernant toute activité professionnelle se rapportant au domaine des fondations.

[20]      Le procureur de l’Entrepreneur aurait donc tenté de régler le dossier à l’amiable avec les autres procureurs.  Ce n’est qu’après l’échec des négociations que l’Entrepreneur a demandé une remise de l’audience du 1 juin 2023.  À l’appui de sa demande de remise, il a invoqué le fait qu’il lui était impossible de faire témoigner son témoin expert.  Il a donc proposé de substituer son expert, faire visiter les lieux par le substitut et le faire témoigner le 4 juillet 2023.

[21]      Les procureurs des Bénéficiaires et de l’Administrateur ont substantiellement répété leurs arguments présentés dans leurs courriels respectifs.  La procureure des Bénéficiaires a aussi soulevé le point que, suivant les nouvelles règles de procédure, l’expertise écrite tient lieu de témoignage de l’expert.

[22]      L’arbitre soussigné a donc demandé aux procureurs d’envisager la possibilité d’éviter le témoignage de l’expert de l’Entrepreneur.  Ainsi, le rapport de l’expert Michel Kim, ing. pouvait tenir lieu de son témoignage conformément à l’article 293 du Code de procédure civile.  Les procureurs des Bénéficiaires et de l’Administrateur ont accepté cette suggestion.  Le procureur de l’Entrepreneur a demandé de vérifier le point avec sa cliente.

[23]      Considérant l’acceptation par les Bénéficiaires et l’Administrateur que le rapport écrit de l’expert de l’Entrepreneur tienne lieu du témoignage de l’expert, la demande de remise présentée par le procureur de l’Entrepreneur a été rejetée.  De plus, le rapport écrit dudit expert Michel Kim, ing. a été accepté sous réserve des plaidoiries des parties quant à la pertinence de son contenu.

[24]      À 10h54, l’audition a alors été suspendue jusqu’à 11h30 le même jour afin de permettre à l’Entrepreneur de faire témoigner ses autres témoins virtuellement.

[25]      Au retour à 11h30, le procureur de l’Entrepreneur a annoncé avoir reçu instructions d’insister sur sa demande de remise et de préparer une nouvelle expertise.  Il a, de plus,  annoncé qu’en cas de rejet de sa demande de remise, l’Entrepreneur l’avait mandaté de se pourvoir du rejet de sa demande.

[26]      Afin d’accommoder l’Entrepreneur, l’arbitre soussigné a offert à l’Entrepreneur de présenter le témoignage de ses autres témoins immédiatement et de faire témoigner son nouvel expert le 4 juillet 2023.  Or, l’avocat de l’Entrepreneur a été catégorique : L’Entrepreneur refusait de présenter quelque preuve le 1 juin 2023, malgré les multiples tentatives d’accommodement.  Bref, malgré le rejet de la demande de remise, l’Entrepreneur a décidé de ne présenter aucune preuve.

[27]      Les Bénéficiaires et l’Administrateur ont donc demandé le rejet de la demande d’arbitrage « avec préjudice » et incluant les frais d’expertise.

 

L’ANALYSE

[28]      En matière civile, incluant l’arbitrage, le fardeau de la preuve repose sur la partie demanderesse, en l’occurrence l’Entrepreneur.  Puisque l’Entrepreneur n’a présenté aucune preuve, sa demande d’arbitrage est rejetée.

[29]      L’arbitre soussigné ajoute que même si le rapport d’expertise de l’Entrepreneur avait été considéré, ce rapport était si laconique qu’il n’aurait ajouté presqu’aucun élément de preuve au dossier.

[30]      En essence, l’expertise de Michel Kim, ing. se limitait à mentionner qu’il avait observé trois fissures esthétiques causées par le retrait du béton.  Ledit rapport ne commentait aucunement le premier point porté en arbitrage, soit le joint de gypse.  Quant aux fissures de la fondation, l’expertise de Michel Kim, ing. ne faisait aucune mention de l’emplacement des fissures.  Il n’indiquait pas non plus pourquoi elles étaient esthétiques.  La décision de l’Administrateur était claire.  Voici un extrait de la décision de l’Administrateur :

« Nous avons également observé que la fissure à la fondation n'a été que partiellement réparée puisqu'aucune vérification à la partie souterraine n'a été faite et que la remise en état des lieux n'a pas été réalisée, à savoir que des coulisses d'injection n'ont pas été nettoyées et que le crépi n'a pas été refait. »

[31]      Puisque l’expertise de Michel Kim, ing. ne faisait aucune mention de la partie souterraine de la fissure et qu’elle n’indiquait pas en quoi les fissures étaient esthétiques, elle n’était d’aucune assistance à l’Entrepreneur ou à l’arbitre soussigné.

[32]      Dans ces circonstances, le tribunal conclut au rejet de la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur.

 

LES FRAIS

[33]      L’arbitre soussigné est en accord avec les représentations des Bénéficiaires et de l’Administrateur à l’effet qu’il est inacceptable qu’un expert avise le procureur de la partie qui l’engage quelques jours avant l’audition sur des restrictions qui l’empêchent de témoigner.  Par contre, les représentations à l’effet qu’il faudrait blâmer l’Entrepreneur pour la mauvaise conduite de son expert ne résiste pas à l’analyse.  Il serait inéquitable de tenir l’Entrepreneur responsable de l’écart de conduite de son expert qui est un tiers.  Le procureur de l’Entrepreneur n’a appris les restrictions imposées à son expert que trois (3) jours avant le début de l’audience.  Quarante-huit (48) heures plus tard, il a dénoncé ce problème à toutes les parties et à l’arbitre.  On ne peut lui reprocher de prendre une journée et demie pour analyser la situation et tenter de trouver d’autres alternatives.

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur sur tous les points;

LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, partagés à parts égales entre l’Entrepreneur et l’Administrateur La Garantie de Construction Résidentielle (GCR), avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par SORECONI, après un délai de grâce de 30 jours;

 

RÉSERVE à La Garantie de Construction Résidentielle (GCR) l’Administrateur ») ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur et/ou caution, pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

 

 

Montréal, le 4 juillet 2023

 

 

 

__________________________________

James R. Nazem (N/d : 2206JN857)

Arbitre/SORECONI

 

 

 


[1] 35. Le bénéficiaire ou l’entrepreneur, insatisfait d’une décision de l’administrateur, doit, pour que la garantie s’applique, soumettre le différend à l’arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur à moins que le bénéficiaire et l’entrepreneur ne s’entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d’en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l’arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation.

107. La demande d’arbitrage doit être adressée à un organisme d’arbitrage autorisé par la Régie dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l’administrateur ou, le cas échéant, de l’avis du médiateur constatant l’échec total ou partiel de la médiation. L’organisme voit à la désignation de l’arbitre à partir d’une liste des personnes préalablement dressée par lui et transmise à la Régie.