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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment 

CENTRE CANADIEN

D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

 

 

Canada

Province de Québec

Dossier n: S08-011201-NP

                                                SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES

LA CHAMPêTRE-ANDANTE

Demandeur

c.

 

MAISONS DE VILLE LAURENTIENNES inc.

Défenderesse

et

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS

 RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

Administrateur

________________________________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

________________________________________________________________

 

Arbitre :                                                                                                   Me Jean Philippe Ewart

 

Pour le Bénéficiaire :                                                            Mme Marie-Josèphe Champagne

 

Pour l’Entrepreneur :                                                                         M. Guido Di Zazzo

Mme Ginette Parizeau

 

Pour l’Administrateur :                                                                             Me François Laplante

 (Savoie Fournier)

M. François Lalancette, Inspecteur

 

Date de l'enquête et audition :                                                                              25 mars 2009

 

Date de la Décision arbitrale :                                                                                9 avril 2009

 

Identification des Parties

 

BÉNÉFICIAIRE:                                                                      SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES

        LA CHAMPÊTRE-ANDANTE

7530, boul. Henri-Bourassa Ouest

Ville Saint-Laurent (Québec)   H4S 2B2

(le «Bénéficiaire »)

 

ENTREPRENEUR:                                         MAISONS DE VILLE LAURENTIENNES inc.

1600, boul. Henri-Bourassa, bureau 600

Montréal (Québec)   H3M 3E2

                                    (« l’Entrepreneur »)

 

ET :                                                                                        LA Garantie des bâtiments

résidentiels neufs de l’APCHQ inc.

5930 Louis - H. Lafontaine Blvd.

Anjou (Québec) H1M 1S7

(« l’Administrateur »)

 

Chronologie

 

2003.03.24                Déclaration de réception du bâtiment.

2003.08.07                Contrat de vente.

2003.09.24                Déclaration de copropriété.

2003.09.30                Réception du bâtiment (unité 7506) par le propriétaire de la partie privative (A4) et liste préétablie d’éléments à vérifier.

2003.11.04                Acte de vente.          

2004.02.27                Réclamation écrite de M.Y. Yang et Mme W.Hu à l’Entrepreneur

2004.03.24                Réception du bâtiment pour parties communes par l’Entrepreneur.

2007.03.22                Lettre d’Y. Yang à l’Entrepreneur.

2008.03.03                Réclamation écrite (Y. Yang et W. Hu) à l’Entrepreneur.      

2008.03.04                Réclamation écrite (Y. Yang et W. Hu) à l’Entrepreneur.

2008.03.08                Réclamation écrite (Y. Yang) à l’Entrepreneur.

2008.03.10                Lettre de l’Administrateur à Y. Yang et W. Hu.      

2008.07.03                Lettre de la Présidente du Syndicat des Copropriétaires La Champêtre-Andante (reçue 2008.07.08).

2008.08.20                Avis de 15 jours de l’Administrateur à l’Entrepreneur.

2008.09.02                Lettre de l’Entrepreneur à l’Administrateur avisant que tous les travaux ont été complétés.

2008.10.21                Inspection du bâtiment par l’Administrateur.

2008.11.05                Décision de l’Administrateur (dossier 103886-1) - versions française et anglaise.

2008.12.01                Demande d’arbitrage.

2009.01.05                Nomination de l’Arbitre.

2009.02.20                Conférence préparatoire.

2009.03.25                Enquête et audition.

 

 

Mandat et Juridiction

 

[1]        Le Tribunal est saisi du dossier par nomination du soussigné en date du 5 janvier 2009 suite à une demande d'arbitrage du Bénéficiaire reçue en date du 1er décembre 2008.  Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et juridiction du Tribunal a été alors confirmée.

 

Litige

 

[2]        Le litige est un appel d'une décision de l’Administrateur datée du 5 novembre 2008 (dossier 103886-1) (la «Décision») qui portait sur 2 points :

 

Point n0 1:                    Infiltration d’eau au plafond de la chambre des maîtres;

Point n0 2 :                   Fissuration des planchers de bois franc.

 

[3]        Le Bénéficiaire a confirmé que sa demande d'arbitrage vise le point 1, tel que couvert par la Décision, le point 2 ayant été réglé à sa satisfaction.

 

[4]        La Décision indique quant au point 1 :

 

            « …nous constatons qu’une période de plus de quarante-huit mois s’est écoulée entre la    constatation de l’infiltration d’eau par le représentant du syndicat et sa dénonciation écrite à   l’administrateur. »

et

            « …ce point ne rencontre pas les critères du vice majeur. »

 

Déroulement de l’instance

 

[5]       Les Pièces contenues aux Cahiers de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé et dans le cadre de la pièce A-16, photographies prises par l’Administrateur, une numérotation spécifique est inscrite par le Tribunal de 1 à 22 en succession.  De plus, l’Administrateur dépose lors de l’audition copie d’un contrat de garantie signé en date du 31 juillet 2003, coté sous A-19. 

 

[6]        D’autre part, le Bénéficiaire a déposé lors de l’audition copie d’une lettre signée par un représentant de l’Entrepreneur pour la première assemblée annuelle du Bénéficiaire, pièce cotée sous B-1.

 

[7]        Les parties ont confirmé leur acceptation respective des Pièces pour fins de véracité et exactitude.

 

[8]        Lors de la conférence préparatoire, il a été confirmé que les procédures seront en français.

 

 

Les Faits pertinents

 

[9]        La Décision et diverses correspondances antérieures identifient M. Yang (propriétaire avec Mme Hu, son épouse, de l’unité 7506) comme bénéficiaire au même titre que le Syndicat des Copropriétaires La Champêtre-Andante.  Toutefois, les parties ont admis et confirmé que le point sous arbitrage en est un de parties communes. 

 

[10]      Pour les fins du texte des présentes, le Tribunal identifie le Bénéficiaire comme étant le Syndicat des Copropriétaires La Champêtre-Andante, tel que plus amplement détaillé ci-dessous. Cette détermination devra entre autre être analysée quant à la compétence du bénéficiaire approprié d’ester en justice dans l’affaire sous étude et quant à son impact sur la découverte ou survenance du vice allégué.

 

[11]      M. Yang acquiert sa partie privative (unité 7506) du bâtiment résidentiel le          4 novembre 2003 (Pièce A-5).

 

[12]      La preuve documentaire nous informe que M. Yang avise par écrit l’Entrepreneur d’un problème d’infiltration d’eau au plafond de la chambre des maîtres par lettre en date du 27 février 2004.

 

[13]      La preuve démontre que M. Yang dénonce à l’Entrepreneur à diverses reprises les infiltrations subséquentes, incluant par écrit en mars 2007 (Pièce A-11) et de nouveau, avec dénonciation à l’Administrateur en mars 2008 (Pièces A-8 et A-9), ces dernières estampillées pour réception par l’Administrateur en date du 11 mars 2008.

 

[14]      Le Bénéficiaire informe le Tribunal qu’il n’a eu connaissance de ce problème d’infiltration qu’en 2008; la preuve n’a pas identifié au Tribunal la date précise en 2008, toutefois le Tribunal note une confirmation écrite du Bénéficiaire en date du 3 juillet 2008 adressée à l’Administrateur (Pièce A-12) et autorisant M. Yang à agir comme représentant du Bénéficiaire pour l’ouverture d’un dossier auprès de l’Administrateur.

 

[15]      Il a été reconnu lors de l’audition que ce problème d’infiltration d’eau est survenu de façon répétitive à chaque année jusqu’en 2008 inclusivement, à chaque fois dans la même période des mois de février/mars.

 

[16]      Il a été admis que cette infiltration a été récurrente, donc répétitive à la même période annuelle, mais qu’elle n’est pas une manifestation graduelle d’un vice qui se développe sur une période de temps.

 

[17]      Il a été identifié par l’inspecteur de l’Administrateur (Pièce photo A-16-10 et témoignage de l’inspecteur), et admis par l’Entrepreneur, que l’infiltration provient du toit sur le devant de l’unité principalement entre la lucarne de celle-ci et la limite du mur mitoyen de l’unité adjacente.

 

[18]      L’inspecteur de l’Administrateur (Pièce photo A-16-20 et témoignage de l’inspecteur) confirme qu’un cerne d’environ 6 pouces était apparent au plafond de la chambre des maîtres lors de son inspection. 

 

[19]      La preuve documentaire indique que M. Yang a requis à diverses reprises que le toit soit remplacé, ce que l’Entrepreneur a refusé, toutefois la preuve (tant testimoniale que documentaire) indique de plus que l’Entrepreneur a pourvu dans les années sous étude à diverses réparations, remplacement de bardeaux, de membrane et finalement de soffite relativement à la zone visée mais que pour les années et infiltrations précédant la date de la Décision, ces réparations n’ont pas réglé le problème.            

 

[20]      L’Entrepreneur informe le Tribunal qu’un barrage de glace se formait sur le toit à la zone visée et confirme qu’il a, vers le mois d’avril 2008, remplacé le modèle de soffite dans ladite zone, ce nouveau modèle permettant selon lui une ventilation additionnelle d’environ 50% comparativement au modèle de soffite préalablement installé.

 

 

Prétentions et Plaidoiries

 

Le Bénéficiaire

 

[21]      Le Bénéficiaire considère qu’il est la partie appropriée pour exercer les droits réclamés aux présentes et avise qu’il n’a pris connaissance du vice allégué qu’en 2008 et que conséquemment la dénonciation à l’Entrepreneur par le Bénéficiaire a été faite dans le délai requis.

 

[22]      Le Bénéficiaire prétend que cette infiltration d’eau constitue un vice au sens de l’article 2118 Code civil du Québec (« C.c.Q.») et que la réclamation à ce titre se doit d’être couverte en conformité de l’article 27(5) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) (le « Règlement »).        

 

[23]      Le Bénéficiaire plaide qu’il n’est pas nécessaire que l’édifice s’écroule pour qu’il y ait perte au sens de l’article 2118 C.c.Q.

 

[24]      Le Bénéficiaire souligne d’autre part que selon lui il y a une perte de valeur marchande de l’unité visée par l’existence du vice allégué et des dommages subis. 

 

L’Administrateur

 

[25]      Le procureur de l’Administrateur soumet d’une part la non recevabilité du recours du Bénéficiaire contre l’Administrateur pour cause de non-dénonciation à l’Administrateur dans le cadre des éléments requis de dénonciation ou du calcul des délais prévus pour ce faire au Règlement, que les malfaçons, vices cachés ou vices majeurs, quelque soit le cas, se doivent d’être dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte ou survenance ou, en cas de vices ou de pertes graduels, de leur première manifestation.

 

[26]      L’Administrateur soutient que le délai de six (6) mois est un délai de déchéance, et que celui-ci court de la connaissance du vice qui se doit d’être celle de M. Yang, copropriétaire, et non uniquement celle prétendue par le Bénéficiaire, soit la connaissance du syndicat.

 

[27]      De plus, l’Administrateur prétend que le copropriétaire a une obligation et un devoir d’informer le syndicat d’un tel vice en temps opportun après l’avoir découvert.

 

[28]      D’autre part, l’Administrateur est d’avis que cette infiltration d’eau n’est pas ce qu’il qualifie de « vice majeur » et que conséquemment, l’obligation de réparation sous la garantie du plan de garantie tel que prévu à l’article 27 du Règlement, et plus particulièrement son paragraphe 5, ne trouve pas application dans les circonstances.

 

[29]      Entre autres motifs, le procureur de l’Administrateur propose que le vice allégué, s’il en est, ne comporte pas l’élément de gravité nécessaire à une détermination qu’il s’agit d’un vice de conception, de construction, de réalisation ou du sol au sens de l’article 2118 C.c.Q.

 

[30]      L’administrateur souligne et la preuve non contestée lors de l’audition le supporte qu’il n’y a pas de moisissures;  l’Administrateur allègue de plus que, sauf le cerne au plafond, il n’y a pas de signe apparent de problème d’eau significatif. 

 

[31]      Le procureur de l’Administrateur plaide que l’application de l’article 2118 C.c.Q. et plus particulièrement le concept de perte de l’ouvrage (et conséquemment de 27 (5) du Règlement) requiert qu’il y ait à tout le moins des conséquences structurales à la solidité du bâtiment.

 

[32]      Enfin, il est plaidé que la prescription triennale s’applique à la réclamation visée       par les présentes.

 

[33]      Le procureur de l’Administrateur conclut qu’il considère que le Bénéficiaire n’a pas rencontré le fardeau de preuve requis à la détermination du vice couvert par l’article 2118 C.c.Q. et l’application conséquente d’une couverture du Plan en conformité du Règlement.

 

L’Entrepreneur

 

[34]      L’Entrepreneur, dont le représentant est un ingénieur civil avec plus de 20 ans d’expérience, confirme qu’il s’est formé un barrage de glace sur le toit dans la zone visée, mais affirme que des réparations ont été effectuées lors de chaque appel de M. Yang et que le problème a été corrigé selon les méthodes reconnues pour ce type de problème, incluant la pose du nouveau modèle de soffite qui permet une ventilation d’environ 50% supérieure à celle offerte par le soffite initialement installé.

 

[35]      De plus, l’Entrepreneur soutient qu’aucune preuve quelconque de malfaçon n’a été faite.

 

[36]      Finalement, l’Entrepreneur plaide qu’il n’y a pas eu d’infiltration d’eau à date en 2009 à la période récurrente de février-mars, ce que le Bénéficiaire en contre-interrogatoire confirme, nuançant toutefois sa réponse qu’en 2009 il y a eu à date des conditions climatiques et accumulations de neige différentes (et ayant un impact moindre sur une possibilité d’infiltration) eu égard aux années précédentes sous étude.

 

 

Analyse et Motifs

 

Questions sous étude

 

[37]     Dans ce dossier, il est nécessaire selon le Tribunal de déterminer les éléments suivants :

 

[37.1] Avis et Délai de dénonciation

 

Qu'elle est la nature du délai de dénonciation sous étude et de l'avis de dénonciation prévu aux articles 27 et 34 du Règlement ?[1] Cette question est analysée en premier lieu par le Tribunal car elle est un sujet que le Tribunal se doit de soulever d’office, et dans l’affirmative d’un non-respect constitue une fin de non-recevoir de la demande d’arbitrage.

 

                        [37.2] Compétence du bénéficiaire approprié

 

(i) De quel «bénéficiaire» faut-il identifier la connaissance afin de fixer la date d’une découverte ou survenance du vice allégué et,

 

 (ii) dans la détermination du délai de dénonciation et de son point de départ, il nous faut adresser la prétention du Bénéficiaire quant à sa connaissance du vice allégué, tenant compte de l’approche de l’Administrateur qui recherche que la connaissance du copropriétaire de la partie privative soit alors aussi prise en considération.

 

[37.3] Point de départ du délai ~ Découverte ou survenance du vice.

 

[37.4] Prescription

 

La réclamation relative au vice allégué est-elle prescrite sous l’égide de la prescription triennale de notre Code Civil tel que le soutient le procureur de l’Administrateur.

 

[37.5] Vice au sens de 2118 C.c.Q.

 

 

 

 

Avis et Délai de dénonciation

 

Avis et Délai - Dispositions applicables du Règlement

 

[38]   La couverture du plan de garantie (le « Plan ») dans le cas sous étude, s’il en est, et les délais de dénonciation applicables sont prévus au Règlement, que ce soit pour malfaçons non apparentes, vices cachés ou vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, et se lisent sensiblement de la même manière, plus particulièrement :

 

«  27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

{….}

3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu’il n’y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »[2]

Nos soulignés.

 

[39]     Le Tribunal note d’autre part l’article 34 al.1 du Règlement :

 

« 34.   La procédure suivante s'applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l'article 27:

 

1°    dans le délai de garantie d'un, 3 ou 5 ans selon le cas, le bénéficiaire dénonce par écrit à l'entrepreneur le défaut de construction constaté et transmet une copie de cette dénonciation à l'administrateur en vue d'interrompre la prescription. »[3].

 

Avis et Délai  - Nature de l’avis de l’article 27

 

[40]    Un premier élément de réponse se retrouve à l’article 1739 C.c.Q. : [4]

 

« 1739. L’acheteur qui constate que le bien est atteint d’un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte.  Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l’acheteur a pu en soupçonné la gravité et l’étendue. »

 

[41]      Les auteurs considèrent cet avis assujetti aux dispositions de l’article 1595 C.c.Q. qui requiert que l’avis soit par écrit, et la jurisprudence[5] et la doctrine[6], contrairement à  certains autres cas de demandes extra judiciaires, considèrent que cet avis se doit d’être par écrit, et qu’il est impératif et de nature essentielle.

 

Dispositions similaires pour fins comparatives

 

[42]     Diverses dispositions du Code de procédure civile (« C.p.c. ») contiennent des concepts et textes similaires aux dispositions sous étude du Règlement qui requiert que soit :

 

             « … dénoncé, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois… »

 

            et il est utile d’analyser certaines d’entre elles et de se référer aux auteurs et à la jurisprudence qui se sont penchés sur les mêmes éléments.

           

[43]                  Une première série de dispositions traitent de la demande de permission d’appeler et de la discrétion de la Cour d’appel d’accorder dans certaines circonstances, soit l’article 494 C.p.c :

 

                                    « 494.  La demande pour permission d’appeler, … est présentée par requête.

 

La requête doit être signifiée  à la partie adverse et produite au greffe dans les 30 jours de la date du jugement…

 

Ces délais sont de rigueur et emportent déchéance. »[7]

 

            et l’article 523 C.p.c. :

 

                                    « 523.  La Cour d’appel peut, nonobstant l’expiration du délai prévu à l’article 494, mais       pourvu qu’il ne soit pas écoulé plus de six mois depuis le jugement, accorder une        permission spéciale d’appeler à la partie qui démontre qu’elle a été, en fait, dans      l’impossibilité d’agir plus tôt. …» [8]

Nos soulignés

 

[44]     Ces dispositions sont d’intérêt entre autre puisque l’arbitrage prévu au Règlement est de nature d’un appel de la décision de l’Administrateur et qu’elles adressent des concepts applicables au cas sous étude, soit (i) l’avis écrit à l’entrepreneur et à l’Administrateur qui se retrouve sous le concept de la signification à la partie adverse et sa production au greffe à l’article 494, (ii) l’énoncé que ces dispositions sont de rigueur et emportent déchéance et (iii) qu’un délai maximum de six mois est prévu à l’article 523.

 

[45]     La Cour suprême du Canada s’est aussi adressée à cette question sous l’étude de l’impact de procédures d’appel, entre autre sous la plume de Madame la juge L’Heureux Dubé dans Québec (Communauté urbaine) c. Services de santé du Québec  citant M. le juge Pratte dans Cité de Pont-Viau c. Gauthier Mfg. Ltd., [1978] 2 R.C.S. 516 (p. 519)

 

 

            relativement à une inscription en appel sous l’égide de l’article 494 C.p.c. :

 

« Dans l’espèce, l’inscription, si elle a été déposée au greffe de la Cour supérieure, n’a cependant jamais été signifiée à l’intimée ou à ses  procureurs.  L’un des deux éléments essentiels à la formation de l’appel faisait donc défaut; il ne s’agit pas d’une simple formalité dont la Cour d’appel peut permettre la correction (art. 502 C.p.c.). »                                                                                                                      

Nos soulignés.

­­­

            et quant au délai d’exercice, L’Heureux Dubé écrit :

 

« Le droit d’appel est un droit substantif, le délai pour l’exercer, …, en constitue une partie intégrante et partant tient du droit substantiel et non de la procédure.  … Le droit d’appel, assorti d’u délai pour l’exercer, n’a qu’une existence limitée; s’il n’est pas exercé dans le délai prescrit, lorsque le délai est de rigueur comme dans l’espèce (C.p.c. annoté, P. 54, Provencher c. Bélanger; 1986 R.D.J. 137 , Les Prévoyants du Canada c. Marcotte), et que les dispositions correctives spécifiques ne s’appliquent plus, il est irrémédiablement perdu, périmé, forclos. » [9]

                                                                                                               Nos soulignés.

 

[46]     L’on retrouve d’autre part un texte et concept similaires du délai de six mois à l’article 484 C.p.c. et la Cour d’appel dans plusieurs décisions a rejeté des requêtes en rétractation de jugement sous 484 C.p.c. parce qu’il s’était passé plus de six mois de la date applicable.[10]

 

Délai de déchéance

 

[47]     L’article 2878 C.c.Q. au Livre Huit, Chapitre 1, intitulé Prescription, Dispositions générales, stipule:

 

                                    « 2878.  Le tribunal ne peut suppléer d’office le moyen résultant de la prescription.

 

Toutefois, le tribunal doit déclarer d’office la déchéance du recours, lorsque celle-ci est prévue par la loi.  Cette déchéance ne se présume pas; elle résulte d’un texte exprès. »

Nos soulignés.

 

[48]     La Cour d’appel [11] nous indique que le délai de déchéance se doit d’être exprimé de façon précise, claire et non ambiguë.  La jurisprudence confirme la position prise par les auteurs, et plus particulièrement Jean Louis Baudouin, dans Les Obligations [12] :

 

« Le second alinéa de cette disposition [2878] précise que la déchéance ne se présume pas et doit résulter d’un texte exprès.  Il n’y a donc désormais comme seuls délais préfix véritables que ceux à propos desquels le législateur s’est exprimé de façon précise, claire et non ambiguë.  »

 

 

[49]     La Cour d’appel a d’autre part déterminé qu’il n’est pas nécessaire d’avoir le mot déchéance ou forclusion spécifiquement mentionné à une disposition législative [13] mais que :

           

                                    « …, une mention formelle du terme «déchéance» ne me parait pas obligatoire. Il faut cependant que l’intention du législateur est d’en faire un tel délai. »[14]

 

[50]     Une des conséquences de la déchéance, de la perte ou forclusion du droit d’exercice d’un droit particulier, dans le cas des présentes quant à l’Administrateur, le droit des Bénéficiaires de requérir la couverture du plan de garantie Plan, n’est pas sujet aux dispositions de la suspension ou interruption de la prescription applicables dans certaines circonstances :

 

« … alors qu’un délai de prescription peut être suspendu et interrompu (article 2289      et s.), …, la solution contraire prévaut pour le délai de déchéance, qui éteint le droit de créance dès que la période est expirée sans  que le créancier aie exercé son recours et quoi qu’il arrive.  Le titulaire du droit, de ce fait, ne peut même plus invoquer celui-ci par voie d’exception. » [15]

 

 

Avis et Délai  - Conclusions

 

[51]     En résumé, le Tribunal est d’avis, tel qu’il l’a énoncé dans diverses décisions récentes [16], que la dénonciation prévue à l’article 27 du Règlement se doit d’être par écrit, est impérative et essentielle, et que le délai maximum de six (6) mois prévu aux alinéas 3e, 4e et 5e respectivement de l’article 27 du Règlement est de rigueur et de déchéance et ne peut conséquemment être sujet à extension, et si ce délai n’est pas respecté, le droit d’un bénéficiaire à la couverture du plan de garantie visé et au droit à l’arbitrage qui peut en découler sont respectivement éteints, forclos et ne peuvent être exercés.

 

[52]     Il faut maintenant déterminer si, dans le cas sous étude, ce délai a été ou non respecté et conséquemment de quel « bénéficiaire » doit-on retenir la connaissance.

 

 

Copropriété et Bénéficiaire approprié

 

Bénéficiaire approprié - Traitement sous les procédures

 

[53]     Afin d’identifier si le délai de déchéance est expiré, on doit déterminer le point de départ du calcul du délai, et pour ce faire il est nécessaire de déterminer qui est le Bénéficiaire ayant droit de procéder à une réclamation telle que celle sous étude.

 

[54]      On a fait cas lors de l’audition de la connaissance spécifique de M. Yang, copropriétaire, avec date du 27 février 2004 ce qui emporterait que le délai de dénonciation serait expiré.

 

[55]      Le Tribunal se doit de constater que la seule preuve quant à la connaissance du vice allégué par le Bénéficiaire syndicat des copropriétaires est en date du 3 juillet 2008 et qu’alors le délai de dénonciation n’est pas écoulé, même sous un calcul que la dénonciation par M. Yang de mars 2008 ne s’attribue et ne bénéficie au syndicat, sous la preuve soumise au Tribunal, qu’au 3 juillet 2008.

 

 

Bénéficiaire approprié - Copropriétaire ou Syndicat

 

[56]      Un syndicat de copropriété est une personne morale distincte, tel qu’énoncé au Code Civil :          

 

« 1039.  La collectivité des copropriétaires constitue, dès la publication de la déclaration de copropriété, une personne morale qui a pour objet la conservation de l'immeuble, l'entretien et l'administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d'intérêt commun. 

 

Elle prend le nom de syndicat. »

 

[57]      Le Code Civil spécifie à l’alinéa 1 de l’article 1081 que le syndicat peut intenter une action dans le cas de vices :

 

« 1081.  Le syndicat peut intenter toute action fondée sur un vice caché, un vice de conception ou de construction de l'immeuble ou un vice du sol. Dans le cas où les vices concernent les parties privatives, le syndicat ne peut agir sans avoir obtenu l'autorisation des copropriétaires de ces parties. »

 

[58]      La question d’à propos est plus spécifiquement de déterminer si le syndicat a une connaissance et un intérêt distincts du copropriétaire dans les circonstances.

 

[59]      L’article 1081 C.c.Q. est clair, le syndicat a l’intérêt pour ester aux présentes.  Cette approche est d’ailleurs suivie par les auteurs[17].

 

[60]     Quant au copropriétaire divis, une certaine jurisprudence dans les dernières années a soutenu que celui-ci n’a pas la compétence dans le cas d’une partie commune, par exemple (dans un cas de recours pour vices de construction), en Cour Supérieure, sous la plume de M.J. Courville, J. :

 

« Les administrateurs assurent indivisément, à titre de mandataires de l’ensemble des copropriétaires, la représentation de leur intérêt collectif et le recouvrement des indemnités qui peuvent être requises pour la préservation de celui-ci.

Ainsi, tant dans le nouveau Code que dans l’ancien les recours pour vices de construction sont réservés au syndicat des copropriétaires. »[18]

 

[61]      Toutefois, une revue d’auteur récente (de mai 2008) des courants jurisprudentiels sur cette question se retrouve sous « Les recours du copropriétaire pour vices cachés affectant les parties communes : étude comparative France-Québec » [19] par laquelle l’auteur P.G. Champagne considère inter alia [20] que cette jurisprudence de première instance ne représente pas l’état du droit au Québec, mais que l’on doit s’appuyer sur la ratio de l’arrêt de notre Cour d’appel dans Belcourt Construction Co. c. Creatchman, où on peut lire, tel que cité par l’auteur:

 

« Mais je ne vois rien dans ces articles [441v, 441y et 441z] qui restreint le droit individuel de chaque copropriétaire de poursuivre son vendeur pour vices cachés, soit en annulation de la vente, soit en diminution du prix.  Il me semble évident que chacun des copropriétaires a, en l’espèce, l’intérêt suffisant selon l’article 55 C.P. pour exercer ce droit fondamental.  Or, en l’absence d’un texte clair et précis ayant pour effet d’en priver le copropriétaire, je ne vois pas qu’on puisse par simple inférence conclure que les administrateurs pourraient, à l’exclusion des copropriétaires, exercer un recours en annulation de la vente ou en diminution de son prix alors qu’ils ne sont aucunement partie à la vente. » [21]

 

[62]      Ce jugement précède l’adoption de l’article 1081 C.c.Q, toutefois un deuxième jugement de notre Cour d’appel en 1996 Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM) c. Bergeron précise, sous la plume de Forget J., citant d’ailleurs Paré J. sous le même extrait de Belcourt que celui retenu par P.G. Champagne :

 

 « Notre cour a, dans Belcourt Construction inc. c. Creatchman, reconnu au propriétaire divis le droit d’exercer contre son vendeur les recours qui découlent de la garantie contre les vices cachés.

Je ne retiens donc pas le moyen d’appelante fondé sur l’irrecevabilité du recours en annulation intenté par un propriétaire divis. Le recours étant recevable […] » [22]

[63]      Finalement, dans une cause en décembre 2004, Bousquet J., devant une plaidoirie qui s’appuyait sur  Poirier c. Spagnolo et Lemyre c. Arcand :

« [75]    … que seul le syndicat des copropriétaires peut exercer un recours relatif aux parties communes en raison de l’article 1081 alinéa 1  C.c.Q. …»

le juge rejette cette plaidoirie, confirme l’application de Belcourt et repousse la jurisprudence contraire :

«  [77] Le procureur … cite deux décisions de tribunaux de première instance conformes à l’interprétation proposée de l’article 1081 C.c.Q. mais le Tribunal est d’avis que la décision contraire de la Cour d’appel dans l’affaire Belcourt Construction Co. c. Creatchman s’applique toujours malgré la réforme du Code civil. » [23]

 

Bénéficiaire approprié - Connaissance et intérêt d’ester distincts

 

[64]      Prenant en considération le texte de 1081 C.c.Q. et ce qui précède, le Tribunal conclut d’une part que le copropriétaire a aussi un intérêt et n’est pas exclu de poursuivre sur un dommage d’une partie commune qui le concerne, que quant au recours en annulation, l’affaire SHDM c. Bergeron a réglé la situation dans le cadre actuel de notre droit et que quant aux autres recours, en dommages ou diminution, la décision de Belcourt milite fortement en faveur du droit individuel de copropriétaire de poursuivre dans un cas de vice allégué sur une partie commune d’un bâtiment en copropriété divise, et que conséquemment, dans le cas sous étude, chacune du copropriétaire et du syndicat ont un intérêt, et que celui-ci peut être distinct pour chacun.

 

[65]      Le Tribunal est donc d’avis qu’il y a clairement, dans le cadre de l’application du Règlement pour un bâtiment en copropriété, des circonstances factuelles où la connaissance d’un syndicat de copropriété est distincte de la connaissance d’un propriétaire d’une partie privative, ce qui est contraire à la prétention de l’Administrateur qui recherche que la connaissance du copropriétaire de la partie privative soit alors aussi prise en considération dans la détermination de la connaissance du syndicat, et résulte dans les circonstances en une application séparée par le Tribunal des principes de droit applicables à la découverte d’une malfaçon ou vice pour une situation particulière.

 

 

Point de départ du délai

 

Point de départ

 

[66]     On se doit de déterminer un point de départ du délai. Ce délai relève, selon le Tribunal, d’un point de départ de prescription, et dans les cas d’une prescription dite «extinctive», soit un moyen qui permet à une partie de se libérer par l'écoulement du temps et aux conditions déterminées par la loi (art. 2875 C.c.Q), le point de départ de la prescription est le jour où le droit d'action a pris naissance (art. 2880 al 2 C.c.Q).

 

[67]      Le Code civil stipule d’autre part que :

 

« 2926.  Lorsque le droit d'action résulte d'un préjudice moral, corporel ou matériel qui se manifeste graduellement ou tardivement, le délai court à compter du jour où il se manifeste pour la première fois. »

 

[68]      Le cas sous étude n’est pas un cas de manifestation graduelle, mais plutôt selon la preuve présentée une situation de préjudice périodique, une série de préjudice distincts, soit chaque incident annuel d’infiltration mais l’analyse par les auteurs et la jurisprudence des concepts sous étude se reporte en partie sur la mécanique de détermination de la manifestation d’un dommage, soit :

 

« … la faire débuter au jour où le réclamant a constaté le premier signe appréciable ou tangible de la réalisation du préjudice...» [24]

 

[69]      D’une part, la doctrine nous enseigne sous la plume de Jean Louis Baudouin, quant à une série de préjudices distincts, que :

 

« Dans ce dernier cas [série de préjudices distincts], chaque préjudice distinct (qui ne représente donc pas une simple aggravation du ou des précédents) est soumis à une prescription séparée, partant du jour de sa réalisation. »[25]

 

[70]      Baudouin, citant d’autre part une jurisprudence [26] abondante de nos tribunaux, indique dans le cadre de non-simultanéité de la faute et du dommage, soit la situation sous étude:

 

« … que l’on doit se reporter au fondement même de la prescription extinctive : la sanction d’une conduite négligente. On doit donc, à notre avis, partir du jour où une victime raisonnablement prudente et avertie pouvait soupçonner le lien entre le préjudice et la faute. » [27]

Nos soulignés

 

 

 

[71]      Applicable en l’espèce, Baudouin conclut que la réalisation du préjudice se doit d’être entendue dans un sens subjectif, qu’il faut que la victime l’ait identifiée [28] et donc que la connaissance du préjudice et donc du dommage est essentielle à la réunion des conditions juridiques du droit de poursuite.

 

Délai de dénonciation - point de départ. Connaissance et Interruption de prescription

 

[72]      Les seuls éléments de preuve soumis au Tribunal identifient une connaissance pour le Bénéficiaire au 3 juillet 2008 et donc, quoique de déchéance, le délai de dénonciation n’est pas expiré pour le Bénéficiaire aux présentes.

 

[73]      De plus, et de manière subsidiaire, le Tribunal note la notion spécifique d’interruption de prescription formulée à l’article 34 (1) du Règlement par la remise d’une dénonciation ou copie d’icelle à l’Administrateur et que dans le cas sous étude une dénonciation a été reçue par l’Administrateur le 11 mars 2008 et la prescription a alors été interrompue.

 

[74]      En tenant compte inter alia du texte même de l’article 34 (1) du Règlement et de l’effet de l’article 2896 C.c.Q. qui prévoit qu’une interruption (par demande en justice, en son sens large, soit la volonté expresse de poursuivre l’exercice de son droit [29]) vaut à l’endroit de toutes les parties et pour tout droit découlant de la même source, de par le même effet, si l’interruption bénéficie au Bénéficiaire, son outil, la dénonciation du 11 mars 2008, se doit de bénéficier au Bénéficiaire.

 

 

Prescription sous 2118 C.c.Q.

 

[75]      Le procureur de l’Administrateur a avancé que la réclamation visée par les présentes est prescrite puisque que survenue il y a plus de trois ans se portant fort de l’article 2925 C.c.Q.

 

[76]      Le Tribunal est d’un avis contraire, tenant compte de la structure des préjudices distincts analysée ci-dessus qui établie que la prescription court de manière séparée pour chaque tel préjudice du jour de sa réalisation, donc de la connaissance. Même si le Tribunal avait retenu la thèse de la connaissance commune et de l’application de la connaissance du copropriétaire à celle du Bénéficiaire, ce qui n’est pas le cas, la prescription ne serait acquise quant aux dernières manifestations distinctes périodiques du préjudice découlant de l’infiltration mises en preuve.

 

 

 

 

 

détermination de vices et article 27 du règlement

 

[77]    La garantie visée par la Décision est celle prévue dans le cadre de la responsabilité légale de l’article 2118 C.c.Q. identifiée au para. 5 de l’article 27 du Règlement.

 

[78]      Ce que la Décision identifie comme ‘vice majeur’  est effectivement soit un vice de conception, de construction ou de réalisation ou du sol et se détermine selon l’article 27 du Règlement au sens de l’article 2118 C.c.Q. :

 

« Art. 2118.   À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol. » [30]

 

[79]      Il est nécessaire de se référer à la jurisprudence et à la doctrine pour bien cerner la responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage codifiée à l’article 2118 C.c.Q. et le champ et les exigences d’application de celui-ci. Tenant compte que le Bénéficiaire doit démontrer, selon certains paramètres, fardeau et présomptions, l’existence d’un ouvrage, d’une perte, d’un lien de causalité entre la perte et un vice visé et que la perte soit survenue dans les délais prévus, dans le cas sous étude, le Tribunal doit déterminer plus particulièrement :

 

§         Est-ce que la cause de la perte est un vice visé par 2118 C.c.Q.?

§         Est-ce que le dommage subi constitue une « perte de l’ouvrage » au sens de 2118 C.c.Q.?

§         Si les modalités d’application de l’article 2118 sont rencontrées, y a-t-il moyen d’exonération conformément aux dispositions législatives applicables en l’espèce?

 

[80]      Notons de plus que l’article 2118 C.c.Q. établit une présomption de responsabilité de l'entrepreneur et pour bénéficier de celle-ci :

« En l'espèce, pour bénéficier de cette présomption, l'intimée devait démontrer par prépondérance de preuve qu’il y a eu perte de l'ouvrage et que celle-ci résultait d'un vice de construction […] »[31]

 

Vices - imputation

 

[81]      La perte de l’ouvrage tel que mentionné précédemment doit être imputée à un des vices prévus à 2118 C.c.Q.

 

[82]      Les vices de construction, de réalisation et de sol s’apprécient entre autres par rapport aux normes généralement suivies et se reconnaissent de plus par une dérogation aux règles de l’art.

 

[83]      Il est donc opportun d’identifier l’existence desdites normes, s’il en est.

 

[84]      Selon la preuve non contredite de l’Entrepreneur sur le sujet, il apparaît au Tribunal qu’il n’existe possiblement pas de norme établie à laquelle on peut se référer quant au type de soffite à être utilisé pour fins résidentielles générales et que selon l’Entrepreneur, le type de soffite de remplacement qu’il a maintenant installé est relativement nouveau sur le marché, donc sa conclusion que le soffite initialement installé était alors celui généralement utilisé par l’industrie.

 

[85]      Toutefois, c’est plutôt au design et conception de l’entretoit et toit qu’il faut s’adresser, en tenant compte que la prépondérance de la preuve entendue, et les énoncés de l’Entrepreneur, démontrent au Tribunal que le problème récurrent provient d’une barrière de glace, et qu’un manque de ventilation à cet endroit est possiblement la cause de celle-ci.

 

[86]      Ce manque de ventilation semble donc plus particulièrement découler d’une erreur de design dans les angles et espaces de l’entretoit et toit qui ont par la suite requis, quoique la preuve ne soit pas complète à cet égard, un soffite offrant une ventilation supérieure d’environ 50% à ce qui fut initialement installé. Le Tribunal conclut donc à un vice de conception de l’entretoit et toit au sens de 2118 C.c.Q. dans le cas qui nous occupe.

 

Perte de l’ouvrage

 

[87]      Il est fait grand cas par l’Administrateur et l’Entrepreneur que la perte visée par 2118 C.c.Q. se devait d’être soit une perte totale de l’immeuble ou dans le cas de perte partielle qu’il y ait à tout le moins menace d’effondrement ou de fléchissement de l’ouvrage ou encore de ses composantes principales.  On a aussi caractérisé la perte par la nécessité que le dommage subi ou à venir se doit d’être majeur afin de souligner que de simples malfaçons ou vices de faible importance n’ouvrent pas application à la responsabilité de 2118 C.c.Q. ce qui a amené certains à conjuguer l’expression  « vice majeur ».

 

[88]      Toutefois, et prenant note de la « malfaçon » autrement prévue à l’article 2120 C.c.Q. et du « vice caché » de 1726 C.c.Q. afin de comparer les notions déterminatives applicables et de les appliquer dans le cadre de l’article 27 du Règlement qui couvre chacune de ces notions sous des conséquences différentes, il ne faut pas perdre de vue que la notion de perte dans le cadre de 2118 C.c.Q. doit recevoir une interprétation large s’étendant sur tout dommage sérieux subi par l’ouvrage et que, tel que le soulignent les auteurs J. Edwards et S. Rodrigue sous La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons dans le cadre de l’ouvrage bien connu La construction au Québec - perspectives juridiques :

 

« Il est également possible que la simple perte de l’usage normal des lieux tombe sous le coup de cette disposition.  De fait, certains tribunaux ont décidé, en vertu des règles de l’ancien Code, que la présence de troubles graves, nuisant à l’utilisation de l’immeuble, constituait une perte.  La responsabilité quinquennale a notamment été retenue lorsque les vices empêchaient l’ouvrage de servir à sa destination normale ou limitaient, de manière importante, l’usage normal de l’ouvrage. »[32]    

Nos soulignés

 

[89]      Les auteurs citent plusieurs arrêts jurisprudentiels[33] et il apparaît clair au Tribunal que la notion d’utilité ou de viabilité de la construction visée est applicable à la détermination recherchée, ce que souligne d’ailleurs                   T. Rousseau-Houle dans Les contrats de construction en droit public & privé[34] et plus particulièrement  J.L. Beaudoin qui écrit :

 

« La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par  rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage.  Constitue donc une perte toute           défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa           destination. En d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement           l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime. »[35]

Nos soulignés.

 

[90]      On peut de plus se reporter entre autres à diverses décisions de jurisprudence telles Gauthier c. Séguin[36], Foundation Co. Of Canada Ltd. C. Golden Eagle Canada Ltd.,[37] Constructions François et Richards Inc. c. Audet[38].

 

[91]      Toutefois, et nonobstant et tenant compte de cette interprétation libérale, il est nécessaire que le préjudice subi soit un empêchement ou une limite substantielle à l’utilisation normale de l’ouvrage, que le vice et perte rende l’ouvrage impropre à sa destination, soit dans le cadre des présentes de pouvoir être utilisé comme propriété résidentielle.

 

[92]      Aucun élément de preuve n’est venu supporter qu’il y a un empêchement quelconque à l’utilisation de l’unité visée comme résidence, au contraire, sauf quant à un cerne sur un plafond de chambre, la preuve non contredite indique qu’il n’y a pas trace de moisissures quelconques, aucun élément de problèmes structuraux d’importance au sens visé aux présentes et conséquemment qu’il n’y a pas gravité.

 

[93]      Le Tribunal est donc d’avis que, dans le cas de la situation d’infiltration d’eau décrite aux présentes, la notion de perte de l’article 2118 C.c.Q. ne trouve pas application dans les circonstances et que, nonobstant toute présomption, le Bénéficiaire ne peut donc bénéficier de la couverture de l’article 27 du Règlement et conséquemment, aux présentes, de la couverture du Plan.

 

 

Conclusions

 

[94]      Conséquemment, le Tribunal est d’avis que le délai de dénonciation n’est pas expiré dans la présente cause quant au Bénéficiaire, que la cause de la perte est un vice au sens de l’article 2118 C.c.Q. mais que cette perte n’est pas de nature ou d’une gravité qui permettrait l’application de l’article 2118 C.c.Q. et conséquemment de l’article 27 (5) du Règlement et que donc la demande du Bénéficiaire n’entraîne pas l’application du Règlement et se doit d’être rejetée.

 

 

 

[95]      Le Tribunal, s'autorisant de l'article 116 du Règlement qui édicte:

 

« Un arbitre statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »

 

est d'opinion qu’en l’instance, dans les circonstances particulières de ce dossier, les frais de l'arbitrage se doivent d'être à la charge de l'Administrateur, sauf à distraire 50$ à la charge des Bénéficiaires.

 

 

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[96]     REJETTE la demande des Bénéficiaires.

 

[97]     ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage, sauf pour un montant de 50$ à être assumé par le Bénéficiaire.

 

 

 

DATE: 9 avril 2009                                                                                                              

 

                   ______________________

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre

 

 

 



[1] Voir aussi les articles 10 et 18 du Règlement qui sont du même effet pour les bâtiments non détenus en copropriété divise et la jurisprudence afférente qui trouve directement application aux dispositions sous étude.

[2] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) - D. 841-98, a. 27; D. 39-2006, a. 11.

[3] (L.R.Q. c. B-1.1, r.02) - D. 841-98, a. 34; D. 39-2006, a. 15.

[4] Voir aussi la référence à l’article 1739 C.c.Q. à l’alinéa 4 de l’article 27 du Règlement.

[5] Voir Voyer c. Bouchard (C.S. 1999-08.27) [1999] R.D.I. 611 ; et Fleurimont c. APCHQ inc. (C.S. 2001.12.19) dans  cette dernière affaire, les faits précédent l’adoption du Règlement tel qu’il se lit alors que le certificat APCHQ de la garantie requérait conciliation, mais les principes étudiés demeurent applicables in extenso.

[6] LLUELLES ET MOORE, Droit des obligations, Éditions Thémis, no. 2800 (et note 38 in fine) - 1803.

[7] Code de procédure civile, Art. 494, 1965 (1 ère sess.), c. 80, a. 494; 1969, c. 80, a. 9; 1982, c. 32, a. 35; 1983, c. 28, a. 19; 1989, c. 41, a. 1; 1992, c. 57, a. 285; 1993, c. 30, a. 6; 1995, c. 2, a. 3; 1995, c. 39, a. 3; 2002, c. 7, a. 91.

[8] Code procédure civile, Art. 523, 1965 (1 ère sess.), c. 80, a. 523; 1985, c. 29, a. 11; 1992, c. 57, a. 422; 1999, c. 46, a. 12; 2002, c. 7, a. 97.

[9] [1992] 1 S.C.R. 426 .

[10] Voir entre autres Laurendeau c. Université Laval, Cour d'appel du Québec No. 200-09-003399-000 (200-05-000225-933), 28 Février 2002; voir aussi Balafrej c. R., 2005 QCCA 18 et  J.P. c. L.B., Cour d’appel (Québec) No. 500-09-012743-027 (500-12-249425-996), 14 Mars 2003, pp.3 et 4.

[11] Entreprises Canabec inc. c. Laframboise, J.E. 97-1087 (C.A.).  alors que la Cour a déterminé que dans le cadre de 524 C.p.c. il n’y avait pas forfaiture; voir aussi: General Motors of Canada Ltd c. Demers, [1991] R.D.J. 551 (C.A.).

[12] BAUDOUIN, Jean-Louis; JOBIN, Pierre-Gabriel. - Les obligations. - collaboration de Nathalie Vézina. - 6e éd. - Cowansville (Québec) : Éditions Y. Blais, ©2005, p. 1092, no. 1087.

[13] Tels les  articles 1103 C.c.Q. (copropriété) or 1635 C.c.Q. (action paulienne) où le texte est spécifique.

[14] Alexandre c Dufour, [2005] R.D.I. 1 (C.A.), par. 34, la Cour évalue le droit de retrait de tout indivisaire dans les 60 jours où il apprend qu'une personne étrangère à l'indivision a acquis la part d'un indivisaire tel que prévu à l'art. 1022 C.c.Q.

[15] Op. cit. BAUDOUIN, Jean-Louis; JOBIN, Pierre-Gabriel. - Les obligations, pp.1092-3, no.1086.

[16] Danesh c. Solico Inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Décision arbitrale en date du 5 mai 2008 au dossier Soreconi No. 070821001; et Moustaine & El-Houma c. Brunelle Entrepreneur inc. et La garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APDCHQ inc., Me Jean Philippe Ewart, Arbitre, Décision arbitrale en date du 9 mai 2008 au dossier Soreconi No. 070424001.

[17] JOLI-COEUR, Yves, Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec, vol 2, no 3, mars 2002, p.6 :

« Le Code civil du Québec clairement établit le pouvoir, la qualité et l’intérêt juridique du syndicat d’instituer tous les recours engendrés par les vices et déficiences affectant l’immeuble ». 

[18] Poirier c. Spagnolo, J.E. 2000-1533 , [2000] R.D.I. 460 , REJB 2000-19274 (C.S.), j. Marie-France Courville; et

Lemyre c. Arcand, B.E. 2000BE-1199 (C.Q.), j. René Roy, dans un cas de vice caché:

“Le syndicat demeure le représentant exclusif de l’intérêt commun des copropriétaires, responsable de la correction des problèmes aux parties communes et de l’exécution des travaux pour les corriger ” et

Pruneau c. Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec inc., B.E. 2005BE-427 (C.Q.), j. Denis Charrette, dans le cas d’un vice de construction à un plafond :

                «  Le syndicat a seul intérêt pour poursuivre le constructeur ou son garant (la défenderesse) puisqu’il s’agit d’un vice de           construction d’une partie commune et que le non-respect de la     finition originale du plafond est une résultante de la réparation à           ce vice de construction. Considérant ainsi l’absence de lien de droit entre les demandeurs et la défenderesse, la demande est par         conséquent rejetée.» 

[19]CHAMPAGNE, Pierre G., Les recours du copropriétaire pour vices cachés affectant les parties communes : étude comparative France-Québec, au recueil de textes Développements récents en droit de la copropriété divise, Service de la formation continue du Barreau du Québec, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2008, 171, aux pp. 201 et ss.

[20] Dans le cadre d’une revue de l’impact de 1081 C.c.Q mais aussi de 1077 C.c.Q qui se lit :

                « 1077.  Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de   construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire.»

[21] Belcourt Construction Co. c. Creatchman [1979] C.A. 595 , pp.601-2.

[22] Société d’habitation et de développement de Montréal c. Bergeron, [1996] R.J.Q. 2088 (C.A.), p. 2091 et 2092.

[23] Parent c. Daniel et al, C.Q.M. no 500-32-072244-033, le 6 décembre 2004, F. Bousquet.

[24] BAUDOUIN, J.L. et DESLAURIERS, P., La responsabilité civile, 7e éd., Cowansville, Ed. Yvon Blais inc, 2007, para.1-1421.

[25] Idem, para. 1-1420.

[26] Idem, voir note 92, page 1199.

[27] Idem, para. 1-1420.

[28] Idem, para. 1-1420.

[29] Idem, para. 1-1435.

[30] L.Q. 1991, c.64, a. 2118.

[31] Silo Supérieur (1993) Inc. c. Ferme Kaech & Fils Inc., 2004 CanLII 13319 (QC C.A.), par. 26.

[32] EDWARDS, Jeffrey et RODRIGUE, Sylvie, La responsabilité légale pour la perte de l’ouvrage et la garantie légale contre les malfaçons, para. 2.2.2. dans le cadre de  La construction au Québec : perspectives juridiques, sous la direction de Me Olivier F. Kott - Me Claudine Roy, Ed. Wilson Lafleur, 1998, p.434.

[33] Société d’habitation du Québec c. Bouliane, J.E. 94-1761 (C.S.); Villeneuve (Corp. Municipale de la ville de) c. Gauthier, précité, note 116; Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.); Bélanger c. Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec, J.E. 98-114 (C.S.).

[34] ROUSSEAU-HOULE, T., Les contrats de construction en droit public & privé, Montréal, Wilson & Lafleur, 1982, p. 347.

[35] BAUDOUIN, J.L. La responsabilité civile (5e), Cowansville, Yvon Blais, 1998, au no. 1631.

[36] (1969) B.R. 913 .

[37] (1986) R.L. 167 (C.A.).

[38] (1996) R.J.Q. 2363 (C.S.).