TRIBUNAL D’ARBITRAGE

ARBITRAGE SELON LE

RÈGLEMENT SUR LE

PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, c. B-1.1, r. 0.2)

 

SOCIETÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS

(Organisme d’arbitrage accrédité par la Régie du bâtiment du Québec)

____________________________________________________________________________________

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE ABITIBI

 

DOSSIER NO : 121512001

 

LÉVIS GAGNON

 (LE « BÉNÉFICIAIRE »)

 

c.

 

GROUPE PRO-FAB INC./LES RÉSIDENCES P.F.

(L’« ENTREPRENEUR»)

 

et

 

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC

(L’« ADMINISTRATEUR »)

 

 

_____________________________________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

 

Arbitre :                                                         Me Roland-Yves Gagné

 

Pour le Bénéficiaire:                                   Monsieur Lévis Gagnon

 

Pour l’Entrepreneur :                                   Monsieur Martin Leclerc

 

Pour l’Administrateur:                                 Me Jean-Raymond Paradis

 

Date de l’audition :                                      3 juin 2013

 

Date de la décision:                                    17 juin 2013


DESCRIPTION DES PARTIES

 

BÉNÉFICIAIRE

 

Monsieur Lévis Gagnon

[…] Val D’Or, Qc. […]

 

 

ENTREPRENEUR

 

Groupe Pro-Fab Inc./Les Résidences P.F.

a/s Monsieur Martin Leclerc

294 rue Laurier

Saint-Apollinaire, Qc.

G0S 2E0

 

 

ADMINISTRATEUR

 

Me Jean-Raymond Paradis

Garantie Qualité Habitation

9200 est, boulevard Métropolitain

Montréal, Qc.

H1K 4L2


 

HISTORIQUE

 

 

L’immeuble est situé au […] à Val d’Or.

 

Le 27 juin 2011, le Bénéficiaire et l’Entrepreneur signaient un contrat d’entreprise et de garantie obligatoire de maison neuve (pièce A-3).

 

La réception de l’unité a eu lieu le 8 septembre 2011, avec mention que la date prévue de fin des travaux sera le 9 décembre 2011, trois mois après la date de livraison (pièce A-4).

 

Les 12 septembre 2011, 9 juillet 2012 et 17 octobre 2012, l’Administrateur recevait des réclamations écrites.

 

Le 28 novembre 2012, l’Administrateur rendit une décision (pièce A-2).

 

Le 15 décembre 2012, le Bénéficiaire demanda l’arbitrage de cette décision (pièce A-1).

MANDAT ET JURIDICTION

 

[1]       Le Tribunal est initialement saisi du dossier suite à une demande d’arbitrage par le Bénéficiaire en date du 15 décembre 2012, reçue par la Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI) la même date, et par la nomination de l’arbitre soussigné en date du 18 décembre 2012.  Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties et la juridiction du Tribunal est alors confirmée.

 

LE DROIT

 

[2]       Le Bénéficiaire a produit une demande d’arbitrage en vertu de l’article 19 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après nommé le Règlement)

Le bénéficiaire ou l'entrepreneur, insatisfait d'une décision de l'administrateur, doit, pour que la garantie s'applique, soumettre le différend à l'arbitrage dans les 30 jours de la réception par poste recommandée de la décision de l'administrateur à moins que le bénéficiaire et l'entrepreneur ne s'entendent pour soumettre, dans ce même délai, le différend à un médiateur choisi sur une liste dressée par le ministre du Travail afin de tenter d'en arriver à une entente. Dans ce cas, le délai pour soumettre le différend à l'arbitrage est de 30 jours à compter de la réception par poste recommandée de l'avis du médiateur constatant l'échec total ou partiel de la médiation.

 

[3]       La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause (AZ-50285725 du 15 décembre 2004)  a jugé que ce Règlement était d’ordre public 

[11] Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux

personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.

[12] L’appelante est autorisée par la Régie du bâtiment du Québec (la Régie) à agir

comme administrateur d’un plan de garantie approuvé. Elle s’oblige, dès lors, à

cautionner les obligations légales et contractuelles des entrepreneurs généraux qui

adhèrent à son plan de garantie.

[13] Toutefois, cette obligation de caution n’est ni illimitée ni inconditionnelle. Elle

variera selon les circonstances factuelles […]

 

 

DEMANDE DE L’ADMINISTRATEUR

 

[4]       L’Administrateur soumet une Demande amendée afin d’entériner une transaction qui se lit comme suit :

[4.1]       1. À la fin du mois de février 2013, il fut convenu entre l’Administrateur et l’Entrepreneur de tenter de régler ce dossier hors de Cour, par la formulation d’une offre monétaire au Bénéficiaire, le tout sans admission aucune et pour éviter les frais d’un arbitrage;

[4.2]       2. L’entrepreneur s’est donc chargé des négociations, tel qu’il appert des échanges de courriels intervenus entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur, produit au soutien des présentes sous la cote R-1;

[4.3]       3. L’Entrepreneur tenait informé l’administrateur du déroulement des négociations : devant une impasse quant au montant demandé par le Bénéficiaire (5000$) versus le montant dont l’Entrepreneur était disposé à lui versé (2500$), l’Administrateur a consenti à verser la somme de 2500$ afin de clore définitivement le dossier, sans plus de frais;

[4.4]       4. Or, tel qu’il appert de la pièce R-1 précitée, le bénéficiaire a accepté la somme de 5000$ ainsi que la réparation par l’Entrepreneur du coupe-vent de la porte d’entrée;

[4.5]       5. L’Abitre saisi du présent dossier a été informé par l’Entrepreneur le 24 avril 2013 du règlement intervenu, dont copie du courriel fut transmis au Bénéficiaire, tel qu’il appert des courriels pièce R-1 précitée;

[4.6]       6. L’Administrateur a de plus consenti à payer les frais d’arbitrage déjà encouru, tel qu’il appert du courriel produit au soutien des présentes sous la cote R-2;

[4.7]       7. En date du 24 avril 2013, l’Administrateur a transmis la transaction au Bénéficiaire et à l’Entrepreneur, tel qu’il appert du courriel de l’Administrateur et de la transaction, respectivement produites sous les cotes R-3 et R-4;

[4.8]       8. Or, il appert que le Bénéficiaire refuse sans motif valable de signer la transaction intervenue, tel qu’il appert de l’échange de courriel entre le Bénéficiaire et l’Administrateur, produits au soutien des présentes sous la cote R-5;

[4.9]       9. Le seul motif invoqué par le Bénéficiaire pour refuser de signer l’entente est qu’il souhaite plus d’argent.

[5]       La Demande de l’Administrateur a été plaidée lors d’une conférence téléphonique tenue le 3 juin 2013 à laquelle toutes les parties ont participé, et dont les noms sont mentionnés sur la page titre de cette décision.

[6]       Le Bénéficiaire s’objecte à la demande de l’Administrateur : il refuse d’accepter qu’il y a eu transaction, considérant qu’il dit avoir ignoré que l’Entrepreneur et l’Administrateur avaient eu des discussions entre eux pour partager le paiement du montant de $5,000 qui devait lui être payé et que s’il l’avait su, il aurait exigé une somme supérieure.


 

FAITS - ÉCHANGES DE COURRIELS

[7]       Voici l’échange de courriels entre les parties (le soussigné a tronqué les adresses de courriel et a corrigé quelques coquilles - l’Entrepreneur est représenté par Martin Leclerc, l’Administrateur par Me Jean-Raymond Paradis).

[8]       1. Courriel de l’Entrepreneur au Bénéficiaire, 5 avril 2013 à 14 :15 - Offre de Règlement (R-1)

From: M.Leclerc@
To:
levisgagnon@
Subject: RE: TR: Arbitrage
Date: Fri, 5 Apr 2013 14:15:41 +0000

Bonjour M. Gagnon, je veux que vous preniez en considération les travaux que Pro-Fab a fait en façade, (installation du facia et soffite ou il y a de la brique) et qui est hors contrat.

Avec ça, je suis prêt à majorer mon offre à 4,500.00$.  Espérant que le tout sera vous satisfaire.  En attente d’une réponse […]

Martin Leclerc

[9]       2. Courriel du Bénéficiaire à l’Entrepreneur du 16 avril 2013 à 15 :05 - Contre-offre (R-1)

De : levis gagnon@
Envoyé : 16 avril 2013 15:05
À : Martin Leclerc@
Objet : RE: TR: Arbitrage

Bonjours M. Leclerc je viens d'arriver de […], je suis content de voir que vous voulez toujours regler hors cours, de mon cote aussi j'aimerais que tout cela prenne fin. Que penseriez vous de faire encore chacun notre bout de chemin avec une derniere offre de 5000.00 et reparer le coupe vent de la porte d'entrée que Gaston est censé venir reparer bientot ?  laissez moi une reponse le plus tot possible car je dois prendre contact avec Soreconi pour fixer une date, pour la cour maintenant que je connais mon horaire de travail, mes salutations les plus distingues M. Levis Gagnon.

[10]    3. Courriel de l’Entrepreneur au Bénéficiaire du 18 avril 2013 à 18 :14 - Acceptation par l’Entrepreneur de la contre-offre du Bénéficiaire en échange de la signature d’une quittance (R-1)

From: M.Leclerc@
To: levisgagnon@

Subject: RE: TR: Arbitrage
Date: Thu, 18 Apr 2013 18:14:19 +0000

Bonjour M. Gagnon,

La présente est pour vous aviser que Pro-Fab a accepté de vouloir régler hors cours pour le montant de 5,000.00$ et ce, toujours sur signature d’une quittance.

D’ailleurs celle-ci vous sera acheminée sous-peu.

Suite à la signature de la quittance, un chèque au montant de 5,000.00$ vous sera envoyé, et dans les jours qui suivront M. Gaston Thibodeau ira faire la réparation de votre porte de façade.

Espérant le tout à votre entière satisfaction  Veuillez agréer M. Gagnon mes salutations les plus sincères

Martin Leclerc

[11]    4. Courriel du Bénéficiaire à l’Entrepreneur confirmant que le Bénéficiaire est prêt à signer la quittance - malgré l’heure indiquée, 16 :40, la référence à M. Thibodeau démontre qu’il est postérieur au précédant (R-1) 

De : levis gagnon@
Envoyé : 18 avril 2013 16:40
À : Martin Leclerc@
Objet : RE: TR: Arbitrage

Bonjours M.Leclerc je suis disponible jusqu’au 3 mai pour signer la quittance et recevoir M.Thibeaudeau bonne fin de journee.

[12]    Par la suite, toutes les parties ont confirmé l’existence d’un règlement hors cour de l’arbitrage le 22 avril 2013.

[13]    5. Courriel de l’Entrepreneur du 22 avril 2013 à 15:55 au tribunal d’arbitrage soussigné confirmant le règlement hors cour (R-1)

de:

Martin Leclerc@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@

cc:

"Paradis, Jean-Raymond" <paradisjr@,
levis gagnon <levisgagnon@

date:

22 avril 2013 15:55

objet:

TR: TR: Arbitrage

Bonjour Me Gagné, il y a une entente de prise entre nous. M. Gagnon va peut-être vous le confirmer par écrit sur son prochain courriel. Bien à vous

Martin Leclerc

[14]    6. Courriel de l’Administrateur du 22 avril 2013 16:51 au tribunal d’arbitrage soussigné confirmant le règlement hors cour (R-2):

 

de:

Paradis, Jean-Raymond <paradisjr@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@,
Martin Leclerc <M.Leclerc@

cc:

levis gagnon <levisgagnon@

date:

22 avril 2013 16:51

objet:

RE: TR: Arbitrage

Cher confrère, Oui, nous assumerons les frais d’arbitrage.  Merci et bonne fin de journée.

Jean-Raymond Paradis

[15]    7. Courriel du Bénéficiaire du 22 avril 2013 19 :39 au tribunal d’arbitrage soussigné confirmant le règlement hors cour :

de:

levis gagnon <levisgagnon@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@

date:

22 avril 2013 19:39

objet:

RE: TR: Arbitrage

Bonjour M.Gagne oui il a une entente avec profab qui va ce signer cette semaine, il aura aucun frais a payer de ma part . merci et bonne journee

Levis Gagnon

[16]    8. Le Bénéficiaire reçoit alors le projet de transaction quittance - pièce R-4 à la présente Demande, qui est à l’effet que la somme de 5,000$ sera payée moitié - moitié, l’Entrepreneur 2,500$ et l’Administrateur 2,500$ (R-3)

 

[17]    9. Le 26 avril 2013, le Bénéficiaire informe l’Administrateur que les termes de la transaction quittance lui conviennent, tout en posant des questions

 

[18]    10. Le 27 avril 2013, l’Administrateur répond au Bénéficiaire :

 

[19]    11. Le 28 avril 2013, le Bénéficiaire pose une question à l’Administrateur

 

[20]    12. Le 30 avril 2013, l’Administrateur répond au Bénéficiaire (R-5)

[21]    13. Le 30 avril 2013, le Bénéficiaire répond à l’Administrateur (R-5)

[22]    14. Le 1er mai, le Bénéficiaire informe le tribunal d’arbitrage soussigné qu’il n’y a plus d’entente

de:

levis gagnon <levisgagnon@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@

date:

1 mai 2013 09:58

objet:

RE: TR: Arbitrage

 

il a plus d'entente avec profab, ils ont magouillé dans mon dos avec qualite habitation , il va falloir aller en cour comme prevu

[23]    15. En réponse au courriel du Bénéficiaire, l’Administrateur envoie le présent courriel à toutes les parties et au soussigné une demi-heure plus tard :

de:

Paradis, Jean-Raymond <paradisjr@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@
Martin Leclerc <m.leclerc@
levis gagnon <levisgagnon@

date:

1 mai 2013 10:26

objet:

RE: TR: Arbitrage

Cher confrère, Cher M. Leclerc, M. Gagnon,

Qualité Habitation entend plutôt demander d’Homologuer l’entente intervenue : cela peut quant à nous se faire par conférence téléphonique car il s’agit d’une question de droit et de prendre connaissance des courriels échangés entre les parties. Il n’est donc pas utile, pour cet aspect du dossier, que les parties se déplacent.

Essentiellement, M. Gagnon refuse de signer l’entente, malgré une confirmation par courriel qu’il acceptait de régler.

Je souhaite vous transmettre, ainsi qu’aux autres parties, par écrit et en détail les prétentions de Qualité Habitation, et ensuite une conférence téléphonique sur la question pourra être tenue.

SVP, m’indiquer si cela vous convient de procéder de la sorte ainsi que de m’indiquer les délais que vous nous accordez.

Nous vous remercions de votre collaboration habituelle

[24]    16. En réponse au courriel de l’Administrateur, le Bénéficiaire envoie le 2 mai le présent courriel :

de:

levis gagnon <[…]

à:

"Paradis, Jean-Raymond" <[…]

"rolandyvesgagne[…]"

date:

2 mai 2013 16:38

objet:

RE: TR: Arbitrage

 

M. Roland lisez la partie que profab s'engage a payer en entier la somme de 5000 dollar, dans un courriel M.Paradis nie tout ca en disant que jamais profab a voulu payer cette somme ? , donc c’est eux qui ont agit de sorte a arreter l'entente avec leur facon de toujours vouloir léser leur client , je peux vous envoyer ce courriel avec plaisir, L.Gagnon .

 

DÉCISION

[25]    Pour faire droit ou non à la Demande de l’Administrateur, le Tribunal a dû répondre aux cinq questions suivantes -

- Y a-t-il eu transaction au sens du Code civil?

- Cette transaction est-elle conforme au Règlement?

- La cause alléguée par le Bénéficiaire est-il une cause rendant nulle la transaction conclue?

- La pièce R-4 (projet de quittance) est-elle conforme à la transaction conclue entre les parties et au Règlement?

- Le refus du Bénéficiaire de signer une quittance est-il une cause rendant nulle la transaction?

 

Y a-t-il eu transaction au sens du Code civil?

[26]    Le Tribunal constate qu’il est bel et bien en présence d’une transaction conclue entre les parties au sens de l’article 2631 du Code Civil :

2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

Elle est indivisible quant à son objet.

 

2633. La transaction a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée.

 

[27]    Il n'est pas suffisant qu'il y ait accord de volontés pour caractériser une transaction. Cet acte doit également satisfaire à d’autres dispositions, particulièrement celles du Code civil du Québec et du Règlement, et que cette transaction se fasse au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

1er nécessité de concessions réciproques.  Contrairement à l’article 1918 C.c.B.c. qui permet de faire une transaction où les concessions ne sont pas nécessairement réciproques, l’article 2631 édicte que les concessions ou les réserves doivent être réciproques […] Dorénavant, la réciprocité des concessions est, aussi, en droit québécois, de l’essence de la transaction.[1]

[28]    Dans l’affaire Lixo Investments Ltd. c. Acmon inc.[2], la Cour supérieure écrit :

 [90] Le législateur n’exige, en principe, aucune forme particulière comme condition nécessaire à la formation d’une transaction1. LEMAY, Sylvie, Commentaire sur l’article 2631 C.c.Q dans Commentaires sur le Code civil du Québec

(DCQ), Novembre 2004, pages 3 et ss.

 

[91] Ainsi, la même doctrine enseigne qu’une transaction peut être constatée par l’échange de correspondance entre les parties ou entre leurs procureurs :

 

« […] Elle pourrait ainsi être constatée par un simple échange de correspondance entre les parties ou entre leurs procureurs. Le contrat pourrait s’insérer du comportement des parties ou être verbal, sous réserve des règles de preuve et dans la mesure où tous les éléments essentiels à une transaction sont réglés (au sujet des règles de preuve, voir notamment l’art. 2862 C.c.Q.). Parmi ces éléments, on trouve les concessions ou les réserves réciproques des parties[…] »

 

[92] L’entente entre les parties doit comporter trois éléments constitutifs afin d’être qualifiée de transaction :

a) Avoir comme objectif de mettre fin à un procès;

b) Accorder des concessions ou des réserves réciproques;

c) Arriver à un consensus sur les éléments que les parties considèrent comme étant essentiels dans le cadre de la transaction. [..]

 

[94] Le consentement des parties ainsi que l’échange de leurs volontés quant aux éléments essentiels de l’entente cristallisent la transaction.

 

[29]    Le Bénéficiaire affirme qu’il avait fait une entente avec une seule autre partie, soit l’Entrepreneur, et non, avec une troisième partie, l’Administrateur. Le Bénéficiaire admet toutefois qu’à son esprit, il avait compris que l’entente mettait fin au litige qui était devant la cour (le litige allait arrêter à la cour), alors même que, dans les faits, le conflit devant la cour impliquait aussi l’Administrateur et l’entente entraînait aussi le fait que ce dernier n’avait plus à aller à la Cour.

[30]    Le nom de l’Administrateur apparaît clairement à la page couverture de la décision intérimaire rendue dans ce dossier et le procureur de l’Administrateur a participé à la conférence téléphonique préparatoire - le Bénéficiaire était donc au courant que l’Administrateur était une des parties à la cour.

[31]    Quant au contenu de la quittance à signer à laquelle l’Entrepreneur et le Bénéficiaire ont fait référence dans leurs échanges de courriels,

[31.1]     pour l’Entrepreneur, l’entente réglait l’ensemble des points dans la réclamation du Bénéficiaire (pour toutes les réparations qu’il avait demandées), et

[31.2]     pour le Bénéficiaire, l’entente signifiait qu’il n’aurait pas à aller à la Cour et que l’assurance continuait sa couverture pour le reste (à part les réparations déjà demandées) -

le Tribunal en vient donc à la conclusion que l’Entrepreneur et le Bénéficiaire avaient la même intention quant au contenu de la quittance.

[32]    Toutes les parties ont fait des concessions pour terminer le procès, le Bénéficiaire a dit qu’il voulait $7,500 et qu’il est descendu à $5,000, l’Entrepreneur (avec l’Administrateur) avait offert $4,500 pour monter à $5,000, et l’Administrateur accepte de couvrir les frais d’arbitrage, chaque partie faisant des concessions mutuelles pour en arriver à une transaction.

[33]    Conclusion : le Tribunal conclut qu’il y a eu une transaction entre les parties au sens de l’article 2631 du Code Civil à l’effet que toute réclamation passée et présente, incluant la réclamation du Bénéficiaire qui a donné lieu à la décision de l’arbitrage, est réglée au montant de $5,000 et par la réparation bientôt du coupe-vent à la porte d’entrée.

 

La transaction est-elle aussi conforme au Règlement?

[34]    Le Tribunal conclut que la transaction conclue est conforme à l’article 140 du Règlement.

[35]    L’article 140 du Règlement se lit ainsi :

140.  Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement.

[36]    Dans un litige sous le présent Règlement dans l’affaire Gourgue et 9123-7750 Québec inc. (Développements Petite Italie)[3], l’arbitre déclare valide la clause qui se lit ainsi;

 MISCELLANEOUS

The Vendor hereby freely and without any obligation compensates the Purchaser the amount of 1 000.00$ for any and all expenses the Purchaser has incurred for any problems, inconveniences and/or delays of delivery of the above mentioned condo unit, the purchaser acknowledged having received, whereof TOTAL QUIT. 1 000.00$

The parties accept the above mentioned adjustments and give each other a quittance. Furthermore the parties declare to have taken communication of the relevant documents and/or the verbal and/or written information which have been served to the preparation of the said adjustments; if any other adjustments are required, they will be made between and by the parties at the same date.

9123-7750 Quebec inc. Purchaser »

[4] Les Bénéficiaires admettent avoir pris connaissance du document signé le novembre 2006. Ils invoquent les circonstances ayant donné lieu à la signature de ce document à savoir, on leur a dit que la prise de possession de leur condo était conditionnelle à ce qu’ils signent ce document.

[5] Examinons les effets juridiques de ce document.

Les effets juridiques du document signé le 23 novembre 2008

[6] Le document signé le 23 novembre 2006 mentionne que les Bénéficiaires renoncent à réclamer la totalité des frais encourus en raison du retard de l’Entrepreneur à leur livrer leur condo dans le temps imparti.

[7] De son côté, l’Entrepreneur convient de verser aux Bénéficiaires la somme de $1 000, en compensation des dommages subis par ceux-ci à cause de la non livraison de l’immeuble.

[8] Ainsi, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur font des concessions réciproques. Il s’agit d’une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec. Cette transaction fait autorité entre les deux parties et envers l’Administrateur, à titre de caution. (nos soulignés)

[37]    Dans l’affaire Michel Dufresne et Ligne Lefebvre et le Groupe Trigone Construction Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ[4], l’arbitre rejette la réclamation des bénéficiaires quant aux dommages causés par le retard de livraison car

[37.1]    il y avait eu des négociations entre l’Entrepreneur et les Bénéficiaires avant la signature du contrat de vente chez le notaire quant à la clause de quittance mutuelle, et

[37.2]    les bénéficiaires avaient accepté et signé un document d’ajustements au prix d’achat de leur propriété, sur lequel un rabais de 879$ avait notamment été consenti pour « compensation finale sur délai de livraison » (paragraphe 53).


 

[38]    Voici les points soumis à l’arbitrage qui n’ont pas été plaidés au fond -

[38.1]    Point 5 - Isolation Thermique aux deux chambres - le Bénéficiaire, qui avait déclaré son dossier complet, n’a produit au dossier aucun document ou rapport d’expert repoussant l’expertise faite par l’Administrateur à l’effet qu’il n’y avait aucune perte de température;

[38.2]    Point 7 - Rack à vin non installé de manière adéquate (rejeté par l’Administrateur vu les modifications faites par le Bénéficiaire);

[38.3]    Point 8 - Mur de laveuse-sécheuse qui ne respecte pas les plans en n’étant pas en ligne avec le mur transversal et dont les cadres de porte ne sont pas conformes - rejeté par l’Administrateur car le tirage des joints est exclu du contrat et que le tirage des joints a été exécuté par le Bénéficiaire;

[38.4]    Point 9 : Demande de remboursement - correctifs faits par le Bénéficiaire - mais le Bénéficiaire n’a produit aucune facture malgré l’ordonnance à cet effet;

[38.5]    Point 10 : Demande de remboursement - frais de grue - mais le Bénéficiaire n’a produit aucune facture malgré l’ordonnance à cet effet;

[38.6]    Point 11 : Demande de remboursement - frais de loyer - mais le Bénéficiaire n’a produit aucune facture malgré l’ordonnance à cet effet;

[38.7]    Point 12 : Demande de remboursement - frais d’avocat - mais le Bénéficiaire n’a produit aucune facture malgré l’ordonnance à cet effet.

[39]    Dans la décision interlocutoire du 11 février 2013, le Tribunal spécifiait au paragraphe [3] :

[39.1]     [3.1] Le Tribunal a rappelé aux parties, entre autres,

[39.1.1]         [3.1.1] que seul un témoin reconnu comme expert par le Tribunal peut donner son opinion lors de l’audition;

[39.1.2]         [3.1.2] que pour donner son opinion, le témoin expert doit avoir donné son opinion écrite (ou rapport d’expert) à tous avant l’audition, dans un délai suffisant pour que les autres parties puissent y répondre si elles le désirent;

[39.1.3]         [3.1.3] que toutes les pièces que l’on veut porter à la connaissance du Tribunal doivent avoir été remises à tous avant l’audition, pour éviter qu’une autre partie dise qu’elle est prise par surprise et demande une remise.

[40]    Lors de la Conférence du 27 février 2013, et cela fait partie de la décision intérimaire du même jour (paragraphes 4 et 4.1), le Tribunal a demandé aux parties si elles avaient d’autres documents à être considérés par le Tribunal lors de l’audience, étant entendu qu’aucun autre document ne pouvait être produit en cas de réponse négative :

[40.1]     [4.1] le Bénéficiaire a déclaré son dossier complet et qu’il serait son seul témoin.

[41]    Dans sa décision intérimaire du 27 février 2013, le soussigné écrit (paragraphe [5]) :

Le Tribunal constate au moment de rédiger la présente qu’il n’a pas en sa possession les factures dont le Bénéficiaire demande le remboursement aux points 9, 10, 11 et 12 de la décision de l’Administrateur du 28 novembre 2012.

[42]    Dans le but de protéger les droits des parties malgré l’affirmation du Bénéficiaire que son dossier était complet alors même qu’il demandait le remboursement de factures qui n’étaient pas au dossier, le Tribunal a signé l’ordonnance suivante (paragraphe 7.4) :

[42.1]     [7.4] ORDONNE au Bénéficiaire de faire parvenir au Tribunal soussigné et aux autres parties, toutes les factures pour lesquels il demande le remboursement, l’envoi par courriel (copie scannée) étant permise, au plus tard, le mardi 12 mars 2013 à 16 :00, à défaut de quoi, il sera forclos de le faire;

[43]    Dans un courriel du soussigné envoyé à toutes les parties le 6 mars 2013, le Tribunal d’arbitrage réitère sa demande :

Date: Wed, 6 Mar 2013 14:36:53 -0500
Subject: 28 mai 2013?
Lévis Gagnon c. Pro-Fab et Garantie Qualité Habitation 121512001
From: rolandyvesgagne@
To: levisgagnon@;paradisjr@;m.leclerc@

[…] Nous rappelons à Monsieur Gagnon qu'il doit envoyer au plus tard mardi prochain le 12 mars 2013, copie de toutes les factures pour lesquelles il demande le remboursement, à notre attention, avec copies aux autres parties.

[44]    Dans courriel du soussigné envoyé à toutes les parties le 7 mars 2013, le Tribunal d’arbitrage réitère encore une fois sa demande :

De : R.-Yves Gagné

Envoyé : 7 mars 2013 08:26
À : Martin Leclerc; Paradis, Jean-Raymond
Cc : levis gagnon
Objet : Fwd: 28 mai 2013? Lévis Gagnon c. Pro-Fab et Garantie Qualité Habitation 121512001

 […] Pour répondre à la question de Monsieur Gagnon, puisque vous demandez le remboursement de factures, il est essentiel que vous les envoyiez au soussigné, avec copie aux autres parties, dans le délai fixé dans notre dernière ordonnance.

 

[45]    Malgré l’ordonnance du 27 février, malgré les demandes du 6 mars et du 7 mars 2013, le Bénéficiaire refuse de produire les factures dont il demande le remboursement par courriel du 7 mars en réponse à celui du soussigné :

de:

levis gagnon <levisgagnon@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@

date:

7 mars 2013 09:15

objet:

RE: 28 mai 2013? Lévis Gagnon c. Pro-Fab et Garantie Qualité Habitation

 

Pour ce qui est des factures c’est tres simple j'ai fait un cheque de 168 mille dollars a profab (voila la facture qui est pas respectée a ce jour depuis un an et demi ?) pour recevoir une maison conforme c’est a dire avec aucun degat d'eau , installer avec des guide raill , des strutures conformes au plan et devis , etc ..... alors facile de regler ce conflit messemble ?D

[46]    Dans l’affaire Sandra Dubois Monette c. Construction LMA (6109315 Canada Inc.) et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (2 octobre 2009, Me Jean Morissette, arbitre), l’arbitre résume ainsi le droit applicable, après que les avocats de chaque partie, soit l’Administrateur, l’Entrepreneur et la Bénéficiaire, ont plaidé par écrit:

[52] Il est ainsi prévu que la personne bénéficiaire du plan de garantie est protégée puisque placée en situation d’infériorité vis-à-vis l’Entrepreneur qui devait lui livrer une maison lui servant, comme c’est le cas sous étude, de domicile familial. […]

[54] En d’autres termes, pour que la renonciation soit valide, je devrais être convaincu, selon la balance des probabilités, que la bénéficiaire était, lors de la signature de la pièce E-3, en position de se rendre compte de ses droits concrètement et de faire un choix éclairé entre la protection que lui accorde le règlement et les avantages de la renonciation, c'est-à-dire entre l’indemnité qu’elle pourrait obtenir et le montant de la transaction ou avantage transigé.

[47]    Le Tribunal conclut qu’en avril 2013, le Bénéficiaire savait quelles étaient les avantages et les désavantages de régler le dossier hors cour en concluant une transaction, et que la transaction conclue, vu les faits au dossier et l’objet des réclamations, est conforme à l’article 140 du Règlement.

 

La cause alléguée par le Bénéficiaire est-il une cause rendant nulle de la transaction conclue?

[48]    Le Bénéficiaire et l’Entrepreneur n’étant pas représentés par procureur, par soucis et devoir d’équité entre les parties, le Tribunal soussigné a entrepris une recherche en droit pour répondre à cette question. Il est du rôle du Tribunal, d'apporter à chacun une aide équitable et impartiale de façon à faire apparaître le droit.

[49]    Le Bénéficiaire allègue que le Tribunal soussigné ne doit pas entériner la transaction car elle est nulle - il ne savait pas que l’Entrepreneur ne payait que $2,500 et que l’Administrateur allait payer $2,500. 

[50]    Après avoir décidé qu’une transaction a été conclue, le Tribunal doit donc décider s’il y a lieu de constater que cette transaction est annulable en droit vu l’erreur alléguée, puis de refuser d’en prendre acte et de continuer l’arbitrage sur les différends entre le Bénéficiaire et l’Administrateur dont il était saisi à l’origine de ce dossier. 

[51]    Le soussigné n’a trouvé aucun jugement en faveur de la position du Bénéficiaire. L’état du droit actuel connu du soussigné amène le Tribunal d’arbitrage à répondre par la négative à la question qu’il s’est posée - vu les faits au dossier, le Bénéficiaire ne peut obtenir d’un tribunal que la transaction soit considérée nulle ou soit annulée parce qu’il ignorait que l’Administrateur paierait une partie de la somme offerte et acceptée, soit $5000.00.

[52]    L’Entrepreneur et l’Administrateur n’ont représenté aucune autre réalité que ce que les échanges de courriels contenaient et que le Bénéficiaire a accepté.

[53]    L’Administrateur dit que le Plan de Garantie (Qualité Habitation) ne peut pas faire de chèque à un Entrepreneur, que pour cette raison il a informé le Bénéficiaire du chèque au montant de $2,500 venant directement de lui, et que si il avait eu le droit de faire ce chèque à l’Entrepreneur, le Bénéficiaire ne l’aurait jamais su et il n’y aurait pas eu de demande d’entériner quoique ce soit.

[54]    L’Administrateur ajoute que l’Entrepreneur n’aurait jamais payé $5,000 pour régler, que l’Administrateur a été prêt à en payer la moitié pour acheter la paix - la considération de la transaction est le versement de $5,000, quel que soit la source de ce paiement.

[55]    Si le Bénéficiaire, après avoir accepté, considère qu’il a fait une erreur économique et qu’il méritait plus d’argent, il doit se rappeler qu’en droit québécois, seuls les mineurs ont le droit de demander l’annulation d’un contrat parce qu’ils ont mal compris les conséquences économiques de leurs actes. 

[56]    Accessoirement, le Tribunal a aussi considéré si la transaction respectait, pour sa considération financière, l’article 140 du Règlement (voir ci-haut, paragraphes à de cette décision).

[57]    Le Tribunal rappelle l’enseignement donné dans l’affaire Roy c. Roy[5], où la Cour écrit :

[98] Ainsi, à ce stade, se pose la question : malgré l'aptitude des défendeurs, le caractère succinct du document qui leur était présenté, et malgré que le demandeur ne leur a pas représenté une autre réalité que ce que le document contenait, les défendeurs peuvent-ils tout de même obtenir l'annulation de leur obligation ?

 

[99] Le passage précité, tiré du Traité des obligations de Baudouin, Jobin et Vézina, montre bien que dans le cas où il y a eu réticence ou silence dans les informations précontractuelles, les tribunaux et les auteurs préconisent davantage l'utilisation de la notion de bonne foi. La raison en est bien simple.

 

[100] L'étude de la notion de la « volonté » fait réaliser la fragilité de cette dernière et le danger de l'appliquer sans discernement dans certains cas.

 

[101] Le conflit entre la volonté interne et la volonté externe est bien documenté.

 

[102] Le problème de la volonté, comme critère, repose sur sa qualité. Pour que la volonté soit « parfaite », il faudrait que les deux volontés qui se rencontrent soient, à toutes fins pratiques, identiques.

 

[103] Or, la coïncidence parfaite et quasi mathématique de deux intentions ou volontés est une impossibilité naturelle qui apparaît évidente.

 

[104] Il semble donc que ce qui intéresse le droit est la volonté juridique, c'est-à-dire ce que les parties ont déclaré vouloir.

 

[105] Dès lors, la force obligatoire du contrat s'impose bien plus par son rôle d'utilité.

 

[106] Qu'arrive-t-il quand la volonté exprimée par une personne ne correspond en rien à ce qu'elle désirait auparavant, ni à ce qu'elle a réalisé comme étant désavantageux dans les moments qui ont suivi ? Autrement dit, l'idée exprimée pendant un moment l'obligera-t-elle indéfiniment ?

 

[107] Certes, généralement, la personne qui bénéficie de l'avantage souscrit par son cocontractant a droit au maintien de la convention. Sinon, le droit serait source d'incertitude, les contractants ne sachant pas à quoi s'attendre.

 

[108] Il faut cependant regarder le contexte et les circonstances ayant entouré la transaction :

« Aucun droit, aucune liberté ne peut échapper au contrôle de l'abus de droit : il n'y a plus de droit absolu désormais.

On observe cependant que la Cour d'appel et les tribunaux de première instance, par souci de stabilité contractuelle notamment, ont tendance à sanctionner, non pas tout comportement imprudent ou discutable du créancier, mais plutôt ses faits et gestes qui s'écartent clairement des normes de comportement acceptables ou généralement admises par la société. » 10 BAUDOUIN, JOBIN et VÉZINA, op. cit., paragraphe 124

 

[58]    La cause à la base de la demande du Bénéficiaire de ne pas considérer comme valide, la transaction, était inconnue de l’Entrepreneur et de l’Administrateur.  Ces derniers n’ont fait aucune représentation pour induire le Bénéficiaire en erreur.  De plus, il n’est pas contraire à la bonne foi pour un assuré ou un cautionné de discuter avec son assureur ou sa caution dans le cadre du règlement d’un litige, surtout si ce dernier est aussi partie à l’action. 

[59]    Comme le rappelle la Cour d’appel dans Kielo c. Veketeris ([1975] C.A. 856).

Les transactions ne sont soumises à aucune forme ou procédure spéciale.

La transaction ne peut être rescindée pour erreur, mais elle peut être annulée pour les mêmes causes que les contrats en général. En l’espèce aucune de ces causes n’ayant été prouvée par l’appelant, la Cour déclare que la transaction est valide.

 

[60]    Dans l’affaire Truchon c. Poitras[6], le juge écrit :

[59] Cependant, dans l’arrêt Martineau (Martineau et al. c. Grace 2001 RJQ 2414 ) la Cour d’appel du Québec a statué que même inéquitable ou lésionnaire «a posteriori» une transaction ne pouvait faire l’objet d’annulation de ce fait.


[…] Mais, comme je le signalerai plus loin, cet abus de la part de Martineau n'est pas une cause d'annulation de la transaction. À tous les jours des créanciers acceptent moins que ce qui leur est dû pour éviter des procédures judiciaires. Après avoir reçu partiellement ce à quoi ils croient avoir droit, ces créanciers ne peuvent plus, à loisir et à leur aise, faire fi de la transaction et poursuivre leurs débiteurs pour obtenir le solde de ce qu'ils croyaient leur être dû. Et un tribunal ne peut annuler une transaction au motif qu'a posteriori, on peut dire qu'en la faisant une partie a été lésée.2 id par [96]

 

[60] En outre, il est établi de longue date que l’erreur d’appréciation économique et la lésion qui en résulte, ne sont pas admises dans notre système de droit.3 Beaurivage & Méthot Inc. c. Corp de l’hôpital de St-Sacrement 1986 RJQ 1729, 1734 (CA) Par conséquent, même si madame Truchon avait commis une erreur substantielle dans l’appréciation de son droit de réclamation, au moment de la conclusion de la transaction, cela ne saurait lui servir de motif en vue d’obtenir une compensation additionnelle de la part du défendeur.

 

[61]    La Cour d’appel écrit dans Cayer c. Martel[7] :

Une erreur déterminante du consentement n’est pas, en effet, pour autant une erreur sur la considération principale de l’engagement. Non seulement faut-il, en droit, qu’elle ait poussé la personne à contracter, mais encore qu’elle appartienne à l’une des catégories que la loi reconnaisse comme donnant ouverture au recours en  annulation.

 

[62]    Le Tribunal conclut qu’il y a absence de base juridique valable à la prétention du Bénéficiaire qu’il y a lieu de ne pas prendre acte de la présence d’une transaction valable en droit.

 

La pièce R-4 est-elle conforme à la transaction conclue et au Règlement?

[63]    L’Administrateur demande au Tribunal d’entériner un projet de transaction produit en R-4.

[64]    Le Tribunal considère que la pièce R-4 qu’on lui demande d’entériner est contraire, et à la transaction, et à l’article 140 Règlement d’une part, et, d’autre part, qu’il n’a pas le pouvoir de changer unilatéralement les termes de la transaction conclue entre les parties en entérinant le contenu de la pièce R-4.  Il ne peut donc pas accepter la demande de l’Administrateur à cet égard.

[65]    Lors de l’audience, l’Administrateur a ajouté verbalement une conclusion subsidiaire à sa Demande, i.e., à défaut de ne pas entériner le contenu de la pièce R-4, la possibilité d’entériner une transaction existante qui ne soit pas le texte de la pièce R-4.


 

[66]    L’échange de courriels montre les termes de la transaction :

De : levis gagnon@
Envoyé : 16 avril 2013 15:05
À : Martin Leclerc@
Objet : RE: TR: Arbitrage

5000.00 et reparer le coupe vent de la porte d'entrer que Gaston est censé venir reparer bientot ?.

From: M.Leclerc@
To: levisgagnon@

Subject: RE: TR: Arbitrage
Date: Thu, 18 Apr 2013 18:14:19 +0000

5,000.00$ et ce, toujours sur signature d’une quittance.

Suite à la signature de la quittance, un chèque au montant de 5,000.00$ vous sera envoyé, et dans les jours qui suivront M. Gaston Thibodeau ira faire la réparation de votre porte de façade.

de:

Paradis, Jean-Raymond <paradisjr@

à:

"R.-Yves Gagné" <rolandyvesgagne@,
Martin Leclerc <M.Leclerc@

cc:

levis gagnon <levisgagnon@

date:

22 avril 2013 16:51

objet:

RE: TR: Arbitrage

nous assumerons les frais d’arbitrage.

[67]    Les termes mentionnés à la pièce R-4 sont différents de la transaction pour au moins deux points.

[68]    Les parties ont conclu que la réparation du coupe-vent aura lieu bientôt ou dans les jours qui suivront - il est mentionné spécifiquement dans le texte (R-4) que la réparation du coupe-vent, qui aurait d’ailleurs dû faire partie des « Attendu que », aura lieu dans les 60 jours.

[69]    Même si ce débat n’a pas eu lieu, l’Administrateur aurait pu alléguer que le délai limite visait à protéger toutes les parties, considérant que le Bénéficiaire travaille souvent hors de chez lui. Toutefois, le point suivant est plus sérieux.

[70]    Surtout, ce projet de quittance demande au bénéficiaire, qui refuse de signer ce document, de renoncer à toute réclamation future découlant du contrat susmentionné ce qui est contraire d’une part à la transaction et, d’autre part, à l’article 140 du Règlement (cité ci-haut au paragraphe [35])


Le bénéficiaire donne quittance complète et finale en faveur de l’entrepreneur et l’administrateur pour toute réclamation passée, présente et ou future découlant du contrat susmentionné et des plaintes du 12 septembre 2011, 9 juillet 2012 et 17 octobre 2012 quant à la propriété sise au […], à Val D’Or. (nos soulignés - caractères gras déjà dans le texte)

[71]    C’était donc à bon droit que le Bénéficiaire n’a pas signé cette quittance produite en R-4, que le Tribunal considère comme n’étant pas conforme à la transaction conclue.

 

Le refus du Bénéficiaire de signer une quittance est-il une cause rendant nulle la transaction?

[72]    Dans cette affaire, l’Entrepreneur, puis l’Administrateur, ont demandé au Bénéficiaire de signer une quittance et ce dernier a refusé. En droit, ce refus n’est pas une cause rendant non existante une transaction qui, d’après les termes de l’article 2631 du Code Civil, a force de chose jugée.

[73]    Dans l’affaire Claude Huot c. Services Financiers Gilles Ducharme Inc. [8] la Cour supérieure écrit :

[40] Faut-il le rappeler, la transaction est un contrat et est en conséquence formée dès l’accord des parties et non par un écrit qui ne viendra jamais.

 

[41] Monsieur le juge Claude Benoît, dans Luger c. Empire (L’), compagnie d’assurance-vie (J.E. 91-636 , (C.S.), p. 14) nous rappelle :

 

Mais le demandeur plaide qu’il n’y a pas eu de transaction parce qu’il n’a pas signé la quittance. Ici, le demandeur se permet de confondre la formation de la transaction avec l’écrit le constatant et de confondre la formation du contrat avec son exécution. Il voudrait traiter la transaction comme un contrat formel.

Il savait fort bien que la transaction était formée par l’accord des parties et que le consentement verbal des parties suffit. Une partie qui l’ignorerait commettrait une erreur de droit qui ne serait pas une cause de nullité de la transaction (art. 1921 C.c.).

 

[74]     Dans l’affaire Lecompte et Girard c. Condominiums La Bourgade B & Als[9], la Cour supérieure, avant de conclure qu’il y a eu transaction entre les parties, écrit :

[175] Le fait que Jean Lecompte ait refusé, le 16 juin, de signer les documents donnant suite à la transaction n'affecte en rien la validité de cette dernière.

[75]     L’arrêt récent de la Cour d’appel Betanzos c. Premium Sound’s picture[10] illustre ce propos :

[14] En effet, la transaction est, par nature, un contrat qui a un caractère déclaratif et non synallagmatique. Cela implique que les obligations et droits d’une partie ne sont pas corrélatifs à ceux de l’autre partie et, par conséquent, ne peuvent faire l’objet d’une résolution en raison de l’inexécution des obligations.

 

[76]    Finalement, la Cour supérieure abondait dans le même sens dans l’affaire Huot c. Services financiers Gilles Ducharme inc[11] :

[70] La transaction, rappelons-le, n’est pas un contrat ordinaire en ce sens qu’elle s’apparente à un jugement. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à monsieur le juge A. Soumis dans A.Y. Pronovost Ltée c. Extremont Ltée ([1987] R.J.Q., p. 941):

[…] Il est enfin incontestable, la transaction a pour effet d’obliger les parties contractantes à respecter les droits qu’elles ont reconnus et à accomplir les prestations auxquelles elles se sont engagées. Elle lie les parties. D’autre part, dans la transaction, une partie n’étant pas sensée tenir de l’autre les droits que la transaction lui reconnaît puisque celle-ci est déclarative et non translative de droit, la transaction n’est pas, en règle générale, susceptible de résolution pour l’inexécution de ses clauses par l’une des parties (….) Il semble bien qu’il ne peut y avoir résolution, car en assimilant la transaction en jugement, le code a voulu lui donner la même stabilité qu’aux décisions judiciaires, et comme on ne peut pas faire revivre les difficultés que le jugement a terminées, bien que l’une des parties ne l’exécute point, il faut en dire autant de la transaction.  (nos soulignés)

 

[77]     La transaction reste donc valide, même si le Bénéficiaire a refusé de signer la pièce R-4 ou toute autre projet de quittance.

 

CONCLUSION

[78]    Les parties et le soussigné sont en présence d’une transaction conclue entre les parties dans ce dossier sur tous les points soumis à l’arbitrage, et sont devant l’absence de base juridique qui puisse permettre au Bénéficiaire de demander  valablement de constater la nullité de la transaction et de refuser d’entériner la transaction. 

[79]    Cette transaction a l’effet de chose jugée, les parties ayant décidé entre elles du jugement à intervenir, ce qui clôt le dossier d’arbitrage, vu que le dernier différend entre le Bénéficiaire et l’Administrateur, soit la signature de la pièce R-4, est tranché par la présente décision.

 

FRAIS

[80]    En vertu de la transaction, les frais sont à la charge de l’Administrateur.  Quant aux frais de la demande d’entériner la transaction, considérant que le Bénéficiaire était bien fondé à ne pas signer la transaction produite en R-4, le Bénéficiaire ayant eu partiellement gain de cause sur ce point, l’Administrateur assumera tous les frais de l’arbitrage en vertu de l’article 123 du Règlement.

 

 

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL

[81]    ACCUEILLE en partie la Demande amendée de l’Administrateur pour entériner une transaction;

[82]    PREND ACTE de, ET ENTÉRINE, la transaction intervenue en avril 2013 entre les parties à l’effet que toutes les réclamations passées et présentes du Bénéficiaire à l’encontre de l’Entrepreneur et l’Administrateur sont réglées par un paiement d’un montant de $5,000 au Bénéficiaire et par la réparation bientôt du coupe-vent de la porte d’entrée de la maison du Bénéficiaire et ORDONNE aux parties de s’y conformer;

[83]    CONFIRME que le montant de $5,000 mentionné à la transaction peut provenir de toute proportion convenue entre l’Entrepreneur et l’Administrateur sans l’intervention ou l’accord du Bénéficiaire;

[84]    RÉITÈRE les dispositions de l’article 2633 du Code civil à l’effet que la transaction intervenue a l’autorité de la chose jugée entre les parties;

[85]    CONSTATE qu’il n’y a plus de différend entre les parties qui soit soumis à l’arbitrage et DÉCLARE que ce dossier d’arbitrage est donc terminé et fermé par les présentes;

[86]    CONDAMNE l’Administrateur à payer tous les frais d’arbitrage dans le présent dossier.

 

                                                                        Montréal, le 17 juin 2013

 

 

__________________________

Me ROLAND-YVES GAGNÉ

Arbitre / SORECONI


Jurisprudence citée :

 

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle, et René Blanchet mise en cause (AZ-50285725 du 15 décembre 2004).  

 

Lixo Investments Ltd. c. Acmon inc. 2011 QCCS 1024 (20 janvier 2011, hon. Pierre Journet j.c.s.).

 

Gourgue et 9123-7750 Québec inc. (Développements Petite Italie), Me Bernard Lefebvre, arbitre, Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM), PG 2008-08, 2008-12-018 et A-20171/U-501673, 2008-11-12.

 

Michel Dufresne et Ligne Lefebvre et le Groupe Trigone Construction Inc. et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, 2004 CALII 58597(12 Avril 2004, QC OAGBRN).

 

Sandra Dubois Monette c. Construction LMA (6109315 Canada Inc.) et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc. (2 octobre 2009, Me Jean Morissette, arbitre).

 

Compagnie Royal Trust Banque fédérale de développement c. Garcia Transport Ltée et al (1992) 2 R.C.S.

 

Roy c. Roy, 2010 QCCQ 2453 (19 février 2010, Hon. Georges Massol, j.c.q.).

 

Lecompte et Girard c. Condominiums La Bourgade B & Als, 2011 QCCS 1735 (22 mars 2011, hon. François Huot j.c.s.).

 

Kielo c. Veketeris : [1975] C.A.  856.

 

Truchon c. Poitras (16 mai 2005, hon. J. Roger Banford, j.c.s.) AZ-50315322.

 

Martineau et al. c. Grace 2001 RJQ 2414  (CA).

 

Beaurivage & Méthot Inc. c. Corp de l’hôpital de St-Sacrement 1986 RJQ 1729, 1734 (CA).

 

Cayer c. Martel  J.E. 95-2071, (C.A.) p. 4 de 7 et ss.

 

Luger c. Empire (L’), compagnie d’assurance-vie (J.E. 91-636 , (C.S.), p. 14).

 

Betanzos c. Premium Sound’s picture 2007 QCCA 1629.

 

Claude Huot c. Services Financiers Gilles Ducharme inc. (2 juillet 2004, Hon. Maurice Laramée, j.c.s.) AZ-50260472

 

A.Y. Pronovost Ltée c. Extremont Ltée [1987] R.J.Q., p. 941.

 



[1] John E.C. Brierley, « Chapitre XVII De la transaction Articles 2631-2637 », dans La réforme du Code Civil,  Obligations, contrats nommés, Le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1993, p. 1064 et 1065.

[2] 2011 QCCS 1024, 20 janvier 2011, Pierre Journet j.c.s.

[3] Me Bernard Lefebvre, arbitre, Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM), PG 2008-08, 2008-12-018 et A-20171/U-501673, 2008-11-12.

[4] 12 avril 2004, 2004 CALII 58597 (QC OAGBRN).

[5] 2010 QCCQ 2453 (19 février 2010, Hon. Georges Massol, j.c.q.).

[6] 16 mai 2005, hon. J. Roger Banford, j.c.s. AZ-50315322.

[7] J.E. 95-2071, (C.A.) p. 4 de 7 et ss

[8] (2 juillet 2004, Hon. Maurice Laramée, j.c.s.) AZ-50260472.

[9] 22 mars 2011, hon. François Huot j.c.s., 2011 QCCS 1735.

[10] 2007 QCCA 1629.

[11] 2 juillet 2004, Hon. Maurice Laramée, j.c.s., AZ-50260472.