TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment: SORECONI

 

 

ENTRE:                                                                                                       KARINE FLEURENT

                                                                                                         

(ci-après «la Bénéficiaire»)

 

 

ET:                                                     4176855 CANADA INC. (BOULET CONSTRUCTION)

                                                                        

(ci-après «l’Entrepreneur»)

 

ET:                                                                  LA GARANTIE QUALITÉ HABITATION INC.

 

(ci-après «l’Administrateur»)

 

No dossier SORECONI: 142501001

No dossier QH:                 87256 - 6259   

 

 

 

                SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre:                                                                      Me Philippe Patry

 

Pour la Bénéficiaire:                                               Madame Karine Fleurent

 

Pour l’Entrepreneur:                                                Monsieur André Bissonnette

                                                                                 

Pour l’Administrateur:                                             Me François-Olivier Godin

Monsieur Michel Labelle,

conciliateur

 

Date de la sentence:                                               3 juin 2014

 

 

 

 

Identification complète des parties

 

 

Arbitre:                                                           Me Philippe Patry

2001, rue University

Bureau 1700

Montréal (Québec) H3A 2A6

 

Bénéficiaire:                                                  Madame Karine Fleurent

[…] Gatineau (Québec) […]

 

Entrepreneur:                                                4176855 Canada Inc.(Boulet Construction)

Monsieur André Bissonnette

239, rue Maurice-Saint-Louis

Gatineau (Québec) J9J 2X2

 

Administrateur:                                              La Garantie Qualité Habitation Inc.

9200, boulevard Métropolitain Est

Montréal (Québec) H1K 4L2

et son procureur:

Me François-Olivier Godin

Monsieur Michel Labelle,

conciliateur

 

Décision

           

          Mandat:

 

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 14 février 2014.

 

          Historique du dossier:

                                                          

18 décembre 2011:              Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie; annexe au contrat préliminaire;

 

10 mai 2012:                         Formulaire d'inspection préréception et réception du bâtiment;

 

15 mai 2012:                         Contrat de vente; date prévue de fin des travaux;

 

8 septembre 2013:               Dénonciation du conjoint de la Bénéficiaire à l'Administrateur;

 

12 septembre 2013:             Dénonciation du conjoint de la Bénéficiaire à l'Administrateur;

 

7 octobre 2013:                     Dénonciation de la Bénéficiaire à l'Administrateur;

 

6 novembre 2013:                 Inspection de l'Administrateur;

 

28 novembre 2013:              Décision de l'Administrateur;

 

4 décembre 2013:                Date de réception par la Bénéficiaire de la décision de l'Administrateur;

 

25 janvier 2014:                    Réception par SORECONI de la demande d’arbitrage de la  Bénéficiaire datée du 25 janvier 2014;

 

14 mars 2014:                       Réception du cahier de pièces de l’Administrateur;

 

2 avril 2014:                           Audience préliminaire par conférence téléphonique: les parties conviennent que l'audience portera sur l'objection préliminaire soulevée par le représentant de l'Administrateur; réception d'une correspondance courriel du 2 janvier 2014 envoyée par le conjoint de fait de la Bénéficiaire à l'Administrateur;

 

28 mai 2014:                         Audience à la salle 8 du Palais de justice de Gatineau.

 

 

Introduction:

 

[1]        Les Bénéficiaires ont interjeté appel le 25 janvier 2014 des points numéros 2 à 5 de la décision de l'Administrateur du 28 novembre 2013.

 

[2]        Lors de l'appel conférence du 2 avril 2014, le représentant de l'Administrateur a soulevé une objection préliminaire, soit que l'appel de la Bénéficiaire a été soumis hors délai.

 

[3]        Le tribunal a entendu les témoignages de Monsieur Joseph Leger, le conjoint de fait de la Bénéficiaire, et de Madame Karine Fleurent, la Bénéficiaire. M. Leger a choisi de livrer son récit des faits et son argumentation en français même si le tribunal et les autres parties lui avaient clairement mentionné qu'il pouvait s'exprimer dans sa langue maternelle, soit l'anglais.

 

 

Juridiction:

 

[4]        Compte tenu que les parties n'ont soulevé aucune objection préliminaire à la constitution du tribunal ou à la tenue de l'audience ni avant et ni pendant l'audience, le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.

 

 

Faits:

 

[5]        Bien que Mme Fleurent et M. Leger aient indiqué à l'audience avoir reçu la décision de l'Administrateur le 5 décembre 2013, la pièce A-2 démontre que la livraison de cette décision à Mme Fleurent se soit déroulée le 4 décembre 2013 à 17h30.

 

[6]        Le 2 janvier 2014, M. Leger a écrit le courriel suivant à l'attention de Julie Turcotte, employée de l'Administrateur:

 

             «Hi Julie I would like to request a second opinion on

              The […] Gatineau

 

              My complaint is, on your inspectors file

              Not once did he talk about structure issues

              Nor did he report not enough plywood on subfloor.

 

              The shower is leaking, your inspector says that

              It is normal for a floor to move,

 

              I will be taking more pictures I will show evidence of water,

              evidence of structure issues,

 

             ...»

 

[7]        Le document de SORECONI à la pièce A-1 confirme la réception de la demande d'arbitrage effectuée par M. Leger en date du 25 janvier 2014 à 22h05. Il s'agit d'un délai de 52 jours à compter du 4 décembre 2013, soit 22 jours de plus que le délai dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'Administrateur prévu à l'article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1].

 

 

Question en litige:

 

[8]        Considérant que le délai de 52 jours n'a pas été contredit et contesté par la Bénéficiaire, la question en litige devient donc la suivante: est-ce que les raisons évoquées par la Bénéficiaire sont raisonnables compte tenu que le délai de 30 jours de l'article 19 du Règlement constitue un délai de procédure et non un délai de rigueur?

 

 

Analyse et décision:

 

[9]        M. Leger, travailleur dans la construction pour la compagnie ontarienne «Carpet Sense & Flooring», a d'abord mentionné qu'il avait attendu la réponse de Mme Turcotte à son courriel précédemment cité du 2 janvier 2014. À l'audience, il a insisté qu'il désirait alors obtenir une seconde opinion puisqu'à son avis, les points «structure issues» et «not enough plywood on subfloor» n'avaient pas été abordés dans la décision de l'Administrateur du 28 novembre 2013. Il a ajouté qu'il n'avait pas compris qu'une demande d'appel devait être soumise à un tribunal d'arbitrage, car cette décision était rédigée en français.

 

[10]     En contre-interrogatoire, M. Leger a répondu qu'il pensait que la démarche à suivre était d'entamer la médiation tel qu'indiqué à la page 13 de la décision de l'Administrateur d'où sa correspondance à Mme Turcotte de Qualité Habitation. Il a précisé qu'il voulait une deuxième inspection des lieux. Quant au délai, soit du moment de la lecture de cette décision le 5 décembre 2013 jusqu'au 2 janvier 2014, il a invoqué les longues heures de travail et la période de Noël. Concernant le délai entre les 2 et 25 janvier 2014 il a avancé comme motifs, outre l'attente pour un retour de courriel de Mme Turcotte, le temps nécessaire pour effectuer une recherche sur Google.

 

[11]     Par ailleurs, Mme Fleurent a confirmé qu'elle avait mandaté M. Leger de s'occuper du dossier suite à sa lecture sommaire de la décision de l'Administrateur le 5 décembre 2013 considérant les connaissances techniques de son conjoint de fait.

 

[12]     Quant au délai du 5 décembre 2013 au 2 janvier 2014, elle a témoigné à l'effet de vouloir prendre le temps d'analyser et de réfléchir sur la décision de l'Administrateur. Elle a également affirmé qu'elle considérait l'envoi du courriel du 2 janvier 2014 comme une façon d'appeler de cette décision de l'Administrateur tout en avouant candidement n'avoir effectué aucun suivi auprès de son conjoint de fait jusqu'au 14 février, date de la nomination de l'arbitre dans la cause actuelle.

 

[13]     D'entrée de jeu, je comprends la frustration et le sentiment d'injustice de la Bénéficiaire et de son conjoint de fait quant à l'objection préliminaire amenée par le représentant de l'Administrateur. En droit, la forme ou les questions de procédure ne devraient pas idéalement l'emporter sur le fond ou les problèmes soulevés.

 

[14]     Cependant en l'espèce, les raisons données par la Bénéficiaire et son conjoint de fait n'ont pas convaincu le tribunal selon la prépondérance de la preuve.

 

[15]     Je rejette l'argument de la langue parce que la Bénéficiaire, seule propriétaire de la résidence et donc directement concernée par la décision de l'Administrateur, ne parle que le français. Il est à noter que tous les documents importants contenus dans le cahier de pièces de l'Administrateur, soit le contrat préliminaire de vente et contrat de garantie, le formulaire d'inspection préréception et réception du bâtiment de même que l'acte de vente, sont écrits dans la langue française.

 

[16]     De plus, il ressort de la preuve que M. Leger n'a jamais consulté Mme Fleurent touchant les passages de la décision avec lesquels il éprouvait des difficultés de compréhension, notamment la section sur les recours aux pages 13 et 14 de cette décision. En effet, toutes les informations pertinentes sur le recours en arbitrage, les coûts de l'arbitrage et les sociétés d'arbitrage s'y retrouvent, ce qui aurait évité à M. Leger de chercher ces informations sur l'internet.

 

[17]     Qui plus est, l'explication de M. Leger d'avoir recours à la médiation n'est pas valable, car ce recours implique la Bénéficiaire et l'Entrepreneur, et non l'Administrateur. Qu'il ait confondu l'Administrateur et l'Entrepreneur ne semble pas crédible, d'autant plus que toutes les parties sont clairement indiquées à la page frontispice de la décision de l'Administrateur et qu'il travaille dans le domaine de la construction.

 

[18]     Plus important encore, Mme Fleurent a révélé ne pas s'être impliquée personnellement pendant plus de deux mois, soit du 5 décembre 2013 au 14 février 2014, parce qu'elle pensait que tout était sous contrôle. Ainsi, le courriel du 2 janvier 2014 de M. Leger à l'attention de Mme Turcotte de l'Administrateur ne constitue aucunement un appel en arbitrage, mais plutôt une volonté qu'une seconde inspection soit faite par une autre personne tel que l'a exprimé M. Leger en audience.

 

[19]     Le tribunal conclut donc selon la prépondérance de la preuve que la Bénéficiaire ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve et n'a pu présenter des justifications raisonnables quant à la soumission hors délai de l'appel du présent arbitrage.

 

[20]     En bref, considérant l'analyse qui précède, le tribunal accueille l'objection préliminaire de l'Administrateur et en conséquence, rejette l'appel de la Bénéficiaire.

 

 

 

Les frais d’arbitrage:

 

[21]     Considérant que la Bénéficiaire n'a pas obtenu gain cause concernant l'objection préliminaire de l'Administrateur, elle devra partager avec l'Administrateur les coûts du présent arbitrage conformément à l'article 37 du Règlement.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE:

 

 

ACCUEILLE l'objection préliminaire de l'Administrateur;

 

REJETTE l'appel de la Bénéficiaire;

 

            CONDAMNE la Bénéficiaire au paiement des coûts du présent arbitrage limités au montant de 100.00$ et l’Administrateur au paiement du solde de ces coûts.

 

           

Montréal, le 3 juin 2014

 

 

 

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ME PHILIPPE PATRY

Arbitre / SORECONI



[1]                             Décret 841-98.