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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment:
CENTRE CANADIEN D'ARBITRAGE COMMERCIAL (CCAC)
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ENTRE: MONSIEUR CLAUDE CARRIER
(ci-après désigné « le Bénéficiaire »)
CONSTRUCTION PAUL DARGIS INC.
(ci-après désignée « Dargis »)
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC.
(ci-après désignée « l'Administrateur »)
No dossier CCAC: S09-061001-NP
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DÉCISION ARBITRALE
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Arbitre: Me Reynald Poulin
Pour le Bénéficiaire: Me Pierre Soucy
Pour l'Entrepreneur: Me François Daigle
Pour l'Administrateur: Me Patrick Marcoux
Identification complète des parties
Arbitre: Me Reynald Poulin 79, boul. René-Lévesque Est Bureau 200 C.P. 1000, Haute-Ville Québec (Québec) G1R 4T4
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Bénéficiaire: Monsieur Claude Carrier 1340, rue Antoine-Dalmas Trois-Rivières (Québec) G8V 2V3 Et son procureur: Me Pierre Soucy Lambert Therrien Bordeleau Soucy
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Entrepreneur: Construction Paul Dargis inc. 1232, rue Françoise-Capel Trois-Rivières (Québec) G8V 2P6 Et son procureur: Me François Daigle Lacoursière LeBrun
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Administrateur: La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. 5930, boul. Louis-H. Lafontaine Anjou (Québec) H1M 1S7 Et son procureur: Me Patrick Marcoux Savoie Fournier
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DÉCISION ARBITRALE
INTRODUCTION
[1] Par une lettre du 29 mai 2009, le Bénéficiaire a transmis une demande de réclamation à l'Administrateur dans laquelle était incluse, notamment, une lettre datée du 6 octobre 2008 adressée à Dargis, et qui se lit comme suit:
«La présente lettre est pour vous informer que j'ai noté des fissures qui me semblent très anormales sur les fondations de ma maison. La maison en question est située au 1340 Antoine-Dalmas, Trois-Rivières G8V 2V3, et a été fini de construire et livré le 13 juillet 2005.
Voici quelques photos des fissures observées qui se retrouvent sur les coins des fondations (près des évacuations d'eau des gouttières). Cela ressemble malheureusement à un problème de Pyrite et j'apprécierais une expertise dans le plus bref délai, car trois coins des fondations présentent ce problème.
Merci de me répondre rapidement. Une copie de cette lettre vous a aussi été transmise par courrier.
Claude Carrier
1340 Antoine-Dalmas
Trois Rivières
G8V 2V3».
[2] Cette demande de réclamation fut reçue par l'Administrateur le 3 juin 2009.
[3] Le 9 septembre 2009, l'Administrateur a rejeté la demande de réclamation du Bénéficiaire puisque, selon lui, le délai de dénonciation excédait le délai raisonnable qui a été établi par le législateur, soit celui prévu à l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2) (ci-après désignée le «Règlement»), de même qu'à la section 3 du contrat de garantie intervenu entre les parties.
[4] Par l'entremise de son procureur, le Bénéficiaire a demandé, en date du 6 octobre 2009, l'arbitrage de la décision de l'Administrateur.
[5] Considérant le motif invoqué dans la décision de l'Administrateur et après entente entre les parties, il fut décidé, dans le cadre d'une décision interlocutoire rendue le 1er décembre 2009, que le moyen d'irrecevabilité fondé sur le non-respect du délai prévu à la loi et au contrat de garantie serait débattu dans le cadre d'une audience distincte. La seule question qui devait être ainsi tranchée par le soussigné devait donc viser cette irrecevabilité et ce, après audition des témoins annoncés par les parties.
LA PREUVE
A) Les documents produits au dossier d'arbitrage
[6] À l'audience, les pièces A-1 à A-8 incluses au cahier de pièces émis par l'Administrateur et transmises aux parties furent déposées de consentement au dossier d'arbitrage.
[7] De même, le Bénéficiaire a produit au dossier d'arbitrage, de consentement avec les autres parties, les pièces R-1 à R-6 visées à l'inventaire de pièces communiqué aux parties avant l'audience.
[8] L'ensemble de ces pièces sont donc considérées valablement produites au dossier d'arbitrage sous réserve, évidemment, de leur pertinence et de leur force probante.
Après l'audition, le procureur de l'Administrateur a fait parvenir au Tribunal d'arbitrage copie d'une photo de la résidence du Bénéficiaire (pièce que Dargis à déposée à l'audience comme étant E-1).
B) Les témoignages
[9] Le Bénéficiaire a été le premier témoin entendu.
[10] Il est propriétaire de l'immeuble sis au 1340, Antoine-Dalmas, à Trois-Rivières, et ce, depuis le 13 juillet 2005.
[11] Dans les faits, un contrat préliminaire et contrat de garantie (pièce P-1), signé le 22 novembre 2004, est intervenu entre Dargis, d'une part, et Mme Nathalie Marchand et le Bénéficiaire, d'autre part, pour la construction d'une résidence, incluant notamment le terrain, au prix de 142 797,05 $, toutes taxes incluses.
[12] Après la construction de cette résidence, soit le 13 juillet 2005, Mme Nathalie Marchand et le Bénéficiaire ont signé, sans réserve, une déclaration de réception du bâtiment (pièce A-2). Aucun commentaire ne fut émis par quelconque signataire de cette déclaration eu égard, notamment, à l'aspect extérieur du bâtiment, étant entendu, évidemment, que seuls les éléments apparents sont visés par ce document.
[13] Cette même journée (acte de vente pièce A-3 qui fut corrigée par la suite considérant l'erreur du notaire instrumentant quant à la date de signature), Dargis a vendu au Bénéficiaire et à Mme Nathalie Marchand, l'immeuble avec dessus construite la résidence, le tout avec la garantie légale. À la section «Garantie» de l'acte de vente, Dargis a déclaré être un constructeur dûment qualifié, accrédité auprès d'un plan de garantie et que la maison vendue avait été construite selon les règles de l'art et les normes prescrites.
[14] Le Bénéficiaire a témoigné avoir constaté, en date du 6 octobre 2008, la présence de certaines fissures au solage du bâtiment et avoir aussi pris certaines photos de ces fissures. À cette même date, le Bénéficiaire a transmis une lettre à l'Entrepreneur (pièce A-4). Deux (2) photos couleur accompagnaient cet envoi (A-4 en liasse). Le Bénéficiaire précise qu'il y avait une grosse fissure sur le coin avant droit de sa résidence, de même que d'autres petites, ailleurs. Il dit ne pas avoir eu de grosse inquiétude à ce moment. Dès le lendemain, M. Paul Dargis, le représentant de Dargis, serait venu sur place et lui aurait mentionné que cette situation n'était pas normale mais de ne pas s'en faire avec cette problématique puisque son travail était garanti et couvert pendant une période de cinq (5) ans. M. Dargis lui aurait mentionné qu'il s'occupait de cette problématique.
[15] La preuve a révélé que Dargis a rapidement informé son fournisseur de béton (ci-après désigné «Béton Boisvert») de cette problématique. En effet, Béton Boisvert a transmis une correspondance datée du 10 octobre 2008 à Dargis (pièce A-5 en liasse) par laquelle il suggérait la confection d'une expertise pour démontrer la cause du problème dénoncé. Plus précisément, Béton Boisvert s'exprime comme suit dans cette correspondance:
«Monsieur,
Voici nos intentions concernant la plainte formulé par votre client situé au 1340, Antoine-Dalmas, Trois-Rivières.
Les fissures anormales présentent aux fondations requiert une expertise pour démontrer la cause du problème. Cet ouvrage a été construit en avril 2005. Alors, le 17 août 2005, le rapport d'un examen pétrographique, de la pierre concassée provenant de la Carrière B & B et utilisée pour le béton, conclue que cette pierre peut être utilisé pour la fabrication du béton.
Un prélèvement par carottage du mur de fondation sera requis pour analyser les composants pour prouver que les matériaux sont mis en cause.
Nous sommes prêt assumer les coûts de carottage et d'analyse. De plus, pour éviter les infiltrations d'eau par les fissures, nous installerons une membrane d'étanchéité temporaire jusqu'à ce qu'une décision soit rendu sur la cause du problème.
Ces travaux temporaires seront effectués avant le 31 octobre 2008.
Nous voulons vous assurer qu'en appliquant cette procédure, nous sommes d'avis que nous agissons de bonne foi et qu'on est conscient de votre inquiétude et celle de votre client.
…»
[16] À cette lettre était joint un rapport d'examen pétrographique.
[17] M. Carrier témoigne avoir reçu copie de cette lettre de Béton Boisvert accompagnant celle que lui a transmise Dargis datée du 14 octobre 2008 (pièce A-5).
[18] Après avoir témoigné qu'un matériau imperméabilisant avait été appliqué sur les fissures à la fin octobre 2008, le Bénéficiaire ajoute n'avoir jamais reçu les résultats du prélèvement par carottage du mur de fondation de sa résidence. Il ajoute aussi que M. Paul Dargis lui aurait dit, entre le mois de décembre 2008 et février 2009, que Béton Boisvert ne voulait pas donner les résultats des analyses des prélèvements par carottage. Après quelques communications dans la période hivernale avec Dargis, le Bénéficiaire précise que M. Serge Leduc, estimateur, aurait visité sa résidence le 6 avril 2009. À l'audience, il n'a pu préciser pour qui travaillait cet estimateur. Il fut constaté, lors de cette visite, que les fissures de l'automne 2008 étaient plus larges et qu'il y avait eu aggravation. L'estimateur aurait visité la résidence, à l'intérieur, et informé le Bénéficiaire qu'il s'agirait d'un problème de pyrite et que des travaux de soulèvement du bâtiment devraient être exécutés. Le Bénéficiaire ajoute également qu'il suspectait qu'il y avait un problème, en octobre 2008, mais qu'en avril, il n'avait plus de doute.
[19] Le 9 avril 2009, M. Paul Dargis aurait recommandé au Bénéficiaire de transmettre une réclamation à l'Administrateur puisqu'il n'avait pas de dossier «ouvert» à cet endroit. C'est ainsi que le Bénéficiaire a transmis, en date du 11 mai 2009, un courriel à l'attention de M. Jacques Fortin, représentant de l'Administrateur, accompagné d'une lettre expliquant la réclamation formulée (pièce R-3).
[20] Le contenu de cette lettre est similaire à celui de la lettre datée du 6 octobre 2008 (pièce R-1) adressée à Dargis.
[21] Le Bénéficiaire a reçu un courriel de Mme Cécile Lechat, représentante de l'Administrateur, lui transmis aussi, à cette occasion, un formulaire de demande de réclamation à être complété et retourné accompagné de la liste de certains documents devant être joints. Dans ce courriel, Mme Lechat rappela au Bénéficiaire que le numéro d'enregistrement (chez l'Administrateur) de la résidence était le 87643.
[22] Le 29 mai 2009, le Bénéficiaire a transmis à l'Administrateur (pièce R-4) le formulaire «Demande de réclamation» accompagné des documents requis.
[23] Selon la preuve au dossier, l'Administrateur a donc été informé de la réclamation du Bénéficiaire, la première fois, le ou vers le 12 mai 2009. Pour ce qui est de l'envoi du 29 mai 2009 par le Bénéficiaire, incluant le formulaire «Demande de réclamation» et les documents à son appui, l'Administrateur en a reçu copie en début juin 2009.
[24] Le Bénéficiaire témoigne avoir reçu copie de la lettre datée du 10 juin 2009 adressée par l'Administrateur à Dargis demandant à ce dernier d'intervenir dans ce dossier et d'informer, par écrit, dans les quinze (15) jours suivant cet avis, des mesures qu'il allait entreprendre pour remédier à la situation dénoncée. Le Bénéficiaire témoigne également avoir reçu copie de la lettre datée du 16 juin 2009, transmise par Dargis, lui recommandant d'aviser sa compagnie d'assurance habitation si ce n'était pas déjà fait, et l'assurer que toutes les démarches étaient entreprises pour régler le problème.
[25] Le 7 juillet 2009, M. Jacques Fortin, représentant de l'Administrateur, s'est déplacé à la résidence du Bénéficiaire afin de prendre des photos et constater la situation. À ce moment, le Bénéficiaire témoigne qu'il a été immédiatement soulevé, par M. Fortin, la question du délai de six (6) mois. Il ajoute que tant lui-même que M. Dargis ignoraient l'existence de ce délai.
[26] Le 9 septembre 2009, l'Administrateur, par l'intermédiaire de son inspecteur Jacques Fortin, architecte, a rejeté la demande de réclamation du Bénéficiaire puisque les vices allégués n'ont pas été dénoncés par écrit à Dargis et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance, ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[27] Dans sa décision du 9 septembre 2009 (pièce A-7), l'Administrateur soutient avoir été informé de la réclamation écrite du Bénéficiaire en date du 3 juin 2009.
[28] Il ressort de la preuve que l'Administrateur aurait reçu, en date du 12 mai 2009, copie du courriel du Bénéficiaire du 11 mai 2009 (pièce R-3). Il n'apparaît pas opportun à l'arbitre soussigné d'analyser, pour les fins de la présente décision, si ce courriel du 11 mai 2009 constitue la dénonciation écrite prévue au contrat de garantie ou si celle-ci n'est pas plutôt constituée de la lettre datée du 29 mai 2009 (pièce R-4) et reçue par l'Administrateur le 3 juin 2009. En effet, dans les deux (2) cas, le délai de dénonciation de six (6) mois est dépassé au moment des réceptions par l'Administrateur.
[29] Le Bénéficiaire fut contre-interrogé par le procureur de Dargis.
[30] Questionné au niveau de sa connaissance des problèmes décrits à la lettre du 6 octobre 2008 (pièce R-1 en liasse), le Bénéficiaire précise qu'il a remarqué la présence des fissures suite à une rencontre fortuite avec l'un de ses voisins qui a caractérisé celles-ci comme étant «pas mal grosses». Cette discussion aurait eu lieu dans la cour de sa résidence tout près du coin avant droit de celle-ci. Il réitère que, selon lui, il s'agissait d'un simple problème de crépis.
[31] Il mentionne également ne pas avoir vérifié les «documents de garantie». Il confirme qu'il y a eu effectivement un prélèvement par carottage en fin octobre. Il confirme également que les photos jointes à sa lettre du 6 octobre 2008 (pièce A-4 en liasse) exposent la situation du coin de son immeuble, telle qu'elle se présentait à l'automne 2008. À noter que ces photos ont été prises par lui-même alors qu'il était couché au sol. Enfin, il précise avoir attendu la fonte des neiges avant de porter une attention additionnelle à la problématique identifiée. Au printemps, il précise, bien qu'aucune photo n'ait été produite au dossier d'arbitrage, qu'il y avait plus de fissures et que celles identifiées, plusieurs mois auparavant, étaient plus longues.
[32] Contre-interrogé par le procureur de l'Administrateur, le Bénéficiaire admet s'être adressé à l'Administrateur, pour une première fois, le 11 mai 2009 (pièce R-3).
[33] Questionné au sujet de sa connaissance du contrat de garantie, il déclare ne pas se souvenir quand il l'aurait lu.
[34] Enfin, il témoigne ignorer ce qui serait couvert par la garantie de cinq (5) ans qui aurait été invoquée par Dargis lors de la visite d'un représentant de celui-ci en octobre 2008.
[35] M. Paul Dargis a ensuite été interrogé par le procureur du Bénéficiaire.
[36] Il témoigne être président de Dargis et que cette personne morale exerce ses activités depuis l'année 2000. Auparavant, il a également exercé des activités dans la construction résidentielle. Il témoigne également avoir une formation en génie mécanique et qu'il a agi, au niveau régional, à titre de membre de l'APCHQ depuis plusieurs années, de même qu'avoir siégé au conseil d'administration de cet organisme occupant différentes fonctions pendant quelques années à partir de l'année 2001. Il témoigne également avoir été administrateur, au niveau provincial, de l'APCHQ pendant les années où il fut président, au niveau régional, de cet organisme. Dargis aurait adhéré au plan de garantie de l'Administrateur depuis quelques années et les bâtiments résidentiels neufs construits par Dargis auraient fait l'objet de contrats de garantie avec des bénéficiaires conformément au Règlement.
[37] Il témoigne que lors de sa première visite à la résidence du Bénéficiaire, il n'aurait pas discuté du délai de six (6) mois prévu au contrat de garantie (pièce A-1) et au Règlement puisqu'il affirme qu'il ne connaissait pas ce délai.
[38] Questionné avec insistance à ce sujet, il précise que son rôle d'administrateur de l'APCHQ est différent de l'adhésion de Dargis au plan de garantie administré par l'Administrateur.
[39] Enfin, il précise avoir vu les fissures sur la partie avant droite de la résidence du Bénéficiaire en octobre 2008 lorsqu'il était assis dans son camion, lequel était stationné dans l'entrée de la résidence.
ARGUMENTATION DU BÉNÉFICIAIRE
[40] Le procureur du Bénéficiaire plaide que dans l'éventualité où le Tribunal d'arbitrage décidait que la découverte ou la survenance du vice ou en cas de vices ou de pertes graduelles, leur première manifestation, serait survenue en octobre 2008, il requiert que soit appliqué l'article 116 du Règlement, lequel stipule ce qui suit:
«116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l'équité lorsque les circonstances le justifient.»
[41] Par conséquent, le procureur du Bénéficiaire soumet que le Tribunal d'arbitrage devrait rejeter le moyen d'irrecevabilité de la demande de réclamation en ce que les circonstances de la présente affaire le justifient.
[42] À l'appui de ses prétentions, le procureur du Bénéficiaire plaide que la situation problématique a été rapidement portée à l'attention de Dargis, lequel s'est fait rassurant et aurait représenté qu'il existait une garantie de cinq (5) ans dans le cadre de la construction de la résidence du Bénéficiaire. De plus, le procureur soulève que Béton Boisvert aurait également confirmé la conformité de la pierre utilisée à l'époque de la construction. Il invoque également que le Bénéficiaire n'a jamais eu la possibilité d'obtenir les résultats des carottages du béton de la résidence.
[43] À titre d'argument additionnel justifiant l'application de la règle d'équité, le procureur soulève que la première occasion où il a été question de travaux correctifs considérables, soit la reconstruction des fondations du bâtiment, est survenue au printemps 2009.
[44] De plus, le Bénéficiaire aurait, selon son procureur, été rassuré par Dargis, qui aurait fait des représentations à l'effet que Béton Boisvert serait responsable de la qualité du béton et serait lui-même assuré, aux termes d'une police d'assurance responsabilité (ce qui n'a pas été mis en preuve). Le Bénéficiaire aurait même été, selon son procureur, rassuré du fait de l'implication du représentant de Dargis au sein du conseil d'administration de l'APCHQ, tant au niveau régional que provincial.
[45] Dans l'hypothèse où le délai de six (6) mois prévu à l'article 10 du Règlement et au contrat de garantie débutait le 6 octobre 2008, le Bénéficiaire serait hors délai d'une période d'un peu plus de un (1) mois en prenant pour acquit que la lettre adressée à M. Jacques Fortin, inspecteur au service de l'Administrateur, (pièce R-3), constituait la dénonciation par écrit exigée par le Règlement et le contrat de garantie.
[46] Considérant les circonstances, le procureur demande d'appliquer la règle d'équité et de rejeter le moyen d'irrecevabilité formulé par Dargis.
[47] À l'appui de ses présentations, le Bénéficiaire a soumis les trois (3) autorités suivantes:
1. Sylvie Tremblay c. Domaine des Belles-Amours inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., T.A., Me Jean Morin, arbitre, 5 juin 2006
2. Anne Fauchon c. Construction Quorum inc. et La Garantie des immeubles résidentiels de l'APCHQ inc., T.A., Me Johanne Despatis, arbitre, 26 octobre 2005
3. Stavroula Vassilakos c. Construction Jacques Pauzé inc. et Administrateur du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ), T.A., Me Bernard Lefebvre, arbitre, 28 août 2000.
[48] Enfin, le procureur du Bénéficiaire plaide que, d'une part, puisque les défauts à la résidence se seraient manifestés graduellement et qu'il y a eu des pourparlers de règlement et différentes actions par les intervenants jusqu'en avril 2009 et que ce n'est qu'à ce moment que les mesures correctives ont été proposées, soit le soulèvement complet de la résidence et le remplacement de ses fondations, le délai maximal de six (6) mois pour la dénonciation écrite à l'Administrateur aurait débuté à ce moment. Par conséquent, que ce soit le courriel et/ou la lettre du 11 mai 2009 (pièce R-3 en liasse) ou la lettre du 29 mai 2009 (pièce R-4), la dénonciation écrite à l'Administrateur par le Bénéficiaire aurait été faite dans un délai raisonnable et en-deçà de six (6) mois de la découverte des vices qu'il considère être cachés au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec. En fait, il prétend que les vices se seraient manifestés graduellement reportant ainsi le début du délai raisonnable au printemps 2009 et entraînant donc le rejet certain, selon lui, du moyen d'irrecevabilité.
ARGUMENTATION DE L'ADMINISTRATEUR
[49] D'emblée, le procureur de l'Administrateur soumet que même s'il y avait eu confusion entre l'APCHQ et l'Administrateur, aucune dénonciation écrite, conformément au Règlement et au contrat de garantie, n'a été transmise à l'Administrateur dans un délai raisonnable n'excédant pas six (6) mois de la découverte, soit des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil du Québec ou de la découverte ou survenance du vice ou en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.
[50] Aux fins de l'interprétation des dispositions du Règlement et celles stipulées au contrat de garantie, pertinentes au moyen d'irrecevabilité, le procureur de l'Administrateur a soumis un important cahier d'autorités comportant dix-sept (17) affaires, lesquelles s'identifient comme suit:
1. Côté c. Les constructions E.D.Y. inc., CCAC, 12 janvier 2010, Pierre Boulanger, arbitre
2. Syndicat de copropriété 7000 chemin Chambly c. Landry & Pépin construction inc., Soreconi, 23 octobre 2008, Michel A. Jeanniot, arbitre
3. Danesh c. Solico inc., Soreconi, 5 mai 2008, Jean Philippe Ewart, arbitre
4. Bélisle c. Les Habitations Gauvin-Hogue inc., GAMM, 14 avril 2008, Johanne Despatis, arbitre
5. Syndicat de copropriété du 4551-4565 de Niverville c. GDMD Développement inc., GAMM, 19 mars 2008, Claude Dupuis, arbitre
6. Rozycki c. Les Habitations Nouvelle ère (9107-3395 Québec inc.), GAMM, 20 août 2007, Claude Dupuis, arbitre
7. Dufour c. Rénovations René Gauthier inc, GAMM, 23 février 2007, Gilles Lavoie, arbitre
8. Lapointe c. Construction Réjean D'Astous inc., Soreconi, 25 octobre 2006, Alcide Fournier, arbitre
9. Clément c. 9069-2641 Québec inc. (Habitations Avantage), GAMM, 5 octobre 2006, Claude Dupuis, arbitre
10. Fleurant c. 9054-4651 Québec inc., Soreconi, 18 septembre 2006, Claude Mérineau, arbitre
11. Savu c. Construction René Voyer inc., Soreconi, 16 mai 2006, Michel A. Jeanniot, arbitre
12. Rakowski c. Les investissements OIS (1997) inc., Soreconi, 26 avril 2006, Michel A. Jeanniot, arbitre
13. Gougeon c. Les maisons Daniel Lamer inc., GAMM, 21 octobre 2005, Claude Dupuis, arbitre
14. Paul Blanchette Construction c. Letiecq, GAMM, 14 octobre 2005, Claude Dupuis, arbitre
15. Syndicat de copropriété du 4570-4572 de Bréboeuf inc. c. Construction Précellence inc., Soreconi, 5 septembre 2005, Alcide Fournier, arbitre
16. Gariépy c. Construction J. Thériault inc., Soreconi, 19 mai 2005, Marcel Chartier, arbitre
17. White c. Le Groupe Trigone Construction inc., GAMM, 28 mars 2005, Claude Dupuis, arbitre.
[51] Le procureur de l'Administrateur soumet que le Bénéficiaire devait, aux termes de l'article 1.1 de la section C du contrat de garantie (pièce A-1), dénoncer par écrit, dans le délai de garantie pertinent, à Dargis, le défaut de construction constaté et transmettre une copie de cette dénonciation à l'Administrateur en vue d'interrompre la prescription. Cette disposition contractuelle, soutient-il, respecte en tous points l'article 18, alinéa 1, du Règlement.
[52] Puisque, dans le présent dossier, cette dénonciation écrite n'a pas été communiquée à l'Administrateur dans le délai prévu à l'article 10 du Règlement et l'article 3 de la section «Garantie relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise» du contrat de garantie intervenu entre les parties (pièce A-1), le moyen d'irrecevabilité devrait être accueilli, tout comme l'a décidé l'inspecteur rendant la décision de l'Administrateur en date du 9 septembre 2009 (pièce A-7).
ARGUMENTATION DE L'ENTREPRENEUR
[53] Le procureur de Dargis a fait siennes les représentations de l'Administrateur quant au moyen d'irrecevabilité.
[54] Se référant à la preuve, il soumet que bien que la situation du Bénéficiaire apparaisse sympathique, la preuve a révélé que celui-ci connaissait l'existence du vice et que le délai raisonnable et, au surplus, celui de six (6) mois prévu au Règlement et au contrat de garantie, a été outrepassé. Considérant que le Bénéficiaire connaissait la gravité de la situation dès l'automne 2008 et que la règle d'équité devait jouer, s'il en est, en faveur de toutes les parties, il demande d'accueillir son moyen d'irrecevabilité.
ANALYSE ET DÉCISION
[55] À la révision de la preuve documentaire produite au dossier d'arbitrage, il importe, dans un premier temps, de faire ressortir certains constats afin de répondre adéquatement à la question qui se pose en l'instance.
[56] La déclaration de réception du bâtiment (pièce A-2) a été signée tant par l'Entrepreneur que le Bénéficiaire en date du 13 juillet 2005.
[57] Par conséquent, pour les fins d'application du Règlement et du contrat de garantie (pièce A-1), la demande de réclamation transmise par le Bénéficiaire l'a été dans la quatrième année de la réception du bâtiment. En effet, que cette demande de réclamation ait été dénoncée par écrit à l'Administrateur en mai 2009 ou en juin 2009, nous nous situons dans la quatrième année suivant la déclaration de réception.
[58] Les obligations de l'Administrateur, s'il en est, résulteraient donc de l'application de l'article 10, alinéa 5, du Règlement et de l'article 3.4 de la section «Garantie relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise» du contrat de garantie (pièce A-1), lequel vise la réparation des vices majeurs. Cet élément ressort de façon incontestable de la preuve administrée dans le cadre de l'audition et n'a fait l'objet, au surplus, d'aucune preuve contraire.
[59] Il est utile de rappeler que dans le cadre du présent arbitrage, le soussigné doit inévitablement se référer aux dispositions légales et contractuelles applicables et ne pas ajouter aux termes exprès décidés par le législateur et prévus contractuellement par les parties.
[60] L'article 10, alinéa 5, du Règlement précise ce qui suit:
«10. La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:
(…)
5o La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.»
(Soulignement de l'arbitre)
[61] De même, l'article 3.4, de la section «Garantie relative aux bâtiments non détenus en copropriété divise» prévue au contrat de garantie (pièce A-1), prévoit ce qui suit:
«3.4 Vice majeur
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. réparera les vices majeurs qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux et qui sont dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou souvenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.»
(Soulignement de l'arbitre)
[62] Tel qu'exprimé à la décision interlocutoire rendue en l'instance le 1er décembre 2009, de même que réitéré par les parties lors de l'audition, il fut demandé au Tribunal d'arbitrage de décider du moyen d'irrecevabilité soulevé par l'Entrepreneur à savoir:
«Le Bénéficiaire a-t-il respecté, pour la garantie applicable au sens du Règlement et du contrat de garantie, le délai de dénonciation écrite à l'Entrepreneur et à l'Administrateur?»
[63] Étant dans la quatrième année de la déclaration de réception du bâtiment (signifiant la fin des travaux en l'espèce), le Tribunal d'arbitrage doit donc décider si le Bénéficiaire a dénoncé par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur, «dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation».
[64] Les procureurs des parties ont soumis plusieurs décisions arbitrales au sujet de l'interprétation des termes des dispositions du règlement et contractuelles à l'égard de l'obligation de dénoncer, par écrit, à l'intérieur de la période de six (6) mois. Le Tribunal d'arbitrage a donc eu l'opportunité de réviser l'ensemble de ces autorités et faire parfois les distinctions qui s'imposent au niveau factuel.
[65] Avant de décider de ce que pourrait constituer le «délai raisonnable» de dénonciation écrite en l'instance, de même que la date d'expiration du délai de six (6) mois prévu à la disposition réglementaire et contractuelle décrite ci-avant, l'arbitre soussigné analysera comment a été qualifié ce délai en jurisprudence et quelles sont, éventuellement, les conséquences de son non-respect.
[66] Comme mentionné précédemment, le procureur du Bénéficiaire a soumis trois (3) autorités à l'appui de l'une des prétentions qu'il invoque, soit celle de la possibilité d'extentionner le délai de six (6) mois par application de la règle d'équité que l'arbitre peut, lorsque les circonstances le justifient, appliquer dans le cadre d'un arbitrage.
[67] Or, seule la décision dans l'affaire Sylvie Tremblay c. Domaine des Belles-Amours inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ rendue par l'arbitre, Me Jean Morin, le 5 juin 2006, pourrait, à première vue, appuyer les prétentions du Bénéficiaire. L'arbitre Morin conclut qu'un retard de deux (2) mois ne lui apparaissait pas «déraisonnable ou inéquitable pour l'Administrateur». Les faits qu'a eus à analyser l'arbitre Morin ne faisaient pas en sorte, selon lui, que le Bénéficiaire avait fait preuve de négligence ou qu'il avait tenté d'éviter les conséquences de sa propre turpitude.
[68] L'affaire impliquant Anne Fauchon c. Construction Quorum inc. et La Garantie des immeubles résidentiels de l'APCHQ inc. n'apparaît pas, au soussigné, utile puisque les dispositions qu'a eu à interpréter l'arbitre, soit celles résultant d'un certificat de garantie, ne sont pas les mêmes que celles applicables en l'instance.
[69] De plus, dans l'affaire Stavroula Vassilakos c. Construction Jacques Pauzé inc. et Administrateur du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs Association provinciale des constructeurs d'habitation du Québec (APCHQ) rendue par Me Bernard Lefebvre le 28 août 2000 confirme que le délai de six (6) mois de la découverte des malfaçons prévu, à l'époque, au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs applicable, en était un de rigueur. Néanmoins, la question pertinente dans cette affaire consistait davantage à déterminer le point de départ de la computation du délai.
[70] Les autorités soumises par le procureur de l'Administrateur sont beaucoup plus nombreuses.
[71] Analysées en ordre chronologique, le Tribunal d'arbitrage constate que les décisions des arbitres ayant eu à appliquer les dispositions du Règlement et les stipulations de contrats de garanties pertinentes au délai de dénonciation écrite de six (6) mois pour des demandes de réclamations visant des malfaçons, des vices cachés et des vices prévus à l'article 2118 du Code civil du Québec, ont évolué au fil des années.
[72] Bien que ce ne soit pas une étude complète des décisions arbitrales à ce sujet, le Tribunal constate que les arbitres ont parfois analysé les trames factuelles avant de conclure au caractère raisonnable ou non du dépassement du délai de six (6) mois ou pour décider s'il y avait des motifs ou des justifications pour expliquer un tel dépassement. Par contre, plusieurs des décisions, et cela apparaît à l'arbitre soussigné comme étant la tendance nettement majoritaire, ont confirmé que le Règlement, tel qu'applicable aux époques pertinentes, ne permettait pas à un arbitre de prolonger ou proroger ce délai. Comme l'a affirmé l'arbitre Marcel Chartier dans l'affaire Michel Gariépy c. Construction J. Thériault inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., la locution latine «Dura lex, ced lex» («La loi est dure, mais c'est la loi») est applicable à ce type de délai. En effet, ce délai de six (6) mois a été reconnu comme étant de droit et non de procédure. Par conséquent, tel que le prévoit l'article 116 du Règlement, un arbitre doit statuer conformément aux règles de droit et tout appel à l'équité, lorsque les circonstances le justifient, ne peut être d'utilité en cas de dépassement. Il en va du rôle de l'arbitre qui doit appliquer des règles que le législateur a imposé. De l'avis du Tribunal, cette règle d'équité pourrait être utile pour décider ce que constitue un délai raisonnable aux termes du Règlement mais ne pourrait permettre de changer les termes clairs employés par le législateur et qui limitent ainsi la compétence arbitrale. À ce sujet, le passage suivant de la décision dans l'affaire Gaétan Dufour c. Rénovations René Gauthier inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. rendue par l'arbitre Gilles Lavoie le 23 février 2007 est fréquemment cité en jurisprudence arbitrale:
«[47] Dans ce cadre, même s'il est très difficile d'avoir à rejeter une demande d'arbitrage alors que manifestement la preuve au mérite démontre clairement que les réparations qui devaient être effectuées n'ont jamais respecté les règles de l'art car elles n'ont jamais corrigé les défauts initiaux, force est de constater, après analyse du Règlement qui est clair et impératif sur ces questions et de toute la jurisprudence applicable à des affaires impliquant le respect des dits délais, qu'il s'agit de délais formels qu'il n'est tout simplement pas possible d'ignorer ou de contourner en invoquant l'équité.
[48] Ici, la responsabilité première du bénéficiaire était d'invoquer ses droits à l'intérieur des délais du Règlement et durant la période de validité de la Garantie. En attendant jusqu'au printemps 2006 pour agir, il a agi hors délai et hors de la période ou la Garantie pouvait valablement être invoquée. La plainte doit être rejetée.»
[73] Bien que la jurisprudence arbitrale majoritaire avait dégagé un certain consensus concernant les conséquences de l'outrepassement des délais maximaux de dénonciations écrites prévues au Règlement, force est d'admettre que l'arbitre Jean Philippe Ewart dans l'affaire Esmaeilzadeh Danesh c. Solico inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc., rendue le 5 mai 2008, a développé un raisonnement juridique particulièrement bien articulé et basé sur des autorités des tribunaux judiciaires qui confirment cette tendance majoritaire. Le passage suivant fait état des conclusions, que le soussigné partage, de l'arbitre Ewart:
«[64] In conclusion, this Court is of the view that:
§ The notice in writing to be given to the Contractor and the Manager in accordance with section 10 of the Regulation is in effect a denunciation, it must be in writing, it is essential and imperative, and, as the Manager is concerned, is a substantive condition precedent to the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.
§ The six month delays under section 10 of the Regulation are each in the nature of a delay of forfeiture, delays of forfeiture are of public order and the failure by the Beneficiary to give notice to the Manager in writing within such delay of six months extinguish the respective rights of the Beneficiary to require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration in connection thereto.
§ The foreclosure of the rights of the Beneficiary by the expiry of the six month delays under section 10, as the Manager is concerned, to have the Beneficiary require the coverage of the Guarantee Plan and to require arbitration respectively, are not subject to the provisions of suspension or interruption applicable in certain circumstances to delays of prescription.
§ The Court does not have discretion to extend the six month delays under section 10, including neither under 'an impossibility to act' concept nor any 'reasonable delay thereafter' element, both of which do not find application under section 10 of the Regulation.»
[74] Ayant à décider d'une autre affaire impliquant un moyen d'irrecevabilité basé sur le non-respect d'un délai maximal de dénonciation écrite à l'administrateur, l'arbitre, Me Jean Philippe Ewart, s'est de nouveau prononcé à ce sujet dans le cadre de l'affaire Niki Apollonatos & George Karounis c. Habitations Luxim inc. et La Garantie des maisons neuves de l'APCHQ inc, rendue le 4 juin 2008:
«[54] En résumé, la dénonciation prévue à l'article 10 du Règlement se doit d'être par écrit, est impérative et essentielle, le délai de six mois prévu au même article emporte et est un délai de déchéance, et si ce délai n'est pas respecté, le droit des Bénéficiaires à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l'arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.»
[75] Ainsi, tel que l'avait exprimé la jurisprudence arbitrale majoritaire et confirmé récemment par l'arbitre Jean Philippe Ewart dans les affaires Danesh et Apollonatos-Karounis, le délai maximal de dénonciation écrite en matière de vices prévu à l'article 2118 du Code civil du Québec constitue un délai de déchéance par application des règles de droit et ne peut, par conséquent, être modifié, par l'application de la règle d'équité. Si tel était le cas, l'arbitre ferait fi des règles de droit et ignorerait son rôle de décider dans le respect du cadre législatif qui est imposé. Dans le cas contraire, la décision arbitrale deviendrait tributaire d'une discrétion, basée sur l'application de la règle d'équité, qui risquerait d'être créatrice de droits et/ou d'obligations non spécifiquement prévus à la législation ni non plus par les parties au contrat de garantie qui intervient dans ce genre de dossier. Au surplus, si l'arbitre soussigné pouvait appliquer la règle d'équité en l'instance, ce qu'il ne peut pas pour les motifs exposés précédemment, ce contrat liant les parties (contrat de garantie pièce A-1) devrait être, de toute évidence, considéré. En effet, les parties à ce contrat ont reconnu avoir lu, compris et accepté toutes et chacune des clauses apparaissant à celui-ci et se sont engagées à les respecter. Une décision arbitrale qui aurait pour effet de changer les termes de ce contrat irait à l'encontre de la volonté déclarée des signataires.
[76] Qu'en est-il maintenant de l'application de ces principes juridiques aux faits en l'instance ?
[77] La première réclamation du Bénéficiaire fut adressée à Dargis par une lettre du 6 octobre 2008 (pièce R-1). Le Bénéficiaire a qualifié les fissures qu'il avait remarquées, après une discussion avec son voisin, qui lui avait fait remarquer les anomalies affectant sa résidence, comme étant «anormales». Le Bénéficiaire ajouta à cette dénonciation que «cela ressemble malheureusement à un problème de pyrite» et que trois (3) coins des fondations semblaient présenter ce problème. À l'appui de cette lettre étaient jointes deux (2) photos qui exposent une problématique, selon le Tribunal, impliquant davantage qu'une problématique de crépis de surface. Des photos couleur produites au dossier d'arbitrage démontrent des altérations importantes du solage et qui apparaissent affectées plus que la surface de crépis. De plus, le Bénéficiaire a également témoigné avoir reçu, à l'appui d'une lettre datée du 14 octobre 2008 de Dargis (pièce A-5), une lettre de Béton Boisvert concernant la problématique dénoncée à l'Entrepreneur. Or, ce spécialiste de béton a également qualifié les fissures d'«anormales» et que celles-ci requéraient une expertise pour démontrer la cause du problème. Dans ce contexte, il fut même proposé, et exécuté quelques semaines plus tard, un prélèvement par carottage du mur de fondation et ce, afin que soient analysés les matériaux en place. Il a été au surplus proposé par ce fournisseur, pour éviter les infiltrations d'eau par les fissures, l'installation d'une membrane d'étanchéité temporaire jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur la cause du problème. Témoignant être rassuré par Dargis mais n'avisant aucunement l'Administrateur conformément aux dispositions du Règlement et du contrat de garantie (qu'il ne se souvenait pas d'avoir lu), le Bénéficiaire attendit jusqu'au printemps suivant, après la visite d'un estimateur à sa résidence, avant de réactiver son dossier qui lui apparaissait, selon son témoignage, «en traitement». Il fut alors admis que, pour une première fois, le Bénéficiaire avisa, à la suggestion de Dargis, l'Administrateur des problèmes affectant la fondation de sa résidence. Ainsi, un courriel et une lettre furent transmis à l'Administrateur le ou vers le 11 mai 2009 (pièce R-3 en liasse).
Ce qui précède est également confirmé par la lettre datée du 29 mai 2009 (pièce R-4) expédiée à l'Administrateur par le Bénéficiaire et qui requérait «l'ouverture» du dossier de réclamation à cet organisme. Sans qu'il ne soit répété dans cette lettre que, selon le Bénéficiaire, la cause du problème en était une reliée à la présence de «pyrite», comme il fut mentionné à la lettre de dénonciation destinée à Dargis le 6 octobre 2008, le Bénéficiaire avisa l'Administrateur que des fissures «anormales» affectaient les fondations de sa résidence et que celles-ci étaient présentes à trois (3) coins desdites fondations. Essentiellement, le contenu de cette dénonciation écrite était relativement similaire à celle transmise plus de six (6) mois auparavant à Dargis.
[78] Par conséquent et en application des dispositions du Règlement et du contrat de garantie, cette dénonciation écrite à l'Administrateur, laquelle doit être transmise en surplus de celle adressée à l'Entrepreneur, excédait la période de six (6) mois de la découverte ou la survenance du vice. Bien plus, même si les pertes occasionnées à la résidence du Bénéficiaire pouvaient être considérées comme étant graduelles, cette dénonciation écrite excédait de six (6) mois leur première manifestation. En prenant pour acquis que la demande de réclamation du Bénéficiaire (pièce R-3) fut reçue par l'Administrateur le 12 mai 2009, le Bénéficiaire dépassait le délai de six (6) mois d'approximativement trente-cinq (35) jours.
[79] Le procureur du Bénéficiaire a plaidé que l'apparente confusion résultant du fait que le représentant de Dargis semblait liée à l'APCHQ (il a siégé tant au niveau régional que provincial à titre d'Administrateur pendant quelques années) et le fait que Dargis était membre de l'APCHQ et accrédité à La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. militeraient en faveur de la prolongation du délai de dénonciation écrite à l'Administrateur. Malgré ce qui précède, force est d'admettre qu'aucun avis écrit n'a été transmis à l'Administrateur avant ceux du mois de mai 2009.
[80] Selon le soussigné, au-delà des principes applicables au délai maximal prévu au Règlement et au contrat de garantie, tel qu'explicité ci-avant et sans juger même des conséquences possibles, s'il en est, d'une telle confusion alléguée, il n'y a pas eu de preuve prépondérante à ce sujet. D'ailleurs, en aucun moment dans son témoignage, le Bénéficiaire n'a associé son inaction à une telle confusion de rôle ni non plus soulevé celle-ci dans ses écrits produits au dossier.
[81] Après révision de la preuve, cet argument de confusion semble être plutôt la conséquence de la croyance du Bénéficiaire que Dargis «s'occupait» du dossier et que les travaux de celui-ci, de l'aveu même du représentant dudit Entrepreneur, étaient garantis pour cinq (5) ans. Au-delà même des principes applicables au délai maximal de dénonciation, cela ne peut, de l'avis du soussigné, constituer même une preuve de confusion.
[82] Enfin, l'avocat du Bénéficiaire a plaidé, subsidiairement, que le point de départ de la computation du délai de dénonciation écrite maximal de six (6) mois devait être fixé au printemps 2009. À l'appui de ses prétentions, le Bénéficiaire a fait un parallèle avec les dispositions de l'article 1739 du Code civil du Québec qui prévoient que la dénonciation d'un vice caché doit se faire dans un délai raisonnable. Or, l'appréciation par le Tribunal du caractère raisonnable d'un tel délai repose principalement sur le comportement des parties et sur la nature du vice. Lorsque le vice n'apparaît que graduellement, l'article 1739 du Code civil du Québec dispose que le délai commence à courir du jour où l'on a pu en soupçonner la gravité et l'étendu. Or, tel que vu précédemment, les problèmes identifiés, tant à l'automne 2008 qu'au printemps 2009, l'ont été durant la quatrième année de la signature de la déclaration de réception du bâtiment (pièce A-2). Pour les fins de l'application du Règlement et du contrat de garantie, la demande de réclamation du Bénéficiaire ne peut viser que la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil du Québec, qui apparaissent dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'Entrepreneur et à l'Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. Cela diffère des termes prévus à l'article 1739 du Code civil du Québec. Le soussigné est d'avis que la première manifestation du vice dénoncé par le Bénéficiaire ou de la perte graduelle constatée par ce dernier a eu lieu plus de six (6) mois de la dénonciation écrite à l'Administrateur. En effet et tel que le Bénéficiaire en a témoigné lors de l'audience, il «suspectait qu'il y avait un problème» en octobre 2008 et que les fissures étaient «anormales». En prenant connaissance de sa lettre de dénonciation écrite à l'Entrepreneur du 6 octobre 2008, il a confirmé ses soupçons en qualifiant même les manifestations d'un possible problème de «pyrite» et en requérant une expertise dans le plus bref délai.
[83] Conséquemment, le moyen d'irrecevabilité de l'Entrepreneur basé sur le non-respect du délai de dénonciation écrite à l'Administrateur dans un délai raisonnable qui ne doit pas excéder six (6) mois de la découverte ou survenance du vice ou en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation, est bien fondé.
[84] La décision de l'Administrateur rendue le 9 septembre 2009 est donc maintenue.
[85] Bien que ce qui suit ne fasse pas partie des motifs ayant conduit au rejet de la demande de réclamation du Bénéficiaire sur la base du non-respect du délai maximal de dénonciation écrite à l'Administrateur, il apparaît opportun au soussigné de préciser que la présente décision est rendue en application du Règlement et du contrat de garantie exclusivement. Ainsi, la présente décision qui tranche le moyen d'irrecevabilité soulevé n'est évidemment opposable que dans le cadre de l'application précise des dispositions du Règlement et du contrat de garantie. Cela n'a évidemment aucun effet sur tous recours que pourraient prétendre avoir le Bénéficiaire aux termes de toutes autres dispositions légales au sujet desquelles l'arbitre soussigné n'a aucune compétence.
[86] L'article 123, alinéa 2, du Règlement prévoit que lorsque le demandeur en arbitrage est le bénéficiaire et que ce dernier n'obtient gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, comme en l'instance, l'arbitre doit départager les coûts de l'arbitrage. Ainsi, ces coûts sont partagés de la façon suivante:
Le bénéficiaire en assumera une somme de 100,00 $, en plus des taxes applicables, et l'Administrateur du plan de garantie, le solde, en plus des taxes applicables.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D'ARBITRAGE:
[87] ACCUEILLE le moyen d'irrecevabilité soulevé par l'Entrepreneur;
[88] REJETTE la demande d'arbitrage du Bénéficiaire;
[89] MAINTIEN la décision de l'Administrateur rendue le 9 septembre 2009;
[90] LE TOUT avec frais (coûts de l'arbitrage) à être départagés entre le Bénéficiaire pour la somme de 100,00 $, plus les taxes applicables, et l'Administrateur pour la balance desdits frais, en plus des taxes applicables.
Québec, le 9 avril 2010
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Me Reynald Poulin
Arbitre / Centre canadien d'arbitrage commercial (CCAC)