En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :
Société pour la résolution des conflits inc. (SORECONI)
ENTRE SYNDICAT EN COPROPRIÉTÉ 670 MANOIR MASSON
(ci-après « le Bénéficiaire »)
ET DÉVELOPPEMENT MAGMA INC
(ci-après « l’Entrepreneur »)
ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L'APCHQ INC
(ci-après « l’Administrateur »)
No dossier Garantie: 09-078ES
No dossier SORECONI : 090304001
Arbitre : Guy Pelletier
Pour le Bénéficiaire : Madame France Beauchamp, présidente
Pour l’Entrepreneur : Me Sonia Beauchamp, Beauchamp Brodeur
Pour l’Administrateur : Me Élie Sawaya, Savoie Fournier
Date de la décision: le 15 mars 2010
Mandat :
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 19 mars 2009.
Historique et pièces :
12 septembre 2006 : Déclaration de copropriété
27 septembre 2006 : Avis de fin des travaux des parties communes du bâtiment (pièce E-1)
28 septembre 2006 : Déclaration de réception des parties communes
1 août 2007 : Constitution du Syndicat 670 Manoir Masson
28 novembre 2007 : Minutes d’une réunion du Syndicat en copropriété
27 février 2008 : Liste par le Bénéficiaire des travaux à être exécutés
5 février et 13 mars 2008 : Correspondance de l’Entrepreneur relative aux déficiences à corriger
31 mars 2008 : Liste de déficiences transmise à l’Entrepreneur et copie à l’Administrateur
23 mai 2008 : Mise en demeure concernant l’installation de deux fenêtres
29 juin 2008 : Demande de réclamation du Bénéficiaire
4 juillet et 21 août 2008 : Listes de travaux à exécuter
16 janvier 2009 : Liste de déficiences supplémentaires et avis de contestation de la réception des parties communes
18 février 2009 : Décision de l’Administrateur
4 mars 2009 : Demande d’arbitrage
27 avril 2009 : Première conférence préparatoire
22 juin 2009 : Deuxième conférence préparatoire
11 août 2009 : Troisième conférence préparatoire
16 novembre 2009 : Audition sur l’objection préliminaire soulevée par l’Administrateur
26 novembre 2009 : Décision arbitrale interlocutoire sur l’objection soulevée par l’Administrateur
16 février 2010 : Audition sur la contestation de la date de réception des parties communes
Introduction :
[1] Le Bénéficiaire conteste la décision de l’Administrateur en regard de la date qui a été établie pour la réception des parties communes. Le Bénéficiaire prétend que l’Entrepreneur n’a pas respecté les exigences réglementaires de sorte que la date ayant servi à déterminer le début de la garantie doit être annulée et demande au Tribunal de déterminer une nouvelle date conforme.
[2] Les copropriétaires ont occupé progressivement le bâtiment à titre de locataires, à partir du mois de mai 2006, suite à une entente avec l’entrepreneur-vendeur, représenté par monsieur Yan Le Houillier.
[3] Le 13 septembre 2006, la Déclaration de copropriété relative au 670 Montée Masson est publiée; le déclarant, Développement Magma Inc., est l’unique propriétaire (article 1.1)[1] et le seul administrateur provisoire (article 99).
[4] Le 27 septembre 2006, monsieur Yan Le Houillier, président de Développement Magma Inc., signe une lettre à l’intention des copropriétaires, qui a pour objet « avis de fin des travaux des parties communes du bâtiment ». Monsieur Le Houiller les invite à assister à l’inspection des travaux des parties communes le lendemain, le 28 septembre. Il précise qu’il a mandaté un professionnel à cette fin.
[5] La date de réception des parties communes est établie au 28 septembre 2006, suite à l’inspection faite par l’architecte Asselin, dont les services ont été retenus par l’Entrepreneur. Yan Le Houillier déclare avoir reçu l’avis de fin des travaux des parties communes et signe une copie de la Déclaration de réception des parties communes du bâtiment au nom du syndicat des copropriétaires (document Étape 5B).
[6] Ce même jour, selon la preuve déposée par l’Entrepreneur, la vente des quatre premières unités en copropriété est conclue, tel qu’il apparaît à l’index des immeubles. (Les trois autres unités seront vendues plus tard, en octobre 2006 et juin 2007)
[7] Le Syndicat en copropriété du 670 Manoir Masson est constitué le 1er août 2007.
[8] Le 28 novembre 2007, le Syndicat en copropriété tient une réunion des copropriétaires. Il est mentionné, dans le compte-rendu de la rencontre, que le Syndicat envisage de demander à un inspecteur en bâtiment de faire l’inspection des lieux. Cette position fait suite à une lettre reçue de l’Entrepreneur le 23 août 2007 dont le contenu n’a pas été précisé.
[9] En mars 2008, une liste de déficiences est transmise à l’Entrepreneur par le Bénéficiaire. Ce dernier précise qu’il a reçu en novembre 2007, les documents relatifs au transfert de la gestion de l’immeuble ainsi que le document « Étape 5B » relatif à la réception des parties communes.
[10] Le 29 juin 2008, le Bénéficiaire fait une réclamation à l’Administrateur.
[11] Le 18 février 2009, l’Administrateur rejette la réclamation sur la presque totalité des points parce qu’ils ne revêtent pas les critères de vices cachés et qu’ils ont été dénoncés tardivement, dans la deuxième année de la garantie.
[12] Le 4 mars suivant, le Bénéficiaire conteste la décision reçue et dépose une demande d’arbitrage.
[13] Lors des conférences téléphoniques qui ont précédé l’audition, le Bénéficiaire a indiqué qu’il entendait contester la date du 28 septembre 2006, établie par l’Entrepreneur pour fixer la réception des parties communes.
L’audition :
[14] Au nom du Bénéficiaire, madame France Beauchamp, conteste le fait que la date du 28 septembre 2006 soit retenue comme date de réception des parties communes. Elle plaide que la procédure suivie par l’Entrepreneur n’est pas conforme aux articles 25 et 25.1 ainsi qu’aux articles 12 et 13 de l’Annexe II du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, (ci-après le « Règlement »).
[15] Contrairement aux prétentions de l’Entrepreneur, elle affirme ne pas avoir reçu l’avis de fin des travaux prétendument transmis le 27 septembre 2006 aux copropriétaires du 670 Montée Masson. Monsieur Germain Caron, secrétaire-trésorier du syndicat, témoigne dans le même sens.
[16] Me Sonia Beauchamp, procureur de l’Entrepreneur, dépose une facture de Purolator en date du 29 septembre 2006 (pièce E-1) qui, selon elle, prouve que l’avis de fin des travaux a été transmis aux copropriétaires le 27 septembre 2006. Ce document contient une liste de certains copropriétaires actuels sans toutefois préciser l’adresse de chacun d’eux. Accompagne cette facture, l’index des immeubles transmis par courriel aux parties 4 jours avant l’audition.
[17] M. Germain Caron conteste cette preuve car la facture n’indique pas quel document a été transmis et questionne le fait qu’aucune signature ne confirme la réception d’un tel document par les occupants.
[18] Madame France Beauchamp soutient que l’Entrepreneur ne pouvait retenir lui-même les services d’un professionnel pour l’inspection des travaux, ni signer la Déclaration de réception des parties communes au nom du syndicat des copropriétaires le 28 septembre 2006 tel qu’il apparaît sur le formulaire.
[19] En argumentation, madame France Beauchamp dépose un extrait d’une décision de l’arbitre Edwards[2] en date du 7 juin 2006 qui, selon elle, démontre que la procédure suivie n’est pas conforme au Règlement :
[19.1] « De plus, selon la jurisprudence arbitrale en la matière, l’Entrepreneur ne peut pas mandater un professionnel aux fins de l’article 25 du Règlement en sa qualité de représentant du syndicat de copropriété et ne peut pas signer le formulaire de l’Étape 5B en sa qualité d’Entrepreneur et de représentant du syndicat de copropriété : le formulaire de l’Étape 5B complété ainsi n’est pas conforme à l’article 25 du Règlement. »
[20] Contrairement aux exigences de l’article 33 du Règlement, madame France Beauchamp argumente que l’inspection des travaux des parties communes n’a pas été faite conjointement par l’entrepreneur, le professionnel choisi par le syndicat des copropriétaires et ce dernier.
[21] Madame Beauchamp témoigne à l’effet que le Syndicat en copropriété 670 Manoir Masson a été constitué le 1er août 2007 et que l’Entrepreneur a signé le formulaire « confirmation de parachèvement des menus travaux » (pièce B-2) le 24 août suivant.
[22] Elle affirme que tous les documents relatifs à la prise de contrôle du syndicat ont été transmis en « paquet » aux copropriétaires en novembre 2007. Parmi ces documents, se trouvait l’analyse des déboursés dus à l’Entrepreneur jusqu’au 1er novembre 2007 (pièce B-3).
[23] Aucune des parties, n’a été en mesure de confirmer l’existence d’un Contrat de garantie signé entre les acheteurs et l’Entrepreneur.
[24] À la question de Me Sonia Beauchamp, procureur de l’Entrepreneur, madame France Beauchamp reconnaît, sans toutefois se prononcer sur la qualité des travaux, que ceux-ci étaient terminés en septembre 2006, à l’exception de la rue et des trottoirs.
[25] Le Bénéficiaire demande donc que la date de la réception des parties communes, qui a été établie par l’Entrepreneur au 28 septembre 2006, soit annulée et révisée par le Tribunal au 1er mai 2007, soit 6 mois après la réception de tous les documents nécessaires à la prise de contrôle du syndicat par les copropriétaires, tel que le prévoit l’article 25.1 du Règlement.
[26] Me Sonia Beauchamp argumente qu’il faut examiner indépendamment les articles 25 et 25.1 du Règlement car il s’agit de deux situations bien différentes. Elle ajoute que les exigences réglementaires ont été respectées : les copropriétaires ont reçu l’avis de fin des travaux, le mandat d’inspection a été confié à un professionnel du bâtiment et l’Entrepreneur avait le droit de signer les documents en tant qu’administrateur du syndicat.
[27] À l’appui de son argumentation, Me Beauchamp cite les articles 1038 et 1039 du Code Civil du Québec à l’effet que le syndicat existe dès la publication de la Déclaration de copropriété et qu’il est le bénéficiaire de la garantie tel que prévu à l’article 1 du Règlement.
[28] Considérant que le Bénéficiaire n’a entrepris aucune démarche pour prendre le contrôle du syndicat et qu’il a attendu l’Entrepreneur, il ne serait pas équitable, selon Me Beauchamp, de modifier la date de réception des parties communes dans le contexte où l’Entrepreneur est de bonne foi et a respecté toutes les exigences réglementaires.
[29] Me Élie Sawaya plaide pour l’Administrateur à l’effet que la jurisprudence déposée par le Bénéficiaire n’est pas applicable car, dans la cause citée, l’entrepreneur n’avait pas envoyé d’avis de fin des travaux des parties communes aux bénéficiaires connus ni au syndicat des copropriétaires, conditions essentielles pour la réception, contrairement à la situation qui prévaut dans cette cause.
[30] Me Sawaya argumente que les articles 25 et 33 du Règlement ont été respectés et qu’il n’y a pas lieu de plaider sur l’article 25.1.
[31] Il rappelle aussi que l’avis de fin des travaux a été transmis par Purolator le 27 septembre 2006, que le professionnel a été choisi par le syndicat et cela, « peu importe qui porte le chapeau ». À cet effet, Me Sawaya réfère à l’article 31 du Règlement qui se lit ainsi :
[31.1] 31. La garantie d'un plan s'applique à une partie privative qui n'a pas de bénéficiaire à la fin des travaux des parties communes pour autant que la réception de la partie privative ait lieu dans les 24 mois qui suivent cette fin des travaux.
La garantie relative aux vices de conception, de construction ou de réalisation et aux vices du sol au sens de l'article 2118 du Code civil est toutefois limitée au terme qui reste à courir à la garantie.
[32] Puisque le Règlement prévoit que la garantie des parties communes est maintenue malgré l’absence d’un bénéficiaire d’une partie privative, Me Sawaya en vient à la conclusion que, pour ce faire, « l’entrepreneur peut s’envoyer l’avis de fin des travaux à lui-même », démontrant ainsi que l’entrepreneur peut être le représentant du syndicat.
Analyse :
[33] Le Tribunal doit établir à la lumière de la preuve présentée, si la date du 28 septembre 2006, date de la réception des parties communes, a été établie conformément aux exigences réglementaires.
[34] Le Décret 39-2006, publié le 25 janvier 2006, a modifié la définition de la réception des parties communes de l’article 25, pour permettre la réception des parties communes sous réserve de menus travaux à parachever, pour les travaux débutant à compter du 7 août 2006.
[35] Or, dans ce dossier, les travaux ayant débuté avant le 7 août 2006, il faut s’appuyer sur la définition non amendée de la fin des travaux des parties communes qui se lit ainsi :
[35.1] «25. …
«fin des travaux des parties communes»: la date à laquelle tous les travaux de l'entrepreneur convenus par écrit avec le bénéficiaire et relatifs aux parties communes sont exécutés et le bâtiment est en état de servir conformément à l'usage auquel on le destine;
…
«réception des parties communes»: l'acte par lequel un professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires déclare la date de la fin des travaux des parties communes. Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires.
[36] Il a été mis en preuve (pièce B-2) que la confirmation de parachèvement des menus travaux a été signée par l’Entrepreneur le 24 août 2007. En vertu du droit applicable, ce seul événement pourrait suffire pour statuer que la réception des parties communes ne pouvait avoir eu lieu avant cette date, car tous les travaux n’étaient pas exécutés.
[37] Cependant, il y lieu d’examiner l’ensemble des mécanismes de mise en œuvre de la garantie.
[38] L’article 25 du Règlement est très formel quant à la procédure à suivre pour faire la réception des parties communes. Notamment l’entrepreneur doit expédier un avis de fin des travaux à chaque bénéficiaire connu, soit une personne physique ou morale qui a conclu un contrat de vente.
[39] L’Entrepreneur affirme avoir transmis l’avis de fin des travaux à tous les bénéficiaires le 27 septembre 2006. Même si cette preuve a été mise contestée par le Bénéficiaire, il faut cependant noter qu’à cette date, il n’y avait aucun bénéficiaire de la garantie puisque les occupants étaient encore locataires. Aucun loyer mensuel n’a été exigé des locataires, mais plusieurs ont dû, en contrepartie, déposer un montant de plusieurs milliers de dollars chez le notaire jusqu’à la signature de l’acte de vente.
[40] Selon les documents déposés par l’Entrepreneur, les premières ventes des unités ont été conclues le 28 septembre 2006, tel qu’il apparaît sur l’index des immeubles (E-1).
[41] Enfin selon l’article 25, l’entrepreneur doit aussi expédier l’avis de fin des travaux au « syndicat des copropriétaires ». Or, le 27 septembre 2006, le syndicat des copropriétaires n’était pas encore constitué. Le seul syndicat de copropriété connu, à ce moment-là, était le « syndicat de la (sic) Les Manoirs Masson Bloc A »[3] qui avait, comme seul administrateur, l’Entrepreneur dont le siège social est à la même adresse que sa place d’affaires, à Laval.
[42] L’Entrepreneur a plaidé que la publication de la Déclaration de copropriété avait pour effet de créer un syndicat de copropriété au sens du Code Civil du Québec et qu’ainsi, rien dans le Règlement n’interdisait à l’entrepreneur de représenter le syndicat des copropriétaires.
[43] Suivant cette logique, l’Entrepreneur aurait dû faire la preuve, situation incongrue, qu’il s’est formellement expédié un avis de fin des travaux à titre de représentant du « syndicat de la (sic) Les Manoirs Masson Bloc A ».
[44] Malgré tout cela, est-ce que l’Entrepreneur peut mandater lui-même le professionnel et signer la déclaration de réception des parties communes au nom du syndicat des copropriétaires?
[45] Se référant à l’article 25 du Règlement, l’arbitre Despatis[4], répond de façon négative à cette question :
[45.1] « Ainsi, selon cette disposition, la réception des parties communes est l’aboutissement d’un processus par lequel le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat, donc l’acheteur, reconnaît qu’on a complété les travaux relatifs aux parties communes à une date donnée. L’article 25 veut que cette reconnaissance soit mise en mouvement par la transmission à chaque copropriétaire connu d’un avis formel de l’entrepreneur le notifiant qu’il estime avoir complété les travaux. »
[46] Rappelons ici la décision de l’arbitre Edwards[5] qui a aussi statué dans le même sens :
[46.1] «…l’Entrepreneur ne peut pas mandater un professionnel aux fins de l’article 25 du Règlement en sa qualité de représentant du syndicat de copropriété et ne peut pas signer le formulaire de l’Étape 5B en sa qualité d’Entrepreneur et de représentant du syndicat de copropriété : le formulaire de l’Étape 5B complété ainsi n’est pas conforme à l’article 25 du Règlement. »
[47] L’article 33 du Règlement précise, dans le mécanisme de mise en œuvre de la garantie, que l’inspection doit être effectuée conjointement par l'entrepreneur, le professionnel du bâtiment choisi par le syndicat de copropriétaires et ce dernier. Le législateur, qui ne parle pas pour ne rien dire, a jugé nécessaire d’utiliser l’expression « conjointement » pour identifier le syndicat des copropriétaires à titre d’acteur distinct de l’entrepreneur.
[48] L’article 25.1 crée, sous certaines conditions, une obligation de diligence pour le syndicat des copropriétaires, afin qu’il procède à la réception des parties communes, à défaut de quoi la réception est présumée.
« 25.1 Aux fins de la présente sous-section, la réception est présumée avoir eu lieu au plus tard 6 mois après la réception de l’avis de fin de travaux si les conditions suivantes sont remplies :
1o les travaux sont terminés :
2o le syndicat est formé et n’est plus sous le contrôle de l’entrepreneur;
3o l’avis de fin de travaux transmis au syndicat par l’entrepreneur l’informait de la fin des travaux et de ses obligations en regard de la réception;
4o il s’est écoulé un délai de 6 mois depuis la réception de cet avis par le syndicat et ce dernier, sans motif, n’a pas reçu les parties communes. »
[49] Cet article a pour but d’éviter à un entrepreneur de subir un préjudice par la faute d’un syndicat de copropriétaires négligent qui tarderait indûment à faire la réception des parties communes.
[50] Si le Législateur avait eu l’intention de permettre à l’entrepreneur d’agir au nom du syndicat des copropriétaires, il n’aurait certes pas jugé nécessaire d’introduire cet article dans le Règlement laissant à l’entrepreneur la liberté de procéder lui-même la réception des parties communes.
[51] L’Administrateur a soumis comme argument, que le Règlement donnait ouverture à la possibilité pour l’entrepreneur de faire lui-même la réception de ses travaux des parties communes en vertu de l’article 31 puisque « la garantie d’un plan s’applique à une unité privative qui n’a pas de bénéficiaire à la fin des travaux des parties communes pour autant que la réception de la partie privative ait lieu dans les 24 mois qui suivent cette fin des travaux ».
[52] Avec respect pour l’opinion contraire, il faut, pour qu’il y ait fin des travaux des parties communes, que le mécanisme de réception prévu à l’article 25 du Règlement ait été respecté. Dans le cas où, aucune unité privative n’aurait trouvé de bénéficiaire, il serait impossible de faire la réception des parties communes et, par conséquent, la fin des travaux des parties communes ne pourrait être déclarée. À contrario, l’entrepreneur deviendrait le seul bénéficiaire de la garantie des parties communes, ce qui est contraire à l’esprit du Règlement.
[53] Le Tribunal d’arbitrage en vient à la conclusion, à la lumière des témoignages entendus et de la preuve présentée, que la date de la réception des parties communes, le 28 septembre 2006, n’est pas valide et qu’elle doit être annulée, pour les raisons suivantes :
[53.1] La preuve présentée à l’effet qu’un avis de fin des travaux a été expédié le 27 septembre 2006 n’est pas convaincante et s’il l’a été;
[53.2] L’avis n’a pu être expédié à des bénéficiaires connus puisque les premières ventes des unités ont été conclues le 28 septembre 2006 selon l’index des immeubles.
[53.3] L’Avis de fins des travaux n’a pas et n’aurait pu être expédié, le 27 septembre 2006, au Syndicat en copropriété du 670 Manoir Masson, ce dernier ayant été constitué près d’un an plus tard, en août 2007.
[53.4] L’Entrepreneur ne pouvait mandater, à titre de représentant du syndicat des copropriétaires, un professionnel du bâtiment pour faire l’inspection;
[53.5] L’Entrepreneur ne pouvait signer, à titre de représentant du syndicat des copropriétaires, la déclaration de réception des parties communes.
[54] Le Bénéficiaire a demandé au Tribunal de fixer au 1ier mai 2008, la date de réception des parties communes, soit 6 mois après que l’Entrepreneur eut remis au syndicat des copropriétaires tous les documents lui permettant de prendre le contrôle de la gestion.
[55] Rappelons certaines dates qui pourraient être retenues pour établir celle de la réception des parties communes :
[55.1] Le 1er août 2007, le Syndicat en copropriété 670 Manoir Masson est formé;
[55.2] Le 24 août 2007, les menus travaux sont parachevés signifiant la fin de tous les travaux au sens du Règlement;
[55.3] Le ou vers le 1er novembre 2007, les dossiers sont remis au syndicat des copropriétaires par l’Entrepreneur;
[56] Le Bénéficiaire a plaidé qu’il a reçu au mois de novembre 2007, l’avis de fin des travaux et la confirmation du parachèvement des menus travaux, (pièce B-2) en même temps que les autres documents nécessaires à la prise de contrôle du syndicat. Cette déclaration du Bénéficiaire apparaît dans sa lettre à l’Entrepreneur en date du 31 mars 2008 et n’a pas été contredite (pièce A-6).
[57] Ce n’est donc que le ou vers le 1ier novembre 2007 que toutes les conditions ont été réunies pour l’application de l’article 25.1.
[58] Je retiens la suggestion du Bénéficiaire de fixer au 1er mai 2008, soit 6 mois plus tard, la date présumée de la réception des parties communes.
[59] Me Beauchamp a plaidé qu’il serait inéquitable pour L’Entrepreneur de modifier la date de réception des parties communes.
[60] L’arbitre peut, en vertu de l’article 116 du Règlement, décider en équité, si les circonstances le justifient. On pourrait reprocher au Bénéficiaire d’avoir manqué de vigilance et de diligence, mais on pourrait aussi reprocher à l’Entrepreneur d’avoir été négligent et d’avoir manqué à ses obligations notamment en ne signant pas de contrat de garantie avec les bénéficiaires et en ne convoquant pas la première assemblée des copropriétaires comme il devait le faire à partir du moment où il ne détenait plus la majorité des voix.
[61] Dans ces circonstances, il n’y a pas de motif exceptionnel qui justifierait que l’arbitre se prévale des dispositions de l’article 116, pour déroger au cadre réglementaire qui est très directif en regard du mécanisme de mise en œuvre de la garantie.
DÉCISION :
[62] À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie. La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[63] Suivant mon appréciation des faits, des témoignages entendus et du cadre réglementaire, le Tribunal en vient à la conclusion que la réception des parties communes faite le 28 septembre 2006, ne l’a pas été dans le respect des exigences réglementaires et doit être annulée.
[64] En conséquence, tel que demandé par le Bénéficiaire et conformément à l’article 25.1 du Règlement, le Tribunal fixe la date de réception des parties communes au 1er mai 2008.
[65] En vertu de l’article 123 du Règlement et vu que le Bénéficiaire a obtenu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur;
« 123. Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.
Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts. »
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] ANNULE la décision de l’Administrateur sur les Points 2 à 22;
[67] DÉCLARE que la réception présumée des travaux des parties communes a eu lieu le 1er mai 2008.
[68] RETOURNE à l’Administrateur, la réclamation du Bénéficiaire pour qu’elle soit traitée en fonction de cette date et qu’une nouvelle décision au fond soit rendue sur ces points d’ici la fin du mois d’avril;
[69] CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage.
Guy Pelletier
Architecte et arbitre
Laval, ce 15 mars 2010
[1] Déclaration de copropriété: Développements Magma Inc. 12 septembre 2006, onglet A-1 du cahier des pièces de l’Administrateur.
[2] Syndicat de copropriété MRLH vs Les constructions G. Mélatti Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Me Jeffrey Edwards, 7 juin 2006.
[3] Déclaration de copropriété: Développements Magma Inc. 12 septembre 2006, article 27, onglet A-1 du cahier des pièces de l’Administrateur
[4] Syndicat de copropriété Les Jardins St-Hyppolyte vs 9129-2516 Québec Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, (Me Johanne Despatis), 20 novembre 2008, par. 25
[5] Syndicat de copropriété MRLH vs Les constructions G. Mélatti Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, Me Jeffrey Edwards, 7 juin 2006.