ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC
ENTRE : SONIA TURBIDE & STÉPHANE LESSARD;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : CONSTRUCTIONS ET HABITATIONS GB INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : GARANTIE QUALITÉ HABITATION;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossier CCAC : S14-010801-NP
Décision
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Me Pierre Soucy
Pour l’Entrepreneur : Monsieur Jean-Pierre Gilbert
Pour l’Administrateur : Me François-Olivier Godin
Date de la Décision : 22 janvier 2015
Identification complète des parties
Bénéficiaires : Madame Sonia Turbide
Monsieur Stéphane Lessard
Et leur procureur :
Me Pierre Soucy
Lambert Therrien avocats
473, rue Radisson, C.P. 1900
Trois-Rivières (Québec) G9A 5M6
Entrepreneur: Constructions et Habitations GB Inc.
9663, Ste-Marguerite
Trois-Rivières (Québec) G9B 6L1
Et son représentant :
Monsieur Jean-Pierre Gilbert
Administrateur : Garantie Qualité Habitation
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Et son procureur :
Me François-Olivier Godin
Garantie Qualité Habitation
9200, boul. Métropolitain Est
Montréal (Québec) H1K 4L2
Plumitif
08.01.2014 Réception, par le greffe du Centre, de la demande d’arbitrage et comparution de Me Pierre Soucy (Lambert Therrien) pour les Bénéficiaires
09.01.2014 Transmission par le greffe de la notification d’arbitrage et la nomination de l’arbitre
29.01.2014 Réception de la comparution de Me François-Olivier Godin (Garantie Qualité Habitation) pour l’Administrateur ainsi que le cahier de pièces
30.01.2014 LT aux parties, re : rechercher disponibilités pour fixer appel conférence / conférence de gestion et échanges subséquents de courriels entres les parties et l’arbitre
14.02.2014 LT aux parties, re : confirmation date et heure de l’appel conférence / conférence de gestion du 12 mars 2014
11.03.2014 LT aux parties, re : rappel quant à l’appel conférence / conférence de gestion prévu le 12 mars 2014
12.03.2014 Appel conférence / conférence de gestion (conflit d’horaires, absence de Me Soucy, doit être reporté)
26.03.2014 LT aux parties, re : confirmation appel conférence / conférence de gestion pour le 3 avril 2014
27.03.2014 LT de Me Soucy, re : demande de remise de l’appel conférence / conférence de gestion du 3 avril 2014
02.04.2014 LT aux parties, re : confirmation de remise de l’appel conférence / conférence de gestion au 22 avril 2014
22.04.2014 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal aux parties
12.06.2014 Appel conférence / conférence de gestion
01.10.2014 LT aux parties, re : confirmation appel conférence / conférence de gestion (3 novembre 2014)
03.11.2014 Appel conférence / conférence de gestion
21.11.2014 LT aux parties, re : confirmation date, heure et emplacement de l’enquête et audition (du 16 décembre 2014)
03.12.2014 Appel conférence / conférence de gestion
16.12.2014 Enquête et audition, Palais de justice de Trois-Rivières
18.12.2014 Réception d’une mise en demeure de reconnaître la véracité et l’exactitude d’une pièce selon l’art. 403 C.p.c. de l’Administrateur
22.12.2014 LT de Me Soucy en réponse à la mise en demeure de reconnaître la véracité et l’exactitude d’une pièce (18 déc. 2014)
22.01.2015 Décision
Décision
Valeur en litige
La valeur en litige est évaluée comme classe 5 ( + de 60 000 $).
Admissions
[1] Il s’agit d’une unité résidentielle non détenue en copropriété aussi connue et identifiée comme le […] à Trois-Rivières (ci-après l’«Unité»);
[2] Réception de l’Unité fut le ou vers le 13 février 2008;
[3] La première réclamation écrite des Bénéficiaires fut le 23 août 2012 (suivi d’une visite des lieux le 21 novembre 2013);
[4] La situation source du rapport de conciliation est apparue dans les cinq (5) ans suivant la fin des travaux de l’Unité et a été dénoncé par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable, lequel n’a pas excédé six (6) mois de sa découverte ou survenance;
Questions en litige
[5] L’Unité des Bénéficiaires est-elle affectée au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec de vice de conception, de construction ou de réalisation (i.e. l’Unité est-elle affectée d’un vice pouvant entraîner la perte totale ou partielle de l’Unité résidentielle à court ou moyen terme ?);
Jugé
[6] Après avoir pris connaissance des pièces et expertises, après enquête contradictoire et après avoir entendu les arguments des parties, le tribunal d’arbitrage rend la décision comme suit;
La preuve
Témoignage de Monsieur Denis Roy, ing. MBA
[7] Après un bref voir dire, Monsieur Denis Roy est reconnu à titre d’expert et est ainsi habiliter à témoigner au soutien du rapport d’inspection et d’expertise du 7 octobre 2012 (RO030024-G1, pièce A-5) [en référence avec le […] à Trois-Rivières];
[8] Pour bonne mesure, le tribunal tient à préciser que Monsieur Denis Roy est à l’emploi de la firme «Inspec-Sol» depuis 1981 et est ingénieur, géologue et directeur de cette entreprise;
[9] Ce dernier prétend, à juste titre, à une expertise en matière de «pyrrhotite»; il aurait à son actif d’inspection / expertise approximativement 1 400 à 1 500 bâtiment (et plus de 1 300 unités résidentielles de 100 unités ou plus);
[10] À ce jour, il agit de plus comme expert conseil pour des associations provinciales ainsi que pour le gouvernement du Québec;
[11] Lors de son témoignage, l’expert Roy révèle qu’aucun signe de détérioration des murs de la fondation n’a été relevé lors de son inspection. Par contre, avec force de détails, il nous fait part de ses constats et des considérants suivants :
[11.1] les murs de fondation ont été coulés en octobre / novembre 2006;
[11.2] il y a de 0,34 % à 0,42 % de souffre dans le béton des murs de fondation ou encore de 0,41 % à 0,60 % de souffre dans le gros granulat;
[11.3] l’examen des plaques «poly» montre que la pyrrhotite représente 84 % des sulfures présents dans le gros granulat (équivalent d’un peu plus de 0,6 % en volume dans le gros granulat);
[11.4] que le gros granulat de type «Gneiss-Gabbro», tel que celui représenté dans le massif d’Anorthosite de Saint-Boniface (d’où provient le granulat) a été décelé dans le béton des murs de fondation;
[12] L’expert conclu, sans ambivalence, que sur la base des propriétés pétrographiques des granulats présents dans le béton ainsi que des limites de teneur en soufre de la norme européenne sur l’acceptation des granulats à béton ainsi que subsidiairement sur la foi de la décision de la Cour Supérieure qui semble avoir acquis, pour l’instant (sur cette question), force de chose jugée (jugement Phare/400-17-002016-091), il est d’avis que le béton des murs de fondation de la résidence des Bénéficiaires présentent un risque important et plus que probable de dégradation prématurée causé par le phénomène d’expansion du béton dû à la présence d’une minéralisation en sulfure (pyrrhotite, pyrite et chalcopyrite) présente dans le gros granulat;
[13] Il est d’opinion que, à terme, on devra indéniablement et inévitablement démolir et remplacer les éléments de béton visés par le rapport, ceux-ci étant considéré problématiques;
[14] Si je m’attarde avec autant de précision sur le témoignage de Monsieur Roy et de son rapport d’inspection c’est que le représentant de l’Administrateur, Monsieur Benoit Pelletier (T.P.), conciliateur et auteur de la décision source de la présente demande d’arbitrage; après avoir entendu avec force de détails Monsieur Denis Roy ventiler et expliquer son rapport d’inspection et ainsi que les accises chimiques et géologiques sur lesquelles reposent son constat a, de façon candide, informer le tribunal qu’il se ralliait à la position exprimée sous la plume de Monsieur Denis Roy [dans son rapport du 17 octobre 2012 (pièce A-5)] et que s’il savait ou s’il avait su en février, juin et décembre 2013 ce qui aujourd’hui il sait et/ou autrement comprend de la problématique de la pyrrhotite, son rapport aurait été «différent»;
[15] La probité, l’intégrité, l’honnêteté et la franchise de Monsieur Pelletier sont tout à son honneur;
[16] Bien que personne n’ait demandé à Monsieur Pelletier en quoi sa décision serait différente, vu que ses conclusions se résumaient par son inhabileté, à l’époque, de reconnaître les points des Bénéficiaires dans le cadre de son mandat, je ne peux que présumer qu’il accepte, aujourd’hui, la position des Bénéficiaires laquelle est calquée du rapport d’inspection et d’expertise de Monsieur Roy;
[17] Nous savons, de façon non équivoque (en 2015), que le pourcentage en volume de la pyrrhotite est le facteur le plus important à considérer pour l’évaluation du gonflement du béton et que le seuil de 0,23 % en volume de PO est celui au-delà duquel les dommages vont apparaître (s’ils n’ont pas déjà apparus);
[18] Nous savons, de plus, que pour se prévaloir de l’article 2118 C.c.q., il n’est nécessaire d’établir ni le fait que l’ouvrage a péri ni le moment auquel il va s’écrouler. Il suffit de démontrer la présence d’un danger sérieux qui pourrait entraîner une perte de l’ouvrage, c’est-à-dire une perte potentielle;
[19] Nous savons qu’il n’est pas nécessaire que les dégâts importants se soient produit et le tribunal n’est pas d’opinion que les Bénéficiaires doivent attendre que ce vice ait fait un maximum de ravage pour exercer quelque recours;
[20] Vu la preuve offerte, je suis plus que satisfait (dans ce cas bien précis); qu’il y a plus qu’une menace mais bel et bien une probabilité réelle de désordre important;
[21] Faisant donc miens les propos de mon collègue Me Reynald Poulin :
«Le Tribunal ne croit pas qu’il faut nécessairement que la probabilité (…) soit manifestée réellement pour que soit données ouverture à une réclamation basée sur la garantie de vice majeur. Imposer un tel fardeau serait, de l’avis du soussigné, contraire aux enseignements des tribunaux qui reconnaissent visées par la garantie de vice majeur les pertes pouvant compromettre l’utilisation normale ou la destination d’un immeuble. Le concept de vice majeur se rattache à la gravité du vice et non à la gravité nécessairement de la perte qui peut être partielle suivant la jurisprudence et la doctrine applicable en cette matière»[1]
[22] Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que le béton des murs de fondation de la résidence des Bénéficiaires présente un risque important de dégradation prématurée causée par le phénomène d’expansion du béton dû à la présence en trop grande quantité d’une minéralisation en sulfure (pyrrhotite, pyrite et chalcopyrite) dans le granulat de l’amalgame qui compose les fondations du bâtiment des Bénéficiaires;
[23] La conséquence de ce constat appuie la recommandation à terme de démolir et de remplacer les éléments de béton visés par le rapport M030024-G1 (pièce A-5) puisque ceux-ci sont problématiques;
[24] Il ne va sans dire que la présente décision s’inscrit à l’intérieur des limites financières de la couverture du plan de garantie offert par l’Administrateur;
Conclusions
[25] Le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autre(s) loi(s) même s’il peut penser que d’autre(s) loi(s) pourraient s’appliquer au litige;
[26] Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la Loi et de la jurisprudence connue, je suis d’opinion que les explications soumises et acceptées par tous les experts qui ont témoignés devant moi ce 16 décembre 2014 et qui expliquent que la pérennité de l’Unité est en péril, dans les circonstances, doit être reconnu et le soussigné doit reconnaître que la problématique est un vice majeur;
[27] En vertu de l’article 123 du Règlement sur les plans de garantie des bâtiments résidentiels neufs, vu que les Bénéficiaires ont eu gain de cause, je me dois d’appliquer les frais d’arbitrage contre l’Administrateur et ce, à l’exonération des Bénéficiaires;
[28] En conséquence, les frais d’arbitrage seront à la charge de l’Administrateur du plan de garantie;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
ACCEPTE la demande des Bénéficiaires;
ORDONNE de démolir et remplacer les éléments de béton visé par le rapport M030024-GI (pièce A-5) puisque ceux-ci sont problématiques jusqu’à concurrence des limites financières de la couverture offert par l’Administrateur;
LE TOUT, incluant les frais du présent arbitrage, avec dépends contre l’Administrateur du plan de garantie.
Montréal, le 22 janvier 2015
_______________________
Me Michel A. Jeanniot
Arbitre / CCAC
Jurisprudence consultée
Bergeron c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, 2011 QCCA 1311
Bergeron c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., 2011 QCCS 3848 (CanLII)
2014 QCCS 2672 / Deguise c. Montminy
2004 CanLII 12729 (QC CS) / Gagnon c. Bisson
2008 QCCS 3197 / Pageau c. Dupuy
2008 QCCS 5204 / Assistance aux femmes de Montréal Inc. c. Habitations Alexandre Inc.
2011 QCCQ 3573 / Ménard c. St-Jacques
2008 QCCS 3464 / Frigon c. Villemure
2004 CanLII 58606 (QC OAGBRN) / Bordeleau / Saint-Luc Habitations Inc.
AZ-50715976 (SORECONI) / Arsenault et Vidal et Gestion du Capital Max Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.
Ouvrages consultés
Code National du Bâtiment, Canada 1995, CNRC-NRC, partie 9
Extrait de la norme CSA-A438-00 (Annexe F)
Extraits des normes CSA-A23.1-94 et CSA-A23.2-94 (essais concernant le béton0