ARBITRAGE En vertu du Règlement sur le plan de garantie
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CANADA | |||
Province du Québec | |||
District de Montréal | |||
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Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : | |||
Groupe d’arbitrage – Juste Décision (GAJD) | |||
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No dossier Garantie :1789 |
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No dossier GAJD: 20232402
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Entre TABISA OBOO et GIMARLEY KAMBI (ci-après « les Bénéficiaires ») | |||
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Et JAC CONSTRUCTION INC. / LES MAISONS LAGACÉ (ci-après « l’Entrepreneur ») | |||
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Et GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR) (ci-après « l’Administrateur ») | |||
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SENTENCE ARBITRALE | |||
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Arbitre | : Gilbert Saba, Ing. | ||
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Pour les Bénéficiaires | : Tabisa Oboo et Gimarley Kambi | ||
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Pour l’Entrepreneur | : Absent | ||
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Pour l’Administrateur | : Me Marc Baillargeon | ||
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Date(s) de l’audience | : Le 15 juin 2023 | ||
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Lieu de l’audience | : Vidéoconférence | ||
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Date de la décision | : Le 10 juillet 2023 | ||
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Bénéficiaires :
Noms: Madame Tabisa Oboo et Monsieur Gimarley Kambi
Adresse: [...]
Brossard (Quebec), [...]
Entrepreneur :
Nom: J.A.C Construction inc / Les maisons Lagacé
Adresse: 3277, Marcelle Joly
Sorel-Tracy (Québec), J3R 0P7
Administrateur :
Nom: Garantie Construction Résidentielle (GCR)
Adresse: 4101, rue Molson, bureau 300
Montréal (Québec) H1Y 3L1
[1] Les Bénéficiaires ont interjeté appel de la décision de l’Administrateur du 21 février 2023, concernant le « remboursement d’acompte ».
[2] Le 05 mars 2023, le soussigné est nommé arbitre dans le dossier mentionné en rubrique et aucune objection quant à sa nomination fut faite par les parties.
[3] L’Administrateur a produit le cahier des pièces le 27 mars 2023.
[4] Une conférence préparatoire a eu lieu le 27 avril 2023.
[5] Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :
Document(s) contractuel(s)
A-1 Attestation d’acompte signée le 7 avril 2021;
A-2 Copie du chèque au nom de J.A.C Construction inc. daté du 7 avril 2021.
Dénonciation(s) et réclamation(s)
A-3 Courriel des Bénéficiaires transmis à l’Entrepreneur le 13 avril 2022, incluant :
➢ Liste de prix;
➢ Attestation d’acompte (voir A-1);
➢ Copie du chèque au nom de J.A.C Construction Inc. (voir A-2);
➢ Photo;
➢ Plan.
A-4 Formulaire de réclamation signé le 4 janvier 2023.
A-5 Le courriel de l'avis de 15 jours transmis par l'Administrateur à l'Entrepreneur et aux Bénéficiaires le 5 janvier 2023;
Décision(s) et demande(s) d’arbitrage
A-6 En liasse, la décision de l'Administrateur datée du 21 février 2023, ainsi que la preuve d’envoi aux Bénéficiaires et à l’Entrepreneur.
A-7 Courriel de la notification de l'organisme d'arbitrage daté du 5 mars 2023, incluant:
➢ Demande d'arbitrage des Bénéficiaires datée du 1er mars 2023;
➢ Décision de l’Administrateur datée du 21 février 2023 (voir A-9);
➢ Lettre de nomination de l’arbitre datée du 5 mars 2023.
A-8 Curriculum Vitae du conciliateur Serge Fortin.
[6] Aucune pièce additionnelle n’est produite par les Bénéficiaires.
[7] Pour les Bénéficiaires : Tabisa Oboo et Gimarley Kambi
[8] Pour L’Entrepreneur : aucun/absent
[9] Pour l’Administrateur : Serge Fortin
[10] Par la décision rendue le 21 février 2023, l’Administrateur a refusé la demande des Bénéficiaires de remboursement d’acompte d’un montant de dix mille dollars.
La preuve des Bénéficiaires
Témoignages de Mme Oboo et M. Kambi
Mme Oboo
[11] Les Bénéficiaires expliquent que leur décision de construire une maison était basée sur le besoin d’avoir une maison bien aérée à cause de la condition médicale de leur enfant.
[12] Les Bénéficiaires ont rencontré l’Entrepreneur avec lequel ils ont échangé les informations concernant la maison à construire. L’Entrepreneur leur a demandé de verser un montant pour leur faire construire une maison.
[13] Les Bénéficiaires ont versé le montant en question à travers une traite bancaire et c’est à ce moment qu’ils ont signé l’attestation d’acompte avec l’en-tête de GCR (Pièce A-1).
[14] L’Entrepreneur les a rassurés qu’avec l’attestation d’acompte, au cas où il y a un problème, ils seront remboursés puisque l’Entrepreneur est assuré.
[15] Les Bénéficiaires ne savaient pas qu’il y a un autre document à signer en même temps.
[16] Après l’encaissement de l’acompte, l’Entrepreneur n’était plus joignable.
[17] C’est à ce moment que les Bénéficiaires ont fait recours à l’Administrateur pour être remboursés.
[18] En plus, en avril 2021, avant de signer et verser l’argent, les Bénéficiaires ont fait les recherches nécessaires et ils ont eu la confirmation que le permis de construction / l’accréditation de l’Entrepreneur était valide.
[19] La maison était prévue d’être construite pour une livraison en août 2022.
M. Kambi
[20] Les Bénéficiaires confirment que dans le but de construire une maison, ils ont donné l’acompte à l’Entrepreneur, et que l’Entrepreneur leur a aussi indiqué que son projet à contrecœur est fini, et qu’il a un autre projet de construction des maisons à Saint-Antoine-sur-Richelieu.
Contre-Interrogatoire
[21] En réponse à une question demandée par Me Baillargeon, les Bénéficiaires ont confirmé que le seul document qu’ils ont signé est l’attestation d’acompte (pièce A-1) d’un montant de dix mille dollars.
[22] En réponse à une question de Me Baillargeon, les Bénéficiaires ont confirmé qu’après avoir versé l’argent, l’Entrepreneur leur a donné un rendez-vous après deux semaines pour signer le contrat, à la maison modèle. Mais quand ils se sont présentés à l’endroit indiqué, il n’y avait personne et la maison modèle a été vendue. Ainsi, ils n’ont pas pu signer un contrat de construction ni un contrat de garantie.
Preuve de l’Administrateur
Témoignage de M. Serge Fortin
[23] L’Administrateur confirme avoir pris connaissance du courriel des Bénéficiaires (pièce A-3) dans lequel les Bénéficiaires expliquent que la traite bancaire a été donnée en vue du préachat et de la réservation du terrain pour la construction d’une maison à Saint-Antoine-sur-Richelieu.
[24] L’Administrateur a confirmé avoir aussi pris connaissance de la traite bancaire encaissée par l’Entrepreneur.
[25] L’Administrateur indique ne pas avoir vu un contrat signé pour la construction. Selon l’Administrateur, un contrat est requis pour débuter la garantie.
[26] Suite à une discussion avec l’Entrepreneur, l’Administrateur indique que l’Entrepreneur lui a confirmé la prise des acomptes pour la réservation des terrains (incluant le terrain # 29 inscrit sur l’attestation d’acompte pièce A-1) et ceci pour un projet immobilier futur. L’Entrepreneur n’était pas le propriétaire des terrains qu’il mettait en vente et il avait seulement une entente avec le promoteur propriétaire des terrains.
[27] L’Entrepreneur a confirmé à l’Administrateur qu’il va rembourser tous les clients qui n’avaient pas de contrat signé.
[28] L’Administrateur confirme qu’il a annulé l'accréditation de l'Entrepreneur au plan de garantie le 06 octobre 2021.
[29] L’Administrateur justifie sa décision du refus de rembourser l’acompte du fait qu’il n’y a pas de contrat signé entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires et que l’argent encaissé par l’Entrepreneur était pour la réservation du terrain.
Argumentation des Bénéficiaires
[30] Les Bénéficiaires indiquent que sur l’attestation d’acompte de l’Administrateur (pièce A-1) qui inclut aussi le logo de GCR construction, il est écrit : « En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ c. B-1-1, R8), le présent acompte est protégé. Une attestation d’acompte doit être signée à chaque fois qu’un acompte est versé par un bénéficiaire. », et ainsi il n’y a aucune exigence que cette protection est conditionnelle à ce que le contrat soit signé.
[31] Les Bénéficiaires indiquent qu’ils doivent être remboursés parce qu’avant de payer l’acompte, ils ont vérifié que l’Entrepreneur avait un permis valide.
[32] Les Bénéficiaires indiquent qu’avec ce qui est écrit sur l’attestation d’acompte, ils croyaient qu’ils étaient protégés.
[33] L’Entrepreneur n’est pas une entreprise pour vendre des terrains, c’est une entreprise qui construit des maisons.
[34] Les Bénéficiaires ont donné l’argent à L’Entrepreneur pour construire une maison. Il est évident que la maison doit être construite sur un terrain, la maison à construire est la maison modèle présentée à l’Administrateur (ici on réfère à la pièce A.3)
Argumentation de l’Administrateur
[35] L’Administrateur explique que GCR a comme mandat la protection du public, mais avec des conditions spécifiques.
[36] Le Règlement est d’ordre public, toutes les personnes doivent être traitées de la même façon.
[37] L’Administrateur confirme qu’effectivement en avril 2021 l’Entrepreneur était toujours accrédité.
[38] Le problème est que c’est tellement vague. En premier, il n’y a pas de contrat, on réfère à l’article 2 du règlement qui prévoit clairement que pour que le plan de garantie s’applique, il doit nécessairement avoir un contrat écrit entre les parties.
[39] On parle de deux types de contrats possibles, soit un contrat de construction (Contrat de vente) dans lequel les bénéficiaires ne sont pas propriétaires du terrain et l’Entrepreneur s’engage à construire une maison et la vendre avec le terrain aux Bénéficiaires, ou un contrat d’entreprise qui n’est pas le cas du présent dossier.
[40] L’Administrateur agit à titre de caution aux obligations de l’Entrepreneur, et pour savoir ce que l’Administrateur couvre, on doit savoir quelle est la maison concernée, l’adresse de la maison ainsi que toutes les informations de base, le prix d’achat, la date de livraison, etc. L’Administrateur n’a aucune de ces informations dans ce dossier.
[41] En plus, les terrains en question n’appartenaient pas à l’Entrepreneur, et ainsi ils ne pouvaient pas vendre des terrains qu’ils ne lui appartiennent pas.
[42] Les Bénéficiaires étaient négligents de ne pas vérifier si les terrains que l’Entrepreneur met en vente lui appartenaient.
[43] L’Administrateur confirme que dans d’autres cas dans lesquels il y avait un contrat signé, le remboursement a été fait par l’Administrateur.
[44] La seule raison pour laquelle ils n’ont pas eu de remboursement dans ce dossier est l’absence totale du contrat.
[45] L’attestation d’acompte n’est pas suffisante pour lier l’Administrateur aux Bénéficiaires.
Réplique des Bénéficiaires
[46] Les Bénéficiaires indiquent que, assumant que l’attestation d’acompte n’est pas un document légal valide, c’est de la négligence de GCR d’autoriser les Entrepreneurs d’utiliser leur formulaire d’acompte sans qu’il y ait un contrat signé et sans indiquer sur le formulaire que l’acompte est protégé à condition qu’il y ait un contrat signé.
[47] Les Bénéficiaires questionnent pourquoi d’autres bénéficiaires sur le même projet avec le même Entrepreneur ont été remboursés, mais pas eux.
[48] Les Bénéficiaires indiquent que sur l’attestation d’acompte (pièce A-1), il est écrit : « cet acompte au montant de dix mille dollars (10 000 $) est versé par le(s) Bénéficiaires pour l’achat ou la construction du bâtiment résidentiel identifié ci-haut. », ce qui confirme que le montant est versé pour l’achat d’une maison et non pas pour l’achat d’un terrain.
[49] Les Bénéficiaires rappellent de nouveau que sur l’attestation d’acompte de l’Administrateur (pièce A-1) qui inclut aussi le logo de GCR, il est écrit : « En vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (RLRQ c. B-1-1, R8), le présent acompte est protégé… », et ainsi les Bénéficiaires considère que cet acompte est protégé parce qu’au moment de la signature, l’Entrepreneur avait son accréditation.
Réplique de l’Administrateur
[50] L’Administrateur explique et reconfirme que la seule raison dont les autres bénéficiaires ont été remboursés est qu’il y avait un contrat en bonne et due forme. Ce qui n’est pas le cas dans ce dossier.
L’objectif du règlement
[51] L’honorable Jeffrey Edwards de la Cour du Québec dans l’affaire de La Garantie Habitation du Québec inc. c. Quirion (2018 QCCQ 1549), explique que l’objectif visé par le législateur lors de l’adoption du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs est la protection du consommateur immobilier :
(36) En 1999, à l’instar des expériences dans les autres provinces, le Québec adopte son propre régime de plan de garantie visant les immeubles résidentiels neufs, soit en propriété unifamiliale ou en copropriété, soit le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, un règlement adopté sous l’égide de la Loi sur le bâtiment. Il s’agit d’une intervention législative et réglementaire visant à protéger le consommateur immobilier.{[1]} Pour ce faire, le législateur s’est inspiré notamment des pratiques contractuelles déjà suivies en matière de cautionnement d’exécution, tel que mentionné ci-dessus, dans le secteur de la construction et des certificats de cautionnement privés de garantie en matière résidentielle.
[52] En outre, la Cour d’appel dans l’affaire de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Laroche (15 décembre 2004, J.E. 2005-132), exprime que le Règlement est d’ordre public et il fixe les modalités et les limites du plan de garantie :
[10] La Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B.-1.1 ci-après la Loi) oblige les entrepreneurs généraux à détenir une licence, ce qu’ils ne peuvent obtenir à moins de remplir certaines conditions. L’une d’elles est l’adhésion à un plan de garantie de leurs obligations légales et contractuelles{[2]}pour la vente ou la construction d’un bâtiment résidentiel neuf. {[3]}
[11] Le Règlement est d’ordre public{[4]}. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.
Règlement et la décision
[53] L’article 2 de la section II « Application », relative au champ d’application du Règlement, se lit comme suit :
2. Le présent règlement s’applique aux plans de garantie qui garantissent ’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur visées au chapitre II et résultant d’un contrat conclu avec un bénéficiaire {[5]} pour la vente ou la construction:
1° des bâtiments neufs suivants destinés à des fins principalement résidentielles et non détenus en copropriété divise par le bénéficiaire de la garantie:
a) Une maison unifamiliale isolée, jumelée ou en rangée;
(…)
[54] La disposition de l’article 2 du règlement requiert un contrat conclu entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires.
[55] Le Tribunal d’arbitrage rappelle que selon l’article 1385 du Code civil du Québec « Le contrat se forme par le seul échange de consentement entre des personnes capables de contracter… »
[56] Le Tribunal d’arbitrage considère qu’un contrat a été conclu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur à la date de signature de l’attestation d’acompte par les deux parties.
[57] La question qui se pose est si les Bénéficiaires ont conclu un contrat pour l’achat d’un terrain ou pour la construction d’un bâtiment résidentiel neuf.
[58] La preuve présentée par les Bénéficiaires démontre clairement et sans doute que l’acompte versé était pour la construction d’une maison sur le terrain 29. Ainsi nous sommes devant un contrat de vente conclu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur.
[59] Comme confirmé par l’Administrateur, en avril 2021 l’Entrepreneur était toujours accrédité
[60] En vertu de l'article 9 du règlement, la garantie doit couvrir les acomptes versés par le bénéficiaire avant la réception du bâtiment.
[61] Selon les pièces A-1 et A-2, on peut conclure qu’un acompte de dix milles (10 000 $) a bel et bien été versé à l’Entrepreneur.
[62] Pour les motifs exposés ci-dessus, le Tribunal d’arbitrage conclut que le plan de garantie s’applique et dès lors annule la décision de l’Administrateur.
ACCEUILLE la demande d’arbitrage des Bénéficiaires.
ANNULE la décision de l’Administrateur rendue en date de 21 février 2023
ORDONNE à l’Entrepreneur de rembourser l’acompte de dix mille (10 000 dollars) au plus tard le 17 juillet 2023.
ORDONNE à l’Administrateur, à défaut par l’Entrepreneur de rembourser les Bénéficiaires à la date prescrite ci-dessus, de rembourser les Bénéficiaires l’acompte de dix mille (10 000 dollars) au plus tard le 31 juillet 2023. Le tout conformément au 2° paragraphe de l’article 17.1 et au 6° paragraphe de l’article 18 du Règlement.
CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais du présent arbitrage.
Fait le 10 juillet 2023
GILBERT SABA, Ing.
Arbitre accrédité
{[1]} Notre souligné
{[2]} Notre souligné
{[3]} Articles 77 à 83 de la Loi et article 6 du Règlement
{[4]} Notre souligné
{[5]} Notre souligné