ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : CCAC

 

 

ENTRE : WAHEED ALIZADA

 

Et

 

ABDUL HAMID ALIZADA ; 

 

(ci-après les «Bénéficiaires»)

 

 

C. : BEL-HABITAT INC. ;

 

(ci-après le «Entrepreneur»)

 

 

ET : LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR).

 

(ci-après l’ « Administrateur »)

 

Dossier CCAC : S22-050201-NP

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

PRÉSENCES

 

Arbitre : Me Michel A. Jeanniot, CIArb

 

Le Bénéficiaire : M. Alizada  

 

LEntrepreneur : Absent 

 

Pour l’Administrateur : Me Pierre-Marc Boyer

 M. Robert Prud’homme  

 

Date de l’audition :  7 novembre 2022

 

Date de la Décision : 10 novembre 2022

Identification complète des parties

 

 

 

Bénéficiaires :   Wahhed Alizada et Abdul Hamid Alizada

       [...]

Laval (Québec) [...]

 

 

 

Entrepreneur : Bel-Habitat inc.  

      7450, 59e avenue

Laval (Québec) H7R 4G7

 

 

 

Administrateur :     Garantie de construction Résidentielle (GCR)

4101, rue Molson, 3e étage

Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

 

Et son procureur :

 

Me Pierre-Marc Boyer

4101, rue Molson, 3e étage

Montréal (Québec) H1Y 3L1

 

 

 


Mandat

 

L’arbitre a reçu son mandat du CCAC le 19 mai 2022.

 

Extraits pertinents du Plumitif

 

2022.05.02 Réception de la demande d’arbitrage des Bénéficiaires par le CCAC

2022.05.19 Notification de la demande d’arbitrage aux parties par le CCAC

2022.05.19 Nomination de Me Michel A. Jeanniot à titre d’arbitre

2022.05.19  Réception de la décision de l’Administrateur datée du 21 avril 2022

2022.05.30 Demande de disponibilités pour une première conférence de gestion

2022.07.11 Deuxième demande de disponibilités pour une première conférence de gestion

2022.08.17 Première conférence de gestion

2022.08.17 Envoi par courriel du procès-verbal de la conférence de gestion

2022.11.07 Réception du cahier de pièces de l’Administrateur

2022.11.07 Audience

2022.11.10 Décision

 

 


Sentence arbitrale

 

[1]          La présente décision arbitrale prend source d’une demande d’arbitrage, de décision de l’Administrateur du 21 avril 2022 sous la plume de M. Robert Prud’homme T.P.

 

[2]          La décision de l’Administrateur faisait l’objet de deux (2) points de réclamation des Bénéficiaires :

 

[2.1] Premier point : « Voilage et bruit de revêtement de bois franc » (ci-après point de réclamation numéro 1).

 

[2.2] Deuxième point : « Absence de chauffage au vestibule d’entrée » (ci-après point de réclamation numéro 2).

 

Liste des Admissions

 

[3]          Il s’agit d’un bâtiment résidentiel unifamilial aussi connu et identifié comme étant le [...] à Laval (ci-après le « Bénéficiaire »).

 

[3.1] Réception du bâtiment eu lieu le 7 décembre 2019.

 

[3.2] Les désordres dont fait l’objet les points 1 et 2 ont été découverts par les Bénéficiaires en date du ou vers le 15 janvier 2020.

 

[3.3] Les désordres constatés aux points 1 et 2 rencontrent les critères de malfaçons non apparentes au sens du paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement.

 

La question en litige

 

[4]          Bien que les deux (2) points rencontrent les critères de malfaçons non apparentes, l’Administrateur a statué que le délai de découverte du désordre (comprendre la malfaçon) et de la dénonciation écrite à l’Entrepreneur et à l’Administrateur était déraisonnable.

 

[5]          La question en litige demeure donc simple à la fois pour le point 1 et le point 2. Le délai de dénonciation est-il déraisonnable?

 

La preuve

 

[6]          Pour fin de simplicité, tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici avec force détails l’ensemble des éléments qui m’ont été soulevés, je ne reprendrai que les éléments ginglymes à mon processus décisionnel (indépendamment de l’ordre dans lequel l’audience s’est déroulée).

 

[7]          M. Robert Prud’homme, conciliateur, auteur de la décision source, confirme ses termes et propos et plus particulièrement que, en ce qui le concerne, bien qu’il y avait découverte de désordres à partir du 15 janvier 2020, le dernier suivi auprès de l’Entrepreneur était en date du ou vers le 3 septembre 2020, à savoir le dernier courriel qui lui fut soumis à l’époque par le Bénéficiaire.

 

[8]          Sur la foi de ces représentations et à juste de titre, il était d’opinion que le délai de dénonciation écrite du 7 septembre 2021 dépassait le délai « raisonnable » prévu par le Règlement (et son Plan de garantie).

 

La preuve du Bénéficiaire

 

[9]          M. Alizada témoigne et précise qu’il était, et en tout temps pertinent aux présentes, en communication constante avec son Entrepreneur, initialement par conversations téléphoniques et courriels. Il admet que le dernier suivi par courriel datait du ou était vers le 3 septembre 2020, mais rajoute que c’est en raison de la rupture du lien Internet avec son Entrepreneur et d’un changement très fréquent de l’interlocuteur désigné par son Entrepreneur que ses communications subséquentes furent par téléphone seulement. Un exercice qu’il a maintes fois qualifié de laborieux puisque ses interlocuteurs étaient régulièrement « remplacés ».

 

[10]      Je rappelle ici que l’Entrepreneur Bel-Habitat a requis protection de la loi sur la faillite et sur l’insolvabilité en début juillet 2021, laissant ainsi au dépourvu les propriétaires de plus ou moins 224 000 unités résidentielles.

 

[11]      Il précise qu’il avait plusieurs griefs et demandes, que ses griefs et demandes étaient parcimonieusement et à différentes fenêtres de temps en tout ou en partie adressés soit par quelqu’un qui se représentait venir de l’Entrepreneur ou était en sous-contrat pour ce dernier.

 

[12]      Il témoigne à l’effet que la dernière vacation d’un représentant de l’Entrepreneur s’est faite en mars 2021 et que ces personnes ont informé le Bénéficiaire qu’ils reviendraient, mais qu’ils ne reviendraient pas avant octobre 2021.

 

[13]      Désirant expliquer cette fenêtre de temps, les représentants de l’Entrepreneur auraient informé le Bénéficiaire que leur activité principale était le terrassement et que de mars à octobre, ils ne pouvaient rendre de services pour Bel-Habitat, mais qu’ils seraient de retour en octobre 2021, et qu’en octobre 2021 serait adressé le « plancher » (le point 1 infra).

 

[14]      En aucun temps quel qu’il soit, les Bénéficiaires n’ont-ils directement ou indirectement suggéré (comprendre témoigner) qu’ils avaient adressé la question (le désordre) du point 2 infra avec l’Entrepreneur et/ou quelconque de ses représentants mandataires, représentants ou ayants droit.

 

[15]      Le Bénéficiaire a de plus témoigné que sur la nouvelle de la faillite de Bel-Habitat, il a communiqué dans un premier temps par téléphone avec l’Administrateur afin de s’enquérir de : où, quand, comment peut-il requérir (de qui) un suivi sur le service après-vente et les griefs qu’il avait soulevés.

 

[16]      Nous savons que le Règlement prévoit que le non-respect d’un délai ne peut être imposé au Bénéficiaire lorsque les circonstances permettent d’établir que le Bénéficiaire a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’Entrepreneur (ou de l’Administrateur).

 

Analyse et décision

 

Ratio decidendi

 

[17]      Je rappelle ici que les Bénéficiaires sont en demande et qu’à cet effet, ce sont ces derniers qui ont le fardeau de la preuve et sans que ce fardeau leur soit indu, ils ont néanmoins l’obligation de convaincre.

 

[18]      À titre d'arbitre au dossier, je me dois d'apprécier la valeur et la portée des constatations, des énonciations des parties, ainsi que des éléments de preuve soumis au débat. Je suis libre de privilégier les considérations extra juridiques selon ma lecture et ma compréhension des échanges.

 

[19]      Étant une juridiction de première instance, je dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation des éléments de faits en utilisant le pouvoir d'application de la règle de droit, selon les faits. Nous savons que la règle de droit fait produire certains effets juridiques ou situations qu'elles visent. Je me dois de m'assurer que les faits présentés correspondent bien à la situation visée par un remède recherché. Je rappelle, de plus, que la partie qui se prévaut des conséquences juridiques découlant des faits ou des droits qu'elle invoque, supporte la charge de la preuve (à moins qu'une autre répartition de la charge de la preuve ne découle d'une règle particulière ou de l'exigence d'un texte ou d'un règlement en particulier, ce qui n'a pas, ici, sa place).

 

[20]      Je m'applique donc, en appréciation des éléments de preuve apportés au litige, avec respect pour l'appréciation de la preuve qui laisse une place importante au pouvoir souverain d'appréciation de première instance, et j'accorde à l'ensemble de la documentation et de la preuve testimoniale soumise tout son sérieux, sa crédibilité, son degré de vraisemblance, tout en retenant la meilleure preuve qui me semble la plus solide.

 

[21]      Considérant que le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution et qu’il n’existe entre ce dernier et le Bénéficiaire aucun lien de subordination, je rappelle que le choix des correctifs et/ou la méthode de correction appartient à l’Administrateur (in fine, article 2099 C.c.Q.) sujet à son obligation de résultat.

 

Conclusion

 

[22]      Le témoignage de M. Alizada est convaincant. Le non-respect d’un délai ne peut lui être imposé puisque les circonstances permettent d’établir qu’il a été amené à outrepasser ce délai suite aux représentations de l’Entrepreneur à tout le moins pour le point 1 « voilage et bruit de revêtement de bois franc ».

 

[23]      La preuve est par contre muette quant au point 2 « absence de chauffage au vestibule d’entrée ».

 

[24]      Je ne pourrai donc qu’accueillir en partie la demande du Bénéficiaire en ce qui concerne à tout le moins le point 1.

 

[25]      Je rappelle que le Tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les Plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider le litige qui relève de l’application d’autre loi même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige.

 

[26]      Suivant mon appréciation des faits et ma compréhension de la loi (du Règlement) et de la jurisprudence qui m’est connue, je suis d’opinion que les explications soumises pour proposer que le délai puisse être ignoré quant au point 1 sont raisonnables dans les circonstances et doivent être retenues, ce qui n’est malheureusement pas le cas pour le point 2.

 

[27]      Donc, pour l’ensemble des motifs ci-haut repris, je me dois d’accepter la demande des Bénéficiaires quant au point 1 et de maintenir la décision de l’Administrateur quant au point 2.

 

[28]      Le tout est sans préjudice et sous toutes réserves du droit qui est leur (les Bénéficiaires) de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament sujets, bien entendu, au règles de droit commun et de la prescription civile.

 

[29]      En vertu de l’article 123 du Règlement, vu que les Bénéficiaires ont obtenu gain de cause sur à tout le moins un aspect de la réclamation, les entiers frais et dépens sont à charge de l’Administrateur.

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

 

ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage ;

 

DÉCLARE que pour le point 1 « voilage et bruit de revêtement de bois franc », le délai entre la découverte de la situation (du désordre) est raisonnable, les Bénéficiaires ayant démontré à ma satisfaction qu’ils ont été amenés à outrepasser le délai suite aux représentations de l’Entrepreneur et que les explications soumises proposent que le délai est raisonnable dans les circonstances;

 

ORDONNE à l’Administrateur d’adresser les travaux correctifs et qu’il corrige le désordre qu’il a d’ailleurs reconnu comme malfaçon non apparente, conformément au paragraphe 3 de l’article 10 du Règlement;

 

CONSTATE que les Bénéficiaires ne se sont pas déchargés de leur fardeau de preuve pour le point 2 « absence de chauffage au vestibule d’entrée » et pour cause, je MAINTIENS la décision de l’Administrateur sur ce point.

 

RÉSERVE à la Garantie ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur (ou le Syndic à la faillite de l’Entrepreneur) pour les coûts exigibles pour l’arbitrage (paragraphe 19 de l’annexe 2 du Règlement) en ses lieu et place, et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

LE TOUT, conformément à l’article 123 du Règlement, avec frais des présentes à charge de l’Administrateur.

 

 

 

 

 

 

 

 

Montréal, le 10 novembre 2022

 

 

 

 

 

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Michel A. Jeanniot, ClArb.