ARBITRAGE

RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Chapitre B-1.1, r. 8)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment du Québec:

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE TERREBONNE

No :  S22-042701-NP

      Halima Abouannoual

Et

Ramzi Moualla

 

       Bénéficiaires

c.

 

Mirabel Urbain Projet Immobilier Inc.

 

       Entrepreneur

      Et :    

 

 

Garantie Construction Résidentielle (GCR)

 

Administrateur 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :     Roland-Yves Gagné

 

Pour les Bénéficiaires :   Ramzi Moualla                                                                                                                                                                            

Pour l’Entrepreneur :   Étienne Guertin

           

Pour l’Administrateur :   Me Éric Provençal

      Benoît Pelletier

 

Date de l’audition :    13 septembre 2022

 

Date de la décision :   21 septembre 2022


DESCRIPTION DES PARTIES

 

BÉNÉFICIAIRES :

 

Madame Halima Abouannoual

Monsieur Ramzi Moualla

[...]

Mirabel, Qc. [...]

 

ENTREPRENEUR :

 

Mirabel Urbain Projet Immobilier Inc.

a/s Monsieur Étienne Guertin

110 rue Marie-Chapleau

Blainville, Qc. J7C 0E9

 

ADMINISTRATEUR :

 

Garantie Construction Résidentielle

a/s Me Éric Provençal

4101 3e étage, rue Molson

Montréal, Qc. H1Y 3L1

 

Pièces

 

Le Bénéficiaire a produit les pièces suivantes :

 

B-1  En liasse 35 photos ;

B-2  En liasse un courriel du 1er septembre 2020 avec 14 photos.

 

L’Entrepreneur a produit les pièces suivantes en réponse aux pièces du Bénéficiaire :

 

E-1  Courriel de novembre 2020 contenant plusieurs photos en liasse ;

E-2  Courriel d’un sous-traitant.

.

L’Administrateur a produit les pièces suivantes :

 

Document(s) contractuel(s)

A-1 En liasse, contrat préliminaire signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur ainsi que des annexes signées le 25 mai 2020 ;

A-2   Contrat de garantie signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 1er juillet 2020 ;

A-3     Acte de vente signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 28 août 2020 ;

 

Dénonciation(s) et réclamation(s)

A-4 Courriel de dénonciation envoyé par le Bénéficiaire à l’Entrepreneur le 18 octobre 2021 auquel est joint ;

Le formulaire de dénonciation daté du 18 octobre 2021 ;

A-5 Courriel de réponse de l’Entrepreneur à la dénonciation daté du 16 novembre 2021 auquel est joint :

Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur daté du 15 novembre 2021 ;

A-6 Formulaire de réclamation signé par les Bénéficiaires le 17 novembre 2021 ;

A-7 Courriel de l’avis de 15 jours envoyé par l’Administrateur à l’Entrepreneur daté du 9 décembre 2021 auquel sont joints :

Le formulaire de dénonciation déjà soumis en A-4 ;

Le formulaire des mesures à prendre par l’Entrepreneur (non inclut à la présente) ;

Autre document pertinent

A-8 Formulaire d’inspection préréception signé par les Bénéficiaires et l’Entrepreneur le 28 août 2020 ;

Décision(s) et demande(s) d'arbitrage

A-9 En liasse, la décision de l’Administrateur datée du 30 mars 2022 ainsi que la preuve de réception de Postes Canada des Bénéficiaires datée du 8 avril 2022 ainsi que la décision supplémentaire de l’Administrateur datée du 22 mai 2022 ;

A-10 Courriel de la notification de l’organisme d’arbitrage daté du 19 mai 2022 auquel sont        joints :

La demande d’arbitrage de l’Entrepreneur datée du 27 avril 2022 ;

La décision de l’Administrateur déjà soumise en A-9 ;

 

      La lettre de notification de l’organisme d’arbitrage datée du 18 mai 2022 ;

A-11 Curriculum vitae de Benoit Pelletier.

 

INTRODUCTION

 

[1]           Le Tribunal d’arbitrage est initialement saisi du dossier à la suite d’une demande d’arbitrage par les Bénéficiaires, reçue par le Centre Canadien d’Arbitrage Commercial (CCAC) le 27 avril 2022 et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 18 mai 2022. 

[2]           Les Bénéficiaires ont dûment produit une demande d’arbitrage en vertu de l’Article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement) d’une décision de l’Administrateur datée du 30 mars 2022.

[3]           Le Bénéficiaire a confirmé à l’audience que les points de la décision de l’Administrateur du 30 mars 2022 avec lesquels les Bénéficiaires ont un différend qu’ils demandent au Tribunal d’arbitrage de trancher sont :

[3.1]         Point 4 : Fissure au comptoir près du lavabo ;

[3.2]         Point 5 : Parachèvement des travaux de peinture ;

et il s’est désisté de sa réclamation quant au point 6 : Installation des armoires de cuisine.

[4]           Le Tribunal conclut de l’évaluation rapide du Bénéficiaire lors de la conférence de gestion quant à tous les travaux correctifs s’il devait lui-même les effectuer sur ces points, à une valeur supérieure à $15,000 pour le présent litige.

 

PREUVE ET PLAIDOIRIES

 

[5]           Le 28 août 2020, les Bénéficiaires ont procédé à l’inspection préréception de leur maison et inscrit sur le formulaire d’inspection, une date de fin des travaux au plus tard le 29 janvier 2021.

[6]           Le 31 août 2020, les Bénéficiaires ont emménagé.

 

Point 4. Fissure au comptoir près du lavabo

[7]           Le 1er septembre 2020, les Bénéficiaires ont constaté un « petit point noir » sur le comptoir près du lavabo, qu’ils n’avaient pas vu lors de l’inspection préréception.

[8]           Au début, ils ne l’ont pas signalé, c’était comme un point, ce n’était pas grave, mais avec le temps ça a agrandi comme une fissure et quand c’est devenu une fissure le Bénéficiaire s’est dit qu’il devait réagir.

[9]           À la question, quand est-ce que ça a élargi, il répond qu’on l’a clairement vu au mois de juillet 2021, ça a évolué rendu en juillet 2021 en une fissure de 6 cm.

[10]      Il en a fait la remarque verbalement en juillet 2021 à une personne envoyée par l’Entrepreneur pour faire des travaux à l’extérieur de la maison, cette personne lui aurait dit qu’il allait faire le message.

[11]      Puis le Bénéficiaire a envoyé un courriel le 9 septembre 2021 à l’Entrepreneur mais « on » l’a informé que ce n’était pas dans la garantie.

[12]      Quelqu’un est venu en septembre 2021 pour essayer de remplir la fissure à l’époxy.

[13]      Ce n’est que le 18 octobre 2021 que les Bénéficiaires l’ont dénoncé par écrit à l’Administrateur.

[14]      Sur le formulaire de réclamation à la GCR, le Bénéficiaire a inscrit, comme date de première observation, le 1er septembre 2020.

[15]      Aujourd’hui ça n’a pas agrandi mais « on le voit ».

[16]      Le représentant de l’Entrepreneur affirme pour sa part ce qui suit :

[16.1]     il a bien reçu le courriel du 9 septembre 2021 pour son quartz fissuré ;

[16.2]     il est d’accord que c’est une malfaçon apparente mais la première fois qu’il a été mis au courant est le 9 septembre 2021 ; avant le 9 septembre, il n’a rien au dossier, ni pour le « petit point » dont parle le Bénéficiaire à l’audience ;

[16.3]     comme il est écrit au courriel de son sous-traitant produit en E-2, le cuisiniste a dit que ce n’était plus garantie mais ils sont allés à la maison du Bénéficiaire le 27 septembre 2021, ils ont mis de l’époxy ; au niveau esthétique, le représentant de l’Entrepreneur comprend que la fissure est trop petite pour y faire entrer quoique ce soit.

[17]      Benoit Pelletier, inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, affirme :

[17.1]     avoir constaté une fissure d’environ 10 cm ;

[17.2]     on lui a dit que la situation avait commencé près de l’évier et s’était aggravée avec le temps ;

[17.3]     vu l’observation le 1er septembre 2020, 3 jours après la réception du 28 août 2020, dénoncée par écrit le 9 septembre 2021 à l’Entrepreneur et le 18 octobre 2021 à l’Administrateur, les délais de plus de 12 mois après la découverte sont déraisonnables.

[18]      Dans sa décision, l’Administrateur a rejeté cette réclamation en ces termes :

Les bénéficiaires dénoncent ce qui suit:

  Observé le 1er septembre 2020, sur le côté du comptoir de quartz, une fissure a commencé comme un point puis s'est élargie durant la première année pour devenir une ligne de 6 cm.

La bénéficiaire nous a mentionnés que lors de réception, il y avait seulement un point sur le rebord du comptoir et qu'il y a à présent une fissure d'une longueur approximative de 10 cm.

Au moment de notre visite, nous avons compris que le sous-traitant est venu faire un correctif, sans toutefois avoir réglé la situation.

L'entrepreneur croit qu'il est possible que la situation se soit aggravée lors d'un impact causé par un instrument comme par exemple un chaudron au moment de l'utilisation du lavabo.

Nous avons été en mesure d'observer la situation, à savoir que présentement, la fissure s'étend sur une longueur d'environ 10 cm à partir du rebord du lavabo de la cuisine.

Analyse et décision

La visite des lieux nous a permis de constater que le point 4 rencontre les critères de la malfaçon apparente au sens du paragraphe 2 de l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

L'analyse du dossier nous permet de constater que cette malfaçon apparente a été découverte et dénoncée dans les délais prévus au Règlement.

Nous sommes toutefois d'avis que la réclamation n'a pas été transmise dans les délais. En effet, le délai entre la réception de la réclamation écrite par l'administrateur,18 octobre 2021, versus la date de fin des travaux, 29 janvier 2021, convenue lors de l'inspection préréception n'a pas été respecté. Nous considérons que la réclamation n'a pas été transmise dans un délai raisonnable, neuf (9) mois, tel que mentionné au paragraphe 2 de l'article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. [...]

Dans les circonstances, en raison du délai de transmission déraisonnable, l'administrateur doit rejeter la réclamation des bénéficiaires à l'égard du point 4.

Point 5. Parachèvement des travaux de peinture

[19]      Le Tribunal note que le titre « Parachèvement des travaux de peinture » est celui rédigé par l’Administrateur dans sa décision, la dénonciation du 18 octobre 2021 (pièce A-4) parle quant à elle de peinture et de craques :

Y a beaucoup de place que ce n est pas peinturé, le Mr qui travail chez Groupe Mathieu ce n est pas un expert du peinture, j ai des carques (Note du Tribunal : craques) partout.

[20]      Il est joint au formulaire d’inspection préreception du 28 août 2020, un genre de bon de service avec l’inscription, « plusieurs retouches, peintures, plâtres ».

[21]      Le Bénéficiaire en a parlé lors de l’inspection préreception avec l’Entrepreneur.

[22]      Le 1er septembre 2020 (pièce B-2), il a envoyé un courriel avec quatorze photos en pièces jointes.

[23]      D’après le Bénéficiaire, l’Entrepreneur est passé par la suite faire des retouches, ils sont passés deux fois ;

[23.1]     la 1ère fois, 1 ou 2 mois après le mois d’août 2020 ;

[23.2]     puis une 2e fois, ils sont revenus après les Fêtes au début 2021, ils ont dit qu’ils ne feraient plus rien, ils ont dit à sa femme « tout est fait, on ne peut pas faire mieux que ça ».

[24]      Le Bénéficiaire a produit une série de 35 photos prises la veille de l’audience (le 12 septembre 2022) :

[24.1]     finition de la peinture : photos 3047, 3048, 3051, 3052, 3053, 3056, 3062 ; 3066 dans la chambre de sa fille, la feuille sur la photo avait été mise pour que les corrections y soient faites, la feuille est toujours là, on voit qu’il manque de la peinture, des « scratchs », c’est là depuis 2020 ; photos 3077, 3078 : où on met les manteaux juste l’hiver, il manque de la peinture, la peinture a décollé : avec le temps en 1 an et demi la peinture a disparu ;

[24.2]     têtes de clou : photos 3049, 3054, 3072, 3073, 3076, 3074, 3075, 3076 : un clou dans le mur, au 2e étage, avec une bulle de peinture ;

[24.3]     finition du plâtre : photo 3065 ;

[24.4]     décollement de la plinthe de chauffage électrique : photo 3055 ; 

[24.5]     fissures :

[24.5.1]           photos 3044 et 3045, c’est craqué verticalement au niveau d’un coin en bas dans l’entrée principale, 3070 : on voit les joints des murs à la fin de l’escalier quand on monte, on voit les fissures ;

[24.5.2]           photos 3068 (et 3069) chambre des maîtres, au 2e étage : on voit le cadrage fissuré, une fissure diagonale du haut du cadrage de la porte vers le haut du mur et une fissure horizontale du cadrage vers le haut du mur ;

24.5.2.1.  le Bénéficiaire dit qu’il l’a vu la première fois à l’automne 2021, c’est apparu à l’automne 2021, ce n’était pas là au début ;

24.5.2.2.  à la question, si c’est la première fois qu’il en parle à l’Administrateur, il répond « on va demander à Monsieur Pelletier s’il l’a vue à sa visite », car lui il était au travail lors de la visite, « c’est avant qu’il passe, sûr et certain », « automne 2021 il était là ».

[25]      Le Tribunal a posé une question deux fois au Bénéficiaire à l’audience, à quelle distance les photos avaient été prises, nez collé sur le mur ou à 2 mètres, mais le Bénéficiaire n’a pas répondu directement à la question posée.

[26]      Le représentant de l’Entrepreneur, Étienne Guertin, qui a effectué les travaux correctifs, affirme à l’audience ce qui suit.

[27]      Il produit son courriel du 27 novembre 2020 (pièce E-1) :

[27.1]     il faisait alors les réparations « post-parachèvement » ;

[27.2]     ce courriel suit son intervention ;

[27.3]     les photos prises en pièces jointes de son courriel sont avant son intervention du 9 novembre 2020 ;

[27.4]     là où il y avait des petits papiers c’est où le client demandait des interventions, et là où le client demandait des interventions, elles ont été faites ;

[27.5]     il n’a pas pris de photos « après ».

[28]      Tous les endroits identifiés ont été faits :

[28.1]     même si pour l’Entrepreneur, c’était des traces de déménagement, on le voit dans la cage de l’escalier, même les traces de déménagement ont été faites, environ trois mois après le déménagement à cause de la Covid ; et

[28.2]     ils étaient aussi conscients qu’à la réception, on avait noté des retouches de peinture à faire.

[29]      Tous les endroits où il y avait des petits papiers, les retouches ont été faites, il a peut-être oublié un endroit comme le client vient de le mentionner (photo 3066, voir le sous-paragraphe [24.1] ci-haut), mais c’est la première fois qu’il en entend parler, même lors de la visite de la GCR on n’a pas été mis au courant.

[30]      En janvier 2021 il est passé au bâtiment résidentiel, mais pour les retouches c’est seulement le 9 novembre 2020 qu’il y est allé et qu’il en a eu.

[31]      Les photos vues aujourd’hui sont à peu près 1 pied de distance, et ces photos sont plus de 2 ans après le déménagement.

[32]      Il n’a jamais reçu de demande officielle de repeinturer la maison au complet.

[33]      Eux (l’Entrepreneur) :

[33.1]     ils livrent la maison comme elle a été vendue, deux couches de peinture avec un apprêt intégré ;

[33.2]     on suggère tout le temps au client d’attendre un an avant de mettre de la couleur et de peinturer, car la première année il est normal qu’une maison neuve travaille un peu plus, les taux d’humidité s’assèchent ;

[33.3]     les têtes de vis, c’est le comportement normal des matériaux, ça va se produire dans la première année, c’est pour cela qu’on suggère aux clients d’attendre un an avant de peinturer avec des couleurs à leur goût.

[34]      Au début, ils ont compris que cela déplaisait au client, ils lui ont demandé d’identifier les endroits qui lui déplaisaient, et ils y ont effectué les travaux et depuis on a su seulement avec la dénonciation à la GCR (octobre 2021) qu’il y avait un problème de ce côté.

[35]      Après le 9 novembre 2020, il n’en a plus entendu parler, le client ne les a jamais relancés à propos de son mécontentement, ils ne l’ont su qu’à la dénonciation à la GCR.

[36]      Enfin, quant aux fissures montrées aujourd’hui, le représentant de l’Entrepreneur affirme :

[36.1]     aucune des photos prises en 2020 n’avaient de fissure ;

[36.2]     les fissures ne sont pas là depuis le début, on les a constatées avec les photos prises hier (veille de l’audience, produites à l’audience), il n’a pas de preuve qu’il y avait des fissures avant aujourd’hui ;

[36.3]     il n’avait jamais entendu parler des fissures ;

[36.4]     il était présent avec Monsieur Pelletier à la visite de la GCR (janvier 2022), il n’a pas de souvenir que les clients lui ont montré cet endroit.

[37]      L’inspecteur-conciliateur affirme à l’audience que lors de sa visite de janvier 2022, on ne lui a pas montré les situations de fissures et de têtes de clou.

[38]      On lui a montré au niveau de la niche dans la cuisine, puis en haut d’une porte du garde-manger, au niveau d’un cadrage d’une fenêtre et à la descente de l’escalier au rez de jardin, en angle du côté de la porte, on pouvait voir une certaine malfaçon, mais à une distance 1,5m – 2m, on ne pouvait pas voir la malfaçon au niveau de la peinture.

[39]      Comme la fin des travaux était contractuellement le 29 janvier 2021, et que l’Entrepreneur était passé parachever la peinture en novembre 2020 donc avant la date prévue de la fin des travaux, et comme la dénonciation a été le 18 octobre 2021, 9 à 10 mois après la date prévue et 11 mois après la fin des travaux indiqué dans le courriel de novembre 2020, le délai de dénonciation est déraisonnable pour éviter une aggravation par l’utilisation du bâtiment, pour qu’on puisse être en mesure de déterminer les endroits requis pour la reprise des travaux.

[40]      Dans sa décision du 30 mars 2022, l’Administrateur a rejeté la réclamation en ces termes :

Les bénéficiaires dénoncent ce qui suit:

 

  Observé le 28 août 2020, il y a beaucoup d'endroits qui ne sont pas peinturées, le monsieur qui travail chez Groupe Mathieu n est pas un expert du peinture. Il y a des craques partout.

 

Au moment de notre visite la bénéficiaire a fait les commentaires suivants:

 

  Au moment de la réception, la peinture était de mauvaise qualité.

 

  Des retouches de peinture ont été faites à l'automne 2020 et janvier 2021. Toutefois, la situation n'est toujours pas réglée.

 

  Le vendeur a omis de les informer de la piètre qualité de la peinture utilisée.

 

Au moment de notre visite, l'entrepreneur a fait les commentaires suivants:

 

  Des retouches de peinture ont été faites aux endroits demandés par les bénéficiaires.

 

  Au moment de la construction, deux couches de peinture sont appliquées aux murs et plafonds. Un fini mat est appliqué au plafond.

 

La peinture provient du fabricant MF.

 

Au moment de notre visite, la bénéficiaire nous a fait observer la situation aux endroits suivants:

 

-          Au-dessus de quelques portes intérieures.

-          Au coin d'un mur près des armoires.

-          Au cadrage d'une fenêtre du salon.

-          Au mur adossé à l'escalier entre le rez-de-chaussée et l'étage, en se plaçant dans l'angle de la lumière provenant de l'extérieur. Toutefois, lorsque positionné du côté opposé, la situation n'est pas visible.

À l'exception de la situation observée au coin de mur de la cuisine et à la moulure de la fenêtre du salon, les travaux réalisés nous sont apparus conformes aux règles de l'art.

Analyse et décision

La visite des lieux nous a permis de constater que le point 5 consiste en des travaux de parachèvement du bâtiment faisant partie intégrante du contrat intervenu entre les parties.

L’analyse du dossier nous permet de constater que ces travaux de parachèvement ont été dénoncés par écrit dans les délais prévus au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

Toutefois, on constate qu’il s’est écoulé neuf (9) mois entre la date de la fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception (29 janvier 2021) et la date à laquelle la réclamation écrite des bénéficiaires a été reçue par l’administrateur (18 octobre 2021). L’administrateur considère que la réclamation des bénéficiaires n’a pas été transmise dans un délai raisonnable tel que mentionné au paragraphe 1 de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs. [...] Dans les circonstances, en raison du délai de transmission déraisonnable, l’administrateur doit rejeter la réclamation des bénéficiaires à l’égard du point 5.

[41]      Le Bénéficiaire plaide que :

[41.1]     le quartz, il en a parlé de bonne foi en juillet 2021 verbalement, la personne n’a pas transmis le message, il a envoyé le courriel en septembre, il a été patient à cause de la Covid ;

[41.2]     pour la peinture, dès le début il n’était pas satisfait avec les réparations, il a payé pour une maison neuve, pas usagé, la qualité de peinture n’est pas bonne ;

[41.3]     en janvier 2021, une personne a dit à sa femme, on ne peut rien faire avec la peinture, lui n’a rien fait jusqu’à ce qu’une personne lui dise : « fais une plainte à la GCR », il ne le savait pas ;

[41.4]     c’était la première fois qu’il achetait une maison neuve, que oui, il y a des délais, c’était son devoir de vérifier tous les documents mais il ne pense pas que tout le monde vérifie tous les détails, il ne savait pas comment cela fonctionnait, manque d’expérience de son côté, quelqu’un lui a suggéré de faire une plainte à la GCR, c’est ce qu’il a fait ;

[41.5]     un proche tombe toujours malade, il ne veut pas entrer dans sa situation personnelle mais il a ses raisons pourquoi il a pris du temps.

[42]      L’Entrepreneur plaide que :

[42.1]     si le client n’était pas au courant, nul ne doit ignorer la Loi ;

[42.2]     au niveau du quartz, on est d’accord que c’est apparent et que ça aurait être dénoncé au déménagement ;

[42.3]     la peinture, le 9 novembre 2020 on a fait toutes les retouches identifiées par le client lui-même, les retouches ont été faites à la suite de l’intervention du client et après le client ne nous est pas revenu, il n’a pas eu de nouvelles du client autre que le 18 octobre 2021 à la dénonciation à la GCR ;

[42.4]     le Guide de performance de l’APCHQ dit qu’on doit regarder un mur à « 8 pieds » avec un éclairage normal, c’est différent si on le regarde à 1 pied ;

[42.4.1]           le Guide de performance de l’APCHQ (2. Règles générales applicables aux constats répertoriés), dont ce tribunal d’arbitrage statutaire spécialisé dans le domaine de la construction a connaissance judiciaire, se lit ainsi : « 3. Lorsqu’il est fait référence à un constat, il est important d’observer sous un éclairage naturel (lumière du jour), à partir d’une position debout et à une distance de 6 pieds 6 pouces (2 mètres). »

[43]      L’Administrateur plaide que :

[43.1]     le problème au comptoir a été découvert le 1er septembre 2020 d’après le Bénéficiaire, date écrite par le Bénéficiaire lui-même (pièce A-4), il n’y a pas eu de dénonciation avant le 9 septembre 2021 à l’Entrepreneur et 18 octobre 2021 à l’Administrateur, c’est un délai déraisonnable, et il n’y a aucune indication contemporaine à la découverte ;

[43.2]     il y a un préjudice pour la GCR, il y a eu un agrandissement et cela aurait pu être géré de façon raisonnable si on l’avait dénoncé dans un délai raisonnable, le plus près possible de la découverte ;

[43.3]     il n’y a eu aucune justification pour expliquer le délai raisonnable, l’absence d’expérience n’est pas une raison ;

[43.4]     pour la peinture, le délai de dénonciation est déraisonnable,

[43.4.1]           même si on retient la version du Bénéficiaire qu’il en a reparlé à l’Entrepreneur en janvier 2021 (alors que l’Entrepreneur dit qu’ils n’ont eu aucune nouvelle de novembre 2020 à septembre 2021), 9 mois et demi est déraisonnable, et il n’y a aucune justification ;

[43.4.2]           la GCR subit un préjudice : il y a une usure vu l’utilisation de l’immeuble qui brouille la situation, une évolution qu’on n’aurait pas eu à gérer si cela avait été dénoncé dans un délai raisonnable et il demande le rejet de la demande.

DÉCISION

[44]      Sous réserves des craques/fissures abordées ci-après aux paragraphes [64] et suivants et pour lesquelles, le Tribunal d’arbitrage renvoie le dossier à l’Administrateur, le Tribunal n’a aucune autre option que de maintenir la décision de l’Administrateur et de rejeter la demande d’arbitrage, vu que le Règlement oblige le Bénéficiaire à envoyer sa dénonciation écrite dans un délai raisonnable et cette obligation n’a pas été respectée.

Rappel du droit applicable

[45]      L’Administrateur du plan de garantie ne gère pas un plan d’indemnisation universelle sur présentation de factures.

[46]      Ce n’est pas parce que l’Administrateur du plan de garantie est une caution des obligations de l’Entrepreneur qu’il suffit de regarder si l’Entrepreneur est responsable pour conclure que l’Administrateur est nécessairement responsable comme caution.

[47]      Le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs n’est pas un simple contrat que l’on peut interpréter à sa guise ou à la tête du client, mais un décret du Gouvernement.

[48]      Voici le début de l’article 10 du Règlement :

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

1° le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en oeuvre de la garantie de parachèvement des travaux du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception. Pour la mise en oeuvre de la garantie de réparation des vices et malfaçons apparents du bâtiment, le bénéficiaire transmet par écrit sa réclamation à l’entrepreneur et en transmet copie à l’administrateur dans un délai raisonnable suivant la date de fin des travaux convenue lors de l’inspection préréception;

3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des malfaçons;

4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil; [...]

[49]      L’Administrateur est soumis à un Règlement qui a été décrété par le Gouvernement.

[50]      Le Règlement donne un recours supplémentaire aux recours de droit commun pour couvrir les obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur quant au bâtiment résidentiel de l’acheteur/bénéficiaire, selon ses dispositions.

[51]      Notre Cour d’appel[1] a jugé à plusieurs reprises que le Règlement était d’ordre public.

[52]      Dès 2004, la Cour d’appel du Québec a jugé dans La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause[2] :

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle variera selon les circonstances factuelles […].

 

[15] La réclamation d’un bénéficiaire est soumise à une procédure impérative. (Nos caractères gras)

 

[53]      La Cour d’appel dans l’arrêt Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL Développement inc.[3], écrit :

[8] Pour un examen approprié de l'affaire, il y a lieu de s'attarder d'abord à la nature des liens juridiques qui unissent les parties en cause.

[9] L'appelante [notre ajout : l’Administrateur] est une personne morale autorisée par la Régie du bâtiment du Québec à administrer un plan de garantie (art. 81 de la Loi sur le bâtiment), (la Loi).

[10] En l'espèce, ce plan de garantie est au bénéfice des personnes qui ont conclu un contrat avec un entrepreneur pour la construction d'un bâtiment résidentiel neuf.  Le plan garantit l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur sous réserve de certaines conditions.

[12] La Loi oblige les entrepreneurs en construction à détenir une licence (art. 46).  Suivant le Règlement, pour agir à titre d'entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs toute personne doit adhérer à un plan qui garantit l'exécution de ses obligations résultant d'un contrat avec un bénéficiaire.

[13] Le Règlement est d'ordre public. Il détermine notamment les dispositions essentielles du contrat de garantie en faveur des tiers.  Le contrat doit de plus être approuvé par la Régie du bâtiment (art. 76).

[14] De même, le Règlement oblige l'entrepreneur à signer une convention d'adhésion dont le contenu est, en grande partie, déterminé par le Règlement (art. 78).  Qui plus est, la convention d'adhésion reprend, pour en faire partie intégrante, le contrat de garantie au bénéfice des tiers.

[15] Pour reprendre l'expression de la juge Rayle dans l'arrêt Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes, nous sommes en présence de contrats (garantie et adhésion) fortement réglementés dont le contenu est dicté par voie législative et réglementaire. (Références omises)

[54]      La Cour supérieure dans l’affaire Garantie Habitation du Québec inc. c. Masson[4] affirme que (nos caractères gras) :

[37] En effet, le Règlement prévoit que Qualité Habitation doit couvrir certaines des obligations contractuelles d’un entrepreneur. Le Règlement stipule cependant que les limites du Plan de garantie demeurent applicables néanmoins :

 

7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.


74. Aux fins du présent règlement et, en l’absence ou à défaut de l’entrepreneur d’intervenir, l’administrateur doit assumer tous et chacun des engagements de l’entrepreneur dans le cadre du plan approuvé.

[Soulignements du Tribunal] [...]

[41] Rappelons que le Plan de garantie prévu au Règlement est d’ordre public. Il fixe les modalités et limites du Plan de garantie, de même que les dispositions essentielles du contrat de garantie auquel souscrivent les bénéficiaires. Ce Plan de garantie est donc réglementé et les obligations qui en découlent ne sont ni illimitées, ni inconditionnelles.

Les réclamations au présent dossier

[55]      Le décret du Gouvernement, le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, s’adresse aux acheteurs de maisons neuves, le Tribunal d’arbitrage peut donc difficilement conclure comme lui demande le Bénéficiaire de mettre ces dispositions de côté parce qu’il est un premier acheteur sans expérience, c’est le lot de plusieurs qui achètent une maison neuve.

[56]      Pour paraphraser la Cour d’appel dans Facchini c. Coppola[5], la raison d'être de la dénonciation est de permettre à l’Administrateur de constater le vice, d'examiner la preuve et de procéder aux réparations en limitant les coûts.

[57]      Pour la fissure près de l’évier (Point 4), le Tribunal conclut de la preuve que, comme l’écrit lui-même le Bénéficiaire, dès le 1er septembre 2020 il y avait une malfaçon apparente, et il y avait apparence de malfaçon avec une fissure à 1 cm, 2 cm etc. jusqu’aux 6 cm en juillet 2021 ;

[57.1]     d’ailleurs, dans sa dénonciation du 18 octobre 2021 (pièce A-4), le Bénéficiaire écrit : « fissure a commencé comme un point puis sa elargie durant la premiere anneé pour devenir une ligne de 6 cm a date ».

[58]      À la lecture du Règlement, la dénonciation n’a pas été faite dans un délai raisonnable.

[59]      Pour la peinture (Point 5), le Tribunal conclut de la preuve que l’Entrepreneur a demandé aux Bénéficiaires d’identifier les endroits à corriger, et les corrections ont été faites, sauf à un endroit, dans la chambre à coucher de la fille des Bénéficiaires où il y a encore un bout de papier et aux endroits notés par l’inspecteur-conciliateur, soit au coin de mur de la cuisine et à la moulure de la fenêtre du salon.

[60]      Ces corrections ont eu lieu en novembre 2020.

[61]      De façon verbale, un représentant de l’Entrepreneur a dit à la Bénéficiaire en janvier 2021 que plus rien ne serait fait, et ce n’est que le 18 octobre 2021, plus de 9 mois plus tard, que le Bénéficiaire s’est plaint.

[62]      Le Bénéficiaire n’a apporté aucune preuve permettant au Tribunal de conclure que la dénonciation a été faite dans un délai raisonnable, aucun empêchement d’agir n’a été mis en preuve.

[63]      Le soussigné préside un tribunal statutaire, il n’a pas la latitude d’appliquer ou non les obligations de dénonciation dans un délai raisonnable prévues au Règlement selon ses sympathies personnelles envers une ou l’autre des parties, à supposer qu’il en ait.

Les craques - fissures

[64]      La dénonciation des Bénéficiaires du 18 octobre 2021 (pièce A-4) se lisait ainsi :

Y a beaucoup de place que ce n est pas peinturé, le Mr qui travail chez Groupe Mathieu ce n est pas un expert du peinture, j ai des carques (Note du Tribunal : craques) partout.

[65]      Il n’y a rien au sujet des craques dans la décision de l’Administrateur du 30 mars 2022, (sinon la dénonciation citée ici au paragraphe [64]) et le Bénéficiaire s’est pourvu en arbitrage le 27 avril 2022.

[66]      À l’audience d’arbitrage du 13 septembre 2022 :

[66.1]     le Bénéficiaire a produit des photos avec des craques, dont une photo (3068) montrant une fissure en diagonale partant du cadrage de la porte de la chambre des maîtres en haut à droite jusqu’au plafond, plus une autre fissure verticale partant du cadrage supérieur de la porte jusqu’au plafond ;

[66.2]     le Bénéficiaire affirme que ces fissures sont apparues à l’automne 2021, alors que sa dénonciation est datée du 18 octobre 2021 ;

[66.3]     le Bénéficiaire affirme qu’il était absent lors de la visite de l’inspecteur-conciliateur Benoît Pelletier de janvier 2022 étant au travail « parce qu’il doit travailler », c’est son épouse qui était présente (il a affirmé au début que c’était sa belle-mère) et il a pris pour acquis que la personne présente avait montré ces fissures à l’inspecteur-conciliateur– « je pensais que Monsieur Pelletier l’avait vu à la visite ».

[67]      Si l’Administrateur a une obligation d’inspection à la suite d’une réclamation par un bénéficiaire en vertu du Règlement (article 18), le Bénéficiaire a également une obligation de collaboration de bonne foi au cours de la même inspection.

[68]      C’est à l’inspection et non à l’audience d’arbitrage que le Bénéficiaire doit normalement permettre de constater de visu pour la première fois ce qui est l’objet de la dénonciation/réclamation et il n’y a aucune mention dans la décision de l’Administrateur que des craques ont été montrées à l’inspecteur-conciliateur. 

[69]      Cela étant dit, chaque cas est un cas d’espèce. 

[70]      Dans le présent cas, le Tribunal d’arbitrage ne peut pas, en toute équité, rejeter la réclamation du Bénéficiaire au sujet de ces « craques » parce qu’il était au travail « parce qu’il doit travailler » et parce qu’il y a eu un malentendu, croyant que la personne présente aurait montré les craques/fissures à l’inspecteur-conciliateur, dont la fissure en diagonale dans la chambre des maîtres du 2e étage présente depuis l’automne 2021.

[71]      Sans vouloir écrire ici un traité sur la compétence juridictionnelle du Tribunal d’arbitrage, et chaque cas est un cas d’espèce, la production des photos avec craques/fissures pendant l’audience ouvre plusieurs avenues juridiquement possibles au soussigné en vertu du Règlement.

[72]      Vu les faits particuliers du présent dossier, vu la preuve, considérant l’article 116 du Règlement quant au recours à l’équité et s’inspirant de l’article 4.2 du Code de procédure civile quant à la proportionnalité des coûts et du temps exigés dans un litige, le Tribunal conclut à retourner le dossier à l’Administrateur pour les craques/fissures pour que ce dernier rende une décision supplémentaires à leur sujet.

[73]      L’article 116 du Règlement que :

  Un arbitre statue conformément aux règles de droit ; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. 

 

[74]      Dans Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Dupuis[6] , la Cour supérieure écrit :

[45] L'article 116 du règlement précise que l'arbitre doit décider selon les règles de droit et mentionne qu'il peut faire appel aux règles de l'équité si les circonstances le justifient. 

[46] C'est le cas, notamment, lorsque l'application littérale des dispositions du règlement ne permettent pas de remédier à une situation donnée ou lorsque les circonstances font en sorte que l'interprétation stricte du règlement est susceptible d'entraîner un déni de justice parce qu'elle ne permet pas d'en appliquer l'esprit et d'assurer la protection des droits des parties.

[66] La possibilité pour l'arbitre de faire appel aux règles de l'équité constitue en outre une marque de reconnaissance par le législateur qu'il a une certaine marge de manœuvre pour disposer au mieux des différends qui surviennent entre les bénéficiaires de la garantie et l'administrateur du plan lorsque l'application stricte des dispositions du plan ne permettent pas de remédier à une injustice.

[75]      Pour en arriver à sa conclusion, le Tribunal a aussi tenu compte que même si une période de temps s’était écoulée depuis la visite de l’inspecteur-conciliateur le 21 janvier 2022, les délais qui s’en sont suivis découlent du processus mis en place par le Règlement (articles 18 et 109) tel qu’ils sont concrètement appliqués en 2022 par l’Administrateur (le Tribunal n’émet ici aucune opinion à ce sujet), quant à eux les Bénéficiaires ont produit leur demande d’arbitrage en 20 jours :

[75.1]     18 octobre 2021 : Dénonciation ;

[75.2]     17 novembre 2021 : Réclamation ;

[75.3]     21 janvier 2022 : Visite/inspection de l’inspecteur-conciliateur ;

[75.4]     30 mars 2022 : Décision de l’Administrateur ;

[75.5]     8 avril 2022 : Réception de la décision par courrier recommandé par le Bénéficiaire (Cahier de pièces, Pdf, p. 84/112) ;

[75.6]     27 avril 2022 (moins que les 30 jours prévus à l’article 19 du Règlement) : Demande d’arbitrage (Cahier de pièces, Pdf, p. 104/112) ;

[75.7]     19 mai 2022 : envoi de la Notification de la demande d’arbitrage par le CCAC ;

[75.8]     5 juillet 2022 : envoi par l’Administrateur de son cahier de pièces ;

[75.9]     5 juillet 2022 : envoi par le Tribunal d’arbitrage soussigné, d’une convocation pour une conférence de gestion le 13 juillet 2022 ;

[75.10] 13 juillet 2022 : conférence de gestion et fixation de l’audience à la première date disponible pour tous (vus les vacances estivales) le 13 septembre 2022 ;

[75.11] 13 septembre 2022 : audience d’arbitrage.

[76]      Le Tribunal conclut de retourner le dossier à l’Administrateur pour qu’il rende une décision sur les craques/fissures, dénoncées le 18 octobre 2021, sur lesquelles, l’Administrateur n’a pas rendu de décision, faute de se les faire montrer.

[77]      Le Bénéficiaire devra être présent et montrer à l’inspecteur-conciliateur les craques/fissures dénoncées.

[78]      Cette décision supplémentaire de l’Administrateur portera sur le fond, puisque dénoncé à l’intérieur du délai raisonnable de sa découverte à l’automne 2021.

[79]      Aucun autre formulaire de réclamation pour les craques/fissures n’aura à être envoyé à la GCR, puisque cela l’a déjà été le 18 octobre 2021.

Têtes de clou et l’espacement des plinthes de chauffage

[80]      Pour les têtes de clou et l’espacement des plinthes de chauffage dénoncées pour la première fois en cours d’audience le 13 septembre 2022, le Tribunal déclare qu’une dénonciation en vertu de l’article 18 (1o) du Règlement a été faite le 13 septembre 2022 (considérant l’envoi des photos à 20 :00 la veille), toutefois, il appartiendra aux Bénéficiaires de produire une réclamation auprès de la GCR s’ils le souhaitent (article 18 (2o) du Règlement) en cas d’inaction de l’Entrepreneur, à supposer que cela soit couvert par le plan de garantie.

[81]      Avant de terminer, le Tribunal souligne que le renvoi à l’Administrateur pour les craques/fissures et la déclaration qu’une dénonciation a été faite pour les têtes de clou et l’espacement qui précèdent, et la « réserve des droits » à la section qui suit, ne doivent pas être interprétés comme une opinion du Tribunal quant au fond dans un sens ou dans l’autre.

 

RÉSERVE DES DROITS

 

[82]      Le Tribunal rappelle qu’il n’entend ici que le recours des Bénéficiaires à l’encontre de l’Administrateur du plan de garantie.

 

[83]      La Cour supérieure écrit dans l’affaire Garantie d'habitation du Québec c. Jeanniot[7] :

[63] Il est clair des dispositions de la Loi et du Règlement que la garantie réglementaire ne remplace pas le régime légal de responsabilité de l'entrepreneur prévu au Code civil du Québec. Il est clair également que la garantie prévue à la Loi et au Règlement ne couvre pas l'ensemble des droits que possède un bénéficiaire, notamment en vert des dispositions du Code civil du Québec et que les recours civils sont toujours disponibles aux parties au contrat.

[84]      Dans son arrêt Consortium MR Canada ltée c. Montréal (Office municipal d'habitation de)[8], la Cour d’appel confirme la coexistence des recours en vertu du Règlement et du droit commun, le Règlement étant un complément aux garanties du droit commun :

[17] La juge avait raison de souligner les différences de vocation entre les recours arbitral et de droit commun.

[18] La procédure d'arbitrage expéditive prévue au Règlement pour réparer rapidement les malfaçons est, comme le note la juge, un complément aux garanties contre les vices cachés du Code civil. [...].

[85]      En décembre 2019, la Cour supérieure réitère ce principe dans Syndicat de copropriété du 8980 au 8994 Croissant du Louvre c. Habitations Signature inc.[9] :

[80] Les dispositions réglementaires traitant de la garantie des bâtiments résidentiels neufs sont un complément aux garanties prévues au Code civil du Québec. [...]

[81] Mais il y a plus. Le délai applicable en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs dont l’arbitre devait tenir compte est complètement différent de celui prévu au Code civil du Québec et dont la Cour supérieure devra considérer.

[86]      Le Tribunal d’arbitrage réservera les droits des Bénéficiaires de porter leurs prétentions devant les tribunaux de droit commun contre toute personne autre que l’Administrateur du Plan de Garantie sur les éléments de sa réclamation qui n’ont pas été accueillis, le tout, sujet aux règles de la prescription civile et du droit commun, sans que cette affirmation puisse être interprétée dans un sens ou dans l’autre.

 

FRAIS

 

[87]      L’article 123 du Règlement stipule : 

Les coûts de l'arbitrage [...] Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[88]      Les Bénéficiaires ayant eu gain de cause sur au moins un des aspects de leur réclamation, les coûts de l’arbitrage seront assumés par l’Administrateur, sous réserve de ses recours récursoires prévus au Règlement. 

 

CONCLUSION

 

[89]      POUR CES MOTIFS, le Tribunal d’arbitrage :

Point 6 – Installation des armoires

[89.1]     PREND ACTE du désistement des Bénéficiaires quant au point 6 – Installation des armoires ;

Point 4 – Fissure au comptoir près du lavabo

[89.2]     REJETTE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires quant au point 4 « Fissure au comptoir près du lavabo », MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 30 mars 2022 sur ce point et RÉSERVE le droit des Bénéficiaires, à supposer qu’ils aient un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, leur réclamation sur ce point contre toute personne autre que l’Administrateur et sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile ;

Point 5 - Parachèvement des travaux de peinture

[89.3]     ACCEUILLE très partiellement la demande d’arbitrage des Bénéficiaires ;

[89.4]     MAINTIENT la décision de l’Administrateur quant au point 5 « Parachèvement des travaux de peinture » sous réserves de ce qui suit :

Craques et fissures

[89.4.1]           DÉCLARE quaucune décision finale de l’Administrateur n’avait été rendue quant aux craques et fissures, dont celles, sans limiter la généralité, dans la chambre des maîtres apparues à l’automne 2021 dûment dénoncées le 18 octobre 2021 et réclamées le 17 novembre 2021 ;

[89.4.2]           RETOURNE le dossier de cette réclamation à l’Administrateur pour qu’il rende une décision finale sur les craques et fissures, à la suite d’une visite/inspection des lieux à laquelle le Bénéficiaire devra être présent et l’Entrepreneur dûment convoqué, étant entendu que les droits des Bénéficiaires et de l’Entrepreneur sont réservés pour se pourvoir en arbitrage à la suite de cette nouvelle décision, s’ils le souhaitent, le cas échéant, dans les délais prévus au Règlement ;

Têtes de clou et espacements des plinthes de chauffage

[89.5]     DÉCLARE qu’une dénonciation écrite quant aux têtes de clou et espacements des plinthes de chauffage a été produite le 13 septembre 2022 à l’Administrateur et à l’Entrepreneur en vertu de l’Article 18 (1) du Règlement, et RESERVE le droit des Bénéficiaires, s’ils le souhaitent, de produire une réclamation à l’Administrateur en vertu du Règlement, le tout, dans les délais prescrits ;

Quant au point 5 hors les craques/fissures pour lesquelles l’Administrateur devra rendre une nouvelle décision

[89.6]     RÉSERVE le droit des Bénéficiaires, à supposer qu’ils aient un recours fondé, de porter devant les tribunaux de droit commun, leur réclamation quant au point 5 hors les craques/fissures contre toute personne autre que l’Administrateur et sujet aux règles de droit commun et de la prescription civile ;

Frais

[89.7]     LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage, à la charge de Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (l’Administrateur) conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par CCAC, après un délai de grâce de 30 jours ;

[89.8]     RÉSERVE à Garantie de Construction Résidentielle (GCR) (l’Administrateur) ses droits à être indemnisé par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

      Montréal, le 21 septembre 2022

 

__________________________

ROLAND-YVES GAGNÉ

Arbitre / CCAC

 

-           


[1] Gestion G. Rancourt inc. c. Lebel 2016 QCCA 2094, paragraphe [19] ; Consortium M.R. Canada Ltée c. Office municipal d’habitation de Montréal 2013 QCCA 1211 paragraphe [18] ; Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. MYL 2011 QCCA 56 paragraphe [13] ; La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause AZ-50285725, J.E. 2005-132 (C.A.), paragraphe [11].

[2] AZ-50285725, 15 décembre 2004, J.E. 2005-132 (C.A.).

[3] 2011 QCCA 56

[4] Garantie Habitation du Québec inc. c. Masson 2016 QCCS 5593 (Marie-Anne Paquette, j.c.s.).

[5] 2013 QCCA 197 au paragraphe [41].

[6] 2007 QCCS 4701 (Hon. juge Michèle Monast).

[7] 2009 QCCS 909 (Johanne Mainville, j.c.s.).

[8] 2013 QCCA 1211.

[9] Syndicat de copropriété du 8980 au 8994 Croissant du Louvre c. Habitations Signature inc. 2019 QCCS 5560 (Aline U.K. Quach, j.c.s.) ; voir la jurisprudence citée par le soussigné dans Syndicat des copropriétaires du 70 Saint-Ferdinand et 9158-4623 Québec inc., 2021 CanLII 8798 (QC OAGBNR) (Roland-Yves Gagné, arbitre), paragraphes [392] et s.