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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Syndicat de copropriété du 4551-4565 de Niverville,

représenté par Chantal Bergeron

(ci-après le « bénéficiaire »)

 

ET :

GDMD Développement inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie Habitation du Québec inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

No dossier QH : 4512-1

No dossier GAMM : 2007-09-010

 

 

SENTENCE ARBITRALE

SUR UNE REQUÊTE EN IRRECEVABILITÉ

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour le bénéficiaire :

Mme Chantal Bergeron

 

Pour l’entrepreneur :

 

Pour l'administrateur :

Aucun représentant

 

Me Avelino De Andrade

 

Date d’audience :

18 octobre 2007

 

Lieu d'audience :

Saint-Hubert

 

Date de la sentence :

6 novembre 2007

 

 

I : INTRODUCTION

[1]                À la demande de l’arbitre, l’audience s’est tenue dans l'unité 4555 de l'immeuble concerné.

[2]                À la suite des réclamations écrites de la part du syndicat en date du 16 août 2006 et du 15 février 2007, l'administrateur, en date du 17 avril 2007, a émis son rapport d'inspection comportant 10 points.

[3]                Dans sa demande d'arbitrage, le syndicat conteste les conclusions de l'administrateur relativement aux éléments suivants de son rapport :

·        Fissure dans le plancher de l'unité 4553 (aucune dénonciation écrite)

·        Infiltration d'air par la porte d'entrée de l'unité 4555

·        Bosse sur la toiture

·        Verres scellés

·        Fissures dans le muret sous l'escalier du 4565

[4]                Toutefois, dès l'ouverture de l'enquête, le procureur de l'administrateur a présenté une requête en irrecevabilité au motif que la copropriété concernée n'est plus couverte par la garantie.

[5]                L'enquête sur le fond a donc été remise en attente de la présente décision relativement à ladite requête.

[6]                Notons qu'après avoir été dûment convoqué, l'entrepreneur n'a pas délégué de représentant lors de la présente enquête.

II : POSITION DE L'ADMINISTRATEUR

[7]                Le procureur rappelle qu'il s'agit ici d'une construction terminée avant décembre 2000; la présente réclamation ayant été acheminée le 16 août 2006, l'immeuble n'était donc plus couvert par la garantie de cinq ans.

[8]                Le procureur cite le nouveau règlement en vigueur depuis août 2006; le législateur y a introduit la notion de « réception présumée », cette dernière ayant lieu six mois après la réception de l'avis de fin des travaux.

[9]                Ce nouveau règlement n'a pas d'effet rétroactif, mais plutôt un effet immédiat.

[10]            Ainsi, pour tous les bâtiments existant auparavant, l'ancien règlement s'applique.

[11]            Comme la présente construction a été terminée en décembre 2000, lors de la réclamation écrite du syndicat en août 2006, il n'y avait plus de garantie sur ce bâtiment, cette dernière débutant à la fin des travaux.

[12]            La prescription est donc acquise.

[13]            Le procureur se réfère maintenant à la lettre de M. Sylvain Beausoleil, chef-conciliateur pour l'administrateur, adressée au syndicat en date du 27 mars 2006.

[14]            Cette lettre est accompagnée d'un avis de fin des travaux en date du 1er janvier 2001, signé par M. Beausoleil. Le quatrième paragraphe de cette lettre se lit comme suit :

À défaut de mandater un professionnel du bâtiment d'ici le 7 août 2006, la réception des parties communes sera présumée être le 8 août 2006 et les garanties post réception vont débuter à cette date sans que l'inspection par le professionnel ne soit nécessaire.

[15]            Le procureur indique que les conciliateurs ne sont pas des juristes; si l'avis de fin des travaux n'avait pas été fait par l'entrepreneur, le plan de garantie le faisait. Selon le règlement, la réception des parties communes est l'entière responsabilité du syndicat, de sorte que lorsque l'entrepreneur indique que les travaux sont terminés, le syndicat doit procéder à la réception des parties communes avec un professionnel de son choix.

[16]            Toutefois, dans le passé, beaucoup de syndicats n'ont pas procédé à l'inspection des parties communes; c'est le cas dans le présent dossier.

[17]            C'est pourquoi le nouveau règlement a créé une réception présumée.

[18]            Ainsi, la lettre du 27 mars 2006 de M. Beausoleil a été envoyée en fonction du règlement révisé, ce dernier ayant été publicisé en février 2006 et mis en vigueur en août 2006.

[19]            Dans la présente affaire, il n'y a pas eu d'avis de fin des travaux transmis par l'entrepreneur.

[20]            Selon le procureur, l'avis de fin des travaux émis par M. Beausoleil n'a pas de conséquences juridiques; cette lettre avait simplement pour but d'indiquer une date; pour certains syndicats, cette lettre a été utile, car les délais n'étaient pas périmés.

[21]            Si l'entrepreneur n'a pas respecté ses obligations juridiques, le syndicat ne devait pas se mettre la tête dans le sable, mais plutôt s'adresser aux tribunaux.

[22]            Le procureur réitère que la prescription a couru et que la prescription est une façon d'éteindre un droit.

[23]            À l'appui de son argumentation, le procureur a soumis ce qui suit :

·        Bazile c. Fonds d'indemnisation en assurance de personnes (C.A., 1998-11-17), SOQUIJ AZ-99011003 , J.E. 99-1 , [1999] R.J.Q. 1 , [1999] R.R.A. 38 (rés.).

III : POSITION DU SYNDICAT

[24]            La représentante du syndicat, Mme Chantal Bergeron, cite la lettre du 27 mars 2006 de M. Beausoleil, chef-conciliateur pour Qualité Habitation.

[25]            Selon le syndicat, la date de fin des travaux du 1er janvier 2001 a été imposée par M. Beausoleil sans qu'il y ait eu d'inspection préalable; cette date n'est donc pas acceptable.

[26]            Mme Bergeron soumet que la correspondance entre le syndicat et Qualité Habitation date d'avant août 2006, soit avant la mise en vigueur du nouveau règlement. Elle est d'avis que l'administrateur a volontairement laissé traîner les choses dans le but de rendre les démarches du syndicat hors délai.

[27]            La représentante du syndicat rappelle que les occupants habitent l'immeuble depuis juin 2000, que l'inspection par le professionnel du bâtiment a été faite le 29 mai 2007, alors que le rapport de ce dernier est daté du 4 juin 2007.

[28]            Elle s'interroge à savoir où commence le délai et elle soutient que dans un cas d'ambiguïté, c'est à l'arbitre de statuer sur cette date; il ne faut pas, ajoute-t-elle, sous-estimer le fait que l'entrepreneur existe encore aujourd'hui.

[29]            Mme Bergeron cite les articles suivants du contrat de garantie : article 6.1.13 (définition de « Professionnel du bâtiment »), article 6.1.15 (définition de « Réception des parties communes ») et article 6.8.2 (inspection préréception).

IV : DÉCISION ET MOTIFS

[30]            Que l'on analyse la présente requête sous le couvert du règlement amendé en août 2006 ou sous le couvert du règlement antérieur, la règle principale n'a pas changé, à savoir qu'à la définition de la « réception des parties communes » à l'article 25, on peut lire [...] Cette déclaration s'effectue à la suite de la réception d'un avis de fin des travaux expédié par l'entrepreneur à chaque bénéficiaire connu et au syndicat de copropriétaires.

[31]            Dans le présent dossier, il y a admission à l'effet que l'avis de fin des travaux n'a jamais été expédié par l'entrepreneur, ni à chaque bénéficiaire ni au syndicat. Or, la fin des travaux se situe vers décembre 2000; par subrogation, l'administrateur, par l'intermédiaire de M. Beausoleil, le 27 mars 2006, établit au 1er janvier 2001 la date de fin des travaux. Voici un extrait de cette lettre :

Compte tenu que l'entrepreneur ayant construit votre propriété n'est plus en opération, en tant que caution de l'entrepreneur, la garantie Qualité Habitation vous transmet ci-joint copie de l'avis de fin de travaux s'appliquant à votre copropriété.

Veuillez prendre note que vous devez mandater un professionnel du bâtiment aux frais du syndicat des copropriétaires afin qu'il réalise l'inspection des parties communes de votre copropriété.

À défaut de mandater un professionnel du bâtiment d'ici le 7 août 2006, la réception des parties communes sera présumée être le 8 août 2006 et les garanties post réception vont débuter à cette date sans que l'inspection par le professionnel ne soit nécessaire.

[32]            Dans cette lettre, l'administrateur reconnaît donc que le délai de garantie va débuter au plus tard le 8 août 2006 ou (sous-entendu) au plus tôt à la date du dépôt du rapport de la réception des parties communes par un professionnel du bâtiment.

[33]            Lors de l'audience, le procureur de l'administrateur contredit cet écrit de son client sous prétexte que ce dernier n'est pas juriste et déclare que le délai de garantie débute à la fin des travaux, soit en décembre 2000.

[34]            Alors que l'administrateur a établi les balises, qu'il a procédé à une inspection et qu'il a émis un rapport de décision sur les réclamations du syndicat, son procureur nous énonce maintenant que toute cette procédure était invalide et que le bénéficiaire a été berné.

[35]            Le soussigné est plutôt d'avis que le texte de M. Beausoleil était valablement écrit, qu'il a bel et bien interprété le règlement et que le délai de garantie débute plutôt à la date de réception du bâtiment comme en fait foi dans son ensemble l'article 27 du décret.

[36]            Avant les modifications effectives en août 2006, le règlement ne fixait aucun délai au syndicat pour la réception des parties communes à la suite de la réception d'un avis écrit de fin des travaux expédié par l'entrepreneur.

[37]            Cet avis n'ayant jamais été expédié par l'entrepreneur, le procureur de l'administrateur soutient qu'il appartenait au syndicat de voir à ce que l'entrepreneur respecte ses obligations légales.

[38]            En tout respect pour l'opinion contraire, le soussigné est d'avis qu'il appartient plutôt à l'administrateur de la garantie de voir à ce que l'entrepreneur respecte ses obligations légales ou contractuelles; c'est là l'essence du plan, comme en témoigne l'article 7 du décret.

[39]            Dans le décret concernant le plan de garantie des maisons neuves, l'administrateur étant le garant, il ne peut déléguer à une tierce partie ses responsabilités de vigilance envers le garanti.

[40]            L'administrateur, dans son rapport d'inspection daté du 17 avril 2007, a établi comme date de départ du délai de la garantie le 8 août 2006, étant ainsi conforme à sa propre lettre du 27 mars 2006; tant et si bien que dans ce même rapport d'inspection, il ordonne à l'entrepreneur d'exécuter certains travaux.

[41]            L'avis de fin des travaux a été expédié par l'administrateur le 27 mars 2006; c'est là que débute le délai de prescription de trois ans indiqué à l'article 2925 du Code civil, et non pas le 1er janvier 2001 comme le prétend le procureur de l'administrateur.

[42]            Comme il n'y a pas dans l'ancien règlement (avant les changements d'août 2006) de délai fixé pour la réception du bâtiment après l'avis de fin des travaux et comme il n'a pas été contesté que la réception des parties communes avait eu lieu le 4 juin 2007, la prescription n'est pas acquise.

[43]            Pourquoi, après la réception de la lettre de l'administrateur datée du 27 mars 2006, le syndicat n'a-t-il procédé à la réception que le 4 juin 2007?

[44]            Les motifs, selon la preuve recueillie, pourraient être soit que le syndicat ignorait la loi, soit qu'il considérait, d'après la correspondance déposée au dossier, que les travaux n'étaient point terminés et qu'il s'adressait alors à l'administrateur pour terminer les travaux avant de procéder à la réception; d'ailleurs, l'administrateur a accepté de procéder à une inspection des parties communes (soit le 27 mars 2007) avant la réception de ces dernières (4 juin 2007).

[45]            En accord avec le procureur de l'administrateur, le soussigné estime que les modifications d'août 2006 au règlement relativement à la réception présumée ne sont pas rétroactives.

[46]            Reste donc à déterminer la date de début des délais de la garantie pour cette copropriété : soit le 27 mars 2006, soit le 8 août 2006, soit le 4 juin 2007 ou toute autre date postérieure au 27 mars 2006. Cette question sera débattue lors de l'audition sur le fond.

[47]            Pour les motifs ci-devant énoncés, le tribunal

REJETTE            la requête en irrecevabilité présentée par l'administrateur; et

ORDONNE          la tenue d'une audience sur le fond à une date qui sera déterminée ultérieurement après consultation des parties.

[48]            Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 du plan de garantie, les coûts du présent arbitrage sont à la charge de l'administrateur.

 

 

BELOEIL, le 6 novembre 2007.

 

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre