ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE
GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM) |
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Dossier no : |
GAMM : 2006-12-017 |
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APCHQ : 06-304 PM |
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ENTRE : SHARON TEE & WINSTON RUAN (ci-après les « bénéficiaires ») ET : LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUF DE L’APCHQ (ci-après l’ « administrateur ») ET : 9096-2556 QUÉBEC INC. (ci-après l’ « entrepreneur ») |
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DEVANT L’ARBITRE : |
Me Johanne Despatis |
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Pour les bénéficiaires |
Me Dominique Zaurrini assisté de Me Alessandra Leuci Mme Sharon Tee M. Winston Ruan |
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Pour l’administrateur |
Me Patrick Marcoux |
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Pour l’entrepreneur |
Aucune |
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Date de l’audience |
23 novembre 2006 |
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Lieu de l’audience |
Montréal |
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Date de la sentence |
26 décembre 2006 |
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SENTENCE ARBITRALE
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Adjudex inc.
0610-8252-GAMM
SA 8027
I - LE RECOURS
[1] Madame Sharon Tee et monsieur Winston Ruan, les bénéficiaires, contestent en vertu de l’article 19 du Règlement sur le Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (décret 841-98), le Règlement, la décision rendue le 21 août 2006 par la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., l’administrateur.
[2] Une bonne compréhension des présentes exige de reproduire cette décision dans son entier :
Réception du bâtiment : Le 17 avril 2006
Réclamation écrite : Le 1er juin 2006
[…]
Faits
Le 25 juillet 2003, les bénéficiaires ont conclu un contrat préliminaire en vue de la construction et la vente d’un bâtiment, le prix convenu étant de 527 000 $, taxes incluses.
Bien que la date de livraison projetée ait été le 1er juillet 2004, des délais substantiels ont été rencontrés, à telle enseigne que le bâtiment n’est toujours pas complété. De fait, d’importants travaux seraient à exécuter pour compléter le bâtiment envisagé lors de la conclusion du contrat préliminaire.
En regard à cette situation, les bénéficiaires et l’entrepreneur ont signé un acte de vente, le 17 avril 2006, devant la notaire Erika Teesdale, lequel acte prévoit notamment une révision à la baisse du prix de vente, établi à 246 144,85, taxes incluses.
Les bénéficiaires et l’entrepreneur ont spécifiquement stipulé cette entente dans l’acte de vente, dans les termes suivants :
« Furthermore, the Parties agree that notwithstanding the price declared in the offer to purchase dated the twenty-fifth day of June two thousand and three (2003), the agreed price between the parties for the purchase of the property in its present state and condition in [...](246,144.85) including taxes, thus a reduction in price before extras from the promise to purchase of [...](280,855.15) (said credit including the invoice of St-Germain renovation which the Purchaser undertakes to pay directly to the latter subsequent to the execution hereof), for the following reason:
- All remaining construction work to complete and finish the immoveable as and from the date hereof, save for the list of work to be completed and/or corrected by the Vendor on the A.P.C.H.Q. form entitled “Liste préétablie d’éléments à verifier et reception du bâtiment Étape 5”, shall be entirely paid for by the Purchaser upon completion by the Vendor of the work to the entire satisfaction of the Purchaser.
À la même date, soit le 17 avril 2006, les bénéficiaires et l’entrepreneur ont complété et signé une liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment. Par ce document, les bénéficiaires ont déclaré accepter le bâtiment, sous réserve de travaux à parachever, énumérés à une annexe jointe au document.
Essentiellement, cette annexe énumère les travaux requis pour porter le bâtiment de son état actuel, à l’état du bâtiment prévu au contrat préliminaire. Tel qu’indiqué ci-haut, ces travaux à parachever sont substantiels, ayant une valeur de 280 855,15 $ selon les termes de l’acte de vente.
Réclamation des bénéficiaires
Les bénéficiaires ont déposé une réclamation auprès de l’administrateur, par laquelle ils demandent à l’administrateur d’intervenir pour parachever le bâtiment aux lieux et place de l’entrepreneur.
Cette réclamation se fonde sur la garantie des obligations légales et contractuelles de l’entrepreneur, après la réception du bâtiment. Cette garantie est stipulée au paragraphe 3.1 de la section B du contrat de garantie.
Les bénéficiaires demandent que le bâtiment soit parachevé, conformément aux stipulations du contrat préliminaire. Toutefois, ils ont indiqué à l’administrateur vouloir que ce parachèvement intervienne sans aucun autre déboursé de leur part.
Décision de l’administrateur
Les bénéficiaires demandent que l’administrateur effectue, à ses propres frais, les travaux requis pour parachever l’immeuble tel qu’il se trouve actuellement, acquis par les bénéficiaires au coût de 246 144,85 $, de façon à ce qu’il corresponde aux stipulations du contrat préliminaire.
Ainsi, les bénéficiaires demandent un immeuble de 527 000 $, soit le prix indiqué au contrat préliminaire, en contrepartie d’un paiement de 246 144,85 $, montant correspondant au prix indiqué à l’acte de vente.
Les bénéficiaires s’appuient à la Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment et son annexe, invoquant la garantie, après réception, du parachèvement des travaux dénoncés par écrit au moment de la réception.
Cependant, pour les motifs énoncés ci-après, l’administrateur ne peut reconnaitre cette réclamation des bénéficiaires.
En effet, le contrat de garantie stipule que « la réception du bâtiment » est l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique les travaux à parachever ou à compléter.
Au vu de l’annexe à la liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment, il est manifeste que le bâtiment dans son état actuel, n’est pas en état de servir à l’usage auquel on le destine, dans la mesure où on le destine à l’usage d’un bâtiment de 527 000 $, tel que décrit dans le contrat préliminaire.
Or, les bénéficiaires reconnaissent dans l’acte de vente, que la valeur du bâtiment est de 246 144,85 $. Par conséquent, la liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment complétée et signée par les bénéficiaires et l’entrepreneur reflète et déclare la réception d’un bâtiment de 246 144,85 $. Par conséquent, aucun parachèvement n’est requis sur le bâtiment acquis par les bénéficiaires.
Quant à la réception du bâtiment, la liste de travaux présentée par les bénéficiaires reflète des travaux destinés à modifier le bâtiment qu’ils ont acquis, de façon à ce qu’il réponde aux exigences stipulées au contrat préliminaire.
Toutefois, l’entrepreneur n’est plus tenu de livrer l’immeuble prévu au contrat préliminaire, l’acte de vente constituant la nouvelle entente entre les parties.
Par conséquent, l’administrateur ne peut reconnaitre la réclamation des bénéficiaires.
[3] La compagnie 9096-2556 Québec inc. (Nader Constructions), l’entrepreneur, dûment convoquée ne s’est pas présentée à l’audience.
II - LES FAITS
[4] Monsieur Winston Ruan a tracé un historique des événements ayant entouré la construction et la réception dans leur résidence située au 4716 rue du Collège Beaubois à Pierrefonds.
[5] Cette résidence devait leur être livrée pour le 1er juillet 2004 mais n’était pas terminée à cette date. Encore aujourd’hui, tant l’extérieur que l’intérieur de la maison, toujours inhabitable, présentent l’aspect d’un chantier de construction.
[6] L’essentiel du témoignage de monsieur Ruan sur les évènements qui se sont déroulés entre le 25 juillet 2003 et le 1er août 2005 reprend ce qu’il écrivait le 2 août 2005 à monsieur Michel Nader, représentant de l’entrepreneur, lettre dont une copie avait été transmise à l’administrateur :
As of today, the house has been delayed for 13 months from the originally promised delivery date of July 1, 2004. This situation is totally unacceptable and has caused severe financial prejudices and psychological stress to my family as well as negative impact in our work.
The attached document shows the record of events since July 25, 2003 (the contract signed date). As shown in that document, we have given you our trust and financial support (about $313,000.00) towards the construction of the house. However, the record of the construction progress has proven that none of your promises has been fulfilled.
At this moment, we have sold our former house and are living with our relatives since July 1, 2005. The school will start soon and we have to spend at least 2 hours daily to send our daughter and niece to school, while the new house is within walking distance from the school. Presently, many of our personal belongings are in rented storage place which causes great inconvenience to us. Furthermore, this situation also results in many inconveniences and distress to our relatives. Finally, this situation is affecting our work performance and our employer is quite unsatisfied with this situation.
This situation can no longer be tolerated. This letter is our official notification to you that we are seeking compensation for all prejudices that have been caused by your breach of our contract. Furthermore, a copy of this letter and attachments along with an official complaint to the APCHQ has been mailed by registered mail. Finally, all legal pertinent actions are being pursued in order to ensure that our rights are met and that financial damages are compensated along with appropriate penalties for emotional stresses.
We strongly suggest that you contact us in writing as soon as possible in order to proceed with the resolution of this matter and to minimize the negative impact that this regrettable situation will have on yourself, your organization as well as on us.
We are deeply regret that we had no choice but to take this path. […]
[…]
Record of Events
[…]
The following lists events (in chronological order) from July 25, 2003 until present.
Date |
Event Description |
July 25, 2003 |
The Contract was signed between Vendor and Buyer. The house is to be completed on July 1, 2004. Buyer paid $52,700.00 (10% of purchase price) to Vender. Vendor informed Buyer that the earliest digging time of the house is around November 2003 and it usually takes 4-5 months to complete the construction. |
Nov., 2003 |
House: No digging Notes: Buyer started calling Vendor on a daily basis. Vendor informed Buyer that the digging may have to be delayed until January/February of 2004 because there was a delay on other houses. However Vendor promised Buyer that there is no problem to meet the delivery date of July 1, 2004. |
Feb, 2004 |
House: No digging Notes: Vendor met with Buyer. Vendor informed Buyer that the delivery of July 1, 2004 is no longer feasible and the digging shall start in April 2004. The delivery date will be postponed to August 31, 2004. |
April, 2004 |
House: Start digging. Notes: Buyer puts the Former House for sale. |
May 13, 2004 |
House: No digging. Notes: Buyer started calling Vendor on a daily basis. Vendor informed Buyer that the digging may have to be delayed until January/February of 2004 because there was a delay on other houses. However Vendor promised Buyer that there is no problem to meet the delivery date of July 1, 2004. |
May 29, 2004 |
House: No digging. Notes: Vendor met with Buyer. Vendor informed Buyer that the delivery date of July 1, 2004 is no longer feasible and the digging shall start in April 2004. The delivery date will be postponed to August 31, 2004. |
June 7, 2004 |
House: Construction of foundations complete Notes: Buyer gave Vendor the first $75,000.00 which was borrowed using the Buyer’s BMO HLC. Because it is borrowed using HLC, the BMO’s financial advisor states that this is a normal step for constructing a new house. |
July 17, 2004 |
House: Construction of second floor complete Notes: Buyer gave Vendor the second $75,000.00 which was borrowed using the Buyer’s BMOL HLC. At this point, it appears that construction is going well and the August 31 delivery date is promising. |
August 20, 2004 |
House: Construction of roof complete. Notes: Buyer gave Vendor the third $75,000.00. Vendor promised Buyer verbally that the house delivery date will be postponed until end of October 2004 and has agreed to pay the compensation per Attachment 1. Buyer lost the opportunity to sale the Former House at a good price due to delay of the new house. |
Sept., 2004 |
House: Construction of stairs complete, most of windows is installed, three windows missing. Notes: School starts and the new house is not ready. Buyer has to drive his niece to The College Beaubois everyday, while the new home is within a walking distance from the school. |
Oct., 2004 |
House: Insulation of the first floor and the second floor complete Notes: The construction progress was becoming very slow |
Oct. 9, 2004 |
House: Division of the second floor completed Notes: Buyer gave Vendor $15,000.00 cash advance to pay the subcontractors. The receipt is shown in Attachment 3. |
Nov., 2004 |
House: Construction Stopped!!! Notes: Vendor had an automobile accident and is recovering. All subcontractors had left the construction site. Buyer takes the Former House off the market due to unforeseen delay of the new house construction. Buyer has investigated significant amount of efforts in selling the Former House and lost golden opportunities to sale the house at the peak of the housing market in Montreal in 2004. Temperature began to drop. Buyer began to worry about the possible damage to the foundation of the house since the house is not heated. |
Dec., 2004 |
House: No work is done. On December 15, 2004. After Buyer constant pursued, two 1500 W heaters were put in the basement and the basement is covered with the fiber glass. Notes: Many of buyers in Phase IV of the project were afraid and wanted to sign with Vendor quickly and took over the ownership and complete the house themselves. |
Jan., 2005 |
House: No work is done. Notes: From December 15, 2004 to near the end of January, Buyer went to the House almost every day to record the temperate in the basement. The record of the temperature is shown in Attachment 4. Finally Buyer met with Vendor to discuss the possibility to transfer the ownership of the house. Vendor is very much supported the idea because he no longer need to pay the interests and other costs of the new house. At this point, Buyer had paid Vendor nearly 300,000.00. Apparently, Vendor has requested a new mortgage of 180,000.00 on the House with RBC Holdings. Buyer started to prepare the cost estimate to complete the house. Buyer took even office work time to call all subcontractors for this cost estimate. Buyer spent several weeks to gather all these information. Friends and neighbours have advised the buyer to seek for legal help as soon as possible. At the end of January, Buyer met with Mr. Zaurini, a construction lawyer for advice |
Feb., 2005 |
House: Install ventilation piping system Notes: The construction of the new house is very slow. Buyer have discussed several times with the Vendor to transfer the ownership of the house. Vendor kept postpone the meeting time. |
Mar.13, 2005 |
House: Plumbing rough more or less completed Notes: Met at Starbucks coffee shop in D.D.O. Buyer paid $3000.00 to Plumber Ouellette to start plumbing. Buyer discussed with Vendor about his financial situation and went over major items (see Attachment 5) that are still to be completed for the house. Vendor has promised Buyer verbally that to transfer the ownership of the house will take place within 48 hours as soon as Vendor realized that he is facing bankruptcy. Buyer has trusted Vendor and Vendor convinced Buyer to start putting the Former House for sale because Vendor would like to close the project in May 2005. |
March 29 & 30, 2005 |
Notes: Met at SES office. Vendor presented a proposed price (Attachment 6) to sign at notary. Buyer was told to pay additional $181,000 to RCB Holding in order to sign at notary. No agreement reached between both sides. Put up the Former House for Sale |
April, 2005 |
House: Basement concrete completed Notes: Construction is very slow. Buyer has compiled a cost estimate to complete the construction of the house |
May 12, 2005 |
House: Division of the first floor almost completed. Notes: Met at SES office. The focus is still on the $181,000 mortgage on the house which is to be cleared. Both sides have agreed that if Vendor closes the Gyproc in the next 10 days and Buyer will to sign at notary. Based on Vendor’s schedule, the electric wiring, alarm wiring, plumbing work before Gyproc should all be completed in 10 days. |
June, 2005 |
House: Electric wiring completed, except for the basement. Central vacuum piping completed. One of missing window installed. Notes: During this month, a huge delay on the basic alarm wiring for a amount of 994.97. This is because Fred of Kemtech wanted a certified check from Vendor. The process dragged for more than two weeks. At the end, Buyer has to pay Kemtech first in order to start the work. The basic alarm wiring has delayed the rest of alarm wiring first to the end of June, then to beginning of July, and then to July 14, 2005. |
July, 2005 |
House: Basement floor raised. Notes: Due to delay of the alarm wiring, it is apparent that it is impossible to complete the Gyproc before the July 15 construction holiday. Two months have already passed since the Vendor’s May 12 2005 promise of closing the Gyproc in 10 days. On July 14, 2005, Tom of MDT Electric owner was furious since he has not been paid for his work and has threatened not to come back for the basement if he is not paid by July 15, 2005. The same story is true for the plumber Ouellette. In the end, Buyer paid Tom of MDT Electric $6947.47 so that he will come back to work. Vendor paid Plumber Ouellette $5000.00 so that he can come back after the construction holiday. |
July 26, 2005 |
House: Construction Holiday Notes: Met at SES Office. Vendor promised to deliver the house at the end of September 2005. Buyer gave Vendor the record of payment as of July 27, 2005 (…). |
Aug. 1, 2005 |
House: No one is working! Notes: First day after the construction holiday. |
[7] En réponse à cette lettre, l’administrateur écrit le 14 novembre 2005 aux bénéficiaires:
Malgré que votre lettre du 2 août 2005 indique que vous voulez faire appel à la Garantie des maisons neuves que dans l’éventualité où aucun accord n’intervient avec votre entrepreneur, nous vous acheminons la présente afin de vous confirmer les mesures que pourrait prendre La Garantie des maisons neuves si vous décidiez de vous en prévaloir.
Nous constatons que vous avez convenu d’un contrat de vente avec l’entrepreneur, que le bâtiment en cause n’a pas été reçu et que vous n’en êtes pas propriétaires en titre à ce jour.
Conséquemment, la garantie applicable touche le remboursement des acomptes jusqu’à concurrence de 30 000 $. Pour vous prévaloir du remboursement des acomptes, votre contrat convenu avec votre entrepreneur doit être déclaré nul par un tribunal.
Dans l’éventualité où vous recevez le bâtiment, la garantie sur retard de livraison sera applicable pour des indemnités pouvant atteindre 5 000 $.
Toutefois, nous comprenons que vous négociez actuellement avec votre entrepreneur le transfert du bâtiment. Nous vous prions de bien vouloir nous informer de tout développement à venir.
[...] »
[8] Selon monsieur Ruan, aucun travail n’a été fait sur la maison entre août et décembre 2005.
[9] A la fin 2005, monsieur Ruan apprend qu’en plus des taxes municipales et scolaire impayées, trois hypothèques légales de sous-contractants sont contre la propriété ainsi qu’une hypothèque conventionnelle en faveur de RBC Holdings, le tout représentant une somme de 258 251 $. De plus RBC Holdings avait à l’insu des bénéficiaires donné avis à l’entrepreneur en novembre 2005 de son intention d’exercer un recours hypothécaire. A cette époque, les bénéficiaires avaient déjà payé près de 310 000 $ pour l’immeuble.
[10] Informés de cette situation au début 2006, les bénéficiaires entreprennent des pourparlers avec l’entrepreneur en vue de se voir transférer la propriété de l’immeuble.
[11] Une entente est conclue le 17 avril 2006 selon laquelle les bénéficiaires deviennent finalement propriétaires moyennant le paiement d’une somme supplémentaire de 258 251 $ portant alors le total déboursé par eux à quelque 560 000 $.
[12] Le même jour, les bénéficiaires complètent le formulaire « Liste préétablie d’éléments à vérifier et réception du bâtiment » dans lequel ils déclarent à la fois accepter le bâtiment sous réserve de la liste préétablie, laquelle énumère les éléments à parachever.
[13] Concrètement, il ne s’est rien passé par la suite. L’entrepreneur n’a jamais donné suite à la liste en question. Il n’est en fait jamais retourné sur le chantier et comme question de fait, s’est vu retirer sa licence d’entrepreneur à peine un mois plus tard soit le 23 mai 2006.
[14] Le 6 juin suivant, les bénéficiaires présentent à l’administrateur, qui la rejette le 21 août, leur demande de parachèvement de leur propriété.
III - ANALYSE ET DÉCISION
[15] Il s’agit de décider du bien-fondé du refus de l’administrateur de parachever la résidence des bénéficiaires.
[16] La Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1 oblige les entrepreneurs à adhérer à un plan de garantie. Le Règlement pris en vertu de cette loi régit le contenu des plans de garantie comme celui émis en faveur des bénéficiaires.
[17] L’administrateur est un organisme reconnu par la Régie du bâtiment du Québec qui s’est obligé à cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs adhérant à son plan de garantie. Cette obligation de l’administrateur n'est pas illimitée mais varie selon les circonstances, notamment selon que le défaut de l'entrepreneur adhérant survient avant ou après la réception du bâtiment.
[18] Ainsi, si le défaut d’un adhérant survient avant la réception du bâtiment, selon l’article 9 du Règlement, l’administrateur peut alors soit parachever les travaux, soit rembourser les acomptes versés, acomptes remboursables selon l’article 13 du Règlement jusqu’à hauteur de 30 000 $.
[19] Si le défaut survient après la réception, l’article 10 du Règlement prévoit que l’administrateur parachève « les travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception [...]» jusqu’à hauteur maximum de 200 000 $. En effet, le paragraphe 13 (3) du Règlement précise le montant de cette contribution : « pour le parachèvement et la réparation des vices et malfaçons, le montant inscrit au contrat d’entreprise ou au contrat de vente sans jamais toutefois excéder 200 000 $. » [Caractères gras ajoutés]
[20] En l’espèce, l’administrateur invoque l’article 9 affirmant que l’entrepreneur aurait manqué à ses obligations avant la réception du bâtiment de sorte qu’il ne pourrait être tenu au-delà de 30 000 $.
[21] En effet, selon ma compréhension de son point de vue, l’administrateur nie devoir assumer le parachèvement à la fois au motif principal qu’il n’y aurait pas eu réception du bâtiment au sens du Règlement, et à celui subsidiaire que même s’il y avait eu réception, il ne saurait y avoir obligation de parachèvement puisqu’il en résulterait un enrichissement indu des bénéficiaires.
[22] La preuve démontre de manière éclatante que les bénéficiaires ont été proprement floués par l’entrepreneur. Mais y a-t-il eu réception ou non de l’immeuble?
[23] Le Règlement définit à son article 8 la réception du bâtiment comme étant: « l’acte par lequel le bénéficiaire déclare accepter le bâtiment qui est en état de servir à l’usage auquel on le destine et qui indique, le cas échéant, les travaux à parachever ou à corriger. »
[24] La réception dont il s’agit à cette disposition revêt un certain caractère formel qui se présente sous la forme d’une déclaration écrite et dont l’avènement doit s’apprécier concrètement dans chaque cas. Avec égard, selon la preuve, cette acceptation a eu lieu en l’espèce. En effet, les bénéficiaires ont signé le 17 avril 2006 le document de réception prévu au Règlement.
[25] Qu’en est-il de l’argument voulant que le parachèvement par l’administrateur pourrait constituer un enrichissement indu des bénéficiaires. Cette prétention, avec égards, ne résiste pas aux faits mis en preuve.
[26] La preuve non contredite démonte que les bénéficiaires ont versé beaucoup plus que les 246 144,85 $ que soutient l’administrateur.
[27]
En effet, contrairement à ce qu’affirme
la décision de l’administrateur, les bénéficiaires ne demandent pas « un
immeuble de 527 000 $ [...] en contrepartie d’un paiement de
246 144,85 $ ». La preuve démontre plutôt que les bénéficiaires
ont déjà déboursé pour cette propriété une somme supérieure aux 527 000 $ convenus
au départ.
[28] En effet, selon la preuve non contredite, les bénéficiaires signent le 25 juillet 2003 un Contrat préliminaire et contrat de garantie d’un montant de 527 000 $. Il s’avère que les bénéficiaires ont par la suite versé entre cette date et le 17 avril 2006 des sommes totalisant plus de 527 000 $. Or, il n’est pas contredit, que même additionnée à la valeur du travail déjà fait sur la résidence, le coût de parachèvement des travaux ne procurera aucun enrichissement indu aux bénéficiaires. Cet argument ne peut donc être retenu.
[29] Mais il y a plus.
[30] Avec égards, la preuve ne démontre nullement que les bénéficiaires auraient cherché à obtenir une chose à laquelle ils n’auraient pas droit. Ils ont plutôt dû composer avec une situation impossible pendant plus de trois ans, aux prises avec un entrepreneur toujours accrédité pendant cette période, entrepreneur qui s’est de toute évidence moqué d’eux et comporté d’une manière froidement malhonnête. Le témoignage non contredit des bénéficiaires des circonstances durant cette saga en dit long sur les conséquences dommageables de l’irresponsabilité d’un entrepreneur dont ils sont les victimes.
[31] L’article 116 du Règlement veut que l’arbitre « statue conformément aux règles de droit; il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »
[32] Vu la preuve très lourde, j’estime qu’il serait tout à fait contraire à l’esprit et à la lettre du Règlement que les bénéficiaires se voient aujourd’hui reprocher d’avoir manœuvré sciemment pour chercher à éviter de perdre une somme considérable. Ils ont perdu cette somme et ont payé une propriété qu’on s’était formellement engagé à compléter. Après tout, le Règlement existe notamment pour prémunir les acheteurs contre de telles situations carrément inacceptables.
IV - CONCLUSION ET DISPOSITIF
[33] Pour toutes ces raisons, j’accueille la demande des bénéficiaires. J’ordonne en conséquence à l’administrateur de procéder aux travaux de parachèvement selon un ordre et dans un délai raisonnable à convenir avec les bénéficiaires. À défaut d’accord, je déterminerai ladite date sur demande de l’une ou de l’autre partie.
[34] Je réserve en outre les droits des bénéficiaires de contester le cas échéant la liste définitive des travaux à être exécutés par l’administrateur.
[35] Conformément aux dispositions du Règlement, les coûts des présentes sont à la charge de l'administrateur.
Montréal, le 26 décembre 2006
Johanne Despatis, avocate
Arbitre
Adjudex inc.
0610-8252-GAMM
SA 8027