ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : DONNA TATARYN ET ALEXIS CHRISTOPHER YOUSSE;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : INVESTISSEMENT SABA INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE ARBITRAT INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S16-081601-NP
Décision
Arbitre : Me Pamela McGovern
Pour les Bénéficiaires : Me Leon J. Greenberg
Pour l’Entrepreneur : Aucun représentant
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date de la Décision : 20 juillet 2017
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Donna Tataryn et Alexis Christopher Youssef
[...]
Westmount (Quebec) [...]
Et leur procureur :
Me Leon J. Greenberg
Sternthal Katzelson Montigny
1010, de la Gauchetière, #1020
Montréal (Québec) H3B 2N2
Entrepreneur: Investissement Saba Inc.
6645, boulevard Thimens
Montréal (Québec) H4S 1W2
Administrateur : La Garantie Abitrat Inc.
7333, Place des Roseraies
Montréal (Québec) H1M 2X6
Et son procureur :
Me Marc Baillargeon
7333, Place des Roseraies, bureau 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
Plumitif
16.09.2016 Lettre de demande d’arbitrage en date du 15 août 2016
25.09.2016 Lettre en date du 25 août 2016 concernant la nomination de l’arbitre avec une copie de la décision de l’Administrateur
20.10.2016 Lettre provenant du procureur de l’Administrateur avec un cahier de pièces conformément aux dispositions de l’article 109 du Règlement
22.11.2016 Courriel aux procureurs des parties pour obtenir leurs disponibilités pour un appel conférence/conférence de gestion
23.11.2016 Réponse du procureur des Bénéficiaires avisant de ses disponibilités
23.11.2016 Réponse du procureur de l’Administrateur avisant de ses disponibilités
5.12.2016 Appel conférence/conférence de gestion
5.12.2016 Transmission du procès-verbal d’appel conférence et conférence de gestion
15.12.2016 Lettre et autorités transmises par le procureur des Bénéficiaires
16.12.2016 Échange courriel concernant la nécessité de fixer un deuxième appel conférence /conférence de gestion
22.12.2016 Transmission courriel provenant du procureur de l’Administrateur avec l’argumentation écrite et pièces jointes
20.03.2017 Réplique de l’avocat du Bénéficiaire envoyée par courriel avec autorités additionnelles
21.03.2017 Courriel de l’avocat de l’Administrateur confirmant la réception de la réplique et avisant qu’il n’y aura pas de réponse à cette réplique.
Admissions
[1] Le 9 mai 2011, le Bénéficiaire Christopher Youssef a signé un contrat préliminaire et de garantie pour l’achat de l’unité [...] du bâtiment situé au [...] Montréal, Québec (voir copie du contrat préliminaire et contrat de garantie produite sous la cote A-1);
[2] Le 12 mai 2011, la Bénéficiaire Donna Tataryn a émis un chèque au montant de 78 722$ à l’ordre de l’Entrepreneur à titre d’acompte pour l’achat de l’unité [...] (voir copie du chèque produite sous la cote A-6);
[3] Le 9 novembre 2012, le Bénéficiaire Youssef a transmis une lettre au représentant de l’Entrepreneur réclamant le remboursement de l’acompte de 78 722$ ainsi qu’une somme de 4 254,08$ pour l’installation d’une garde-robe (voir copie de la lettre produite sous la cote A-2) ;
[4] N’ayant pas reçue une réponse, une lettre fut transmise par poste certifiée le 3 décembre 2012 par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur ainsi qu’à l’agent immobilier Roger Vassallo et au Notaire Michel Labrosse. Cette lettre détaille les déficiences notées par un inspecteur mandaté par le Bénéficiaire concernant des problèmes liés entre autres, au toit. Conséquemment, le Bénéficiaire a demandé le remboursement de l’acompte ainsi que le paiement pour les coûts liés à l’installation de la garde-robe (voir copie de la lettre produite sous la cote A-3);
[5] Pour les fins de la présente décision, M. Youssef et Mme Tataryn sont les Bénéficiaires;
[6] Le 19 décembre 2012, le procureur des Bénéficiaires a envoyé une mise en demeure à l’Entrepreneur demandant le remboursement de l’acompte. Une copie de cette lettre a été envoyée au Notaire Michel Labrosse (voir copie de la lettre produite sous la cote A-4);
[7] Le 20 décembre 2012, après avoir été avisé que l’acompte n’était pas déposé en fidéicommis chez le notaire de l’Entrepreneur, le procureur des Bénéficiaires a réitéré la demande de remboursement de l’acompte directement à l’Entrepreneur (voir copie de la lettre produite sous la cote A-5);
[8] Le 10 juillet 2013, le procureur des Bénéficiaires a intenté une poursuite devant la Cour supérieure du Québec réclamant le paiement de la somme de 78 722 $ en remboursement de l’acompte ainsi que d’autres montants déboursés pour l’achat de l’immeuble (voir plumitif annexé à la lettre transmise par le procureur des Bénéficiaires le 15 décembre 2016);
[9] Le 15 décembre 2015, l’Honorable David Collier de la Cour supérieure a rendu un jugement condamnant l’Entrepreneur à rembourser l’acompte aux Bénéficiaires et, rejetant la demande reconventionnelle de 196 607,00$ de l’Entrepreneur (voir copie du jugement produite sous la cote A-7);
[10] Le 22 décembre 2015, le procureur des Bénéficiaires a transmis une réclamation à l’Administrateur pour le remboursement de l’acompte en vertu du plan de garantie (voir copie de la lettre produite sous la cote A-8);
[11] Le 11 janvier 2016, le procureur de l’Entrepreneur a répondu que son client n’avait plus d’actif (voir copie de la lettre produite sous la cote A-9);
[12] Le 26 janvier 2016, l’Administrateur a transmis un avis de 15 jours à l’Entrepreneur concernant la demande de remboursement d’acompte (voir copie de la lettre produite sous la cote A-10);
[13] L’Administrateur a rendu une décision le 18 juillet 2016 rejetant la demande de remboursement d’acompte des Bénéficiaires (voir copie de la décision produite sous la cote A-11);
[14] Le 15 août 2016, les Bénéficiaires ont demandé l’arbitrage suite à la décision rendue le 18 juillet 2016 (voir copie de la lettre produite sous la cote A-12);
[15] Les Bénéficiaires reconnaissent que la garantie relativement au remboursement d’acompte est limitée à 39 000$;
[16] Les parties conviennent que la réclamation des Bénéficiaires est en vertu de l’article 26 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement ») concernant la garantie dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles inclues dans le cas d’un contrat de vente pour les acomptes versés par le bénéficiaire;
Question en litige
[17] La seule question en litige concerne le droit des Bénéficiaires de réclamer le remboursement de l’acompte en vertu de la garantie;
Valeur en litige
[18] La valeur en litige est de classe 4 (30 001 $ @ 60 000 $);
[19] Vu les admissions, les procureurs ont convenu de plaider par écrit, sans audition au mérite;
Introduction
[20] Afin de décider si la réclamation des Bénéficiaires pour le remboursement des acomptes est recevable aux termes de la garantie, il y a lieu de revoir les dispositions du Règlement:
I Couverture de la garantie
26. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir :
1. dans le cas d’un contrat de vente :
a) soit les acomptes versés par le bénéficiaire;
b) soit le parachèvement des travaux si le bénéficiaire est détenteur des titres de propriété à la condition qu’il n’y ait pas d’enrichissement injustifié de ce dernier;
…
IV Mécanisme de mise en œuvre de la garantie
33.1 La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 26 :
1. au plus tard dans les 6 mois qui suivent la réception du bâtiment, le bénéficiaire doit transmettre à l’entrepreneur par écrit une demande de remboursement des frais de relogement, de déménagement et d’entreposage de ses biens incluant les pièces justificatives et en transmettre une copie à l’administrateur. En l’absence de règlement, au moins 15 jours après l’expédition de la demande, le bénéficiaire en avise par écrit l’administrateur qui doit statuer sur la demande dans les 30 jours sui suivent la réception de cet avis;
2. pour la mise en œuvre de la garantie des acomptes ou de la garantie de parachèvement avant la réception du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur. La procédure décrite aux paragraphes 2 à 6 de l’article 34 s’applique à cette réclamation compte tenu des adaptations nécessaires;
…
34. La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 27 :
…
2. au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation, le bénéficiaire avise par écrit l’administrateur s’il est insatisfait de l’intervention de l’entrepreneur ou si celui-ci n’est pas intervenu; il doit verser à l’administrateur de frais de 100 $ pour l’ouverture du dossier et ces frais ne lui sont remboursés que si la décision rendue lui est favorable, en tout ou en partie, ou que si une entente intervient entre les parties impliquées;
3. dans les 15 jours de la réception de l’avis prévu au paragraphe 2, l’administrateur demande à l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire;
4. dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai accordé à l’entrepreneur en vertu du paragraphe 3, l’administrateur doit procéder sur place à une inspection;
5. dans les 30 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. Si le délai de 30 jours ne peut pas être respecté pour des motifs raisonnables, l’administrateur doit également justifier le retard et annoncer quand la décision sera rendue. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai raisonnable qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire;
6. à défaut par l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire, de parachever ou de corriger les travaux et en l’absence de recours à la médiation et de contestation en arbitrage de la décision de l’administrateur par l’une des parties, l’administrateur, dans les 15 jours qui suivent l’expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, effectue le remboursement ou prend en charge le parachèvement ou les corrections, convient pour ce faire d’un délai avec le bénéficiaire et entreprend, le cas échéant, la préparation d’un devis correctif et d’un appel d’offres, choisit des entrepreneur et surveille les travaux. Dans les 30 jours qui suivent l’expiration du délai convenu avec le bénéficiaire en vertu du paragraphe 5, l’administrateur doit communiquer par écrit au bénéficiaire l’échéancier prévu des différentes étapes à accomplir pour assurer l’exécution des travaux correctifs;
…
35.1 Le non-respect d’un délai de recours et de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé lorsque l’entrepreneur ou l’administrateur manque à ses obligations prévues aux articles 33, 33.1, 34, 66, 69.1, 132 à 137 et aux paragraphes 12, 13, 14 et 1 de l’annexe II, à moins que ces derniers ne démontrent que ce manquement n’a eu aucune incidence sur le non-respect du délai ou, à moins que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an.
Le non-respect d’un délai ne peut non plus être opposé au bénéficiaire, lorsque les circonstances permettent d’établir que le bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’entrepreneur ou de l’administrateur.
… (nos soulignements)
[21] Les procureurs des parties ont plaidé qu’il n’y a aucune décision arbitrale concernant un cas similaire. Conséquemment, le Tribunal doit décider si la transmission de la réclamation le 19 décembre 2015 est recevable aux termes du Règlement;
Position des parties
Bénéficiaires
[22] Les Bénéficiaires plaident que leur droit d’action en vertu du Règlement est né lorsque la décision de la Cour supérieure a été rendue accordant la demande de remboursement de l’acompte ainsi que certains autres montants (voir jugement produit sous la cote A-8) ;
[23] Dans son jugement, le juge Collier réfère au contrat intervenu entre les parties intitulé « Preliminary Contract and Guarantee Contract (Condominium) » (produit sous la cote P-2 dans le dossier de la Cour supérieure et A-2 dans le présent dossier) et après avoir évalué la crédibilité des parties, décide :
(22) Given the defendants’ failure to correct the defects, the plaintiffs were justified in not concluding the sale. As vendor, and in accordance with its verbal assurances, Saba Investments was obliged to deliver an apartment with a superior finishing, free from defects.
(23) Under section 30 of the agreement, P-2, the plaintiffs were therefore entitled to cancel the sale and recover their deposit. The plaintiffs were also entitled to recover the cost of the bedroom closet, the benefit of which went to Saba Investments when it resold the apartment.
[24] L’article 30 du document A-2 prévoit:
30. The penalties to be paid by the vendor in the event that delivery is delayed shall only be those provided for in the Regulation Respecting the Guarantee Plan for New Residential Buildings, and said penalties shall also constitute full and final settlement of any disputer.
Subject to the above damage assessment clause, if the vendor fails to execute any of his obligations herein and fails to correct such default within seven (7) days of his being so advised by written notice to that effect, the promissory purchaser, at his option, may terminate this agreement, in which case any deposit monies, shall be reimbursed to the promissory purchaser, without prejudice to any other recourse.
(nos soulignements)
[25] Les Bénéficiaires prennent donc la position que le droit de remboursement de l’acompte n’a pris naissance qu’à la date du jugement de l’honorable Juge Collier parce que ce jugement détermine aux paragraphes 3 à 8, ainsi qu’au paragraphe 23, que les Bénéficiaires avaient le droit d’annuler le contrat avec l’Entrepreneur;
[26] De plus, le procureur des Bénéficiaires plaide qu’une décision antérieure de l’Administrateur en vertu du Règlement confirme que le droit de réclamer le remboursement de l’acompte prend naissance lorsqu’un tribunal reconnaît ce droit;
[27] À cet égard, dans la décision de l’inspecteur Jocelyn Dubuc datée du 9 février 2015 impliquant Nawal Cherief, et 7836813 Canada Inc., l’Administrateur n’a pas donné suite à la réclamation « pour l’instant ». M. Dubuc a plutôt décidé : « Dans l’éventualité où la bénéficiaire obtiendrait un jugement de la Cour en sa faveur pour l’annulation du contrat, elle pourrait ainsi s’adresser à nouveau à l’administrateur pour réactiver sa demande de remboursement d’acomptes »;
[28] Or, dans le cadre de procédures judiciaires intentées par la Bénéficiaire Nawal Cherief dans le dossier précité, le juge Pierre Labelle a annulé la promesse d’achat de la demanderesse Nawal Cherief vu un vice de consentement. Considérant que cette promesse d’achat a été réputée n’ayant jamais existé, le Tribunal ne pouvait donner droit à la conclusion du recours demandant le respect du contrat de garantie[1];
[29] Il est important de souligner que le juge Collier n’a pas annulé la promesse d’achat en raison d’un vice de consentement, mais plutôt en raison d’un défaut d’exécution;
[30] Subsidiairement, les Bénéficiaires soumettent que même si le point de départ du délai de la prescription n’était pas la date du jugement de l’Honorable Juge Collier, mais plutôt la date du 1er mars 2012 (date de la livraison prévue au contrat A-2) ou le 3 décembre 2012 (date de l’envoi de la lettre A-4), la prescription du recours contre l’Administrateur a été interrompue en 2013 lorsque les Bénéficiaires ont intenté un recours contre l’Entrepreneur (voir plumitif annexé à la lettre du 15 décembre 2016) et ce, en raison de l’article 2899 du C.c.Q. qui stipule que la demande en justice contre le débiteur principal interrompt la prescription à l’égard de la caution;
L’Administrateur
[31] Le procureur de l’Administrateur réfère le Tribunal aux articles 26 et 33.1 du Règlement et reconnaît que contrairement à la couverture de garantie après la réception du bâtiment, prévue à l’article 27, aucun délai de dénonciation n’est prévu au Règlement dans le cas d’une réclamation pour la garantie des acomptes « avant la réception du bâtiment »;
[32] Conséquemment, selon le procureur de l’Administrateur, les règles de la prescription extinctive prévues aux articles 2921 et 2925 du Code civil devraient s’appliquer afin de palier à cette carence;
[33] Selon le procureur de l’Administrateur, l’article 35.1 du Règlement pourrait également s’appliquer en l’instance. La dernière ligne de cet article prévoit : « Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé (…) à moins que le délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an »;
[34] En reconnaissant que le Règlement est silencieux sur le délai de dénonciation pour la couverture du remboursement d’acompte avant la réception du bâtiment, le procureur de l’Administrateur plaide que la demande de réclamation de plus de 3 ans après la date de livraison prévue au contrat préliminaire (1er mars 2012 selon le contrat A-1), soit tardive et non-recevable;
[35] De plus, le procureur de l’Administrateur écarte l’argument basé sur l’article 2899 C.c.Q. concernant l’interruption de la prescription dans le cadre d’une réclamation en vertu du Règlement puisque la demande de remboursement d’un acompte est soumise à une procédure impérative telle que décidée par la Cour d’appel dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle[2];
[36] En dernier lieu, le procureur de l’Administrateur réfère le Tribunal à deux sentences arbitrales concernant l’application de l’article 2925 C.c.Q. et la prescription extinctive de recours en vertu de la garantie pour des réclamations suite à la réception du bâtiment[3]:
Analyse et décision
[37] Le Règlement est d’ordre public[4] et fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires énoncé dans le document produit sous la cote A-1;
[38] La Cour d’appel dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle a décidé que :
(11) Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
…
(15) La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative…[5]
(nos soulignements)
[39] Conséquemment, afin de se prévaloir d’une réclamation en vertu du Règlement qui est d’ordre public, les Bénéficiaires doivent respecter la procédure « impérative » pour la mise en œuvre de la garantie;
[40] Les parties reconnaissent que la réclamation pour le remboursement d’acompte des Bénéficiaires est présentée « avant la réception du bâtiment » selon l’article 26 du Règlement et il y a donc lieu de se référer à la procédure prévue aux articles 33.1 et 34 du Règlement;
[41] Rappelons que l’article 33.1 du Règlement prévoit que « pour la mise en œuvre de la garantie des acomptes ou de la garantie de parachèvement avant la réception du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur. La procédure décrite aux paragraphes 2 à 6 de l’article 34 s’applique à cette réclamation compte tenu des adaptations nécessaires » (nos soulignements);
[42] Donc, la procédure à suivre pour la mise en œuvre de la garantie des acomptes débute par un avis écrit à l’entrepreneur avec copie à l’administrateur et par la suite, un bénéficiaire doit respecter des étapes décrites aux paragraphes 2 à 6 de l’article 34 du Règlement, tenant compte des adaptations nécessaires;
[43] Dans le présent dossier, les Bénéficiaires ont transmis leur réclamation à l’Entrepreneur pour la première fois le 9 novembre 2012 (A-2), une deuxième fois le 3 décembre 2012 (A-3) et une troisième fois le 20 décembre 2012 (A-5);
[44] Il est important de mentionner qu’aucun motif n’a été donné expliquant le défaut des Bénéficiaires de transmettre une copie de la (ou des) réclamation(s) initiale(s) à l’Administrateur en 2012;
[45] Par la suite et tel qu’il appert du plumitif soumis par le procureur des Bénéficiaires, une poursuite devant la Cour Supérieure a été intentée par les Bénéficiaires contre l’Entrepreneur et le Président de celui-ci, le 10 juillet 2013, pour le remboursement de l’acompte ainsi que certains autres montants;
[46] Le 15 décembre 2015, l’Honorable juge Collier a rendu une décision accueillant la poursuite des Bénéficiaires contre l’Entrepreneur, tel que mentionné ci-haut;
[47] Or, ce n’est que le 22 décembre 2015 que les Bénéficiaires, par l’entremise de leur procureur, ont envoyé un avis à l’Administrateur. Le Tribunal prend note que cet avis de réclamation a été transmis à l’Administrateur par courriel (A-8). Cet avis est donc envoyé en vertu des articles 33.1 et 34 du Règlement;
[48] Selon la décision de l’Administrateur[6], le 19 janvier 2016, l’Administrateur a reçu le formulaire « Demande de remboursement d’Acompte » accompagné d’un chèque de 100$ dûment signé par les Bénéficiaires conformément à l’article 34 (2) du Règlement. Le Tribunal souligne que l’Administrateur a erronément fait référence à l’article 17.1 du Règlement dans sa décision A-11 alors qu’il aurait dû se référer à l’article 33.1[7] du Règlement;
[49] Le 26 janvier 2016, l’Administrateur a transmis une demande à « l’entrepreneur d’intervenir dans le dossier et de l’informer, dans les 15 jours qui suivent, des mesures qu’il entend prendre pour remédier à la situation dénoncée par le bénéficiaire », conformément à l’article 34 (3) du Règlement (voir copie de la lettre produite sous la cote A-11);
[50] Cette demande, prévue à l’article 34 (3), a été suivie d’une décision rendue le 18 juillet 2016 par l’Administrateur conformément à l’article 34 (5) du Règlement, rejetant la réclamation des Bénéficiaires puisque prescrit :
En vertu des articles 2921 et 2925 du Code civil du Québec, les droits que monsieur Youssef à titre de demandeur pourrait avoir eu relativement au contrat de garantie à l’égard (sic) sa demande de remboursement d’acompte se sont éteints par la prescription extinctive soit le ou vers le 1er mars 2015, en prenant comme point de départ la date initiale prévue pour la livraison de l’unité du 1er mars 2012, ou en date du 3 décembre 2015 en prenant le 3 décembre 2012, soit la date où monsieur Youssef a avisé par écrit l’Entrepreneur de son intention de mettre fin au contrat signé entre les parties.
…
Par conséquent, l’Administrateur ne peut donner suite à la demande de remboursement d’Acompte du demandeur, faute d’avoir été présentée dans les trois ans de la naissance du droit.[8]
[51] Or, la question de la prescription est subsidiaire à l’obligation que les Bénéficiaires avaient d’aviser l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur en vertu de l’article 33.1 du Règlement;
[52] Le Tribunal est d’opinion que le défaut de transmettre à l’Administrateur une copie de l’avis envoyé à l’Entrepreneur en 2012 est fatal;
[53] Par ailleurs et pour établir la date de prescription du recours, le Tribunal réfère à la décision rendue dans la sentence arbitrale dans Normand Painchaud c. 9216-67834 Québec Inc. et La Garantie Abritat Inc.[9] :
(28) Dans le cas sous étude, ce n’est qu’en février 2014 que le Bénéficiaire a eu connaissance de la vente le 6 décembre 2013 (sic) son Unité à un tiers, de telle sorte que la demande du Bénéficiaire n’est point prescrite. Quant à la date prévue de réception de l’Unité du Bénéficiaire (1er juillet 2011), la preuve a démontré qu’en raison du retard de l’exécution des travaux de l’Entrepreneur, l’unité du Bénéficiaire n’a été prête pour réception qu’au printemps 2013[10];
[54] À cet égard, l’Arbitre Broissoit cite l’auteur Céline Gervais sur le point de départ de la prescription :
« Le principe fondamental en la matière, tel qu’il a été expliqué par la Cour suprême, veut que la prescription ne puisse commencer à courir avant que ne soit né le droit de recourir à l’action. C’est pourquoi on peut facilement conclure que la prescription ne peut débuter avant le premier moment où la victime avait la possibilité d’agir. Ce moment survient lorsque la partie demanderesse a connaissance des trois éléments de la responsabilité, soit la faute, le dommage et le lien de causalité. »[11]
[55] En appliquant l’interprétation de la prescription exprimée dans Normand Painchaud ainsi que la procédure prévue aux articles 33.1 et 34 du Règlement, les Bénéficiaires auraient pu transmettre une copie de leur demande à l’Administrateur dès qu’ils ont constaté le défaut de l’Entrepreneur de rembourser l’acompte au mois de décembre 2012 à quel moment, ils auraient dû transmettre copie de l’envoi à l’Administrateur en vertu de l’article 33.1 qui réfère à l’article 34 du Règlement pour la procédure de la mise en œuvre de la garantie des acomptes, avec adaptations nécessaires;
[56] Dans les circonstances, le point de départ de la prescription du recours des Bénéficiaires était le 3 décembre 2015, soit la date où le Bénéficiaire Youssef a avisé par écrit l’Entrepreneur de son intention de mettre fin au contrat signé entre les parties;
[57] Quant à la juridiction de l’Administrateur de décider d’une réclamation en vertu de l’article 26, soit le remboursement d’acompte avant la réception du bâtiment, la décision de l’arbitre Jean-Philippe Ewart dans Élyse Desrochers et Jean-Pierre Desforges c. Sotramont Québec Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc.[12] dispose :
(181) Le tribunal est d’avis que tout différend portant sur une décision de l’Administrateur concernant une réclamation relève de la compétence exclusive du tribunal et que, dans le cadre du Plan, du Contrat intervenu entre les Parties et de la réclamation aux présentes, le remboursement d’acomptes et, si alors requis, l’interprétation du Contrat ou le prononcé d’une nullité du Contrat, s’il en est, sont du ressort exclusif du Tribunal et que dans les circonstances particulières des présentes, le Tribunal peut et se doit d’entendre cette affaire au fond sans référer le tout de nouveau à l’Administrateur.
[58] Considérant que l’Administrateur avait juridiction dès que les Bénéficiaires ont constaté le défaut de l’Entrepreneur de rembourser l’acompte avant la réception du bâtiment en décembre 2012, le Tribunal conclut que la réclamation dans la présente instance doit être rejetée vu le non-respect de la procédure « impérative » prévue aux articles 33.1 et 34 du Règlement;
[59] Le recours des Bénéficiaires n’a pas pris naissance au moment de la décision du juge Collier en décembre 2015, mais plutôt au moment où ils ont constaté le défaut de l’Entrepreneur de rembourser l’acompte en décembre 2012;
[60] Afin de se prévaloir de la garantie prévue au contrat A-1 et le Règlement, les Bénéficiaires devaient transmettre un avis à l’administrateur « au moins 15 jours après l’expédition de la dénonciation… »; c’est-à-dire au cours du mois de décembre 2012;
[61] L’argument soumis par le procureur des Bénéficiaires concernant l’interruption de la prescription n’est pas applicable en l’instance puisque la première étape du mécanisme de mise en œuvre de la garantie est la transmission d’un avis conformément au Règlement, soit l’envoi d’un avis à l’Entrepreneur avec copie à l’Administrateur;
[62] Le procureur des Bénéficiaires plaide que l’Administrateur ne peut présenter un nouvel argument basé sur la tardivité de l’avis puisque l’Administrateur aurait renoncé à un tel motif en ne l’ayant pas invoqué dans sa décision du mois de juillet 2016 (A-11);
[63] Pour justifier l’argument de renonciation, le procureur des Bénéficiaires plaide que l’Administrateur devrait agir selon les normes qui s’appliquent à un assureur et doit donc limiter ses arguments aux motifs de contestation invoqués dans sa lettre de négation de couverture, en l’occurrence la décision rendue au mois de juillet 2016 (A-11);
[64] Or, le Tribunal n’est pas lié par une prétendue renonciation de l’Administrateur en raison des pouvoirs accordés par le Règlement[13] tel qu’énoncé dans Groupe immobilier JAD inc. 9229-8926 Québec Inc. et 9206-0516 Québec inc. et La Garantie Abritat Inc[14] :
[35] Il découle de l’ensemble des dispositions du Règlement que le législateur a adopté comme principe la déjudiciarisation des différends entre entrepreneur et bénéficiaire de même qu’entre entrepreneur et administrateur de plan de garantie. De ce fait, il a confié les différends relatifs au refus et à l’annulation de l’adhésion d’un entrepreneur à l’arbitrage.
[36] Ce faisant, il a donné aux arbitres le pouvoir d’apprécier les motifs de l’administrateur qui refuse une adhésion ou qui l’annule et de décider du bien-fondé de ceux-ci. Dès lors, le pouvoir de l’arbitre s’étend à l’examen des exigences prévues au Règlement afin de rendre sa décision.
(nos soulignements)
[65] De plus, la garantie prévue au contrat A-1 ainsi qu’au Règlement est considérée par la Cour d’appel comme étant un cautionnement et non une assurance[15];
[66] Le Tribunal prend note de l’argument basé sur l’article 2899 C.c.Q. soumis par le procureur des Bénéficiaires. Cet article concerne l’interruption d’une poursuite contre une caution.
[67] Conséquemment, le procureur des Bénéficiaires reconnaît que l’Administrateur agit à titre de caution, et non pas à titre d’assureur. Rappelons que le cautionnement est prévu au Chapitre XIII du Code civil du Québec aux articles 2333 et suivants, alors que l’assurance est traitée dans un chapitre différent (Chapitre XV, articles 2389 C.c.Q. et suivants);
[68] Le Tribunal rejette donc la réclamation des Bénéficiaires puisqu’ils n’ont pas suivi la procédure qualifiée d’impérative par la Cour d’appel. Subsidiairement, le recours aurait été prescrit le 3 décembre 2015;
[69] Le procureur de l’Administrateur a référé le Tribunal à la dernière ligne de l’article 35.1 du Règlement : « Le non-respect d’un délai de recours ou de mise en œuvre de la garantie par le bénéficiaire ne peut lui être opposé (…) à moins que le délai de recours de mise en œuvre de la garantie ne soit échu depuis plus d’un an »;
[70] Vu les conclusions du Tribunal sur le non-respect de la procédure pour la mise en œuvre de la garantie, il n’y a pas lieu de statuer sur l’argument basé sur l’article 35.1 du Règlement qui, à tout évènement, ne semble pas applicable aux faits dans le présent dossier;
[71] Quant aux frais, puisque la présente décision maintient la décision de l’Administrateur pour des motifs différents, le Tribunal départage les coûts soit 100$ (cent dollars) pour les Bénéficiaires et le solde à la charge l’Administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
MAINTIENT la décision de l’Administrateur pour des motifs différents;
REJETTE la réclamation des Bénéficiaires;
RÉSERVE à l’Administrateur ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute action et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage en ses lieux et place, et ce conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
Le tout, avec les coûts du présent arbitrage à la charge des Bénéficiaires jusqu’à concurrence d’un montant de cent dollars (100,00$) et le solde à la charge de l’Administrateur conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Montréal, le 20 juillet 2017
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Me Pamela McGovern
Arbitre / CCAC
[1] Cherief c. 7836813 Canada inc., 2016 QCCS 2649, p. 11
[2] 2004 CanLII 47872 (C.A.)
[3] Serge Désy et Les Distributions Fermco Ltée et La Garantie Habitation du Québec, décision du 20 août 2013 (arbitre Claude Dupuis) et Jean-Marcel Louis et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et 9141-1074 Québec Inc., décision du 5 octobre 2011 (arbitre Johanne Despatis)
[4] Voir décision de la Cour d’appel La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, voir note 2
[5] Ibid p. 1 et 3
[6] Voir A-11, p. 3
[7] Voir A-11, p. 3
[8] Voir A-11, p. 4
[9] Décision rendue le 2 avril 2015 par l’Arbitre Pierre Brossoit dossier Garantie 514666-1
[10] Ibid, p. 6
[11] GERVAIS, C. La prescription, Montréal, Les Éditions Yvon Blais, 2009, p.2
[12] Décision rendue le 18 janvier 2010 par l’Arbitre Jean-Philippe Ewart, décision CCAC no. S09-170401-NP
[13] Article 116 du Règlement
[14] Décision rendue par l’Arbitre Karine Poulin le 26 mai 2016, Dossier GAMM : 2015-16-001
[15] Voir décision de la Cour d’appel dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, précitée, p. 1 paragraphe (12) « Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.