DÉCISION ARBITRALE

 

 

 

 

 

                                                                              ARBITRAGE

 

                                                                              PLAN DE GARANTIE

                                                                              DES BÂTIMENTS

                                                                              RÉSIDENTIELS NEUFS

 

 

 

 

 

                                                                              9094-3184 QUÉBEC INC.,

 

                                                                                                entrepreneur;

 

                                                                              - et -

 

                                                                              LA GARANTIE

                                                                              QUALITÉ-HABITATION,

 

                                                                                                administrateur.

 

 

                                                                             

 

 

                                                                              OBJET : Annulation d’adhésion

 

 

 

Procureur de l’entrepreneur :                             Me Jean Pierre Wells

 

 

Procureur de l’administrateur :                          Me Frédéric Birtz

 

 

Arbitre :                                                                M. Claude Dupuis, ing.

 

 

                                       Audience tenue à Anjou le 19 décembre 2001

 

                                                 Décision rendue le 7 janvier 2002


I : INTRODUCTION

 

Dans une lettre datée du 7 novembre 2001, La garantie Qualité-Habitation avisait M. Sylvain Clusiault qu’elle mettait fin à l’accréditation de son entreprise - 9094-3184 Québec inc. - relativement au Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, décret 841-98.  Voici le libellé de cette lettre (pièce E-3) :

 

Anjou, le 7 novembre 2001

 

9094-3184 Québec inc.

                  A/S M. Sylvain Clusiault

                  181, Bourget

                  Saint-Luc (Québec)

                  J2W 1H7

 

                  Monsieur,

 

La présente est pour vous avisez que ne vous ayant pas conformé aux conditions énumérées dans notre lettre du 9 octobre dernier, nous mettons fin dès aujourd’hui à votre accréditation au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

 

Il va de soi que vous ne pourrez plus utiliser les formulaires de la garantie Qualité Habitation que vous avez en votre possession.  En conséquence, auriez-vous l’obligeance de nous les retourner, principalement le certificat d’accréditation et ce, dans les plus brefs délais.

 

                  Bien à vous.

 

                  Jean-Guy Couillard

                  Directeur-adjoint

 

                  JGC/mcm

 

                  (sic)

 

En date du 4 décembre 2001, l’entrepreneur faisait parvenir au GAMM un avis d’arbitrage relativement à cette décision de La garantie Qualité-Habitation.

 

Les parties n’ont contesté ni la procédure suivie, ni la juridiction de l’arbitre.

 

En cours d’enquête, les parties ont déposé 12 pièces et ont fait entendre les témoins suivants :

 

   M. Sylvain Clusiault, entrepreneur et plaignant

   M. Luc Meunier, gestionnaire

   M. Jean-Guy Couillard, responsable d’accréditation

   M. Sylvain Beausoleil, inspecteur-conciliateur

Relativement à l’article 122 du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, vu la proximité de la période des fêtes de fin d’année, les parties ont accordé à l’arbitre jusqu’au 12 janvier 2002 pour rendre sa décision.

 

 

II : LE LITIGE

 

Au moment des événements, il y avait environ 12 mois que l’entrepreneur avait obtenu sa première accréditation pour la vente et la construction de maisons neuves.

 

L’entrepreneur a construit 12 maisons en 2001, dont une restait à compléter au moment où s’est tenue l’audience.

 

Qualité

 

M. Clusiault avoue qu’il y a eu des déficiences sur les premières maisons, soit un problème de maçonnerie, mais que la situation a été corrigée par la suite; les quatre dernières maisons n’ont pas fait l’objet d’un rapport d’inspection.

 

Dans une lettre datée du 25 avril 2001 (pièce A-4), l’administrateur, selon le témoignage de M. Couillard, demandait à l’entrepreneur «d’y aller selon sa capacité, un certain nombre de maisons à la fois, et d’arrêter de vendre et de signer de nouveaux contrats».

 

Par la suite, selon M. Clusiault, aucun autre reproche n’a été adressé par l’administrateur; tous les contrats ont été honorés et tous les sous-traitants ont été payés.

 

En effet, 9094-3184 Québec inc. confie la gestion de chacun de ses contrats à une société appelée Groupe Prothèque Légal; cette dernière, selon son vice-président, M. Luc Meunier, assure une gestion rigoureuse des entrées et déboursés d’argent de chacun des contrats.

 

Toujours selon M. Meunier, Groupe Prothèque Légal a assumé la gestion des 12 propriétés construites par 9094-3184 Québec inc. en 2001 et le vice-président affirme que M. Clusiault, comparativement à d’autres, se classe parmi les excellents entrepreneurs.

 

M. Clusiault affirme qu’il est le seul actionnaire et administrateur de son entreprise.

 

M. Dragon

 

L’entrepreneur a à son emploi un dénommé Gérald Dragon qui agit comme vendeur; au niveau de la paperasse, celui-ci se fait assister par son épouse.  M. Dragon établit les contacts avec les clients; par la suite, c’est M. Clusiault qui signe les contrats et qui supervise la construction des maisons.

 

Au moment où M. Dragon est apparu, M. Couillard a informé M. Clusiault des problèmes que ce vendeur avait causés à l’administrateur dans le passé; il lui a fait part que l’administrateur avait une fois dû verser 5 000 $ à un bénéficiaire par la faute de M. Dragon.

 

M. Dragon était donc connu de La garantie Qualité-Habitation et l’administrateur recommanda à M. Clusiault de ne point s’associer à cet individu.

 

Toujours selon M. Couillard, l’entente serait la suivante : M. Clusiault empocherait 5 000 $ par unité et, à la fin de l’année, les profits de la compagnie seraient distribués à M. Dragon.

 

Puis, vers juin 2001, survint l’incident Dragon-Fernandez, M. Fernandez étant un client de l’entrepreneur.  M. Clusiault avait accordé un crédit de 5 000 $ à M. Fernandez, ce dernier ayant décidé d’exécuter lui-même la peinture de sa propriété.  Cependant, le propriétaire de la maison décida par la suite de confier lesdits travaux à un sous-traitant, vraisemblablement à M. Dragon; il paya ces travaux, dans un premier temps par un billet fait à l’ordre de 9094-3184 Québec inc. (soit l’entreprise de M. Clusiault), dans un deuxième temps par des chèques faits à l’ordre de 2949-6320 Québec inc. (entreprise administrée par Mme Sonia Lessard, conjointe de M. Dragon) et de 9075-7238 Québec inc. (entreprise administrée par M. Louis Beaumier).  Lorsque l’administrateur avisa M. Clusiault de cet état de fait, ce dernier en a informé M. Fernandez, lequel aurait demandé à sa banque de ne point honorer ces chèques.

 

M. Clusiault affirme que ce n’est pas M. Dragon qui a effectué les travaux de peinture en fin de compte et il déclare ne pas connaître M. Beaumier.

 

Avis et critères financiers

 

L’entrepreneur admet que le bilan de son entreprise, daté du 31 juillet 2001 (pièce A-3), ne rencontrait pas les critères financiers qu’elle doit respecter selon l’article 84 du décret.

 

À cet égard et concernant les faits précédemment cités, l’administrateur, en date du 19 septembre 2001, faisait parvenir à l’entrepreneur un avis de suspension (pièce A-5) :

 

                  Anjou, le 19 septembre 2001

 

                  9094-3184 Québec inc.

                  A/S M. Sylvain Clusiault

                  181, Bourget

                  Saint-Luc (Québec)

                  J2W 1H7

 

                  Monsieur,

 

Compte tenu d’un manquement répétitif aux règles de l’art dans l’exécution de vos travaux sur les unités domiciliaires présentement enregistrées au plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, nous vous avisons que nous suspendons votre dossier tant et aussi longtemps que la situation ne sera pas rétablie à notre satisfaction.

De plus, vous devrez aussi nous faire parvenir des états financiers récents afin de réévaluer votre dossier.

 

Il va de soi que tant que cette suspension ne sera pas levée par nous, vous ne pouvez plus signer aucun contrat concernant la construction d’unité résidentielle neuve et de ne plus utiliser les formulaires de la Garantie Qualité-Habitation.  Toute utilisation subséquente de ces formulaires mettrait fin à votre accréditation.

 

Nous vous demandons de nous faire part de toutes situations qui seraient préjudiciables au présent dossier.

 

                  Bien à vous,

 

                  Jean-Guy Couillard

                  Directeur-adjoint

 

                  JGC/mcm

 

                  (sic)

 

En date du 9 octobre 2001, l’administrateur faisait parvenir à l’entrepreneur par télécopieur une lettre (pièce E-1) définissant les conditions préalables en vue du renouvellement de son adhésion :

 

Anjou, le 9 octobre 2001                                         PAR TÉLÉCOPIEUR

                                                                                                                                    […]

 

                  9094-3184 Québec inc.

                  A/S M. Sylvain Clusiault

                  181, Bourget

                  Saint-Luc (Québec)

                  J2W 1H7

 

                  Monsieur,

 

Suite à notre dernière rencontre à nos bureaux concernant le statut de votre dossier et compte tenu que vos derniers états financiers ne rencontrent pas les critères exigés par le règlement, nous vous confirmons par la présente, les conditions préalables en vue du renouvellement de celui-ci.

 

                     Confirmation écrite confirmant que la compagnie « 9094-3184 Québec inc. » est sous contrôle exclusif de monsieur Sylvain Clusiault et qu’il n’existe aucun autre document démontrant qu’une tierce personne pourrait y être impliquée d’une façon ou d’une autre.  Cette confirmation devra être contre signée par votre vérificateur comptable, monsieur Alain Lefebvre.

 

                     Tout contrat avec un consommateur devra être signé exclusivement par monsieur Sylvain Clusiault et un document signé par les consommateurs devra accompagner le contrat préliminaire spécifiant qu’il n’existe aucune autre entente verbale ou écrite que celle signée.  À cet effet, nous vous fournirons le texte à être signé.

 

                     Toute commande de matériel, négociation et signature de contrats avec les sous-traitants le seront avec monsieur Sylvain Clusiault exclusivement.

 

                     Une nouvelle lettre de garantie bancaire au montant de trente mille dollars (30,000$) remplacera celle de cinq mille dollars (5,000$) que nous avons au dossier présentement.

 

                     Le système de gestion de déboursés de Groupe Prothèque Légal devra être utilisé pour chacune des unités à être construites.

 

                     Vous devrez nous fournir trimestriellement des états financiers non-vérifiés.

 

                     Vous devrez nous démontrer que vous avez le plein contrôle sur tous contrats préliminaires que vous avez achetés de la Garantie Qualité-Habitation et qui n’ont pas encore été utilisés (environ 40).

 

Nous attendrons la confirmation de votre part à accepter ces conditions avant de poursuivre l’étude de renouvellement de votre dossier.

 

Soyez assuré de notre entière collaboration et veuillez accepter, monsieur, l’expression de nos meilleurs sentiments.

 

                  Jean-Guy Couillard

                  Directeur-adjoint

 

                  JGC/mcm

 

                  (sic)

 

Dans son témoignage, M. Couillard, relativement à la première exigence, indique que le comptable de M. Clusiault, M. Alain Lefebvre, C.G.A., lui a verbalement mentionné qu’il n’était point au courant d’un tel document.

 

Quant à la signature des contrats, M. Couillard exigeait qu’aucun contrat ne soit signé par M. Dragon.

 

Relativement aux sous-traitants, M. Couillard aurait appris que M. Dragon aurait négocié avec le maçon.

 

En ce qui a trait aux garanties, compte tenu que l’entreprise débutait, l’administrateur n’avait exigé jusqu’à date qu’une garantie bancaire de 5 000 $.

 

Pour ce qui est de la dernière exigence, l’administrateur craignait que M. Dragon se serve des formulaires de contrat sans que M. Clusiault n’en soit averti.

 

Suite à cette lettre de l’administrateur concernant les exigences (pièce E-1), l’entrepreneur a fait préparer par son comptable de nouveaux états financiers datés du 30 septembre 2001 (pièce E-4).

 

Subséquemment, M. Clusiault, en date du 15 octobre 2001, faisait parvenir à l’administrateur sa réplique (pièce E-2) aux exigences de ce dernier :

 

                  La Garantie Qualité Habitation

                  Att.: M. Jean-Guy Couillard

                  Directeur-adjoint

                  7400, boul. des Galeries d’Anjou, bur. 200

                  Anjou, (Québec), H1M 3M2

 

                  Le 15 octobre 2001

 

                  Monsieur Couillard

 

En réponse à votre lettre du 9 octobre dernier, concernant les conditions requises pour le renouvellement, nous répondront à chacune de vos conditions de la façon décrite ci-dessous.

 

                  Présentation des ratios financiers

                                                                                                Critères                    Réel       

 

a)                     Ratio du fonds de roulement                        1,15                           4,98

b)                     Ration d’endettement                                   80%                     17,80%

c)                     Valeur nette                                                   10%                       9,27%

d)                     Bénéfice brut                                                 18%                       9,49%

e)                     Bénéfice net                                                  2,50%                    3,24%

                 

                  Concernant le ratio du bénéfice brut.

 

Dans un premier temps, nous n’engageons que de la sous-traitance, donc implicitement nous payons leur bénéfice brut.

Dans un deuxième temps nous inclueons dans nos dépenses de sous-traitant ma part de gestionnaire de la compagnie qui est de 24 000$ pour l’exercice terminé le 31 juillet 2001.

Dans un troisième temps nous inclueons aussi des dépenses de frais de vente liés directement au maison, les frais administratifs liés directement au maison, etc.. Pour un montant total de plus de 11 000$

Dans un dernier temps nous payons au Groupe Prothèque Légal une somme de 12 965 $.

Considérant tout ces montants, nous augmentons le ratio du bénéfice brut à 15% pour la première année.

 

Monsieur Alain Lefebvre, expert-comptable de notre compagnie, est prêt à signer une confirmation qu’il n’a pas vu de document démontrant qu’une tierce personne pourrait être impliquée dans le contrôle exclusif de la compagnie.

 

Les contrats préliminaires vont être signé par le vendeur de la compagnie et un document, spécifiant qu’il n’existe aucune autre entente verbale ou écrite que celle signée dans le contrat préléminaire, par la consommateur accompagnera le contrat préliminaire.

 

Toute signature de contrat avec les sous-traitants et les fournisseurs sera exclusivement de Monsieur Sylvain Clusiault.

 

Nous vous fournirons une garantie hypothécaire de premier rang au montant de 35 000$.

 

Malgré les coûts élevés, nous continuerons à utiliser le système de déboursés du Groupe Prothèque Légal.

 

Nous vous fournirons trimestriellement les états financiers préliminaires à partir du système comptable et des informations reçues du Groupe Prothèque Légal.

 

Nous vous expédierons une liste de tous nos contrats préliminaires avec leur statut.

 

Espérant que notre confirmation du respect des conditions énumérées ci-haut ainsi que leurs explications saurons vous satisfaire afin de procéder à l’acceptation de notre renouvellement.

 

Nous attendons votre accord de renouveler notre licence afin que nous puissions continuer notre expansion.

 

Soyez assuré de notre entière collaboration et veuillez accepter, monsieur Couillard, l’expression de nos meilleurs sentiments.

 

                  Sylvain Clusiault

                  Président

                  9094-3184 Québec inc.

 

                  (sic)

 

Dans son témoignage, M. Clusiault explique que les critères indiqués dans sa lettre sont ceux exigés par le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et déclare qu’il ne connaît pas la façon dont le «Réel» a été calculé à l’aide des états financiers au 30 septembre 2001, son comptable, M. Lefebvre, ayant effectué ces calculs.

 

Relativement aux critères, M. Couillard, représentant l’administrateur, explique, référant à l’article 141 du décret, que le ratio du bénéfice net doit être de 3,5% pour la troisième année de l’entrée en vigueur du plan et non de 2,5% tel qu’indiqué dans la réplique de l’entrepreneur du 15 octobre 2001 (pièce E-2).

 

M. Couillard admet qu’il n’a aucune idée de la façon dont les résultats apparaissant sous la rubrique «Réel» dans la lettre du 15 octobre 2001 de l’entrepreneur ont été calculés et prétend que les ratios tirés des états financiers de l’entrepreneur au 30 septembre 2001 sont plutôt les suivants (sans toutefois donner les détails de ses propres calculs) :

 

   Ratio du fonds de roulement                                          1,35

   Ratio d’endettement                                                       57,0%

   Valeur nette                                                                     7,5%

   Bénéfice brut                                                                   18,9%

   Bénéfice net                                                                    2,6%

 

En résumé, l’administrateur craint que M. Clusiault ne contrôle pas sa compagnie, même s’il n’a pas de documentation à cet effet.

 

Il convient que Groupe Prothèque Légal constitue une bonne garantie pour l’administrateur et mentionne que M. Clusiault est prêt à poursuivre dans le même sens.

 

Relativement à l’avis de suspension du 19 septembre 2001 (pièce A-5), l’administrateur doutait de la qualité de la brique et des balcons, surtout sur les deux premières maisons construites par l’entrepreneur, mais ce problème a été réglé par la suite.

 

Durant l’année 2001, l’administrateur n’a reçu qu’une seule plainte relativement à l’entrepreneur, soit celle de M. Fernandez; aucune autre plainte n’a été déposée.

 

L’administrateur admet qu’il a embauché M. Clusiault en 2001 (par l’entremise d’une autre corporation de ce dernier) pour corriger des travaux non effectués par d’autres entrepreneurs suite à des rapports d’inspection et ce, sur environ huit maisons.

 

Relativement à la garantie, l’exigence de l’administrateur dans sa lettre du 9 octobre 2001 consistait en une lettre de garantie bancaire au montant de 30 000 $; l’entrepreneur, dans sa réplique du 15 octobre 2001, offre une garantie hypothécaire de premier rang au montant de 35 000 $; la convention d’adhésion ainsi que le décret stipulent que l’entrepreneur (dans le domaine de la construction de bâtiments résidentiels depuis moins de quatre ans) doit détenir un cautionnement de 35 000 $ sous l’une ou l’autre des formes suivantes : cautionnement personnel, lettre de garantie bancaire, garantie hypothécaire, cautionnement d’une tierce personne.

 

L’administrateur avoue toutefois que ce qui lui fait peur dans le présent dossier, c’est M. Dragon, car ce dernier contrôle la compagnie de l’entrepreneur.  En effet, M. Dragon négocie avec les sous-traitants et négocie aussi les extra avec les clients; il peut ainsi «mettre de l’argent dans ses poches».  Il ajoute : «C’est ce qu’il fait, qu’il a toujours fait et ceci nous a coûté de l’argent dans le passé.  Agir ainsi peut affecter le fonds de roulement de l’entrepreneur.»

 

L’administrateur admet que dans certains cas, pour se protéger, il s’intéresse aux employés d’une corporation.

 

L’administrateur nous informe que les déboursés de l’organisme sont pour une grande part reliés au parachèvement de travaux non effectués par les constructeurs pour cause de faillite ou de non-solvabilité; voilà pourquoi il exerce un contrôle sévère sur les entrepreneurs.  Il admet toutefois que les risques sont de beaucoup amoindris lorsqu’un entrepreneur fait affaire avec un gestionnaire tel que Groupe Prothèque Légal pour la gestion de ses contrats.

 

De façon générale, les problèmes financiers des entrepreneurs sont plus importants que les problèmes de qualité des travaux de construction.

 

 

III : ARGUMENTATION DE L’ENTREPRENEUR

 

Le procureur indique que l’on est en présence d’un entrepreneur qui a signé une première convention d’adhésion; au cours de la première année, un seul problème de qualité a été décelé et il a été corrigé; par ailleurs, on n’a rapporté qu’un seul autre problème que l’on peut qualifier de financier, soit le cas de M. Fernandez.

 

Mis à part ces deux cas, la seule chose que l’on reproche à l’entrepreneur, c’est d’avoir à son emploi un vendeur qui s’appelle M. Dragon; partant de là, l’administrateur suppose que M. Clusiault a perdu le contrôle de son entreprise.  Toutefois, il a été mis en preuve que M. Clusiault est le seul signataire et le seul administrateur de son entreprise et qu’il est le seul responsable auprès des différents paliers de gouvernement.

 

Groupe Prothèque Légal, intermédiaire imposé par La garantie Qualité-Habitation, nous informe que M. Clusiault est le seul répondant de sa compagnie, le seul signataire, le seul qui transige avec ce gestionnaire, le seul à discuter des déboursés.

 

Selon le procureur, des sept exigences de l’administrateur énoncées dans sa lettre du 9 octobre 2001, une seule est prévue à la convention d’adhésion ou au décret, soit la garantie.  Dans cette même lettre, l’administrateur ne traite pas des critères financiers; toutes les autres exigences se rapportent à la qualité de vendeur de M. Dragon.

 

Le procureur souligne que preuve a été faite que la compagnie 9094-3184 Québec inc. est sous le contrôle de M. Clusiault et que les contrats sont signés par M. Clusiault; il estime que la négociation des contrats avec les sous-traitants n’est pas de la prérogative de l’administrateur.

 

Au sujet de la garantie, l’administrateur exigeait une lettre de garantie bancaire de 30 000 $; l’entrepreneur a proposé une garantie hypothécaire d’un montant supérieur; comme l’entrepreneur s’est vu opposer une fin de non-recevoir, c’est la raison pour laquelle il n’a pas à ce jour déposé sa garantie chez l’administrateur.

 

Relativement à la gestion des déboursés par Groupe Prothèque Légal, l’entrepreneur est d’accord.

 

Ainsi, le seul problème qui subsiste est celui de M. Dragon.

 

En présence du dossier qu’il avait au moment de l’échéance, la décision de l’administrateur est déraisonnable et va à l’encontre de ses prérogatives et des intérêts de l’entrepreneur.

 

Selon les calculs de l’administrateur à partir des états financiers au 30 septembre 2001, le seul ratio non respecté est celui du bénéfice net; toutefois, aux états financiers, il existe un dû à l’administrateur qui nous rassurerait sur ce ratio si ce montant était transformé en actions.

 

Lorsque des ratios ne sont pas respectés, des dispositions sont prévues à l’article 6.1 de la convention d’adhésion.

 

 

IV : ARGUMENTATION DE L’ADMINISTRATEUR

 

Le procureur rappelle que l’administrateur a la possibilité d’annuler une demande d’adhésion pour les motifs cités à l’article 93 du règlement.

 

Dans le présent dossier, le premier alinéa de l’article 93 (l’entrepreneur ne remplit pas l’une des conditions requises par le présent règlement) s’applique, de même que le dernier (l’entrepreneur ne transmet pas les documents requis par l’administrateur).

 

La condition requise prévue au règlement est celle des ratios; en soi, c’est une raison pour annuler l’adhésion.

 

Le procureur est d’avis que l’article 88 du décret permet à l’administrateur d’exiger d’autres conditions, telles que celles demandées dans sa lettre du 9 octobre 2001; or, aujourd’hui encore, ces conditions ne sont pas remplies par l’entrepreneur; voilà une deuxième raison pour annuler l’adhésion de l’entrepreneur.

 

Le plan de garantie préparé par le législateur a pour but de protéger les bénéficiaires des contrats.  À cette fin, ce plan procure à l’administrateur le devoir de vérifier les états financiers et la viabilité financière de l’entrepreneur; dans ces dossiers, la Régie du bâtiment du Québec se fie à la décision de l’administrateur.

 

Certes, il a été démontré que M. Clusiault a le contrôle légal de son entreprise, mais l’administrateur a de sérieux doutes sur le contrôle effectif.  M. Clusiault ne peut pas nous dire comment il a calculé les ratios; il ne négocie pas avec les sous-traitants; il ne fait pas de suivi auprès des clients; c’est le vendeur qui négocie les contrats; il n’était pas au courant des extra effectués chez son client Fernandez.

 

Si M. Clusiault avait le contrôle effectif, il n’y aurait pas lieu d’être ici, mais ce n’est pas l’avis de l’administrateur, car cette entreprise ne peut être financièrement viable de la façon dont elle est présentement gérée.

 

 

V : DÉCISION ET MOTIFS

 

Dans le cas de 9094-3184 Québec inc., qui est une entreprise de type A, c’est-à-dire une entreprise travaillant dans le domaine de la construction de bâtiments résidentiels depuis moins de quatre ans, les conditions générales d’adhésion qui s’appliquent sont celles exprimées à l’article 84 du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

 

      84.       Cette entreprise doit:

 

1°  détenir un cautionnement d’une valeur minimum de 35 000$ sous l’une ou l’autre des formes suivantes:

 

a)   cautionnement personnel;

b)   lettre de garantie bancaire;

c)   garantie hypothécaire;

d)   cautionnement d’une tierce personne;

 

2°  respecter, lorsqu’il est possible de les calculer, les critères financiers suivants:

 

a)   ratio du fonds de roulement                         1,15;

b)   ratio d’endettement                                       80%;

c)   valeur nette                                                    10%;

                                                                  (10% du chiffre d’affaires)

d)   bénéfice brut                                                  18%;

e)   bénéfice net                                                   5%.

 

Tous ces critères financiers doivent être calculés selon une moyenne des 3 dernières années.

 

L’administrateur peut exiger des états financiers intérimaires lorsqu’il a des raisons de croire que la solvabilité de l’entreprise est compromise.

Lorsqu’une entreprise possède des compagnies liées ou affiliées, l’administrateur peut également exiger un bilan consolidé ou les états financiers de chacune des compagnies.

 

Dans la présente sous-section, les critères financiers ont le sens que leur donne le Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière, L. Ménard et al., Institut Canadien des Comptables Agréés, Ordre des experts comptables - France, Institut des Réviseurs d’Entreprises - Belgique, 1994.

 

Toutefois, le critère du bénéfice net (5%) à l’article 84 est abaissé à 3,5% par l’application d’une disposition transitoire énoncée à l’article 141.  D’autres conditions générales sont aussi indiquées à l’article 88 du même plan :

 

      88.       Lorsqu’une entreprise ne remplit pas les exigences visées aux articles 84 à 87 ou dans le cas où il est impossible de calculer les critères financiers visés au paragraphe 2e de l’article 84, l’administrateur peut exiger toute autre condition ayant pour effet d’atteindre les mêmes fins en prenant en compte la compétence technique de l’entreprise.

 

L’administrateur peut exiger un cautionnement d’une valeur supérieure à celle mentionnée au paragraphe 1° de l’article 84 et au paragraphe 1° de l’article 85 lorsqu’il a des raisons de croire que la solvabilité de l’entreprise le requiert.

 

Les situations d’annulation d’une adhésion sont stipulées à l’article 93 du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs :

 

      93.       L’administrateur peut annuler une adhésion lorsque l’entrepreneur se trouve dans l’une des situations suivantes:

 

1°  il ne remplit plus l’une des conditions requises par le présent règlement pour obtenir un certificat d’accréditation;

 

2°  en cas de réticence ou de fausse déclaration de sa part;

 

3°  il est en défaut de paiement des frais d’adhésion, de renouvellement de l’adhésion ou d’enregistrement;

 

4°  ses constructions ne répondent pas aux critères de qualité requis par l’administrateur;

 

5°  il n’effectue pas les réparations requises selon les exigences de l’administrateur;

 

6°  l’administrateur a été appelé à effectuer un déboursé à la suite du défaut de l’entrepreneur d’exécuter ses obligations relatives au remboursement des acomptes, au relogement, au déménagement, à l’entreposage des biens du bénéficiaire, au parachèvement des travaux et à la garantie contre les vices et malfaçons, les vices de conception, de construction ou de réalisation ou des vices du sol;

 

7°  il utilise, pour l’exécution de travaux de construction, les services d’un autre entrepreneur qui n’est pas titulaire d’une licence de la Régie à cette fin;

 

8°  dans le cas où l’entrepreneur est une personne morale, l’un ou plusieurs de ses actionnaires ou dirigeants a ou ont été, à quelque moment que ce soit, actionnaires ou dirigeants d’une autre personne morale accréditée ou ayant été accréditée et ayant fait défaut d’honorer les obligations lui incombant en vertu d’une convention d’adhésion;

 

9°  il ne transmet pas les documents requis par l’administrateur ou ne fournit pas les garanties ou les sûretés exigées par l’administrateur conformément au présent règlement.

 

Parallèlement aux exigences du décret, les conditions de l’administrateur en vue du renouvellement de l’adhésion de l’entrepreneur sont exprimées dans sa lettre du 9 octobre 2001, précédemment citée.

 

Il n’existe aucune preuve que la compagnie 9094-3184 Québec inc. n’est pas sous le contrôle exclusif de M. Clusiault.  Ce dernier a affirmé qu’il était le seul actionnaire et le seul administrateur de la compagnie, ce qui n’a point été contesté.  Aucune preuve formelle n’a été déposée relativement à la négociation des sous-contrats par M. Dragon.

 

Relativement à la deuxième exigence de l’administrateur, la preuve est prépondérante à l’effet que M. Clusiault signe lui-même tous les contrats de l’entreprise et il a été prouvé qu’il est le seul à signer les documents chez le gestionnaire Groupe Prothèque Légal.  La seule exception démontrée fait référence à une entente hors contrat pour la peinture de la propriété de M. Fernandez, laquelle fut signée par l’épouse de M. Dragon; ceci aurait été fait à l’insu de l’entrepreneur et lorsqu’il en a pris connaissance, il a immédiatement avisé M. Fernandez.  Il faut noter toutefois que les travaux de peinture de la propriété de M. Fernandez ne faisaient plus partie du contrat avec l’entrepreneur, puisqu’ils avaient été exclus (un extra négatif) du contrat original.

 

Exception faite de la signature de contrats, la troisième exigence de l’administrateur n’entre pas dans ses prérogatives et n’est nullement dictée par le décret.  On lui demande de commander le matériel lui-même et de négocier lui-même avec les sous-traitants.  Un entrepreneur ne peut tout faire seul, soit vendre, négocier, commander et «planter» les clous.  À condition qu’il signe lui-même tous les bons de commande et tous les contrats, il est en mesure d’analyser et d’approuver le travail de ses assistants.  Une telle vérification lui permet amplement de conserver le contrôle de son entreprise afin de rencontrer les exigences du décret.

 

L’administrateur exige une lettre de garantie bancaire au montant de 30 000 $; dans sa lettre du 15 octobre 2001, l’entrepreneur s’engage à fournir une garantie hypothécaire de premier rang au montant de 35 000 $.  Cette offre a été verbalement refusée par l’administrateur.  Le tribunal est d’avis que la garantie offerte constitue une excellente couverture, d’autant plus que le décret, à l’article 84, procure à l’entrepreneur le choix entre une lettre de garantie et une garantie hypothécaire; l’administrateur réplique qu’il peut exiger ce qu’il veut; or, se référant à ce même article, le tribunal est d’avis que la fin étant déjà rencontrée, l’administrateur ne peut exiger d’autres conditions; ou si d’autres fins n’étaient pas rencontrées à l’article 84, le fait d’exiger une garantie différente de celle offerte n’améliorerait pas les performances de l’entrepreneur relativement aux autres exigences de cet article.

 

L’administrateur exige de plus que le système de gestion de Groupe Prothèque Légal soit utilisé; or, l’entrepreneur a vendu 12 maisons en 2001 et M. Meunier, de Groupe Prothèque Légal, a confirmé avoir obtenu la gestion financière de 10 à 12 maisons vendues par l’entrepreneur en 2001; ce dernier confirme qu’il continuera à utiliser les services de cette firme.

 

La preuve a démontré que l’entrepreneur, à date, a fourni les états financiers exigés par l’administrateur.

 

Aucune preuve n’a été recueillie à l’effet que l’entrepreneur n’avait pas le contrôle sur les contrats préliminaires achetés de La garantie Qualité-Habitation.

 

En ce qui a trait aux ratios financiers, ils ont été calculés par les deux parties sur la base des états financiers au 30 septembre 2001.

 

L’entrepreneur avoue qu’il ne peut nous expliquer la provenance de ses calculs; après vérification, le tribunal conclut que les calculs de l’entrepreneur sont erronés; de plus, le critère du bénéfice net au décret n’est point de 2,5%, mais bien de 3,5% (article 141 du décret).

 

Après vérification, le tribunal est d’avis que les calculs des ratios effectués par l’administrateur sont exacts; le soussigné diffère toutefois d’opinion avec l’administrateur relativement au calcul de la valeur nette de l’entreprise.  Le tribunal établit le ratio de la valeur nette à 11,0% plutôt qu’à 7,5% (calcul de l’administrateur), car il inclut, comme la majorité des institutions financières le font, le dû à l’administrateur (35 883 $) dans le capital-actions.

 

En résumé, les ratios financiers rencontrés par l’entrepreneur sont supérieurs à ceux proposés par le décret, exception faite du ratio du bénéfice net qui est de 2,6%, alors que le critère est de 3,5%.

 

Le ratio du fonds de roulement dépasse le critère; le ratio actuel d’endettement, à 57%, est nettement favorable, alors que le critère est de 80%; les ratios de valeur nette et de bénéfice brut sont quelque peu supérieurs aux critères.

 

Dans ces circonstances, est-ce que l’administrateur pouvait annuler cette adhésion parce que l’entrepreneur ne remplit pas la seule condition du bénéfice net?

 

Or, le décret, à l’article 93, indique que l’administrateur «peut annuler» et non pas «annule» ou «doit annuler».

 

D’autant plus que cette différence de 0,9% au bénéfice net représente, sur des ventes de l’ordre de 1 000 000 $ au bilan, des dépenses de l’ordre de 9 000 $, soit une simple partie du propre salaire de l’entrepreneur.

 

Le tribunal est d’avis que ce seul motif ne pouvait justifier l’annulation de l’adhésion, les autres conditions étant amplement remplies.  En effet, la preuve est prépondérante à l’effet que l’entrepreneur ne construit pas des maisons de mauvaise qualité; aucun rapport d’inspection démontrant des failles de construction n’a été déposé.

 

Au contraire, à plusieurs reprises, l’administrateur a utilisé les services de M. Clusiault pour corriger des défauts relevés chez d’autres entrepreneurs.

 

Il apparaît évident, à la lumière de la preuve recueillie, que le principal motif de l’administrateur a été la présence de M. Dragon dans l’entreprise de M. Clusiault.  D’ailleurs, lors de son témoignage, M. Couillard l’a avoué : «Ce qui nous fait peur dans ce dossier, c’est M. Dragon».

 

Or, il n’existe aucune preuve que la présence de M. Dragon ait à date affecté les conditions requises par le décret.

 

Selon les termes du décret, le tribunal, non plus que l’administrateur, ne peut refuser, cette année, le renouvellement de l’adhésion de l’entrepreneur.

 

Certes, les craintes de l’administrateur sont fondées, car dans le passé il a vécu de mauvaises expériences avec M. Dragon.  Mais ni l’administrateur ni le tribunal ne peuvent, selon le décret, obliger M. Clusiault à se départir des services de M. Dragon; ils ne peuvent que le lui recommander.

 

Pour ces motifs, le tribunal annule la décision de l’administrateur et lui ordonne de renouveler l’adhésion de l’entrepreneur, à condition que ce dernier, tel que proposé dans sa lettre du 15 octobre 2001, fournisse une garantie hypothécaire de premier rang au montant de 35 000 $.

 

 

DÉCISION rendue à Beloeil, ce 7e jour de janvier 2002.

 

 

 

                                                                              Claude Dupuis, ing., arbitre