ARBITRAGE EN VERTU DU
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS (Décret 841-98)
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)
Dossier no : GAMM 2017-07-001,
2017-07-001-2
QH: 105964-9226, 105964-11561
ENTRE :
KATIA MOLLOY
(ci-après la « Bénéficiaire »)
ET
SOLICO CONSTRUCTION INC.
(ci-après l’« Entrepreneur »)
ET
LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.
(ci-après l’« Administrateur »)
DEVANT L’ARBITRE : Me Karine Poulin
Pour l’Entrepreneur : Me Stéphane Tremblay
Pour la Bénéficiaire : Katia Molloy
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date d’audience : 3 juillet 2018
Date de la sentence : 27 juillet 2018
SENTENCE ARBITRALE
I
LE RECOURS
[1] Par demande d’arbitrage datée du 30 mars 2017 et amendée le 15 février 2018, la Bénéficiaire conteste en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») les décisions de l’Administrateur datées du 1er septembre 2015 et du 28 février 2017. Elle conteste également, par demande datée du 31 mai 2018, la décision de l’Administrateur rendue le 20 avril 2018.
[2] Dans la présente sentence, il sera question des points suivants qu’il convient d’énumérer ici et de définir pour alléger le texte de la sentence :
Décision du 1er septembre 2015
Point 17 : Galerie de béton en façade : surface de finition (« Point 17 »)
Décision du 28 février 2017
Point 9 : Îlot de cuisine : comptoir (« Point 9 »)
Point 10 : Revêtements de sol : aire ouverte (« Point 10 »)
Point 11 : Revêtement de plancher flottant : chambre des maîtres (« Point 11 »)
Point 13 : Vide sous toit : barrière thermique (« Point 13 »)
Point 15 : Mur(s) exposé(s) : résistance thermique (« Point 15 »)
Point 16 : Plancher en porte-à-faux au mur ouest : résistance thermique (« Point 16 »)
Décision du 20 avril 2018
Point 1 : Nivellement du terrain : drainage des eaux de surface (« Point 1 »)
[3] Aux demandes précédentes s’ajoutent deux (2) éléments n’ayant fait l’objet d’aucune décision écrite de l’Administrateur. Il s’agit du point 7 de la décision du 1er septembre 2015 (« Point 7 ») pour lequel l’Administrateur avait ordonné un correctif et la Bénéficiaire conteste la qualité des travaux. Cette contestation n’a pas été faite par écrit.
[4] S’ajoute également un élément au Point 10 sur lequel l’Administrateur a omis de statuer, bien que dénoncé verbalement par la Bénéficiaire au cours de la visite du 5 août 2015, en présence de l’Entrepreneur.
[5] En conférence téléphonique, les parties ont convenu que Monsieur Labelle rende une décision verbale sur ces deux (2) éléments le jour de l’audience et que la contestation puisse avoir lieu le jour même en cas de désaccord de sorte que l’arbitre est valablement saisie de ces deux (2) demandes additionnelles. Les décisions rendues verbalement sont reproduites plus bas.
[6] Par ailleurs, la Bénéficiaire s’est désistée de sa demande d’arbitrage eu égard au Point 13. Il n’en sera donc pas question ici et le Tribunal en prend acte en conclusion des présentes.
[7] Outre ses contestations en arbitrage, la Bénéficiaire demande également que lui soit octroyé le remboursement de ses frais d’expert et un dédommagement pour la surveillance des travaux.
[8] Enfin, l’Administrateur soulève la tardiveté de la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire portant sur le Point 17. Il en sera donc question d’entrée de jeu sous la rubrique moyen préliminaire.
II
LES FAITS
[9] La Bénéficiaire signe un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de maison neuve sur le formulaire prévu à cet effet pour l’acquisition de sa propriété dont la livraison est prévue le ou vers le 1er septembre 2014. Le 29 août 2014, l’inspection pré réception a lieu et la réception est faite sans réserve.
[10] Le 13 avril 2015, la Bénéficiaire transmet une mise en demeure à l’Entrepreneur portant sur de nombreux points et en transmet copie à l’Administrateur le 27 mai 2015.
[11] Le 5 août suivant, Michel Labelle, inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur, procède à une visite des lieux et rend sa décision le 1er septembre 2015. Il reconnaît alors les points 1 à 14 de la demande de la Bénéficiaire et ordonne l’exécution de travaux correctifs. Il indique que les Points 15 et 16 nécessitent une visite supplémentaire en raison de la température non propice à une évaluation adéquate et enfin, il ne reconnaît pas les points 17 à 23 de la demande.
[12] Aucune demande d’arbitrage n’est faite suite à cette décision de l’Administrateur.
[13] Le 2 décembre 2015, Monsieur Labelle se rend au domicile de la Bénéficiaire afin d’y effectuer la visite supplémentaire prévue (Points 15 et 16).
[14] En sus de la visite supplémentaire du 2 décembre 2015, Monsieur Labelle se rend au domicile de la Bénéficiaire le 9 février 2016 ainsi que le 31 janvier 2017 et rend sa décision le 28 février suivant. Cette décision traite des Points 15 et 16 mentionnés ci-devant, mais également des Points 9, 10 et 11 vu l’insatisfaction de la Bénéficiaire eu égard aux travaux correctifs effectués par l’Entrepreneur et la dénonciation écrite à cet effet.
[15] C’est de cette décision dont la Bénéficiaire en appel auprès du GAMM le 30 mars 2017. Plus particulièrement, la décision du 28 février 2017 rejette les demandes de la Bénéficiaire en ce qui concerne les travaux correctifs (Points 9, 10 et 11), accueille la demande de la Bénéficiaire en ce qui concerne le Point 15 et ordonne à l’Entrepreneur de procéder à des travaux correctifs. Enfin, le Point 16 est rejeté.
[16] Bien que la réclamation portant sur le Point 15 soit accueillie par l’Administrateur, la Bénéficiaire n’est pas satisfaite de ce qui a été reconnu et des travaux ordonnés (et effectués). Elle conteste donc ce point.
[17] Les décisions verbales rendues en cours d’audience par Monsieur Labelle sont les suivantes et elles sont contestées par la Bénéficiaire :
Point 7
Suite à la visite des lieux, Michel Labelle indique que les travaux correctifs sont conformes.
Point 10 (ajout - «marque d’impact»)
Ayant omis de traiter de la « marque d’impact » sur une latte du plancher flottant de la cuisine et suite à la visite des lieux du 3 juillet 2018, Michel Labelle indique qu’il s’agit d’une malfaçon apparente qui n’a pas été dénoncée par écrit sur le formulaire pré réception, ni par la suite conformément à l’article 10(2) du Règlement et donc, non couverte par la garantie.
[18] Par ailleurs, le 2 novembre 2017, la Bénéficiaire dénonce à l’Entrepreneur un problème d’accumulation d’eau entre sa propriété et la propriété voisine et copie est transmise à l’Administrateur le 13 novembre 2017. Cette dénonciation à l’Administrateur fait suite à la réponse de l’Entrepreneur dans laquelle il indique à la Bénéficiaire de soumettre ce problème à l’arbitrage, le processus étant déjà entamé.
[19] Monsieur Labelle procède donc à une visite des lieux le 17 avril 2018 et rejette la réclamation de la Bénéficiaire. La décision est datée du 20 avril 2018 et la Bénéficiaire la reçoit le 2 mai suivant.
[20] Suite à la réception de cette décision, la Bénéficiaire la conteste le 31 mai 2018 auprès d’un organisme d’arbitrage autre que le GAMM, mais pour des raisons de proportionnalité et de saine administration de la justice et suite à la demande de Me Godin, cette demande est acheminée au GAMM qui désigne l’arbitre soussignée pour l’entendre en même temps que les autres demandes.
III
MOYEN PRÉLIMINAIRE
[21] L’Administrateur soulève la tardiveté de la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire eu égard au Point 17.
[22] La décision de Monsieur Labelle sur ce point est datée du 1er septembre 2015 et est à l’effet de reconduire la garantie portant sur cet élément puisque des travaux correctifs ont été faits peu de temps avant sa visite du 5 août 2015. Il n’ordonne aucun correctif.
[23] Me Godin plaide que ce n’est que lors de la demande d’arbitrage du 30 mars 2017 portant sur la décision du 28 février 2017 que ce point est contesté et qu’il y a alors chose jugée, faute par la Bénéficiaire d’avoir contesté la décision du 1er septembre 2015 dans le délai prescrit. Par conséquent, la demande sur ce point est irrecevable.
[24] Pour sa part, la Bénéficiaire soutient que les travaux effectués par l’Entrepreneur étaient mal faits et qu’elle était en désaccord avec la décision de Monsieur Labelle voulant que la garantie soit reconduite (prolongée) sans ordonner l’exécution d’autres travaux.
[25] À la demande du Tribunal, elle confirme avoir pris connaissance de l’avis traitant des recours en cas de désaccord avec la décision de l’Administrateur, mais précise que Monsieur Labelle lui a dit qu’elle pourrait aller en arbitrage suite à l’émission du rapport supplémentaire qui serait produit sur les Points 15 et 16. Elle prétend avoir été induite en erreur et demande qu’il ne lui en soit pas tenu rigueur.
[26] Monsieur Labelle, pour sa part, soutient ne pas avoir tenu de tels propos, au contraire. Il affirme avoir expliqué à la Bénéficiaire qu’il applique le plan de garantie, lequel cautionne les obligations de l’Entrepreneur, et que l’Administrateur est présentement sous tutelle.
[27] Il lui a expliqué le Règlement et les recours. Il affirme avec aplomb qu’il n’a et n’aurait jamais dit à un bénéficiaire d’attendre le rapport supplémentaire pour aller en arbitrage, car s’il faisait cela, il perdrait son emploi. Il indique aussi qu’en aucun temps la Bénéficiaire n’a parlé d’aller en arbitrage. Si elle l’avait fait, il lui aurait indiqué qu’elle devait le faire dans le délai prescrit.
[28] L’Administrateur soutient que la Bénéficiaire n’a pas démontré qu’elle avait été dans l’impossibilité d’agir et qu’il n’y a pas lieu de proroger le délai d’appel en l’espèce.
[29] Après avoir entendu les représentations de part et d’autre et après avoir interrogé la Bénéficiaire sur l’existence de motifs autres que les propos qu’elle prête à Monsieur Labelle et qui pourraient expliquer son délai à porter en appel la décision de l’Administrateur, le Tribunal constate qu’il n’en existe aucun et qu’en conséquence, le délai ne peut être prorogé.
[30] La décision de l’Administrateur sur le Point 17 est claire et rien ne laisse croire à une personne raisonnable qu’elle sera ou pourrait être révisée dans le cadre du rapport supplémentaire qui doit être rendu par Monsieur Labelle.
[31] Le délai de trente (30) jours prévu à l’article 19 du Règlement est certes strict, mais il n’est ni de rigueur ni de déchéance tel que reconnu par la jurisprudence à maintes reprises[1] et l’arbitre peut le proroger en certaines circonstances.
[32] Le fardeau de me convaincre de proroger, en équité, le délai d’appel incombe à la Bénéficiaire. Celle-ci ne m’a pas convaincue qu’il existait de tels motifs de sorte que la décision de l’Administrateur sur ce point a acquis la force de la chose jugée et n’est pas révisable par l’arbitre. La demande est donc rejetée. Cette décision a été communiquée verbalement aux parties lors de l’audition.
[33] Toutefois, suivant la communication de la décision susmentionnée et dans le cadre de la gestion préalable du dossier en début d’audience, la Bénéficiaire a demandé au Tribunal de remettre l’audition sur sa plus récente demande d’arbitrage afin de lui permettre de se préparer adéquatement et de sortir des documents.
[34] Une mise en contexte s’impose et il sied d’indiquer ici que le 4 juin 2018, le procureur de l’Administrateur, Me Godin, a été informé d’une nouvelle demande d’arbitrage de la Bénéficiaire auprès d’un organisme autre que le GAMM. Il écrit alors aux deux (2) arbitres, soit à la soussignée en ce qui concerne la demande du 30 mars 2017 et à Me Jeanniot en ce qui concerne la demande du 31 mai 2018, pour demander la réunion des dossiers devant un (1) seul arbitre, précisant du coup que le dossier pendant devant la soussignée est plus avancé et que l’audition est prévue le 3 juillet.
[35] Me Godin allègue, au soutien de sa demande, la réduction des coûts et la proportionnalité qui veut qu’un seul décideur soit mandaté pour entendre les demandes mues entre les mêmes parties, au sujet de la même propriété, afin d’en disposer en une seule audition. De plus, dans le cadre du présent dossier s’ajoutent aussi la distance à parcourir (Montréal-Gatineau) et le fait que les frais sont généralement supportés par l’Administrateur lorsque c’est le bénéficiaire qui est en demande. Dans ces circonstances, il serait préjudiciable à l’Administrateur de procéder en deux (2) temps sans motif valable.
[36] En réponse à la demande de Me Godin, Me Jeanniot a indiqué n’avoir aucune difficulté à transférer le dossier au GAMM, indiquant toutefois qu’il apprécierait une réponse de la Bénéficiaire.
[37] Le même jour, l’arbitre soussignée indiquait à la Bénéficiaire, et aux parties généralement, les étapes à franchir d’ici le 3 juillet afin de pouvoir procéder à l’audition de toutes les demandes. Notamment, l’arbitre précisait les délais de communication de la preuve et les modalités de communication quant à la nouvelle demande dans l’éventualité où l’arbitre est désignée pour entendre cette demande. De plus, l’arbitre indiquait aussi qu’un dossier devait être ouvert au GAMM et la soussignée désignée afin d’être compétente à en décider.
[38] De l’échange des courriels survenus par la suite entre les parties et les divers intervenants, il est clair que la documentation a été échangée, du moins en grande partie, selon les instructions de l’arbitre.
[39] Bien que la confirmation de la réunion des dossiers ait été tardive, il n’en demeure pas moins qu’en juin, les parties se préparent à l’audition du 3 juillet et qu’en aucun temps il n’a été question de remettre l’audience à une date ultérieure. À titre d’exemple, la Bénéficiaire a contacté le Tribunal afin que soit autorisée l’émission d’une assignation à comparaître.
[40] En date du 22 juin, il est clair que l’audience du 3 juillet aura lieu et le seul point qui demeure nébuleux est la réunion des deux (2) demandes devant le même arbitre.
[41] Il ressort de la lecture des correspondances que la Bénéficiaire a communiqué par téléphone avec l’autre organisme d’arbitrage suite au courriel de Me Jeanniot (début juin) pour se faire dire qu’un comité d’évaluation se penchait sur la demande, d’où les délais encourus. La Bénéficiaire indique aussi, le 20 juin, qu’elle ne veut pas que ses demandes soient réunies devant le même arbitre et qu’elle souhaite procéder en deux (2) temps, devant deux (2) arbitres mandatés par des organismes différents. Elle tient le GAMM responsable des délais encourus par elle pour dénoncer la situation faisant l’objet de la décision au Point 1.
[42] À la lumière des motifs invoqués par la Bénéficiaire pour refuser que soient réunies ses demandes, Me Godin reformule de nouveau sa demande de réunion des dossiers le 22 juin et sa demande est acceptée à la suite d’une décision commune du GAMM et de l’autre organisme d’arbitrage. Le 26 juin, les parties et l’arbitre en sont avisées.
[43] À la lumière de ce qui précède, il appert que la demande de remise de la Bénéficiaire avait surtout pour but de procéder en deux (2) temps et ne reposait pas sur une réelle nécessité de préparer davantage son dossier sur la seconde demande et de trouver ses documents.
[44] Bien que les règles de communication de la preuve soient plus souples en arbitrage, malgré qu’une certaine rigueur s’impose néanmoins, une partie peut toujours renoncer au bénéfice du délai qui lui est accordé pour recevoir et analyser un élément de preuve. En l’espèce, c’est la Bénéficiaire qui souhaite ajouter des pièces et les procureurs se sont dit disposés à accepter le dépôt des documents, après les avoir examinés, et être ouverts à permettre à la Bénéficiaire de déposer des autorités dans les jours suivants l’audition si nécessaire.
[45] La demande de remise de la Bénéficiaire a été rejetée et permission lui a été accordée de communiquer des documents supplémentaires dans les jours suivants si nécessaire.
IV
LA PREUVE
Bénéficiaire
[46] Madame Molloy témoigne. Elle expose la chronologie des événements depuis l’acquisition de sa résidence. Elle insiste particulièrement sur le fait qu’elle avait informé l’Entrepreneur d’une expérience d’achat précédente dont elle garde de mauvais souvenirs et surtout du fait qu’elle ne veut pas revivre la même chose pour l’achat de la présente résidence. Suite aux discussions, elle s’est dite en confiance avec le représentant rencontré et avoir choisi de confier le mandat de construire sa résidence à l’Entrepreneur.
[47] Tout allait bien selon la Bénéficiaire jusqu’à la prise de possession. Elle avait bien noté certaines inexactitudes en cours de construction, mais l’Entrepreneur la rassure et lui dit de ne pas s’inquiéter.
[48] Elle explique le manque de communication entre les différents sous-traitants et l’Entrepreneur et que cette lacune a entraîné, pour elle, plusieurs erreurs et même l’obtention d’un financement insuffisant.
[49] Elle expose ensuite le chaos dans lequel a eu lieu l’inspection pré réception et surtout le fait que celle-ci a été faite à la va-vite. De fait, le formulaire de pré réception était déjà rempli lors de son arrivée à la résidence puisque le représentant devait quitter rapidement. C’est sur un document séparé que ses commentaires ont été notés et non sur le formulaire pré réception. Celui-ci n’est toutefois pas joint au formulaire et elle le déplore.
[50] La Bénéficiaire explique enfin qu’elle n’avait pas le choix d’emménager dans la résidence à la date convenue, d’où le fait qu’elle s’est laissée rassurer par le représentant qui lui disait de ne pas s’inquiéter, qu’elle aimerait sa maison et qu’elle avait un certain délai pour signaler les éléments à corriger. C’est donc dans ces circonstances qu’elle a signé le formulaire, sans réserve, malgré ses réserves et inconforts.
[51] Quoi qu’il en soit, en février 2015 la Bénéficiaire mandate un inspecteur pour procéder à une inspection complète de sa résidence suite à la découverte de plusieurs anomalies. Le premier rapport d’inspection, signé par Éric Ayotte, technologue professionnel, est daté du 19 février 2015 et fait suite à son inspection du 18 février. C’est suite à ce rapport que l’Entrepreneur est mis en demeure, le 13 avril 2015, de procéder à des correctifs et qu’elle ouvre un premier dossier chez l’Administrateur le 27 mai 2015. Copie de ce rapport a été remis à Michel Labelle lors de sa première inspection.
[52] Ciblant ensuite les points précis de ses demandes d’arbitrage, la Bénéficiaire témoigne ainsi sur chacun des points en litige :
Point 7
[53] La Bénéficiaire a dénoncé que « les trous de lumière dans le plâtre sont trop grands ». Son expert recommande de réparer le plâtre au pourtour de la fixture au plafond et selon elle, c’est aussi ce qu’a ordonné Monsieur Labelle dans sa décision. Toutefois, l’Entrepreneur a appliqué un scellant plutôt que d’avoir réparé le plâtre par l’ajout d’un morceau de gyproc qui viendrait rapetisser le trou de la fixture. Elle considère qu’il s’agit d’une réparation superficielle et temporaire et qui ne tiendra pas le jour où elle voudra remplacer son luminaire. En somme, elle soutient que lors du remplacement du luminaire, il faudra retirer le scellant et en poser un nouveau si la fixture du nouveau luminaire est plus petite que le trou.
[54] Elle affirme avoir fait part de son mécontentement face à cette réparation à Monsieur Labelle lors de sa visite du 2 décembre 2015 et admet ne pas l’avoir fait par écrit.
Point 9
[55] Elle explique que sa dénonciation initiale était à l’effet que le comptoir était courbé. Elle demandait donc qu’il soit remplacé. Toutefois, lors de sa première visite, Monsieur Labelle a également noté qu’il n’était pas fixé mécaniquement, d’où sa décision de demander à l’Entrepreneur de fixer mécaniquement le comptoir et de faire le nécessaire pour s’assurer que le comptoir soit plane.
[56] Elle explique que le comptoir de la cuisine a été fixé mécaniquement par l’Entrepreneur sans toutefois avoir suivi les recommandations du fabricant et que, de ce fait, la garantie s’en trouve annulée. Elle dépose en preuve des documents issus d’internet, soit les pièces B-2 à B4. Elle ajoute aussi que le comptoir n’a pas été remplacé et qu’il a plutôt été retourné de sorte que c’est maintenant la surface du dessous qui se trouve sur le dessus. Ce fait n’est pas contredit.
[57] Enfin, Madame Molloy indique que la garantie est également nulle en raison des délais d’installation non respectés (et énoncés par le fabricant) et le type de protection appliqué sur les différentes surfaces du comptoir. Elle témoigne en détail sur les types de finis appliqués et sur leurs conséquences sur la garantie.
Point 10
[58] Ce point a été reconnu par l’Administrateur en 2015, mais sur un seul aspect, et ce correctif n’est pas contesté (remplacement d’une tuile de céramique et mise à niveau).
[59] Il a toutefois refusé la correction demandée relative au dénivelé excessif au niveau de la moulure de transition entre les deux (2) revêtements de sol de la cuisine et c’est cette conclusion qu’elle conteste.
[60] La Bénéficiaire a démontré, lors de la visite des lieux, une dénivellation de 27 mm entre les deux (2) types de recouvrements adjacents (céramique et plancher flottant).
[61] De fait, elle démontre que les pattes avant des tabourets se trouvent à être sur la céramique alors que les pattes arrière se trouvent à être sur le plancher flottant, soit 27 mm plus bas que la céramique.
[62] Elle affirme qu’il est impossible, si on veut faire usage des tabourets, de les utiliser en ayant les quatre (4) pattes sur la même surface et que l’emplacement de la moulure de transition (et du dénivelé) fait en sorte qu’il est dangereux pour quiconque s’assied sur les tabourets de cuisine de chavirer. Elle affirme que plusieurs enfants se sont d’ailleurs déjà blessés en raison du dénivelé.
[63] La Bénéficiaire dépose en preuve un extrait du Guide de performance de l’APCHQ qui énonce qu’une dénivellation de 2 mm est acceptable. Ici, la dénivellation est de 27 mm. Elle demande donc au Tribunal d’ordonner à l’Entrepreneur de corriger la situation.
[64] Elle admet ne pas avoir porté ce point en arbitrage suite à la décision du 1er septembre 2015, mais dit que c’est en raison des représentations de Monsieur Labelle voulant qu’elle pourrait tout faire dans le même arbitrage suite au rapport supplémentaire qui sera émis relativement aux Points 15 et 16.
Point 11
[65] La Bénéficiaire indique que l’Administrateur a ordonné à l’Entrepreneur de faire les correctifs nécessaires pour corriger l’espace existant entre deux (2) bouts de planche du plancher flottant dans la chambre des maîtres. Elle dénonce la méthode de correction qu’elle estime non conforme aux recommandations du fabricant et dépose les pièces B-5 et B-6.
[66] Selon la Bénéficiaire, l’Entrepreneur a tout simplement collé au sol le bout de planche en question et, au surplus, ce petit bout de planche qui débute la rangée ne rencontre pas les exigences du fabricant qui prévoient que chaque nouvelle rangée doit débuter par une planche d’au moins 30 cm. Elle conteste donc l’esthétique, mais aussi elle soutient que la non-conformité en question a pour effet de rendre nulle la garantie du plancher.
Point 16
[67] Ce point concerne la froideur au plancher dans la section en porte-à-faux de la maison.
[68] La Bénéficiaire indique qu’elle note un écart marqué de température à ces endroits par rapport au reste de la maison et dit que son expert sera mieux à même de témoigner sur cet élément, tout comme sur le point 15 sur lequel elle n’est pas en mesure de témoigner elle-même.
[69] Elle indique toutefois que contrairement à ce que la décision de Monsieur Labelle indique, les échanges de courriels démontrent clairement que l’Entrepreneur n’a fait aucune vérification de cet élément sur sa résidence, mais plutôt que celles-ci ont été faites sur une autre unité. De plus, la décision de Monsieur Labelle indique que ce dernier a reçu l’information de l’Entrepreneur à l’effet qu’après vérification, la construction à cet endroit est conforme alors que dans son courriel du 12 février 2015, l’Entrepreneur lui dit avoir fait les vérifications à l’aide de Qualité habitation. Elle soutient qu’il y a contradiction dans les écrits.
Point 1
[70] La Bénéficiaire indique que le délai de sept (7) mois qu’on lui reproche entre le moment de la découverte de la problématique et la dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur découle d’une faute du GAMM.
[71] Elle explique que suite à des fortes pluies survenues au printemps 2017, elle note une accumulation d’eau entre sa résidence et celle adjacente. Elle témoigne en avoir parlé à Monsieur Lavoie du GAMM lorsqu’elle a ouvert son dossier d’arbitrage et que ce dernier lui a indiqué d’en parler à l’arbitre.
[72] Or, en raison des nominations successives d’arbitres (suite à des délais injustifiés du premier, et à une demande de récusation du deuxième), ce n’est qu’en octobre 2017 qu’elle a pu parler à l’arbitre, d’où la tardiveté à dénoncer par écrit. Elle admet ne pas avoir parlé de ce point à l’arbitre lors de la conférence téléphonique du 5 octobre, mais ajoute toutefois qu’elle a alors compris qu’elle devait tout dénoncer par écrit. Elle demande qu’on ne lui tienne pas rigueur du délai.
[73] Elle explique ensuite que puisque Monsieur Ayotte doit revenir pour une inspection supplémentaire le 1er novembre 2017, elle attend le résultat de ladite inspection pour dénoncer la problématique d’accumulation d’eau par écrit à l’Entrepreneur le 2 novembre 2017 et à l’Administrateur le 13 suivant vu le refus de l’Entrepreneur d’intervenir (lettre du 9 novembre).
[74] En contre-interrogatoire, il ressort du témoignage de Madame Molloy qu’elle en est à son second achat de propriété neuve et que comme pour la présente résidence, elle avait aussi fait appel au plan de garantie pour sa première résidence neuve. Elle confirme que Monsieur Labelle a fait plusieurs visites à son domicile depuis sa première demande en 2015 et qu’il est probable qu’il en ait fait 5 ou 6 au total. La durée de chaque visite était d’environ une heure et elle confirme que ce dernier se présentait avec ses outils de travail, dont des outils de mesure qu’elle ne peut nommer.
[75] Elle ajoute qu’elle a transmis plusieurs informations par écrit à Monsieur Labelle, mais que ce dernier préférait souvent discuter de vive voix plutôt que les échanges de courriels, ce qu’elle trouve dommage puisqu’aujourd’hui elle a peu de preuve de ce qu’elle lui a dit.
[76] Elle confirme également avoir reçu un avis d’infraction de la ville en lien avec le manque d’entretien de son terrain, mais elle explique que cet avis fait suite à la naissance de son bébé, période particulièrement mouvementée pour elle et son conjoint.
[77] En ce qui concerne le comptoir (Point 9), elle confirme qu’il n’y a pas de déficit d’usage, mais dit qu’une petite courbure existe toujours.
[78] Elle confirme qu’elle possède un hygromètre depuis que Monsieur Labelle lui a parlé de l’importance de contrôler le taux d’humidité, mais ignore que la mesure du taux d’humidité prise par ce dernier lors de sa visite du 31 janvier 2017 était de 25%. Elle dit qu’il aurait dû la lui montrer si cette mesure avait autant d’importance sur l’issue de sa réclamation.
[79] Quant à la « marque d’impact » sur le plancher (Point 10), elle dit l’avoir montrée à Monsieur Labelle lors d’une visite sans toutefois l’avoir dénoncée par écrit. Il est vrai qu’elle n’apparaît pas sur le formulaire de pré réception, mais précise que c’est suite au va-et-vient continuel que la marque est apparue et que ça ne peut être qu’un employé de l’Entrepreneur qui a fait ça en effectuant des travaux correctifs. Autrement, elle et son conjoint s’en seraient aperçus avant. Elle ne peut indiquer à quel moment cette marque est apparue, mais précise qu’il n’y a que l’Entrepreneur qui a les clés de sa maison.
[80] Relativement au Point 11, elle indique qu’il n’y a pas de déficit d’usage lié au correctif fait par l’Entrepreneur pour corriger l’espace entre les lattes du plancher flottant, mais que l’usage de colle annule sa garantie sur le produit. Elle admet que sa table de nuit camoufle l’endroit où se trouve la déficience alléguée et qu’elle n’a pas remarqué s’il y avait eu du gonflement ou des déplacements à ce niveau depuis la réparation faite en octobre 2015. Elle insiste pour dire qu’elle veut juste que sa maison soit à son goût et conforme.
[81] Enfin, en ce qui concerne le problème d’accumulation d’eau, elle confirme qu’il n’y a eu aucune inondation ni infiltration à l’intérieur de la propriété. Elle confirme également que la situation s’est produite au printemps 2017 et qu’il y a eu des inondations à Gatineau à cette période en raison de fortes pluies. C’est aussi la même année au cours de laquelle elle a reçu le constat d’infraction.
[82] Madame Molloy fait ensuite entendre Éric Ayotte, technologue professionnel, à titre de témoin expert. Les procureurs ne s’objectent pas à ce que lui soit reconnu le statut d’expert. Après avoir entendu son exposé portant sur son expérience de travail, le Tribunal lui reconnaît le statut d’expert et c’est à ce titre qu’il témoigne.
[83] Il est membre de l’Ordre des technologues professionnels depuis 2012. Il a rédigé les deux (2) rapports qui sont en preuve, soit celui du 19 février 2015 et l’autre du 18 novembre 2017.
[84] Sur le Point 7 portant sur le trou de la lumière dans le plâtre au plafond de la cuisine, il indique que la méthode corrective n’a fait que calfeutrer le problème, car au moment de changer le luminaire, le scellant devra être retiré. Au surplus, il indique que le scellant fait en sorte que la fixture colle au plafond et que suite à son retrait, il pourrait y avoir des dommages à la peinture du plafond.
[85] Quant au Point 9 portant sur la courbure du comptoir de cuisine et son attache mécanique, il dit que l’ancrage ne suit pas les recommandations du manufacturier et qu’après un certain temps, le bois va tordre.
[86] Il admet cependant ne pas avoir vérifié le taux d’humidité ni indiqué à la Bénéficiaire de faire attention à cet élément. Il reconnaît que la courbure est moins importante au jour de l’audience (lors de la visite des lieux) que lors de sa visite ayant précédé l’émission de son rapport, mais indique qu’elle est toujours présente.
[87] Il n’est pas en mesure de témoigner sur les risques de tordage du bois en raison du taux d’humidité. Il attribue le gauchissement initial au fait que le comptoir n’a pas été fixé (au départ) et ne l’a pas été correctement dans les sept (7) jours suivant la livraison par le manufacturier.
[88] Il maintient que le comptoir peut tordre en raison de la fixation mécanique non conforme aux instructions du manufacturier. Il indique que le guide du manufacturier prévoit une méthode de pose qui permet le mouvement naturel du bois et que la fixation actuelle ne le permet pas. Il confirme qu’il n’a jamais travaillé pour un manufacturier de comptoir et qu’il n’a pas contacté le manufacturier avant d’émettre son rapport. Il affirme néanmoins que l’installation chez la Bénéficiaire rend la garantie nulle.
[89] Relativement au Point 10 qui concerne le dénivellement du plancher au niveau de la moulure de transition, il se contente d’affirmer que le dénivellement n’est pas au meilleur endroit.
[90] Quant au Point 11 traitant de l’espace entre deux (2) lattes du plancher flottant, il indique que les recommandations du manufacturier n’ont pas été suivies. Il admet toutefois être incapable d’indiquer de quelle manière la correction a été faite. Interrogé sur la qualité et la durabilité d’une correction qui, par hypothèse, serait faite en collant deux (2) lattes bout à bout, il dit que ce ne serait pas conforme aux instructions du manufacturier. Il n’a aucune opinion personnelle à savoir si le correctif en l’espèce est adéquat ou non, se limitant à dire qu’il constate que la réparation tient toujours, qu’elle n’est pas optimale parce que non conforme aux recommandations du manufacturier, et qu’il ignore combien de temps la réparation tiendra. Cependant, il ne se prononce pas sur la conséquence de cette non-conformité sur la garantie du manufacturier.
[91] En ce qui concerne le Point 15 traitant de la résistance thermique de certains murs, il précise que quatre (4) endroits sont problématiques selon lui, tel qu’indiqué dans son rapport.
[92] Il indique avoir procédé à un test thermographique à l’aide d’une caméra thermique plutôt que d’avoir procédé à un test d’infiltrométrie qui, selon lui, donnerait des résultats encore pires que ceux obtenus par son appareil.
[93] Pour défendre ses résultats, il soutient que le test par caméra thermique est plus précis et plus fiable que le thermomètre à infrarouge utilisé par Monsieur Labelle qui peut donner des résultats très variables puisque ciblé uniquement sur la zone pointée. Autrement dit, le thermomètre prend la température à un endroit précis alors que la caméra thermique balaie un spectre plus large d’où la plus grande fiabilité des résultats.
[94] Il indique comprendre comment fonctionne un test d’infiltrométrie et explique que c’est un test qui vise à forcer les infiltrations d’air à l’intérieur de la maison. Il confirme que si un test d’infiltrométrie est effectué, on devrait effectivement trouver des infiltrations, à condition toutefois de pointer au bon endroit.
[95] Ainsi, il maintient qu’il manque d’isolant aux quatre (4) endroits indiqués dans son rapport et il recommande de corriger l’isolation à ces endroits.
[96] Le Point 16 porte sur l’écart de température au plancher en porte-à-faux situé à l’étage, à l’arrière de la maison. À cet endroit également, il note une défaillance liée à l’isolation.
[97] Bien que la Bénéficiaire affirme que la problématique est généralisée à l’ensemble de la section en porte-à-faux, il dit s’être surtout concentré sur la section située dans la garde-robe de la chambre des maîtres puisqu’au moment de son inspection la Bénéficiaire se servait plus ou moins de l’autre pièce.
[98] D’entrée de jeu, il précise que lors de son inspection, il n’y avait aucune trace que quelqu’un avait été faire des vérifications au niveau du porte-à-faux. Pour sa part, il explique avoir retiré le soffite ainsi que la styromousse. Il note alors que l’isolation est compressée et que le pare-vapeur est mal installé, c’est-à-dire qu’il est installé du côté froid alors qu’il devrait être installé du côté chaud et qu’au surplus, il descend dans la laine isolante et n’offre pas l’étanchéité à laquelle on peut s’attendre. Il recommande de refaire l’isolation dans tout le porte-à-faux.
[99] Finalement, en ce qui concerne l’accumulation d’eau entre la résidence de la Bénéficiaire et la résidence voisine (Point 1), il indique que l’eau s’accumule à proximité de la maison sans pour autant s’accumuler près des fondations. Il indique que le risque d’infiltration d’eau à l’intérieur de la maison augmente si les accumulations augmentent, mais ajoute que pour qu’il y ait infiltration, il faudrait qu’il y ait une fissure ou un désagrégement de l’imperméabilisation de la maison. Il recommande de corriger les pentes du terrain.
[100] En contre-interrogatoire, il admet n’avoir aucune expertise en matière de pente de terrain. Il ajoute cependant qu’il vérifie toujours ce point lors de ses inspections. Il affirme être confortable avec les processus de drainage et avoir vu le plan de drainage qui ne prévoit pas d’accumulation entre les résidences.
[101] Il est forcé néanmoins d’admettre qu’il n’a pas vérifié auprès de la Municipalité de Gatineau le plan d’implantation et d’intégration ayant jugé que ce n’était pas nécessaire puisqu’il a constaté l’accumulation d’eau. Il dira également qu’il a observé la pente du terrain à l’œil nu et n’a pris aucune mesure. Il n’a pas vu personnellement l’accumulation d’eau, mais plutôt des photos qu’on lui a remises. Plus précisément, il a vu les photos de la Bénéficiaire à la fonte des neiges et celles de Monsieur Labelle. Il admet aussi que c’est en raison de la différence de niveau entre le terrain gazonné et le stationnement que les eaux s’accumulent à cet endroit.
[102] En ce qui concerne la « marque d’impact » au plancher de la cuisine, il n’en parle pas dans ses rapports puisque celle-ci n’était pas présente à ce moment.
Entrepreneur
[103] Mathieu Trépanier témoigne pour l’Entrepreneur. Il représente le fournisseur Quadécor qui a fourni les revêtements de plancher. Il ressort de son témoignage que plusieurs allers-retours ont été nécessaires pour satisfaire la Bénéficiaire, que ce soit au niveau des choix de couleur du plancher qu’elle avait choisi en magasin et qu’elle n’aimait plus une fois livré (pas assez blanc), ou encore la moulure de transition entre la céramique de la cuisine et le plancher flottant adjacent. Sur cette question précise, il dit avoir commandé une moulure métallique sur mesure spécialement pour la Bénéficiaire parce que l’autre moulure de transition aurait pris 6 à 8 semaines à arriver. Il ajoute également avoir été forcé de coller la moulure en usine puisque c’était impossible à réaliser chez la Bénéficiaire. En somme, il a fait des pieds et des mains pour la satisfaire.
[104] Enfin, il indique qu’au moment d’installer la fameuse moulure métallique, il n’a vu aucune « marque d’impact » sur le plancher.
[105] Guy Larocque est charpentier-menuisier et il travaille chez l’Entrepreneur. Il témoigne avoir assuré le service après-vente auprès de la Bénéficiaire.
[106] Sur la réparation effectuée au trou du luminaire de cuisine (Point 7), il explique avoir opté pour cette méthode corrective en raison des délais imposés par la Bénéficiaire pour procéder à l’ensemble des correctifs, soit une (1) journée. Il aurait pu ajouter un petit morceau de plâtre plutôt que d’appliquer du scellant acrylique, mais cette autre méthode aurait requis de faire des joints (3 couches), attendre que ce soit sec puis refaire la peinture complète du plafond (pour des raisons esthétiques). Le délai octroyé par la Bénéficiaire pour corriger de nombreux points ne permettait pas de procéder autrement que comme il l’a fait, sans compter que l’ajout d’un morceau de plâtre n’exclut pas la possibilité que ce petit morceau tombe lors du retrait du luminaire. Il a donc opté pour une méthode rapide, mais efficace et esthétique.
[107] Quant au comptoir (Point 9), il explique avoir proposé de le fixer mécaniquement par le dessus du comptoir (avec des goujons pour cacher les trous), mais que la Bénéficiaire a refusé cette méthode. Il n’avait donc aucun autre choix que de le fixer à l’aide d’équerres, les délais consentis pour effectuer les travaux ne permettant pas de procéder autrement et cette méthode rencontrait les exigences de l’Administrateur.
[108] Il affirme, en réponse à une question de la Bénéficiaire, que la courbure du comptoir peut se résorber et le comptoir redevenir plane puisque le bois est une matière vivante.
[109] Sur la question de l’espace entre deux (2) lattes du plancher flottant de la chambre des maîtres (Point 11), il affirme que le petit bout (celui qui débute la rangée et qui est le plus près du mur) a été collé bout à bout à la latte suivante qui y est adjacente. Sur ce point, il réfute le témoignage de la Bénéficiaire qui affirme que la latte a été collée au plancher. Il n’a pas suivi la méthode indiquée par le manufacturier puisque de s’y conformer aurait eu pour effet de l’obliger à retirer le quart de rond, à retirer la moulure au bas du mur et à défaire ni plus ni moins le tiers du plancher de la chambre. Il affirme que ceci n’était tout simplement pas raisonnable eu égard au délai dont il disposait.
[110] Il ignore la raison pour laquelle il y avait un espace entre ces deux (2) lattes et avance qu’elle n’a probablement pas été « clippée » (au départ) et que cela n’a pas été vu. Il indique que, selon lui, la latte n’est pas trop courte.
[111] Relativement au Point 10, soit la « marque d’impact » au plancher de la cuisine, il dit l’avoir vu pour la première fois le jour où il a procédé au remplacement de la tuile de céramique conformément à la décision de l’Administrateur sur ce point, qu’il l’a montrée à la Bénéficiaire avant de débuter ses travaux et qu’il lui a dit d’en parler à l’Administrateur.
[112] En contre-interrogatoire, il explique qu’il ne disposait que d’une seule journée. De fait, lors de la rencontre entre la Bénéficiaire et David Goulet, la Bénéficiaire a exigé de connaître à l’avance tout ce qui serait fait. Il prépare donc la liste et appelle la Bénéficiaire pour l’informer et prendre rendez-vous. Il lui dit avoir besoin de 2-3 jours, mais elle refuse et dit qu’elle ne lui donne qu’une seule journée et que le reste, ce n’est pas son problème.
[113] Enfin, il ignore la raison pour laquelle la Bénéficiaire n’a octroyé qu’une seule journée pour effectuer l’ensemble des travaux correctifs.
[114] Jonathan Goulet témoigne ensuite. Il est le président de l’Entrepreneur et actionnaire depuis sa création en 2012. Il affirme que l’Entrepreneur a construit à peu près 300 unités depuis sa création et qu’il s’agit de son premier arbitrage.
[115] Il indique qu’en moyenne, il consacre une somme d’environ mille dollars (1 000 $) par unité pour le service après-vente, incluant les matériaux et la main-d’œuvre des sous-traitants. Il inclut dans le service après-vente tous les éléments dénoncés lors de la réception du bâtiment et par la suite. Ici, il a investi plus de sept mille dollars (7 000 $) afin de satisfaire la Bénéficiaire, mais en vain.
[116] Il témoigne de nombreux exemples où il a dû faire des correctifs pour satisfaire la Bénéficiaire et il convient ici, à titre illustratif seulement, d’en citer deux, bien qu’il en ait répertorié plusieurs autres dans son témoignage.
[117] À titre d’exemple, il indique que le choix de couleur de la peinture fonctionne par code. Une fois la couleur choisie, le client lui donne le code. Ici, il a utilisé le code fourni par la Bénéficiaire, mais le résultat sous un éclairage naturel n’était pas le même que sous les néons du magasin. Il a donc refait l’ensemble de la peinture malgré qu’il n’ait commis aucune faute.
[118] Autre exemple : il affirme qu’il est vrai que la maison modèle visitée par la Bénéficiaire n’était pas complétée lorsqu’elle l’a visitée. Cependant, il y avait une moulure de transition dans l’entrée. Il n’y en avait pas dans la cuisine puisque le modèle de base ne prévoyait pas de céramique. Il dit qu’il aurait pu se contenter de poser la moulure de base fournie par le manufacturier. Mais plutôt que de faire cela, et malgré qu’il ait commandé et payé ladite moulure de base (en provenance d’Italie), il en a fait faire une métallique et sur mesure par un autre sous-traitant pour éviter les délais de livraison de 6 à 8 semaines.
[119] En ce qui concerne le Point 9 (comptoir de cuisine), il affirme que le comptoir était plat lors de chacune des installations. Par contre, il indique qu’il est clair aujourd’hui qu’il existe un problème au niveau de l’entretien. Par exemple, lors de la visite des lieux le jour de l’audience, l’échangeur d’air fonctionne alors que le taux d’humidité extérieur est très élevé, faisant ainsi entrer l’air humide à l’intérieur de la maison.
[120] Quant à la « marque d’impact » au plancher de la cuisine (Point 10), il dit que c’est la première fois qu’il en entend parler.
[121] En ce qui concerne l’isolation au niveau du porte-à-faux, il rappelle que la section en porte-à-faux se trouve directement au-dessus des soffites et que le plancher n’est pas chauffé par l’étage inférieur. Il estime que l’écart de température noté est acceptable.
[122] Enfin, au sujet de l’accumulation d’eau entre la résidence de la Bénéficiaire et la résidence voisine, il affirme que le terrassement respecte le plan d’implantation et d’intégration de la municipalité. De fait, afin de récupérer son dépôt, il doit fournir à la ville un plan scellé par un ingénieur qui certifie de la conformité des lieux audit plan. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il avait procédé à des correctifs en 2015. Il rappelle les pluies exceptionnelles du printemps 2017 et souligne qu’il n’y a aucune accumulation près de la maison d’où le fait qu’il n’existe aucun risque d’infiltration.
Administrateur
[123] Michel Labelle est inspecteur-conciliateur chez l’Administrateur et il est l’auteur des rapports faisant l’objet du présent arbitrage.
[124] Il indique d’abord avoir été membre de l’Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec de 1982 à 1994 et être membre de l’Ordre des technologues professionnels depuis 1999. Au cours de son emploi chez l’Administrateur, il a procédé à plus de 2 000 inspections et fait environ 1 000 tests par infiltrométrie depuis 1996.
[125] Dans le présent dossier, il affirme avoir eu accès au rapport d’Éric Ayotte daté du 19 février 2015 et sa décision du 1er septembre 2015 indique d’ailleurs que les dénonciations de la Bénéficiaire font en grande partie référence au rapport de ce dernier. Il en tient compte dans sa décision. Cependant, il dit ne pas avoir eu accès au rapport du18 novembre 2017 lors de sa visite du 17 avril 2018.
[126] En ce qui concerne le correctif au Point 7 (trou du luminaire), il indique qu’il s’agit d’une malfaçon non apparente, et donc garantie puisque dénoncée dans la première année suivant la réception du bâtiment (article 10(3) du Règlement). Au moment de sa première visite, il avait en mains le rapport de Monsieur Ayotte daté du 19 février 2015. Il reconnaît avoir un peu guidé la méthode corrective, malgré que celle-ci appartienne à l’Entrepreneur, parce qu’il ne croyait pas qu’il serait possible de faire du beau travail en appliquant du scellant vu l’espace à combler. Toutefois, il constate que le résultat obtenu est tout à fait convenable, esthétique et conforme aux règles de l’art. Il dit ne pas avoir entendu parler de la contestation de la Bénéficiaire avant ce jour.
[127] Il nie vigoureusement que la Bénéficiaire lui en ait parlé au cours de l’une de ses nombreuses visites subséquentes. Il témoigne avoir mis beaucoup de temps dans le dossier de la Bénéficiaire et être content de l’avoir fait. Cependant, il n’accepte pas le reproche qu’elle lui fait à ce titre.
[128] Au sujet du Point 9 (comptoir), il indique que c’est de son propre chef qu’il a ordonné la fixation mécanique du comptoir parce que ce n’était pas un élément dénoncé par la Bénéficiaire. Puisqu’il a constaté la situation lors de sa visite à laquelle toutes les parties étaient présentes, il a ordonné que la situation soit corrigée.
[129] Il a par ailleurs noté, lors d’une visite subséquente au cours de laquelle il évalue le correctif, que le taux d’humidité à l’intérieur de la maison est nettement inférieur à ce qui est recommandé (40% à 60%) et se situe alors à 25%.
[130] Puisque la courbure du bois que dénonce la Bénéficiaire s’explique par le taux d’humidité inadéquat, lequel relève de l’entretien normal du bâtiment, il rejette la réclamation de la Bénéficiaire en vertu de l’article 12(3) du Règlement, soit les réparations rendues nécessaires en raison d’un mauvais entretien par la Bénéficiaire.
[131] En ce qui concerne la « marque d’impact » au plancher de la cuisine (Point 10), il affirme bien candidement qu’elle était présente lors de sa première visite le 5 août 2015 et qu’il a volontairement omis de statuer sur cet élément. Il explique sa décision d’omettre cet élément par le fait que l’Entrepreneur et la Bénéficiaire ne s’entendent pas sur la cause de l’impact. La Bénéficiaire dit que c’est l’Entrepreneur qui a dû échapper un outil alors que ce dernier soutient que c’est faux et que ce n’est ni lui ni ses hommes. Autrement, ils le lui auraient dit.
[132] Monsieur Labelle affirme que la marque est tellement évidente qu’elle ne pouvait passer inaperçue lors de la réception et il est clair qu’elle est apparue par la suite. Il indique que le climat est extrêmement tendu entre la Bénéficiaire, son conjoint et le représentant de l’Entrepreneur et qu’il a choisi de ne pas en traiter dans son rapport pour ne rien ajouter au climat déjà toxique. S’il l’avait fait, il aurait rejeté la demande. D’ailleurs, c’est la décision qu’il rend aujourd’hui en vertu de l’article 10(2) du Règlement alors que l’on exige de sa part une décision sur cet aspect. Les motifs de sa décision sont énoncés plus haut.
[133] Au sujet du correctif demandé au Point 11 de sa décision du 1er septembre 2015, il reconnaît que l’Entrepreneur n’a pas suivi les recommandations du manufacturier eu égard à la longueur de la première latte de la rangée (celle avec laquelle un dégagement au mur est requis) ni en appliquant de la colle pour corriger la situation.
[134] Il comprend que la Bénéficiaire lui reproche de ne pas avoir exigé que le correctif soit fait « by the book ».
[135] Selon les informations que lui a données la Bénéficiaire lors de sa visite, il a compris que lesdites lattes ont été collées au plancher et ce n’est pas correct. Il l’admet. Il a toutefois jugé, qu’en raison de l’emplacement et de la faible quantité de colle qui a dû être utilisée dans le cadre du correctif, que celui-ci est acceptable même s’il n’a pas été fait selon les recommandations du manufacturier.
[136] Quoi qu’il en soit, il apprend au jour de l’audience que la colle a été appliquée à l’embout des deux (2) lattes (et non sur le plancher) et cette méthode est reconnue dans le marché et est tout à fait acceptable.
[137] En ce qui concerne le Point 15 (résistance thermique de certains murs), il reconnaît que l’appareil utilisé par Monsieur Ayotte est plus précis que son thermomètre à infrarouge. Il reconnaît également que Monsieur Ayotte est thermographe et que lui ne l’est pas.
[138] Par contre, il rappelle qu’il avait en mains le rapport de Monsieur Ayotte au moment de son inspection et indique qu’il a pris ses mesures très près des endroits où Monsieur Ayotte a pris ses propres mesures. Il souligne d’ailleurs, avec fierté, avoir trouvé un endroit où il y avait un manque d’étanchéité (et non un manque d’isolation) alors que Monsieur Ayotte ne l’avait pas identifié.
[139] Quoi qu’il en soit, il a procédé à une première prise de mesures en arrivant au domicile de la Bénéficiaire et à une deuxième prise de mesures, le même jour, après avoir procédé à la dépressurisation de la maison (infiltrométrie). Cette deuxième prise de mesure n’a révélé qu’un seul endroit où il y avait un manque d’étanchéité et l’Entrepreneur l’a réparé sur-le-champ par l’ajout d’uréthane giclé. Une nouvelle mesure est par la suite prise et le tout semble corrigé.
[140] La Bénéficiaire et son conjoint ne sont pas satisfaits des résultats de l’inspection en raison de la température extérieure qu’ils estiment ne pas être suffisamment froide pour pouvoir se fier aux résultats et Monsieur Labelle y retourne le 31 janvier 2017. Il reconnaît que la Bénéficiaire lui avait téléphoné quelques jours avant le 2 décembre 2015 pour lui indiquer qu’elle ne croyait pas qu’il ferait assez froid pour que le test soit valable, mais qu’il avait choisi d’y aller quand même, sachant qu’il devrait peut-être y retourner.
[141] Monsieur Labelle porte à l’attention du Tribunal que le Code de construction en vigueur ne comporte aucune norme relative à l’étanchéité (changement d’air à l’heure), sauf dans le cas des maisons Novoclimat. Par ailleurs, puisque la température extérieure était de 3°C le 2 décembre 2015, il a procédé à un test d’infiltrométrie pour avoir la certitude que ses mesures sont fiables. Il n’a noté d’écart marqué de température qu’à un seul endroit, que l’Entrepreneur a réparé sur-le-champ.
[142] Lors de sa visite du 31 janvier 2017, il a repris des mesures, mais n’a pas procédé à une infiltrométrie, la température étant alors de -9°C. Il a trouvé une petite zone de froid, près de celle réparée par l’Entrepreneur la fois précédente, mais rien d’autre. Il ordonne donc à l’Entrepreneur de procéder à ce correctif.
[143] Quant au Point 16 (résistance thermique du plancher en porte-à-faux), il a procédé à deux (2) visites, soit le 2 décembre 2015 et le 31 janvier 2017. Les mesures prises le 2 décembre 2015 ont été prises avant et après la dépressurisation, comme pour le Point 15. Les résultats obtenus avant et après la dépressurisation n’ont pas démontré d’écarts significatifs.
[144] De plus, lors de sa visite du 31 janvier 2017, il n’a pas vu de givre contrairement à ce que la Bénéficiaire lui a indiqué ni de point de rosée qui puisse indiquer un problème d’isolation.
[145] Au moment de rendre sa décision le 28 février 2017, il n’avait pas connaissance du rapport de Monsieur Ayotte du 18 novembre 2017. Cependant, après en avoir pris connaissance le jour de l’audience, il indique qu’il ne modifierait pas sa décision.
[146] Il indique que lors de sa visite du 5 août 2015, l’Entrepreneur avait retiré une section du soffite et qu’il avait lui-même pris des photos. Ses photos démontraient la présence de polystyrène, mais quant aux autres composantes, ses photos n’étaient pas claires. Puisqu’à première vue tout semblait conforme, il s’est fié aux dires de l’Entrepreneur, d’où la mention suivante dans son rapport :
Antérieur à la visite du 2 décembre 2015, j’ai été informé par le représentant de l’entrepreneur Guy Larocque qu’il fait des vérifications au plancher de l’étage pour la partie en porte-à-faux à l’ouest, plus spécifiquement la barrière thermique. Il a enlevé une partie du revêtement métallique sous le plancher (soffite pré perforé) et a pu voir le panneau de polystyrène expansé servant de bris thermique sous les poutrelles de plancher. Selon ses informations, la barrière thermique est conforme aux exigence (sic) de l’article 11.2.2.1 de la partie 11-Efficacité énergétique du Code de construction du Québec, Chapitre I.
Il maintient donc sa décision.
[147] En contre-interrogatoire, il est confronté par la Bénéficiaire aux photos du rapport de Monsieur Ayotte qui démontrent l’état d’installation du pare-vapeur ainsi que les mesures de température prises par ce dernier. Il indique alors son grand respect pour Monsieur Ayotte, mais il estime que les mesures qu’il a prises lors de ses visites sont fiables. Il souligne qu’il existe plusieurs méthodes pour construire un plancher en porte-à-faux et l’Entrepreneur en a choisi une qui est valable et rencontre les exigences de la partie 9 du Code de construction. Malgré que le pare-vapeur soit mal installé ou à tout le moins, que l’installation ne soit pas optimale, les tests effectués démontrent qu’aucun correctif n’est requis, en l’absence de tout autre indice qui tende à démontrer le contraire. S’il y avait un problème, il aurait vu des points de rosée, de la moisissure ou des champignons. Mais en l’espèce, il n’a rien vu de tel.
[148] Quant à la demande portant sur l’accumulation d’eau (Point 1) il en entend parler pour la première fois à l’automne 2017. La visite d’inspection a lieu le 17 avril 2018 et il rend sa décision le 20 du même mois. Il indique que bien que la visite d’inspection avait officiellement lieu le 17 avril, il est passé devant la maison de la Bénéficiaire le 29 mars précédent alors qu’il effectuait une inspection sur une autre propriété pas très loin de chez la Bénéficiaire. À cette date, il n’a pas vu d’accumulation d’eau sur le terrain qui découlerait de la fonte des neiges.
[149] Au cours de sa visite d’inspection du 17 avril, il note que le pavage du stationnement est fait alors qu’il ne l’était pas lors de sa toute première visite le 5 août 2015. Il demande donc à l’Entrepreneur de lui fournir la documentation. La documentation reçue corrobore le tout.
[150] Il affirme que le 17 avril, il n’a pas vu d’accumulation d’eau sur le terrain de la Bénéficiaire. Il rappelle d’ailleurs que lors de la visite des lieux effectuée immédiatement avant l’audience, le terrain est sec malgré les pluies des derniers jours.
[151] Par ailleurs, le sol étant encore gelé en mars-avril, cela lui a permis de bien voir les pentes du terrain. Il reconnaît que les pentes font en sorte que les eaux s’accumulent entre les deux (2) propriétés (au centre des cours latérales), mais indique qu’il n’y a aucune accumulation d’eau près des fondations de la maison de la Bénéficiaire, à l’exception d’un endroit. En effet, il y a une petite accumulation d’eau au coin sud-est de la maison qui jouxte le stationnement. Cette accumulation s’explique par le fait que la Bénéficiaire a retiré une partie de la pelouse à cet endroit pour y mettre du paillis de cèdres de sorte qu’à cet endroit précis, le sol est plus bas que le reste du terrain gazonné, et que le stationnement.
[152] Par ailleurs, si les eaux s’accumulent au centre des cours latérales, c’est en raison de la différence de niveau entre la pelouse et la couche d’asphalte. En somme, le stationnement est surélevé par rapport au terrain. Les espaces de stationnement et le système de drainage des eaux de surface étant spécifiquement exclus de la garantie[2], il ne peut en tenir compte pour faire droit à la demande de la Bénéficiaire.
[153] Ainsi, les pentes étant conformes aux dispositions du Code de construction du Québec 2005, Chapitre I (art. 9.12.3.2 et 9.14.6.1) il rejette la réclamation de la Bénéficiaire.
[154] Il ajoute que la réclamation est également inadmissible en raison du délai de dénonciation dudit problème à l’Entrepreneur et à l’Administrateur. Sur ce point, il précise que le délai de six (6) mois prévu à l’article 10 du Règlement débute au plus tard le 30 mars 2017, soit à la date de la première demande d’arbitrage, puisque la Bénéficiaire affirme avoir noté la problématique lors de l’ouverture du dossier d’arbitrage. Comme la dénonciation est reçue par l’Administrateur le 13 novembre 2017, un délai de sept (7) mois et demi s’est écoulé depuis la découverte.
Contre-preuve - Bénéficiaire
[155] En contre-preuve, la Bénéficiaire témoigne sur les raisons qui ont fait qu’elle n’a accordé qu’une seule journée à l’Entrepreneur pour procéder aux travaux correctifs. Elle explique que la situation n’était plus gérable au quotidien avec le travail et la surveillance des travaux à tout moment selon les disponibilités de l’Entrepreneur. Elle réfère le Tribunal aux divers échanges de courriels et ajoute qu’elle n’a jamais dit à l’Entrepreneur qu’il ne pouvait plus revenir.
V
PLAIDOIRIES
Bénéficiaire
[156] La Bénéficiaire affirme avoir tout dit. Elle réitère que même si le résultat final semble acceptable à l’Administrateur en ce qui concerne le scellant acrylique au pourtour de la fixture du luminaire, le problème n’est pas pour autant réglé. Ce n’est qu’une réparation temporaire.
[157] Quant au comptoir, elle déplore la situation et dit que si tout avait été fait correctement au départ, ils n’en seraient pas là.
[158] La Bénéficiaire plaide que les guides d’installation des manufacturiers existent pour une raison et que l’Entrepreneur doit s’en servir. Elle s’en remet donc à ces normes et soutient que s’il existe des méthodes correctives alternatives acceptables aux yeux de l’Entrepreneur et de l’Administrateur, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas conformes aux normes des manufacturiers et pour ce motif, elle demande au Tribunal de maintenir ses demandes.
Entrepreneur
[159] Me Tremblay rappelle que le débat porte sur les décisions de l’Administrateur et uniquement sur les décisions. Le fardeau appartient à la Bénéficiaire qui doit démontrer en quoi les décisions de Monsieur Labelle sont incorrectes.
[160] Il soutient que cette dernière n’a offert aucune preuve probante qui tende à démontrer que les décisions sont incorrectes et pour ce motif, il demande de rejeter les demandes de Madame Molloy.
[161] Plus particulièrement, il soutient que Monsieur Ayotte se méprend sur son rôle d’expert. L’ensemble de son témoignage démontre qu’il témoigne pour sa cliente et non pour aider le Tribunal. Il précise qu’il ne remet pas en cause ses connaissances techniques ni son honnêteté mais que son manque de détachement vis-à-vis sa cliente affecte sa crédibilité et la force probante qu’il convient d’accorder à ses affirmations.
[162] À l’opposé, Monsieur Labelle est sérieux, rigoureux et vaillant. Il cite, à titre d’exemple, les heures consacrées aux inspections et au dossier en général. Il a démontré son désir de véritablement comprendre les enjeux et son impartialité ne peut être remise en question. D’ailleurs, dans son premier rapport il ordonne à l’Entrepreneur de procéder à des correctifs relativement à 14 des 23 points soulevés et 2 font l’objet d’un rapport supplémentaire en raison des conditions climatiques.
[163] De plus, Monsieur Labelle a ordonné des correctifs sur des points qui n’avaient pas été notés par Monsieur Ayotte. Il ressort de son témoignage qu’il ne témoigne pas pour défendre l’Administrateur mais pour appliquer le Règlement.
[164] Quant à Monsieur Larocque, son témoignage est crédible et non-contredit.
[165] Cependant, le témoignage de Madame Molloy démontre qu’elle en est à son deuxième achat de maison neuve et que c’est la deuxième fois qu’elle fait appel au plan de garantie.
[166] Également, ses exigences quant au nombre de visites requises de la part de Monsieur Labelle sont déraisonnables. Il qualifie le comportement de cette dernière d’exorbitant par rapport à ce à quoi on peut s’attendre de la part d’un bénéficiaire, mais malgré tout, Monsieur Labelle persiste dans sa tâche.
[167] Quant à l’Entrepreneur, tant ses démarches antérieures que postérieures à la réception du bâtiment n’arrivent pas à la satisfaire.
[168] Il rappelle que la pose régulière de scellant relève de l’entretien normal. La décision de Monsieur Labelle quant au scellant au pourtour de la fixture du luminaire est correcte. Il estime la réparation acceptable et il ne note aucun déficit d’usage. Il n’y a donc pas lieu d’infirmer la décision.
[169] Quant au comptoir, le témoignage de Monsieur Ayotte n’éclaire en rien le Tribunal. Il n’est pas en mesure de dire en quoi le taux d’humidité peut affecter le bois. Il est également incapable de dire en quoi la fixation mécanique est incorrecte ou de nature à causer des problèmes. Il se contente de répéter ce qui est inscrit dans le guide du manufacturier. Son témoignage sur ce point ne fait aucun doute qu’il est inféodé et qu’il épouse la cause de sa cliente.
[170] Son témoignage se limite également à dire que les normes du manufacturier n’ont pas été respectées en ce qui concerne la correction de l’espace au niveau du plancher flottant de la chambre des maîtres. Il est incapable de dire en quoi le correctif est inadéquat.
[171] L’évaluation de la crédibilité du témoin est faible et il invite le Tribunal à la vigilance particulièrement en ce qui concerne les Points 15 et 16 où il est question de résistance thermique. Il met en garde le Tribunal de se laisser berner par la sophistication des instruments utilisés de part et d’autre. Il soutient que le test d’infiltrométrie effectué par Monsieur Labelle et la fiabilité des résultats obtenus est supérieur au test et aux résultats de Monsieur Ayotte, malgré que ce dernier utilise une caméra thermique à large spectre plutôt qu’un thermomètre dont le spectre est plus restreint.
[172] Si Monsieur Ayotte se fie à ses mesures, Monsieur Labelle s’en remet à l’efficacité de la méthode utilisée. Il est vrai que Monsieur Ayotte a démontré un défaut au niveau de l’installation de l’isolation dans le plancher en porte-à-faux. Cependant, l’installation actuelle, bien que non optimale, ne démontre aucun signe d’inefficacité. En l’absence de signes extérieurs tels des points de rosée, de la moisissure ou des champignons, il convient de conclure comme l’a fait Monsieur Labelle. La perfection n’étant pas de ce monde, il faut parfois accepter des imperfections, pourvu que le bâtiment rencontre les normes.
[173] Il demande le maintien de la décision de l’Administrateur.
Administrateur
[174] Me Godin fait siens les arguments de Me Tremblay et limite ses représentations au processus d’arbitrage. Il rappelle que le présent Tribunal siège en appel de deux (2) décisions de l’Administrateur et que son rôle consiste à reprendre le processus décisionnel de l’inspecteur-conciliateur et à dire si la décision est correcte ou non.
[175] Plus précisément, il indique, quant au Point 7, que le correctif réalisé a été jugé adéquat par Monsieur Labelle. Il ajoute aussi qu’il n’y a eu aucune contestation du correctif et que ce n’est que pour des raisons de proportionnalité qu’il a accepté d’en traiter dans le cadre du présent arbitrage, tout en réservant ses droits de plaider l’absence de dénonciation écrite.
[176] Il rappelle que le Tribunal tient son pouvoir du Règlement et qu’il doit y avoir une décision de l’Administrateur pour que le Tribunal soit compétent à rendre une décision. Le Règlement est rigide, soit, mais il l’est pour tous, y compris pour la Bénéficiaire et l’Entrepreneur. Il n’y a pas que l’Administrateur qui doive faire preuve de rigueur et se soumettre à la rigidité de la loi.
[177] En l’espèce, il n’y a eu aucune dénonciation écrite et la demande ne devrait même pas être recevable. Mais puisqu’il a été convenu qu’une décision soit rendue oralement au jour de l’audience, qu’il en soit ainsi. Quoi qu’il en soit, Monsieur Labelle a décidé, le jour de l’audience, que le correctif effectué est acceptable et aucune preuve n’est venue démontrer le contraire. La décision doit donc être maintenue.
[178] Quant au point 10, Me Godin s’oppose à ce que le Tribunal décide de la demande relative au dénivelé excessif. Il rappelle que le Point 10 traite de deux (2) aspects, soit a) une tuile de céramique qui n’était pas de niveau et b) le dénivellement entre les types de revêtement dans la cuisine, au niveau du joint de transition (céramique et plancher flottant).
[179] Il rappelle que dans sa décision du 1er septembre 2015, Monsieur Labelle reconnaît que la tuile de céramique doit être remplacée et mise à niveau. Par contre, il rejette la réclamation de la Bénéficiaire quant au dénivellement qu’elle prétend excessif entre la céramique et le plancher flottant puisqu’aucun cahier de charges particulières ne lui a été remis et qu’il s’agit d’une malfaçon apparente, non dénoncée au moment de la réception. La Bénéficiaire n’ayant pas porté ce point en arbitrage, Me Godin soutient qu’elle est maintenant forclose de le faire.
[180] Quant à la « marque d’impact » au plancher de la cuisine qui est ajouté au Point 10, ce point n’a jamais fait l’objet d’une décision écrite de l’Administrateur. Une fois de plus, en vertu de la règle de la proportionnalité, il a été convenu d’en traiter aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, il plaide que cette situation n’a pas été dénoncée sur le formulaire de pré réception ni par la suite. Cette marque est tellement visible qu’on ne peut pas ne pas la voir en rentrant de travailler le soir ou lors de la visite pré réception.
[181] Il est clair qu’un objet contondant est tombé sur le plancher et que ceci s’est produit après la réception, mais avant la visite de Monsieur Labelle du 5 août 2015. Les parties ne s’entendent pas sur la date à laquelle la marque est survenue ni quant à l’identité du responsable. Mais quoi qu’il en soit, cette problématique n’a pas été dénoncée par écrit lors de la réception, ni par après. Et même dans l’éventualité où l’Entrepreneur en était la cause, il plaide l’exclusion prévue à l’article 12(6) du Règlement.
[182] Poursuivant avec le Point 11, il reconnaît que la réparation ne rencontre pas les normes du fabricant et précise qu’il ne demande pas au Tribunal de rendre une décision « de gros bon sens ». Cependant, il demande qu’il soit considéré dans la décision qu’il s’agit d’un seul endroit, dans un coin reclus de la chambre et non passant (sous la table de nuit) et sans déficit d’usage actuel ou projeté. Il n’existe aucune preuve que la réparation soit inefficace et il est peu probable que le manufacturier nie garantie au motif que deux (2) lattes ont été collées ensemble en leurs embouts. Il serait déraisonnable d’exiger de défaire le tiers du plancher pour une seule petite latte. Au surplus, les lattes ne sont pas collées au plancher, mais bien l’une à l’autre de sorte que le mouvement des matériaux n’est pas entravé du fait de la colle.
[183] Quant au comptoir, Me Godin plaide que ce n’est pas l’usage d’équerres qui a provoqué le gondolement (ou courbure). De fait, le gondolement était plus présent le 5 août 2015 (avant la fixation mécanique) qu’après, et curieusement, la courbure du comptoir diminue avec le contrôle du taux d’humidité. Le gondolement apparaît donc être un problème d’entretien lequel est exclu du Règlement[3].
[184] Au surplus, Monsieur Labelle estime que l’utilisation d’équerres est conforme à l’usage du marché et aux règles de l’art et la Bénéficiaire n’a offert aucune preuve qui tende à démontrer que cette méthode est inacceptable.
[185] Quant à la résistance thermique (Points 15 et 16), Monsieur Labelle a fait plus que nécessaire et la méthode de dépressurisation (infiltrométrie) est valide et fiable. Même s’il existait de minimes infiltrations, une construction n’est pas et n’a pas à être parfaite pour rencontrer les normes, d’où la tolérance de certains écarts.
[186] Enfin, en ce qui concerne la dernière demande de la Bénéficiaire, soit l’accumulation d’eau entre sa propriété et celle de sa voisine, il soutient que la situation est exclue du Règlement. D’une part, la dénonciation a été faite hors délai[4], lequel est de déchéance. D’autre part, il n’y a aucune accumulation d’eau aux abords de la fondation ni aucune pente négative. La situation découle de la différence de niveau entre le terrain gazonné et le pavage d’asphalte qui est plus élevé (et cause un barrage de glace) et cette situation est également exclue de l’application de la garantie[5]. Il souligne que Monsieur Ayotte a d’ailleurs reconnu que c’est cette différence de niveau qui est la cause de l’accumulation dont il est ici question.
[187] L’Administrateur demande le maintien intégral de la décision de Monsieur Labelle.
VI
ANALYSE ET DÉCISION
[188] Le Tribunal est saisi de deux (2) demandes d’arbitrage comprenant un total de huit (8) points. L’audience s’est tenue le 3 juillet 2018 et a duré plus de douze (12) heures, incluant la visite des lieux.
[189] Préalablement à l’audience, des conférences téléphoniques ont eu lieu et les règles de procédure ont été expliquées sommairement aux parties. Recommandation a également été faite à la Bénéficiaire et à l’Entrepreneur, qui n’était pas représenté à l’époque, de consulter un avocat afin de se faire expliquer quoi présenter à l’arbitre et comment le faire. Il s’agit d’une recommandation d’usage que l’arbitre soussignée fait d’emblée dans tous les dossiers dès lors qu’une partie n’est pas représentée par procureur.
[190] Au jour de l’audience, l’Entrepreneur est représenté par Me Tremblay et la soussignée ignore si la Bénéficiaire a consulté un avocat. Quoi qu’il en soit, cette dernière se représente seule.
[191] Il est impossible de passer sous silence la charge émotive importante chez la Bénéficiaire, ce qui a certainement contribué à allonger la durée de l’audition. Quoi qu’il en soit, tant en cours d’audience que lors de la visite des lieux, le Tribunal a dû, à plusieurs reprises, rappeler à cette dernière de s’en tenir aux points qui sont en arbitrage et qu’il ne servait à rien de démontrer l’ensemble de ses insatisfactions relatives à sa propriété, tout comme il est inutile de parler de tous les travaux effectués sur sa résidence et qui ne concernent pas les points en arbitrage.
[192] D’entrée de jeu, la Bénéficiaire déplore l’absence de David Goulet qu’elle a assigné par citation à comparaître signifiée à son lieu de travail, soit au siège de l’Entrepreneur. David Goulet est le représentant avec qui elle a eu de nombreuses discussions chez l’Entrepreneur et le cousin de Jonathan Goulet, et elle souhaite son témoignage relativement à une conversation qui a eu lieu entre elle-même, ce dernier et Jonathan Goulet. Il était également, au moment des événements pertinents, coactionnaire et administrateur de l’Entrepreneur.
[193] Le 17 juin 2018, la Bénéficiaire écrivait à l’arbitre soussignée et indiquait ne pas avoir reçu de liste de pièces ni de liste de témoins de la part de l’Entrepreneur. La soussignée prend connaissance du courriel de Me Tremblay du 15 juin et y répond en utilisant la fonction « Répondre à tous » pour constater que le courriel ne se rend pas à la Bénéficiaire. Il y a une erreur dans l’adresse qu’a utilisée Me Tremblay le 15 juin pour cette dernière. Sitôt constatée, l’arbitre transfère le courriel de Me Tremblay à la Bénéficiaire et indique à Me Tremblay de corriger l’adresse de la Bénéficiaire.
[194] Le courriel de Me Tremblay indique ceci :
Nous venons d’être mandatés afin d’assister l’entrepreneur dans le cadre de l’arbitrage. À ce titre nous vous avisons que les personnes suivante (sic) sont susceptibles de témoigner.
· Guy Larocque, employé de Solico constrcutions inc.;
· Mathieu Trépanier: Quadécor (plancher);
· Mario Daley: (isolation toit)
[195] C’est ainsi que le 17 juin la Bénéficiaire connaît le nom des personnes susceptibles de témoigner.
[196] Le 18 juin, le Tribunal écrit à Me Tremblay et indique ceci :
Par ailleurs, je vous fais suivre en pièce jointe le courriel de la Bénéficiaire qui requiert la présence de certains témoins. Auriez-vous l’obligeance de nous confirmer avec certitude la présence des 3 témoins indiqués dans votre courriel de vendredi dernier afin que la Bénéficiaire puisse assigner les personnes qu’elle souhaite faire entendre ou que vous preniez un engagement avec celle-ci à l’effet que vous ferez en sorte que les personnes qu’elle vous indiquera seront présentes lors de l’audience. (nos soulignements)
[197] Toujours le 18 juin, et suite au courriel de l’arbitre à Me Tremblay dont un extrait est reproduit ci-dessus, la Bénéficiaire demande à comprendre le rôle de Me Tremblay dans le dossier et écrit :
Dois-je comprendre que Monsieur Jonathan Goulet et Monsieur David Goulet seront présents, mais ont retenu les services d'un avocat pour les assister lors de la journée du 3 juillet, et que ceux-ci ont désigné trois témoins "ordinaires" identifiés dans le courriel de Me Tremblay?
[198] À ce courriel, Me Tremblay répond ceci le 19 juin :
Nous pouvons vous confirmer que M. Jonathan Goulet sera présent lors de l’audition.
En ce qui concerne les témoins potentiels, nous ne nous engageons pas à ce qu’ils soient présents. Si vous croyez avoir besoin de leur témoignage pour faire la preuve de vos prétentions nous vous suggérons d’effectuer les démarches appropriées dans les circonstances.
[199] Cependant, David Goulet a quitté l’Entrepreneur et la Bénéficiaire ne le sait pas. Me Tremblay, lui, est par contre informé de ce fait ou s’il ne l’est pas, il aurait pu à tout le moins indiquer qu’il ne connaît pas de David Goulet ou encore s’informer auprès de sa cliente. Pourtant, il ne dit rien à ce sujet dans son courriel du 19 juin. Il attend plutôt au 27 juin pour écrire ceci à la Bénéficiaire :
Le représentant de notre cliente nous informe qu’un Huissier a signifié une citation à comparaitre à Monsieur David Goulet à la place d’affaires de Solico. Nous devons vous informer que Monsieur Goulet a quitté l’entreprise il y a quelques mois. Ainsi, la citation à comparaitre n’a pu lui être remise.
Dans les circonstances, nous comprenons que vous verrez à faire le nécessaire pour vous assurer de la présence de Monsieur Goulet si vous estimez que cela soit nécessaire. À cet égard, nous vous informons que Monsieur Jonathan Goulet, représentant de Solico, sera disponible pour rendre témoignage si vous le jugez approprié.
[200] Suite aux échanges entre les parties et avec le Tribunal, il est convenu de ne pas reporter l’audience à une date ultérieure en raison de l’absence du témoin. De fait, la Bénéficiaire et Jonathan Goulet pourront tous deux (2) témoigner sur la discussion qui a eu lieu entre ces trois (3) personnes et le témoignage de David Goulet, en ce sens, n’est pas crucial ni décisif. La Bénéficiaire reconnaît que l’absence de ce témoin ne lui cause pas préjudice outre mesure. Elle est cependant frustrée, avec raison, et sent qu’on lui met des bâtons dans les roues.
[201] Bien que nous ayons procédé à l’audition en l’absence de ce témoin, le Tribunal estime nécessaire d’émettre certains commentaires avant d’aborder plus spécifiquement les points en litige.
[202] En effet, en arbitrage, et plus particulièrement en matière d’arbitrage tenu en vertu du Règlement, il est connu que les bénéficiaires se représentent très souvent seuls et il en va aussi de même de l’Entrepreneur. Les administrateurs du plan de garantie, pour leur part, sont toujours représentés par avocat. Les procureurs des administrateurs sont habitués à cette réalité et collaborent, en règle générale, très bien avec les parties non représentées. Sans aller jusqu’à les aider, ils ne jouent pas « au chat et à la souris » avec les parties et ils donnent de l’information générale, mais utile à la partie qui pose une question. Parfois même le procureur fera certaines suggestions comme celle de remettre l’audition à une date ultérieure afin de permettre au bénéficiaire ou à l’entrepreneur de mieux préparer son dossier lorsqu’il est manifeste qu’il ne l’est pas.
[203] La situation décrite plus haut est totalement inacceptable et ne peut être passée sous silence. Les communications entre Me Tremblay, depuis son arrivée au dossier le 15 juin 2018, et la Bénéficiaire n’ont pas été faciles. Il fut laborieux d’obtenir de Me Tremblay la confirmation du nom de ses témoins et des rappels ont dû être faits quant au délai de communication de la preuve. L’indication de personnes susceptibles de témoigner n’est utile à personne et encore moins à une partie qui se prépare à l’audition. Une telle indication ne permet pas non plus au Tribunal et aux parties de réévaluer, le cas échéant, la durée de l’audition.
[204] Dans les faits, seulement deux (2) des trois (3) témoins énumérés plus haut ont été entendus par le Tribunal.
[205] Bien qu’il soit nouveau au dossier, Me Tremblay devait prendre connaissance de l’ensemble du dossier et devait être au fait des délais de communication de la preuve et de celui prévu pour annoncer le nom de ses témoins. Il ne pouvait se contenter de donner une liste de noms potentiels. En somme, ce qu’il dit c’est qu’il n’a pas encore décidé de son plan de match.
[206] Le Tribunal déplore cette attitude qui est source d’inquiétude et de stress, surtout pour une partie non représentée. Même si les règles de procédures s’appliquent avec un peu plus de souplesse en arbitrage que devant les tribunaux de droit commun, il convient ici de rappeler que la communication du nom des témoins est non seulement une règle de procédure essentielle, mais également de respect et de courtoisie. L’identité des témoins de la partie adverse est cruciale à la préparation de toute audition.
[207] En l’espèce, aucune conclusion en abus ne m’a été demandée et le Tribunal n’a pas à se prononcer à cet égard. Toutefois, le Tribunal souligne une décision déjà rendue par la soussignée dans un autre dossier et qui traite des sanctions du comportement d’une partie pendant le déroulement de l’instance[6] de même qu’une récente décision de l’Honorable Florence Lucas, j.c.s.[7].
[208] Le Tribunal met en garde le lecteur de tirer des conclusions hâtives de ce qu’aurait pu être la décision en l’instance si de telles conclusions avaient été demandées, mais estime néanmoins important de faire ce rappel puisque le comportement des parties, et encore plus celui des procureurs, est particulièrement important et les écarts de conduite ne doivent plus être tolérés.
[209] Ceci étant dit, le Tribunal a entendu et compris les demandes et reproches de la Bénéficiaire et retient que son expérience avec l’Entrepreneur n’a pas été agréable ni facile, d’autant plus qu’il s’agit de la deuxième fois qu’elle vit ce type de situation. Le Tribunal le reconnaît.
[210] Il est aussi vrai par ailleurs que la Bénéficiaire est apparue comme une personne décidée, exigeante et qui a des standards de qualité élevés avec une tolérance à l’erreur probablement inférieure à la moyenne.
[211] De son côté, l’Entrepreneur ne l’a pas eu facile non plus et il semble avoir déployé de nombreux efforts pour satisfaire sa cliente, en vain. Cette situation est certes décourageante d’autant plus qu’au moment des événements pertinents, l’Entrepreneur est jeune et enthousiaste de son nouveau projet, mais somme toute relativement nouveau sur le marché (à peine 2 ans). On ne peut nier par contre qu’il est possible qu’il ait peut-être manqué un peu d’expérience en matière de gestion des processus comme l’a suggéré la Bénéficiaire. Malgré tout, la situation n’a pas été facile ni agréable pour lui et le Tribunal le reconnaît.
[212] Ces éléments constituant la trame de fond de ce dossier, il n’en demeure pas moins que si la charge émotive liée aux événements vécus de part et d’autre a nécessairement eu un impact sur le déroulement de l’instance, ceux-ci ne peuvent influencer le résultat de la décision en faveur de l’une ou de l’autre des parties en l’instance.
[213] Le Tribunal d’arbitrage est tenu de dire le droit et non de le créer. S’il peut avoir recours à l’équité lorsque les circonstances le justifient[8], l’équité ne peut servir comme seule assise à la décision. C’est avec parcimonie que l’arbitre doit y avoir recours et encore, il doit en faire usage de manière logique, raisonnable, judicieuse et uniquement lorsque les circonstances s’y prêtent[9]. L’équité ne peut servir à contredire une règle de droit claire ni à créer du droit, mais elle peut guider le Tribunal dans l’interprétation de certains faits ou encore lorsqu’une interprétation stricte du Règlement mènerait à un résultat injuste et contraire à l’esprit de la loi[10].
Point 7 Revêtement intérieur de finition : plafond de la cuisine
[214] Le témoignage de Madame Molloy diffère de celui de Monsieur Labelle quant à la dénonciation verbale de la non-conformité du correctif effectué suite à la décision de l’Administrateur datée du 1er septembre 2015. Puisqu’il a été convenu d’en traiter dans le présent arbitrage et que Monsieur Labelle rende une décision verbale le jour de l’audience, qu’il en soit ainsi.
[215] La décision de l’Administrateur sur ce point est à l’effet que les travaux correctifs sont conformes et cette décision apparaît raisonnable. Aucune preuve n’a été offerte à l’effet que celle-ci ne corresponde pas aux normes et aux règles de l’art en vigueur et pour ce motif, le Tribunal rejette la demande de la Bénéficiaire sur ce point.
Point 9 Îlot de cuisine : comptoir
Fixation mécanique
[216] Les procureurs se sont objectés au dépôt des pièces B-2 à B-4 au motif qu’aucun représentant du fabricant n’est présent pour être interrogé au sujet de ces documents et qu’au surplus, la pièce B-2 indique qu’il s’agit d’un document daté de 2016, soit après la construction de la résidence objet du présent recours et après les travaux correctifs effectués en 2015. Les objections ont été prises sous réserve et après analyse, l’objection doit être accueillie
[217] Les pièces B-2 à B-4 sont des documents obtenus sur le site internet du manufacturier Bizier. La pièce B-2 n’est ni plus ni moins qu’un extrait du site internet de Bizier et donne de l’information générale sur les types de comptoir, le choix de bois et de finition, l’entretien et la restauration des surfaces, etc. Le document réfère le lecteur à un document technique intitulé Instruction d’installation d’un comptoir de bois et est destiné à quiconque fait l’achat d’un comptoir Bizier et fait le choix de l’installer lui-même. Il s’agit de la pièce B-4.
[218] Quant à la pièce B-3, elle semble émaner du site de Bizier et traite de la garantie du produit.
[219] Bien qu’aucune preuve documentaire n’ait établi que le comptoir de la Bénéficiaire est de marque Bizier, personne n’a contesté ce fait de sorte que le Tribunal considère qu’il s’agit bel et bien d’un comptoir de cette marque.
[220] La date de 2016 qui apparaît au bas de la pièce B-2 indique le copyright. Il s’agit probablement de la date de confection du site internet. Par ailleurs, on note au haut de la page que le document a été imprimé par la Bénéficiaire le 11 mai 2018. Il faut donc en conclure que le document déposé démontre le contenu du site web à cette date.
[221] La pièce B-4, pour sa part, ne porte aucune date, mais on peut comprendre qu’il s’agit d’un document en format pdf accessible en cliquant sur le lien se trouvant directement sur le site de Bizier. Rien n’indique la date de confection de ce document, ni depuis quel moment les instructions d’installation qui y sont énoncées sont en vigueur.
[222] La pièce B-3, quant à elle, semble également être un document en format pdf accessible en cliquant sur un lien directement sur le site de Bizier, et il ne porte aucune date.
[223] Si la Bénéficiaire voulait déposer ces documents pour démontrer les démarches qu’elle a faites, son cheminement intellectuel ou son questionnement l’ayant mené à mandater son expert sur un point précis, ces pièces seraient admissibles puisque leur dépôt tendrait à démontrer un contexte et non le contenu à proprement parler du document.
[224] Il en va cependant autrement quand on veut utiliser ces documents, qui n’ont pas été imprimés à une date contemporaine à la date de la construction et/ou des travaux correctifs, et qu’on veut convaincre le Tribunal d’infirmer une décision de l’Administrateur sur la foi de leur contenu.
[225] Permettre le dépôt de ces pièces en l’absence d’un représentant de Bizier pour confirmer qu’il s’agit bien des instructions et garantie en vigueur au moment pertinent n’est pas acceptable. De plus, les admettre en l’absence d’un témoin apte à témoigner à leur sujet priverait les parties de la possibilité de l’interroger sur l’acceptabilité du correctif effectué et l’application de la garantie en l’espèce.
[226] Puisque la version [de ces documents] en vigueur au moment de la construction de la propriété et/ou des travaux correctifs n’a pas été déposée et qu’aucun représentant du fabricant n’a témoigné à l’audience, ceux-ci ne peuvent être admis en preuve.
[227] Le dépôt des pièces B-2 à B-4 n’étant pas permis, que reste-t-il de la preuve qui puisse permettre au Tribunal de faire droit à la demande de la Bénéficiaire?
[228] Après avoir entendu les témoignages, le Tribunal est d’avis que la Bénéficiaire ne s’est pas déchargée de son fardeau de me convaincre que le correctif est inadéquat.
[229] Sans prendre position sur la conformité du correctif effectué eu égard aux normes du fabricant, il n’existe pas de preuve à l’effet que les travaux de l’Entrepreneur ne soient pas conformes aux normes et règles de l’art en vigueur à l’époque des événements.
[230] Monsieur Labelle, dans son témoignage, a affirmé que le correctif correspond aux règles de l’art et aux usages du marché.
[231] Le témoignage de l’expert, quant à lui, n’est qu’une répétition du contenu des pièces B-2 à B-4 et il est incapable d’émettre une opinion professionnelle. Il n’a jamais travaillé pour un manufacturier et n’a fait aucune vérification des règles de l’art, ni fait de vérifications auprès du fabricant qui puissent lui permettre d’affirmer que la technique utilisée par l’Entrepreneur ne permet pas d’arriver aux mêmes fins ni que la garantie est nulle du fait du correctif effectué.
[232] Comme Monsieur Ayotte n’a pas contredit les propos de Monsieur Labelle et qu’il n’est pas en mesure de témoigner sur les règles de l’art en vigueur, je me dois de conclure à l’absence de preuve qui démontre que la décision de l’Administrateur soit erronée sur cet aspect. La demande est donc rejetée sur cet aspect.
Courbure du comptoir
[233] En ce qui concerne la courbure du comptoir, ce point avait été reconnu par Monsieur Labelle dans sa décision du 1er septembre 2015. Les correctifs n’étant pas à la satisfaction de la Bénéficiaire et cette insatisfaction ayant été portée à l’attention de l’Administrateur par écrit, ce point est traité de nouveau dans la décision du 28 février 2017.
[234] Monsieur Labelle, après avoir pris des mesures du taux d’humidité, s’est dit d’avis que le taux d’humidité anormalement bas est la cause de la courbure observée et que la réclamation ne peut être reconnue en vertu du Règlement. Il a expliqué que le maintien du taux d’humidité relève d’un entretien normal que doit faire le Bénéficiaire et qu’il convient ici d’appliquer l’exclusion prévue à l’article 12(3).
[235] Monsieur Ayotte n’a pas été en mesure, dans le cadre de son témoignage, de contrer les affirmations de Monsieur Labelle. Au contraire, il s’est limité à répéter ce que les documents du fabricant (pièces B-2 à B-4) indiquent concernant la fixation mécanique.
[236] Il est clair, à mes yeux, que soit les connaissances de Monsieur Ayotte sont insuffisantes en la matière, soit il épouse aveuglément la cause de sa cliente. Mais dans un cas comme dans l’autre, cela n’aide en rien la cause de la Bénéficiaire. De nier les effets de l’humidité sur le bois est plus préjudiciable à cette dernière que le contraire puisqu’il en va de la crédibilité de son expert. Dans les circonstances, je ne peux accorder aucune valeur au témoignage de ce dernier sur ce point et je ne peux que conclure à l’absence de preuve qui me permette d’infirmer la décision de l’Administrateur. Par conséquent, le Tribunal rejette la demande de la Bénéficiaire.
Point 10 Revêtement de sol : aire ouverte
[237] La Bénéficiaire demande au Tribunal d’ordonner la réparation de la « marque d’impact » au plancher de la cuisine ainsi que la correction du dénivelé à la jonction des matériaux audit plancher. Au soutien de sa position, elle dépose la pièce B-5 qui est un extrait du Guide de performance de l’APCHQ.
[238] Me Tremblay s’oppose au dépôt de cette pièce au motif qu’aucun représentant de l’APCHQ n’est présent pour témoigner et déposer le document. Cette objection a été rejetée sur-le-champ, les documents émanant de l’APCHQ sont régulièrement déposés sans qu’un représentant ne vienne témoigner. Il s’agit d’un Guide rédigé par l’organisme et destiné à informer ses membres sur les règles de l’art en vigueur et il doit être utilisé en complément des Codes et règles en vigueur ainsi que des plans et devis relatifs à chaque projet de construction. Les rédacteurs de Codes et de Guides dans l’industrie de la construction n’ont pas à être assignés pour déposer lesdits documents ni pour témoigner de leur contenu. Ils n’ont pas non plus à témoigner sur la conformité d’une situation en regard du Guide ou du Code en question, ceci relevant de l’expertise.
[239] Me Godin, quant à lui, s’est objecté à ce que le Tribunal décide de la demande relative au dénivelé excessif.
[240] Considérant que la décision du 1er septembre 2015 n’a pas été portée en arbitrage dans le délai prescrit, le Tribunal n’a pas compétence pour décider de cette question et rejette la demande de la Bénéficiaire sur ce point.
[241] Néanmoins, le Tribunal tient à mentionner que n’eût été du défaut de la Bénéficiaire de dénoncer cette malfaçon apparente au moment de la réception, ou dans les trois (3) jours qui l’ont suivi si elle n’avait pas alors déjà emménagé dans la propriété[11], que cette réclamation aurait sans l’ombre d’un doute été acceptée par l’Administrateur. Une dénivellation de 27 mm à la jonction de deux (2) recouvrements adjacents sur un même plancher située, d’autant plus, à plus ou moins 15 à 18 pouces de l’îlot où des tabourets sont installés pour pouvoir s’y asseoir et manger est carrément dangereux et ne peut rencontrer les règles de l’art.
[242] Le Guide de performance prévoit qu’une dénivellation de 2 mm est acceptable. La Bénéficiaire a démontré, lors de la visite des lieux, la dangerosité de la situation, mais malheureusement, c’est à contrecœur que sa demande doit être rejetée.
[243] Quant à la marque d’impact, la décision de Monsieur Labelle rendue verbalement le jour de l’audience apparaît bien fondée et la demande de la Bénéficiaire est rejetée.
Point 11 Revêtement de plancher flottant : chambre des maîtres
[244] La Bénéficiaire demande au Tribunal de déclarer que le correctif effectué pour réduire l’espace entre deux (2) lattes de plancher flottant à la chambre des maîtres est inadéquat, car il ne rencontre pas les normes du fabricant.
[245] Elle dépose les pièces B-5 et B-6 qui semblent être des documents d’installation et de garantie du fabricant Goodfellow. Me Tremblay s’oppose au dépôt de ces pièces au motif qu’aucun représentant du fabricant n’est présent pour témoigner. Cette objection a été prise sous réserve et doit être accueillie.
[246] Les documents ne portent aucune date et rien n’indique que ce sont les instructions qui étaient en vigueur en 2014-2015. Il en va de même au sujet de la garantie du fabricant et des conditions d’application.
[247] Comme aucun témoin n’est venu confirmer que ces documents sont en tout point identiques à ceux en vigueur en 2014-2015, rien en permet de croire à leur fiabilité et partant, ils doivent être rejetés.
[248] Monsieur Larocque a expliqué les raisons pour lesquelles le correctif a été effectué de cette manière et Monsieur Labelle a indiqué que cette méthode est acceptée dans l’industrie.
[249] Quant à Monsieur Ayotte, une fois de plus, se contente de référer aux documents du fabricant. Il refuse d’émettre une opinion relative aux méthodes correctives généralement acceptées dans l’industrie et à celle-ci en particulier.
[250] Considérant la preuve devant moi, je rejette la réclamation de la Bénéficiaire.
Point 15 Mur(s) exposé(s) : résistance thermique
[251] Les témoignages de Monsieur Ayotte et de Monsieur Labelle sont contradictoires quant aux infiltrations aux quatre (4) endroits identifiés dans le rapport de Monsieur Ayotte. Ce dernier a affirmé que sa caméra thermique est plus précise que le thermomètre à infrarouge utilisé par Monsieur Labelle en raison du spectre couvert qui est plus large.
[252] Monsieur Labelle admet humblement que l’instrument de Monsieur Ayotte est plus sophistiqué et plus précis que son thermomètre à infrarouge. Il a néanmoins procédé à une infiltrométrie afin de valider ses données et fait une deuxième (2e) prise de mesure à une date ultérieure afin de satisfaire la Bénéficiaire de la fiabilité de ses résultats. Il n’a pas hésité à identifier des infiltrations non découvertes par Monsieur Ayotte et a de plus exigé des correctifs de l’Entrepreneur, et ce, à deux (2) reprises.
[253] Loin de tenter de protéger son employeur ou de s’en tenir aux points identifiés par l’expert de la Bénéficiaire, Monsieur Labelle a démontré son intégrité dans l’application du plan de garantie, sans faux fuyant ni parti pris.
[254] Il s’agit ici principalement de décider laquelle des méthodes d’évaluation doit prévaloir et le commentaire de Monsieur Ayotte au sujet des tests par infiltrométrie est révélateur. Dans ces circonstances, le Tribunal préfère les résultats obtenus par Monsieur Labelle à ceux de Monsieur Ayotte et maintien la décision de l’Administrateur sur ce point.
Point 16 Plancher en porte-à-faux au mur ouest : résistance thermique
[255] La preuve a démontré l’absence d’écarts significatifs de température au niveau du porte-à-faux. Cependant, la preuve a également démontré une installation déficiente de l’isolant et notamment au niveau du pare-vapeur qui est mal installé.
[256] Bien que la décision de l’Administrateur indique que l’Entrepreneur confirme avoir fait les vérifications requises et que l’installation est conforme, il appert que l’Entrepreneur n’a pas effectué de vérifications au porte-à-faux de la résidence de la Bénéficiaire mais plutôt sur une autre propriété et la simple lecture des échanges de courriel entre la Bénéficiaire et l’Entrepreneur suffit à convaincre de ce fait. Plus surprenante cependant est l’affirmation de Jonathan Goulet à la Bénéficiaire voulant que l’inspection ait été faite avec l’aide de Qualité habitation (l’Administrateur) alors que Monsieur Labelle indique autre chose. Cet imbroglio laisse songeur quant aux motifs ayant poussé l’Entrepreneur à faire ces affirmations, tant à la Bénéficiaire qu’à Monsieur Labelle et le Tribunal estime ici que Monsieur Labelle a été induit en erreur au moment de rendre sa décision.
[257] Puisque cette situation a été dénoncée dans la première année suivant la réception du bâtiment, il convient d’appliquer la norme de la malfaçon.
[258] Pour conclure à malfaçon, il n’est pas nécessaire de constater un déficit d’usage du bâtiment et la non-conformité à une norme ou aux règles de l’art suffit pour faire droit à la réclamation de la Bénéficiaire. Cette non-conformité ayant été démontrée, par conséquent, le Tribunal accueille la réclamation de la Bénéficiaire sur ce point.
Point 1 Nivellement du terrain : drainage des eaux de surface
[259] La preuve a démontré que l’accumulation d’eau entre les deux (2) résidences découle de la différence de niveau entre le terrain gazonné et la hauteur de l’asphalte du stationnement. Il a également été démontré que la dénonciation de la situation à l’Entrepreneur et à l’Administrateur a été faite plus de six (6) mois après sa découverte.
[260] La décision de Monsieur Labelle est incorrecte en ce qui concerne l’application du délai de dénonciation de six (6) mois depuis la connaissance du vice puisque depuis le 1er janvier 2015, le Règlement prévoit que la situation doit être dénoncée à l’Administrateur et à l’Entrepreneur dans un délai raisonnable et non plus dans un délai de six (6) mois[12]. Puisque les décisions de l’Administrateur ont toutes été rendues après cette date, c’est ce délai qu’il convient d’appliquer.
[261] Néanmoins, le délai de six (6) mois anciennement prévu au Règlement s’il n’est plus applicable, il peut certainement guider le Tribunal dans son appréciation des délais encourus depuis la découverte du vice. En l’espèce, le Tribunal n’accepte pas l’argument de la Bénéficiaire voulant qu’elle ait attendu de parler à l’arbitre pour dénoncer la situation et que dès lors, le délai encouru est le résultat des nominations successives d’arbitres par le GAMM et qu’elle attendait de parler à l’arbitre pour dénoncer la problématique.
[262] Tout d’abord, la Bénéficiaire en est à son deuxième (2e) achat de maison neuve et elle connaît le processus pour l’avoir utilisé suite à ses deux (2) achats. Ensuite, lors de la conférence téléphonique du 5 octobre 2017, la Bénéficiaire n’a pas abordé ce sujet avec l’arbitre et n’a posé aucune question qui puisse se rapporter à ce point. Il n’existe ici aucun motif qui permette de conclure que le délai de plus de sept (7) mois pour dénoncer la situation soit, dans les circonstances, raisonnable au sens du Règlement.
[263] Toutefois, la décision de l’Administrateur est correcte en ce qui concerne la non-recevabilité de la demande en raison de l’exclusion prévue à l’article 12(9) du Règlement et qui concerne les systèmes de drainage des eaux de surface et les stationnements.
[264] Le Tribunal rejette donc la demande de la Bénéficiaire sur ce point.
Frais
[265] Dans sa demande écrite, la Bénéficiaire réclame, outre les demandes ci-haut traitées, que lui soient remboursés ses frais d’expert et qu’un dédommagement lui soit octroyé pour sa surveillance des travaux.
[266] D’entrée de jeu, le Tribunal ne peut octroyer un quelconque dédommagement à la Bénéficiaire pour sa perte de temps en raison de la surveillance des travaux. Le Règlement ne le permet pas.
[267] Quant aux frais d’expert, la Bénéficiaire n’a administré aucune preuve des sommes payées à son expert.
[268] Par ailleurs, le témoignage de la Bénéficiaire a démontré que le rapport de l’expert qu’elle a déposé sous la cote B-1 est incomplet et elle demande qu’il lui soit permis de déposer le rapport complet.
[269] Alors que Me Tremblay s’est objecté au dépôt dudit rapport, Me Godin, quant à lui, ne s’est pas opposé au dépôt, mais a indiqué que sa cliente refusait de payer les frais d’expert pour cette portion de l’expertise et du témoignage qui y est lié.
[270] Il appert de la preuve que c’est par erreur, commise de bonne foi, que la Bénéficiaire s’est trompée et a produit la version épurée du rapport (la portion du rapport traitant du Point 1 avait été retirée) plutôt que la version intégrale. Après qu’il ait été exhibé aux procureurs et que ces derniers aient eu l’opportunité d’en prendre connaissance, le Tribunal a permis le dépôt du rapport complet.
[271] De l’avis du Tribunal toutefois, il convient d’octroyer à la Bénéficiaire la somme de cent dollars (100 $) à titre de remboursement de ses frais d’expertise. Le Règlement prévoit ce qui suit :
L’arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.
Le présent article ne s’applique pas à un différend portant sur l’adhésion d’un entrepreneur.
[272] En l’espèce, le rapport de Monsieur Ayotte, de même que son témoignage, ont été très peu utiles au Tribunal, sauf en ce qui concerne le Point 16 au sujet duquel le rapport a permis de faire des constats visuels qui n’auraient pas autrement été possibles, faute par l’Administrateur de l’avoir vérifié personnellement et complètement, et en raison des informations trompeuses fournies par l’Entrepreneur.
[273] Il convient de rappeler à l’expert son rôle qui consiste à éclairer le Tribunal et non à prendre fait et cause pour son client. Le témoin expert se distingue du témoin ordinaire de par ses connaissances spécialisées qui lui permettent de fournir une opinion professionnelle dans un domaine donné. En l’espèce, Monsieur Ayotte n’a pas été en mesure de témoigner des règles de l’art et de dire en quoi, spécifiquement, les correctifs effectués étaient incorrects, sauf de répéter ce qu’il a lu dans la documentation des fabricants. Il y a lieu ici de se questionner sur la pertinence de son rapport et de sa contribution au dossier.
[274] Par conséquent, même si l’Administrateur ne s’était pas opposé à payer les frais d’une certaine portion du rapport et du témoignage de Monsieur Ayotte, le Tribunal n’aurait pas octroyé la totalité des frais pour les motifs énoncés ci-devant. La somme de cent dollars (100 $) est déterminée arbitrairement et apparaît raisonnable eu égard aux éléments du présent dossier et en conformité de l’article 124 du Règlement.
[275] En ce qui concerne les frais du présent arbitrage, la Bénéficiaire ayant eu gain de cause sur au moins un (1) point, le Tribunal déclare que les frais de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur conformément à l’article 123 du Règlement.
EN CONSÉQUENCE, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCUEILLE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire relativement au point 16 de la décision du 28 février 2017;
ORDONNE que les travaux correctifs relatifs audit point 16 soient effectués par l’Entrepreneur dans les 45 jours suivant la réception de la présente sentence, ou dans tout autre délai convenu entre les parties;
REJETTE les demandes de la Bénéficiaire quant au reste;
PREND ACTE du désistement de la Bénéficiaire quant à sa demande d’arbitrage portant sur le point 13 de la décision de l’Administrateur du 1er septembre 2015;
ORDONNE à l’Administrateur de payer à la Bénéficiaire la somme de cent dollars (100 $) à titre de remboursement de ses frais d’expert, et ce, dans les trente (30) jours suivant la réception de la présente sentence;
ORDONNE à l’Administrateur de payer l’ensemble des frais du présent arbitrage conformément à l’article 123 du Règlement.
Montréal, ce 27 juillet 2018
Me Karine Poulin, arbitre
[1] Marius Ilca et Daniela Sfetcu c. Quartier Gareau inc. et La Garantie Qualité habitation du Québec inc., CCAC S14-031702-NHP, 5 mai 2015, Me Jean-Robert Leblanc, arbitre.
[2] Règlement, art. 12(9).
[3] Règlement, art. 12(3).
[4] Règlement, art. 10.
[5] Règlement, art. 12(9).
[6] Syndicat des copropriétaires Panache (bâtiments 5 & 6) et al. c. Station Mont-Tremblant SEC et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., GAMM 2012-15-016, 2013-15-004 et 2013-15-008, 10 novembre 2017, Me Karine Poulin, arbitre.
[7] Josée Duchesne c. Re/Max 3000 inc., 2017 QCCA 5781 (CanLII).
[8] Règlement, art. 116.
[9] Fiducie RMLT c. Construction Xaloma inc. et al., SORECONI 070605001, 080528001, 081105001 et 1022030001, 14 novembre 2011, Me Michel Jeanniot, arbitre, citée dans Marius Ilca et Daniela Sfetcu c. Quartier Gareau inc. et La Garantie Qualité habitation du Québec inc., préc. Note 1.
[10] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis, 2007 QCCS 4701; Syndicat des copropriétaires Panache (bâtiments 5 & 6) et al. c. Station Mont-Tremblant SEC et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc., GAMM 2013-15-004, 8 juillet 2016, Me Karine Poulin, arbitre.
[11] Règlement, art. 10(2).
[12] Syndicat des copropriétaires lot 3 977 437 c. Gestion Mikalin Limitée et La Garantie Abritat inc., GAMM 2013-15-011, 24 avril 2015, Me Jean Morissette, arbitre.