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ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

GAMM 2009-11-004

 

Date :

17 février 2010

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DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

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GENEVIÈVE WELLENS

-et-

JEAN-PHILIPPE IMBEAULT

Bénéficiaires

c.

HABITATIONS L. DESJARDINS INC.

Entrepreneur

Et

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

Administrateur de la garantie

 

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SENTENCE ARBITRALE

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[1]                Les bénéficiaires, l’Administrateur du Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. C.B -1.1, r.02) et l’Entrepreneur sont présents pour l’audition de l’arbitrage convoquée à la résidence des bénéficiaires à Saint-Jérôme, immeuble sujet de la garantie ;

[2]                Les parties présentes reconnaissent ma nomination, ma juridiction et ma compétence à entendre et décider du présent arbitrage ;

[3]                Il n’y a pas de requête préliminaire ;

[4]                Les témoins ont été assermentés avant d’être entendus ;

[5]                Le cahier de pièces émis par l’Administrateur a été déposé en preuve de consentement, pièces A-1 à A-10 ;

[6]                La décision sous examen a été rendue le 20 mars 2009 par monsieur Michel Hamel pour l’Administrateur du plan de garantie. La demande d’arbitrage formée par l’Entrepreneur a été produite le 15 avril 2009, dans le délai de 30 jours requis par le règlement, alors qu’il a exécuté le remplacement d’une partie du revêtement de latte de bois du plancher de la salle à manger ;

[7]                Effectivement, une facture des travaux accompagne la demande d’arbitrage et est réclamée. L’Entrepreneur ayant reçu la décision de l’Administrateur a changé le revêtement de plancher abîmé par une infiltration d’eau. Puisqu’il n’a pas découvert la cause de l’infiltration, sa demande consiste à faire déclarer la décision non fondée et le paiement des travaux qu’il a exécutés de la responsabilité des bénéficiaires;

LA PREUVE

[8]                Monsieur Mario Desjardins est le représentant de l’Entrepreneur : le 28 janvier 2008, alors qu’il est présent sur les lieux pour changer une pompe, il constate qu’il fait très froid. Il a haussé la température à 15° C ou 20° C et a dit aux bénéficiaires de hausser le chauffage de la maison ;

[9]                Suite à la plainte des bénéficiaires du 30 mars 2008 (pièce A-4) pour l’infiltration, il constate :

Ø                  Il y a de l’eau sous le revêtement du plancher de merisier ;

Ø                  Le revêtement est gondolé sur une superficie de ± 4’ X 15’ face à la porte-fenêtre;

[10]            Selon lui, l’absence de déneigement sur les abords de la porte aurait causé une accumulation d’eau qui s’est alors infiltrée par la porte ;

[11]            Un document intitulé rapport d’événement et conclusion est soumis par Mario Desjardins, pièce E-1 ;

[12]            L’avocat de l’Administrateur accepte le dépôt du document pièce E-1, et soulève que sa teneur n’est pas admise puisque contenant du ouïe-dire et des opinions provenant de témoins qui ne sont pas ici présents pour lui permettre de vérifier de ces informations ;

[13]            Selon les explications données par monsieur Desjardins, je comprends qu’il explique l’infiltration qui se serait produite par l’effet de vases communicants ;

[14]            Selon ces explications et après avoir obtenu les mesures de la hauteur du plancher du balcon jusqu’au point supérieur du seuil de la porte-fenêtre, il devait y avoir plus de 6 pouces de glace et d’eau sur le balcon arrière pour que l’eau s’infiltre de la manière qu’il explique ;

[15]            Une photo du 26 mars 2009 (en annexe à la pièce E-1), remise à monsieur Hamel au moment de l’inspection, est examinée et montre la présence de glace et de neige. Selon monsieur Desjardins, on y voit 3 pouces de glace et ± 1 pouce de neige ;

[16]            Puisqu’il n’a pas été trouvé lors d’un test d’arrosage, d’où provenait l’infiltration d’eau au moment des réparations, monsieur Mario Desjardins conclut que l’eau s’est infiltrée à cause de la présence de glace et de neige ;

[17]            Mario Desjardins se dit convaincu de ses prétentions. Il n’aurait pas porté en arbitrage la décision de l’Administrateur s’il croyait que l’eau aurait pu s’infiltrer par un autre phénomène ;

[18]            Son contre-interrogatoire m’apprendra que les travaux de réparation de l’Entrepreneur ont consisté à :

Ø                  Enlever le revêtement de plancher ;

Ø                  Rien n’a été fait autour de la porte-fenêtre, du seuil ou par l’extérieur ;

Ø                  Les revêtements autour de la porte n’ont pas été enlevés ;

Ø                  Aucune vérification de la pose du solin ou au joint d’étanchéité sous la porte n’a été faite ;

Ø                  Les personnes qui ont effectué les réparations ne se sont fiées qu’au test d’eau ;

Ø                  Selon ce qu’il a vu, l’eau n’est pas venue sur le plancher. L’eau s’est introduite sur le contre plaqué recevant le revêtement de merisier ;

[19]            Le bénéficiaire, monsieur Jean-Phillipe Imbeault témoigne à l’effet que la température de la maison était tenue à 10° C et par la suite de l’infiltration à ±   15° C ;

[20]            Effectivement, il n’avait pas déneigé devant la porte-fenêtre, pas plus qu’il n’avait déneigé à l’unité principale qui est aussi munie d’une porte-fenêtre de même grandeur et qualité ;

[21]            Il a constaté que l’eau se trouvait sous le revêtement de merisier et qu’il n’y avait pas d’eau sur les lattes de bois ;

[22]            Monsieur Imbeault ajoute que selon lui, le problème n’est pas réparé et il est inquiet d’une nouvelle infiltration éventuelle ;

[23]            Il mentionne qu’un changement de plancher et son vernissage amènent de grands inconvénients qu’il ne veut pas vivre ou faire revivre à madame Suzanne Wellens, résidente des lieux ;

[24]            Madame Suzanne Wellens habite l’unité dans laquelle les réparations ont été faites ;

[25]            Auparavant, elle résidait dans un endroit qui, à cause de sa condition physique, n’était jamais déneigé aux abords des portes donnant accès aux galeries. Pourtant, il n’y a jamais eu d’infiltration par ces portes de balcon ;

[26]            Elle était présente au moment où les travaux de réparations ont été faits. Les ouvriers sont venus la chercher et elle a constaté qu’il n’y avait pas d’eau qui s’infiltrait lorsque à l’aide d’un boyau d’arrosage, qui dirigeait l’eau vers le bas de la porte, on arrosait ;

[27]            Monsieur Michel Hamel, le signataire de la décision sous examen, me fait alors remarquer que le test d’eau, n’a pas été fait dans les conditions semblables qui existaient au moment des infiltrations ;

[28]            Selon lui, à cause de la présence de neige et de glace, l’eau a pu s’infiltrer par le dessous de la porte patio. Sans connaître l’assemblage du solin, on ne peut écarter la possibilité d’un assemblage de matériaux défectueux et cela lui apparaît probable ;

[29]            Monsieur Hamel dit que l’explication donnée par Mario Desjardins est plausible en autant que l’eau à l’extérieur est plus haute que les glissières de la porte (plus de 6 pouces) ;

[30]            Le phénomène proposé par Mario Desjardins laisserait des traces sur le revêtement du plancher, ce qui ici n’est pas le cas. En fait, il n’y a jamais eu d’eau en surface des lattes de bois de merisier ;

[31]            Il est d’usage de dégager la neige et la glace devant une porte. L’assemblage d’une porte doit être étanche et la présence de neige n’est pas une situation anormale mais plutôt prévisible ;

CROQUIS, PLANS ET CONTRATS

[32]            Les deux croquis (E-2) dessinés par Mario Desjardins montrent les composantes des divers matériaux aux abords de la porte-fenêtre :

La porte-fenêtre est fixée sur le plancher avant le revêtement de merisier. Le joint entre la porte et le plancher est rempli d’un scellant ou un boudin calfeutrant. Ce joint est ensuite protégé par un solin placé sous le revêtement de pierre qui reçoit l’allège de la porte d’entrée arrière. Un peu plus bas, sur cette pierre de revêtement extérieur, est boulonnée une lisse sur laquelle est appuyée la galerie arrière ;

[33]            Aucun témoin n’est venu affirmer que les composantes ont été placées correctement selon les règles de l’art et sans bris. À l’examen visuel, le solin n’est pas apparent ;

[34]            De plus, monsieur Mario Desjardins et monsieur Michel Hamel m’informent que la porte-fenêtre et son seuil ne sont pas installés tel que montré sur les plans de construction ;

ANALYSE

[35]            La cause de l’infiltration qui s’est produite est inconnue. L’Entrepreneur m’invite à adopter par présomption, sa théorie de préférence à toute autre. Les règles en matière de présomption sont définies aux articles 2846 et suivants du Code civil du Québec. Voici les textes pertinents :

« Article 2846 : La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d’un fait connu à un fait inconnu.

Article 2847 : La présomption légale est celle qui est spécialement attachée par la loi à certains faits; elle dispense de toute autre preuve celui en faveur de qui elle existe.

Celle qui concerne des faits présumés est simple et peut être repoussée par une preuve contraire; celle qui concerne des faits réputés est absolue et aucune preuve ne peut lui être opposée.

Article 2849 : Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l’appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes. »

 

[36]            Le fait qu’il n’y ait pas eu d’infiltration d’eau à l’unité principale du bâtiment, alors que cette autre unité d’habitation était dans les mêmes conditions que celles trouvées à l’unité secondaire affectée par le désordre (chauffage bas et absence de déneigement) est l’un des éléments qui ne me permet pas d’accepter le phénomène expliqué par l’Entrepreneur comme étant la cause de l’infiltration ;

[37]            De même, le fait qu’il n’y ait pas eu d’infiltration depuis le changement du revêtement de plancher n’est pas suffisant pour repousser la présomption qu’il existe un problème, qui à ce jour, n’est pas découvert et n’a pas été réparé ;

[38]            Je souligne que le seul témoin entendu pour l’Entrepreneur n’a pas participé à la pose de la porte-fenêtre, ni aux réparations ou au test d’eau ;

[39]            L’assemblage des composantes autour d’une porte doit être précis. La multiplicité des matériaux et leur relation (porte, joint de calfeutrant, solin, pierre de revêtement, seuil, lisse, ancrage, galerie, etc), sont sujets à des performances diverses et à maints problèmes ;

[40]            L’absence de déneigement aux abords d’une porte-fenêtre n’est pas un élément qui, seul, libère l’Entrepreneur de son obligation de livrer une maison absente de vice ou de malfaçon puisque la présence de neige aux abords d’une porte de balcon est prévisible sous notre climat ;

[41]            L’infiltration d’eau résulte d’un vice. L’Administrateur du plan de garantie et les bénéficiaires n’ont pas le fardeau de faire la preuve de ce défaut. L’Entrepreneur doit construire un bâtiment servant de résidence exempt de désordres qui ne sont pas un résultat normal des matériaux utilisés ;

[42]            Une infiltration d’eau a maintes fois été définie comme une indication d’un problème sérieux et n’est pas acceptable. L’une des qualités d’une construction neuve est d’être étanche et de protéger ses occupants des intempéries et des conditions climatiques ;

[43]            Le test d’eau à l’aide d’un boyau d’arrosage effectué par les ouvriers de l’Entrepreneur n’est pas suffisant pour faire la preuve qu’il n’y a pas de défaut dans la construction du bâtiment. L’Entrepreneur devait chercher plus loin et vérifier l’assemblage des composantes de cet endroit et il ne l’a pas fait ;

[44]            Je ne m’explique pas que l’une des ouvertures ait laissé infiltré l’eau causée par la présence de neige et de glace et l’autre pas. Je suis plutôt convaincu que l’assemblage de la porte de l’unité secondaire ou ses abords sont affectés d’un problème qui n’a pas encore été trouvé.

[45]            Tous les témoins ont vu que l’eau se trouvait sous le revêtement de merisier. Il n’y avait pas d’eau en surface des lattes de bois. Il s’agit ici d’un élément qui refute la proposition de l’Entrepreneur d’une infiltration par-dessus les glissières de la porte-fenêtre car l’eau aurait alors été en surface du plancher de merisier ;

[46]            Je suis plutôt convaincu que l’eau s’est infiltrée par-dessous la porte-fenêtre;

[47]            Le test d’eau n’est pas concluant car la force de la glace qui s’immisce est suffisante pour écarter des matériaux en cas d’absence de protection du joint entre la porte, le plancher ou les murs ;

[48]            De plus, je suis d’accord avec le principe que même avec de la neige et de la glace aux abords d’une porte, elle doit être étanche ;

[49]            Dans ces circonstances, je ne peux considérer la présomption de fait expliquée par l’Entrepreneur puisqu’elle n’est pas suffisamment précise et concordante lorsqu’elle est appréciée en fonction des autres faits mis en preuve. En fait, c’est tout le contraire, lorsque j’apprécie la preuve qui m’est présentée je considère que les présomptions de faits graves, précises et concordantes m’amènent à confirmer la décision de l’Administrateur du 20 mars 2009 ;

POUR ET PAR CES MOTIFS :

REJETTE la demande d’arbitrage de l’Entrepreneur ;

Les frais étant partagés également entre l’Administrateur et l’Entrepeneur conformément aux articles 21 et 123 du Règlement.

 

 

 

JEAN MORISSETTE, arbitre

 

 

Jean-Philippe Imbeault

Pour les bénéficiaires

 

 

Mario Desjardins

Pour l’entrepreneur

 

 

Me François Laplante

Pour l’Administrateur

 

 

 

 

Date(s) d’audience :

13 janvier 2010

 

Date(s) de délibéré :

13 janvier 2010