CANADA Centre canadien d’arbitrage commercial
PROVINCE DE QUÉBEC C.C.A.C.
No. S05-1101-NP
Philippe Frenette
265 Rang 1
Sainte Rose de Watford, Québec
Demandeur-bénéficiaire
c.
La Garantie Qualité Habitation
375 Verdun, Bur. 201,
Québec, Québec
Représentant : M. Robert Linteau
Procureur : Me Stéphane Audy
Défenderesse
et
Construction Robert Quirion Inc.
795, 167e Rue
St-Georges de Beauce, Québec
G0S 3J0
Représentant : M. Robert Quirion
Entrepreneur mis en cause
Le 25 avril 2002, M. Philippe Frenette (ci-après le Bénéficiaire) signait un contrat avec « Construction Robert Quirion Inc. » (ci-après l’Entrepreneur pour la construction d’une maison unifamiliale. Ce contrat était couvert par le plan de « La Garantie Qualité Habitation » (ci-après la Garantie).
Plusieurs items étaient exclus du contrat d’entreprise tels l’excavation, le bois de charpente, l’électricité, le puit, la fosse septique, le champ d’épuration, un mur coupe gelée près de la porte au sous-sol, la peinture, le revêtement du sol, la terre de remblai et le sable. De plus, le terrain appartenait déjà au Bénéficiaire.
L’inspection pré-réception à la fin des travaux a eu lieu le 10 septembre 2002.
À la suite de plusieurs échanges entre le Bénéficiaire, l’Entrepreneur et la Garantie concernant des vices cachés, malfaçons ou autres que le Bénéficiaire constatait sur le bâtiment, la Garantie a effectué le 5 octobre 2005 une inspection et a produit son rapport en date du 13 octobre.
Le Bénéficiaire, dans une lettre à la Garantie en date du 25 octobre, refuse les conclusions du rapport.
Le 27 octobre 2005, il s’adressait au C.C.A.C. pour demander l’arbitrage des différends.
Le 1er décembre 2005, le C.C.A.C., après plusieurs échanges avec le Bénéficiaire pour compléter le dossier, notifiait aux parties la demande d’arbitrage suivant l’article 12 du Règlement d’arbitrage sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (R.A.P.G.).
Le 16 janvier 2006, le soussigné était pressenti par le Centre pour agir comme arbitre et le 28 février, il était saisi du dossier.
Après entente entre les parties, l’audition a été fixée le 24 mars au domicile du Bénéficiaire.
Le Tribunal arbitral explique aux parties la procédure qu’il entend suivre et les règles de droit et de preuves applicables.
Il y a consensus pour que les points en litige soient abordés selon la séquence du rapport de la Garantie du 13 octobre 2005.
1- Claquage de tuyaux de plomberie lorsque l’on active le robinet.
Selon le Bénéficiaire, il s’agit de tuyaux mal fixés dans les murs.
Selon la Garantie, une intervention a été faite par un plombier le 2 octobre 2004 et rien n’a été signalé par le Bénéficiaire avant le 30 août 2005. Le délai de 6 mois pour dénoncer une malfaçon a été dépassé.
2- Carreaux de céramique fissurés de chaque côté du bain ainsi qu’au plancher (4 tuiles près de la porte d’entrée).
Selon le Bénéficiaire, le bain a été mal installé par l’Entrepreneur, il n’est pas au niveau et cela a causé des problèmes lors de la pose de la céramique.
La Garantie et l’Entrepreneur font remarquer que la pose de la céramique était hors-contrat et qu’elle a été effectuée par un sous-traitant retenu par le Bénéficiaire qui selon ce dernier était un poseur de céramique d’expérience.
Le Bénéficiaire mentionne que le poseur de céramique a constaté la malfaçon dans l’installation du bain mais qu’il a quand même procédé à la pose de la céramique.
3- Le bain est mal installé; il ne serait pas au niveau.
Selon le Bénéficiaire, cette malfaçon dans l’installation du bain est la cause des fissures dans les carreaux de céramique.
La partie du bain vis-à-vis du drain est trop basse et à l’autre bout le bain est trop haut. En conséquence, une partie de la céramique s’insère sous le bain, partie fissurée et l’autre non.
Pour la Garantie, cette malfaçon était apparente lors de la prise de possession et aurait dû être dénoncée lors de l’inspection pré-réception.
De plus, la pose de céramique était hors-contrat.
4- Déformations au centre de la galerie qui aurait été causée par le soulèvement d’un pieu central.
Selon le Bénéficiaire, cette déformation n’aurait pas été remarquée durant l’hiver dernier.
La Garantie, pour sa part, indique qu’elle n’a rien constaté d’anormal. Par contre, elle mentionne dans son rapport qu’advenant le cas où une anomalie serait perceptible, son intervention demeure toujours possible jusqu’à l’échéance de la période de cinq (5) ans soit jusqu’au 10 septembre 2007.
5- La gouttière dans la section est de la galerie ne possède pas de chute.
Selon l’Entrepreneur, une descente de gouttière avait été prévue dans cette section et à cet effet, il a posé un drain dans le sol pour recevoir l’eau de la gouttière. Cependant, toujours selon l’Entrepreneur, le Bénéficiaire ne voulait pas de descente en façade pour cause d’esthétique.
Pour la Garantie, cette malfaçon était apparente et décelable lors de la prise de possession et n’a pas été dénoncée dans les délais prescrits.
6- Présence de mouches et coccinelles en abondance dans les fenêtres de l’étage.
Le bénéficiaire mentionne qu’il n’y avait pas de problème de mouches ou coccinelles durant la première année.
En août 2005, il s’est plaint à la Garantie et depuis ce problème s’est aggravé.
Selon lui, la présence de ces insectes à l’intérieur vient du fait que le revêtement de vinyle est mal posé et le papier coupe-vent n’est pas scellé autour des fenêtres.
La Garantie a pour sa part mentionné que ce type d’anomalie ne fait aucunement partie des couvertures du plan de garantie. De plus, elle indique dans son rapport que lors de sa visite, la porte de service du garage était complètement ouverte et celle menant du garage à la maison mal fermée. En ce qui concerne les allégations du Bénéficiaire concernant la malfaçon dans le pose du revêtement de vinyle, le procureur de la Garantie s’objecte à ce que le sujet soit abordé lors de l’audition car ce problème n’a pas été dénoncé officiellement à la Garantie.
Objection que le Tribunal arbitral retient.
7- La porte entre la maison et le garage ne ferme pas complètement de façon automatique.
Selon le Bénéficiaire, cette porte a toujours été mal ajustée.
L’Entrepreneur mentionne que les charnières sont munies de ressorts et qu’il s’agit d’un mauvais ajustement.
8- L’échangeur d’air ne fonctionne pas dans les chambres d’enfants.
Le Bénéficiaire mentionne qu’il n’y a pas de sortie d’air dans les chambres et que l’air y est souvent vicié.
Pour la Garantie et l’Entrepreneur, l’échangeur d’air a été installé selon les normes du Code National du Bâtiment par un sous-traitant spécialisé. Il s’agit d’un échangeur récupérateur de chaleur avec trois sorties dont une au sous-sol, une au rez-de-chaussée et une à l’étage. Il n’y avait pas de sortie de prévu dans les chambres à l’étage.
Selon la Garantie et l’Entrepreneur, le Bénéficiaire en aménageant au sous-sol une pièce fermée où se trouve une des sorties, a perturbé le bon fonctionnement de l’échangeur. De plus, selon eux, un tel échangeur ne peut pas être efficace si les portes de chambres sont fermées.
9- Un muret près de la porte extérieure du sous-sol serait démuni de semelle de fondations.
Sur une photo prise par le Bénéficiaire après la mise en place des semelles de fondations, il est possible de voir qu’il n’y avait pas de semelle de prévue pour ce muret.
Selon l’Entrepreneur, c’est le Bénéficiaire lui-même qui aurait demandé que ce muret ne repose pas sur une semelle.
Toujours selon l’Entrepreneur pour minimiser les risques de problème, il a fait installer des techno pieux qui s’enfoncent bien en-dessous de la ligne de gel jusqu’à une profondeur d’environ 10 pieds pour supporter la galerie et les colonnes du toit.
10- La plinthe de la salle de bain à l’étage a été installée plus haute que la céramique.
Il s’agit de la plinthe en bois au bas des murs qui selon le Bénéficiaire est installée trop haute. Un joint de calfeutrage a dû être posé pour compenser cette malfaçon.
Pour la Garantie, cette malfaçon était facilement décelable lors de la pré-inspection et n’a pas été dénoncée dans les délais prescrits.
11- Le Bénéficiaire indique qu’il attend toujours le système d’alimentation en eau tel que stipulé au contrat.
La Garantie indique que selon les documents, il est spécifié que le puit est hors-contrat et rien n’est indiqué concernant la fourniture ou le remplacement d’une pompe d’alimentation. La spécification de « système d’alimentation en eau » est propre à la tuyauterie d’alimentation et non aux diverses composantes pour alimenter ce système.
En plus des points du rapport, le Bénéficiaire a mentionné que la main courante de l’escalier est mal assujettie et bouge sous une pression normale tel que démontré lors de l’audition.
Le Bénéficiaire mentionne aussi que les fondations de sa résidence étaient cassées en plusieurs endroits. Il indique qu’il a constaté l’ampleur de cette situation en mars 2006 et demande que le problème soit soumis à l’arbitrage de même que celui du revêtement de vinyle.
Le Procureur de la Garantie s’objecte à ce que ces deux éléments soient soumis au Tribunal arbitral car il s’agit de nouveaux problèmes qui n’ont pas encore été dénoncés officiellement à la Garantie et cette dernière n’a pas pris connaissance de l’ampleur des problèmes.
Le Tribunal arbitral retient l’objection du Procureur et suggère au Bénéficiaire de procéder de la même façon que les autres éléments et d’attendre l’inspection de la Garantie.
D’un commun accord cependant vu leur présence sur les lieux, les parties acceptent de visualiser les deux éléments ci-devant mentionnés.
DÉCISION ARBITRALE
1- Claquage de tuyaux de plomberie lorsqu’on active le robinet :
Cette anomalie a déjà fait l’objet d’une intervention par un plombier en octobre 2004. Il y a encore un léger claquage dans la tuyauterie.
Le Tribunal d’arbitrage est d’avis que la Garantie ne peut se retrancher derrière le délai de six mois pour ne pas ré-intervenir de nouveau. La constatation de ce claquage est réapparu au cours de l’année suivant l’intervention de la Garantie.
La Garantie devra donc intervenir à nouveau pour corriger ou atténuer ce claquage.
2- Carreaux céramique fissurés de chaque côté du bain ainsi qu’au plancher :
La pose de la céramique était exclue du contrat d’entreprise couvert par le plan de Garantie.
Le sous-traitant poseur de céramique retenu par le Bénéficiaire a constaté de l’affirmation même de ce dernier une anomalie dans l’installation du bain.
De l’avis du Tribunal arbitral, il était de la responsabilité du sous-traitant qui, selon le Bénéficiaire était un poseur de céramique d’expérience, de refuser de poser la céramique et de faire effectuer les corrections nécessaires. À ce stade des travaux, les corrections auraient pu être apportées assez facilement.
En acceptant de poser la céramique malgré le fait qu’il avait constaté une anomalie dans la pose du bain, on peut supposer que le sous-traitant ne considérait pas que cette anomalie pouvait causer de problème.
En conséquence, la Garantie n’a pas à intervenir pour corriger les fissures dans la céramique.
3- Le bain est mal installé, il ne serait pas au niveau :
En référence au point 2 ci-devant, lorsque le Bénéficiaire a été informé par le sous-traitant retenu pour la pose de la céramique que le bain était mal installé, il aurait dû demander à l’Entrepreneur ou à la Garantie de corriger cette malfaçon.
En acceptant de laisser poser la céramique malgré cette malfaçon, implicitement, il en acceptait les conséquences.
La Garantie est justifiée d’invoquer la prescription au niveau des délais pour ne pas intervenir.
4- Déformation au centre de la galerie qui aurait été causé par le soulèvement d’un pieu central :
Il semble que ce problème se soit résorbé car aucune déformation n’est réapparue durant la dernière saison hivernale.
Tel que mentionné par la Garantie, le Bénéficiaire advenant le cas où cette anomalie se manifesterait à nouveau pourra toujours faire appel à la Garantie pour corriger la situation en vertu de l’article 6.4.2.5 du Plan de garantie. Pour le moment, cette dernière n’a pas à intervenir pour corriger cette possible anomalie.
5- La gouttière dans la section est de la galerie ne possède pas de chute :
Il y a contradiction entre le témoignage du Bénéficiaire et celui de l’Entrepreneur concernant cet élément.
L’Entrepreneur prétend que c’est le Bénéficiaire lui-même qui s’est objecté à la pose d’une telle descente en façade pour une question esthétique. Il affirme qu’un tuyau de drainage dans le sol a été prévu pour recevoir l’eau de la descente ce qui a d’ailleurs été constaté lors de la visite des lieux.
Quoiqu’il en soit, rien n’a été mis en preuve lors de l’audition à l’effet que le Bénéficiaire aurait reçu un crédit de l’Entrepreneur pour l’absence de cette descente.
En ce qui concerne les prétentions de la Garantie à l’effet que cette malfaçon était apparente lors de la prise de possession, il appert que ce n’est qu’à l’usage que le Bénéficiaire a constaté que cela causait un problème.
Par conséquent, la Garantie devra faire installer une descente en façade tel que prévu originalement.
6- Présence de mouches et de coccinelles en abondance dans les fenêtres de l’étage :
La présence de ces insectes à l’intérieur de la maison est indéniable.
Selon des spécialistes en extermination consulté par le Tribunal arbitral, de tels insectes se retrouvent souvent à l’intérieur des maisons surtout en milieu rural.
Les avis sont partagés quant à la façon dont ces insectes s’introduisent à l’intérieur mais les spécialistes ont indiqué que la majorité du temps, ils s’introduisent par l’entre toit et de là, ils s’infiltrent à l’intérieur par les chambres d’air dans les murs.
Il est difficile pour le Tribunal arbitral de relier ce problème d’insectes à une malfaçon ou un vice de construction. L’obligation de ventiler l’entre toit laisse nécessairement des ouvertures par où les insectes peuvent s’introduire.
De même, les spécialistes ne relient pas leur présence en quantité importante à l’intérieur, aux habitudes de vie des occupants.
Il ne semble pas y avoir beaucoup de solution pour régler ce problème.
Selon eux, seul un programme de contrôle d’insectes établi par une entreprise spécialisée en extermination peut atténuer le phénomène et éventuellement l’éradiquer. Un tel programme prévoit normalement un traitement intérieur de la maison et de son environnement extérieur vers la fin de l’été.
En conséquence, le Tribunal arbitral ne peut que suggérer au Bénéficiaire de consulter un tel spécialiste.
7- La porte entre la maison et le garage ne ferme pas complètement de façon automatique :
Il semble qu’il y ait déjà eu des ajustements aux charnières de cette porte mais que le problème soit toujours présent.
Le Tribunal arbitral demande à la Garantie de faire procéder à un ajustement approprié de ces charnières.
8- L’échangeur d’air ne fonctionne pas dans la chambre des enfants :
L’échangeur d’air semble avoir été installé suivant les normes du manufacturier et du Code National du Bâtiment.
Le nombre de sorties est conforme au C.N.B. Rien n’obligeait l’Entrepreneur à prévoir des sorties dans les chambres.
La Garantie n’a pas à apporter de correction.
9- Un muret de béton près de la porte extérieure du sous-sol serait démuni de semelle de fondation :
Selon le témoignage des parties et les photos prises, une telle semelle n’a jamais été prévue.
L’Entrepreneur, en faisant installer des techno-pieux pour supporter la galerie et les colonnes du toit, a agit avec prudence de façon à minimiser l’impact de l’absence de semelle.
En conséquence, la Garantie n’a pas à intervenir à ce sujet.
10- La plinthe de la salle de bain de l’étage a été installée plus haute que la céramique :
Il s’agit, selon le Tribunal d’arbitrage, d’une malfaçon mineure qui était décelable lors de la prise de possession. De plus, cette malfaçon a été atténuée par la pose d’un joint de calfeutrage et ne vient pas diminuer la qualité de la construction.
La Garantie n’a pas à intervenir à ce sujet.
11- Le système d’alimentation en eau :
Comme le puit était hors contrat, la Garantie n’a pas à intervenir à ce sujet.
Lors de la visite des lieux, le Bénéficiaire a indiqué et démontré selon lui que la rampe de l’escalier menant à l’étage était mal assujettie et bougeait même sous une poussée normale. Ce problème était porté pour la première fois à la connaissance de la Garantie et de l’Entrepreneur.
Selon ce dernier, la rampe et le poteau ont été installés selon les méthodes habituelles.
Même si certains comportements des occupants ont peut-être contribué à cet affaiblissement, le Tribunal arbitral demande à la Garantie de faire assujettir de façon plus rigide le poteau au bas de l’escalier.
En conclusion, le Tribunal arbitral prend note que le Bénéficiaire a informé les autres parties que les fondations de sa maison étaient cassées à quelques endroits et que le revêtement de vinyle était mal posé. Il prend aussi note à l’effet que ces éléments n’ont pas encore fait l’objet d’un processus de réclamation auprès de la Garantie. Le Procureur de cette dernière a mentionné au Bénéficiaire qu’il devra suivre la procédure habituelle pour que sa cliente intervienne par rapport à ces nouveaux éléments.
Québec, le 20 avril 2006
L’Arbitre
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Claude Desmeules, ing.