Construction Lortie inc. c. Garantie des bâtiments résidentiels neufs l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. |
2009 QCCS 1941 |
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JL3090 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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N° : |
200-17-010785-095 |
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DATE : |
28 AVRIL 2009 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
MARC LESAGE, J.C.S. |
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CONSTRUCTION LORTIE INC., personne morale légalement constituée, ayant son siège au 213, chemin Saint-Jacques, Saint-Léonard-de-Portneuf (Québec) G0A 4A0 |
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Demanderesse |
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c. |
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LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS L'ASSOCIATION PROVINCIALE DES CONSTRUCTEURS D'HABITATIONS DU QUÉBEC INC., personne morale légalement constituée, ayant son siège au 5930, Louis-H-Lafontaine, Anjou (Québec) H1M 1S7 |
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Défenderesse |
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ME RENÉ BLANCHET, avocat/ingénieur, exerçant sa profession au 340, rue Saint-Roch, bureau 105, Québec (Québec) G1K 6S2 |
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ALAIN THÉRIAULT, domicilié et résidant au […], St-Raymond (Québec) […] |
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LYNNE ROY, domiciliée et résidant au […], St-Raymond (Québec) […] |
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Mis en cause |
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JUGEMENT EN RÉVISION JUDICIAIRE |
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[1] La demanderesse se définit comme une entreprise se spécialisant dans la fabrication de maisons modulaires. Au printemps 2001, les mis en cause Alain Thériault et Lynne Roy retiennent ses services en vue de la construction d’une résidence sur le territoire de la ville de Saint-Raymond, laquelle construction comprend l’installation d’un système sanitaire.
[2] Dès le printemps 2002, le système sanitaire s’avère défectueux. Le 14 novembre 2002, après l’envoi de deux mises en demeure, les mis en cause Thériault et Roy introduisent une réclamation en Cour du Québec contre l’entrepreneur (actuelle demanderesse), le sous-traitant qui a fait l’installation du système sanitaire et la Ville de Saint-Raymond.
[3] Il doit être souligné d’abord que la construction d’un immeuble résidentiel neuf, de ses installations et dépendances, est assujettie à la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1) laquelle, à son article 185, 19.3°, énonce que la Régie du bâtiment peut, par règlement, «obliger tout entrepreneur à adhérer à un plan de garantie concernant un immeuble résidentiel neuf d’une catégorie qu’elle détermine».
[4] Le plan de garantie est bien connu comme étant le plan de garantie des maisons neuves de l’APCHQ (Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec). Le règlement édicté en vertu de la loi est intitulé simplement le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1, r.0.2.). Le plan de garantie s’applique à la construction en cause. La partie qui veut y avoir recours doit remplir un formulaire de réclamation à déposer auprès de l’administrateur du plan. Sur ce formulaire apparaît une case pour des renseignements supplémentaires où il est demandé entre autres :
2. Est-ce qu’une procédure judiciaire est présentement en cours entre vous et l’entrepeneur?
[5] La réponse donnée par les propriétaires Thériault et Roy est affirmative. L’administrateur, selon les informations reçues du procureur représentant l’APCHQ, n’aurait pas dû mettre en marche le processus de réclamation. Selon la brochure de l’APCHQ, il est bien indiqué que «à l’égard des réclamations soumises devant un tribunal de droit commun, le plan de garantie ne s’applique pas». Mais le dossier est ouvert par l’administrateur. Nous nous retrouvons, à ce stade-ci, avec deux procédures de réclamation introduites par les propriétaires Thériault et Roy. Il apparaît utile de résumer la marche des procédures débutées en 2002 alors que la requête introductive en révision judiciaire est présentée le 11 mars 2009.
[6] Donc, suite à l’institution des procédures en novembre 2002 contre plusieurs parties défenderesses, le 9 mai 2003 les propriétaires produisent leur demande de réclamation à l’APCHQ pour trouver une solution laquelle semble trouvée et acceptable par le ministère de l'Environnement (MEQ) en 2007.
[7] En parallèle, les procédures suivent leur cours en Cour du Québec. De 2002 à 2008, les parties défenderesses produisent des appels en garantie l’une contre l’autre. En mai 2007, la cause est fixée pour enquête et audition en Cour du Québec mais une remise est demandée et accueillie. (À noter que si la cause avait procédé, il ne serait jamais question de la réclamation auprès de l’administrateur du plan de garantie).
[8] En février, mars, avril et mai 2008 sont tenues quatre séances de gestion pour résoudre des questions de permis d’installation d’un autre système sanitaire. La cause est fixée pour procéder le 8 octobre 2008 qui a été remise.
[9] De fait, parallèlement, l’administrateur Yvan Gadbois de l’APCHQ, poursuit sa démarche suite à la demande de 2003 des propriétaires. Des intervenants sont dépêchés sur le terrain. Le 19 février 2007, l'administrateur rend une première décision sans qu’il soit mention d’intervention des propriétaires autre que le dépôt de leur demande de réclamation en 2003. L’administrateur ordonne à l’entrepreneur d’effectuer certains travaux de réfection. Cependant, ce dernier rappelle à l’administrateur l’existence des procédures en Cour du Québec. M. Gadbois décide donc de suspendre son intervention en transmettant une lettre aux propriétaires, le 15 mai 2007, les informant :
«Dans les circonstances, nous sommes contraints de suspendre le délai d’exécution ayant été accordé à votre entrepreneur, tel que stipulé à notre décision rendue le 19 février 2007. Et ce, jusqu’à (ce que) nous obtenions de votre part, un désistement pour les procédures judiciaires entamées.»
[10] Ainsi, après toutes les séances de gestion, après la fixation d’une nouvelle date d’audition, après toutes ces années pendant lesquelles s’est poursuivie la réclamation des propriétaires en Cour du Québec, le 20 juin 2008, les propriétaires amendent leur procédure initiale, scindent leur recours et retranchent de leur demande en Cour du Québec leur réclamation portant sur la réfection de leur réseau privé d’assainissement des eaux usées. Par ailleurs, ils relancent leur demande devant l’administrateur du plan de garantie de l’APCHQ dans les mois qui suivent.
[11] Vu les nouvelles dispositions du Code de procédure civile, il n’y a eu aucune requête sur cet amendement. Les parties poursuivies pouvaient s’objecter à un tel amendement, que le Tribunal estime contraire à la saine administration de la justice, mais elles ne l’ont pas fait dans le délai prescrit. En l’absence d’opposition, l’acte amendé est accepté (art. 200 C.p.c.).
[12] Le 4 août 2008, l’administrateur du plan de garantie informe l’entrepreneur (la demanderesse) que, vu l’amendement, il réactive le dossier de réclamation des propriétaires. Il met l’entrepreneur en demeure d’exécuter les travaux prescrits dans sa décision du 19 février 2007.
[13] Le 20 août 2008, l’entrepreneur conteste la décision de l’administrateur. Comme le plan de garantie prévoit des délais stricts pour contester la décision de l’administrateur, l’entrepreneur a recours à la procédure devant l’arbitre prévue au Règlement sur le plan de garantie. Il demande, avant d’aller sur le fond de la décision de l’administrateur, de déclarer que les propriétaires, par leur action en Cour du Québec, ont renoncé à la protection offerte par le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et que le seul forum compétent est la Cour du Québec pour entendre l’ensemble de la réclamation des propriétaires.
[14] L’arbitre Me René Blanchet rend une décision préliminaire le 3 décembre 2008 suite à cette requête préalable. Il décide que les propriétaires n’ont pas renoncé à leur droit de recourir à la protection du plan de garantie, qu’il est compétent pour entendre le différend sur la décision de l’administrateur et il fixe l’audition de l’arbitrage, qui est remise vu la requête présente en révision judiciaire de cette décision arbitrale (846 C.p.c.).
Révision judiciaire
[15] Le Tribunal s’est interrogé, à l’audience devant les procureurs, si la solution, vu les années écoulées, vu les longues procédures devant la Cour du Québec, vu les frais encourus, n’était pas de retourner à la Cour du Québec la décision sur l’amendement produit le 20 juin 2008, lequel aurait dû être contesté par les parties défenderesses en invoquant ce qui est plaidé de façon préliminaire devant l’arbitre à l’effet que les propriétaires ont renoncé à la protection du plan de garantie par leur procédure en réclamation devant un tribunal de droit commun.
[16] De fait, les parties défenderesses dans le dossier de la Cour du Québec ne se sont pas objectées à l’amendement. L’entrepreneur n'a réagi qu'en recevant l’avis de l’administrateur qu'il réactivait le dossier et lui ordonnait d’exécuter son ordonnance préalable rendue en 2007.
[17] La cause en Cour du Québec est inscrite et prête à procéder lorsque l’amendement des propriétaires est signifié. Le Tribunal a donc vérifié si l’article 940.1 C.p.c. ne trouverait ici application :
Tant que la cause n'est pas inscrite, un tribunal, saisi d'un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention d'arbitrage, renvoie les parties à l'arbitrage, à la demande de l'une d'elles, à moins qu'il ne constate la nullité de la convention.
La procédure arbitrale peut néanmoins être engagée ou poursuivie et une sentence peut être rendue tant que le tribunal n'a pas statué.
[18] Il est bien mentionné, au début de cet article 940.1 C.p.c. que la situation procédurale envisagée doit être considérée «tant que la cause n’est pas inscrite». Par contre, cet article fut incorporé en 1986 au Code de procédure civile et vise l’arbitrage conventionnel (L.Q. 1986 c. 73). Concernant ces dispositions, la juge France Thibault de la Cour d’appel écrit :
«23 La Loi modifiant le Code civil et le Code de procédure civile en matière d’arbitrage est entrée en vigueur le 11 novembre 1986. Son adoption a marqué un tournant dans le régime québécois de l’arbitrage conventionnel. Autrefois confinée à une interprétation stricte et limitative, la convention d’arbitrage doit désormais recevoir une interprétation large et libérale de la part des tribunaux.
[19] L’article 940 et suivants du Code de procédure civile réglementent donc l’arbitrage conventionnel. En l’espèce, le recours à l’arbitrage n’est pas prévu par une convention entre les parties. Il s’agit d’un arbitrage régi en application du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs adopté par la Régie du bâtiment en vertu de l'article 185 par. 19.3 à 19.6 de la Loi sur le bâtiment.
[20] L'article 185 (19.6 d) prévoit que la Régie du bâtiment peut établir les normes, les critères et le processus d'un plan de garantie, notamment:
«d) la procédure d'arbitrage permettant à une personne de se pourvoir contre une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou à l'entrepreneur de se pourvoir contre une décision de l'administrateur refusant ou annulant son adhésion au plan;»
[21] Le Règlement prévoit que «Toute personne qui désire devenir un entrepreneur en bâtiments résidentiels neufs visés à l'article 2 doit adhérer, conformément aux dispositions de la section I du chapitre IV, à un plan qui garantit l'exécution des obligations légales et contractuelles prévues à l'article 7 et résultant d'un contrat conclu avec un bénéficiaire.»[1] Le plan doit garantir l'exécution des obligations légales et contractuelles d'un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par le Règlement[2] et celui-ci est d'ordre public[3].
[22] Dans la présente affaire, les bénéficiaires du plan de garantie ont déposé une demande de réclamation concernant la réparation du défaut d'installation constaté au système d'épuration. Le Règlement prévoit alors tout le processus à suivre lorsqu'un bénéficiaire désire faire une telle réclamation et bénéficier du plan de garantie ainsi que les différents recours mis à sa disposition. À ce sujet, le Règlement prévoit qu'après avoir reçu la demande de réclamation, un «administrateur» est chargé du dossier et rend une décision. Lorsqu'une partie désire contester celle-ci, elle doit, afin de bénéficier du plan de garantie, aller en arbitrage.
[23] L'article 106 du Règlement énonce:
106.: Tout différend portant sur une décision de l'administrateur concernant une réclamation ou le refus ou l'annulation de l'adhésion d'un entrepreneur relève de la compétence exclusive de l'arbitre désigné en vertu de la présente section.
[24] Il faut donc conclure que c'est en vertu de la loi qu'est créé un tel tribunal statutaire.
[25] Bref, en adoptant le Règlement précité il est clair que le législateur désirait soumettre les différends concernant le plan de garantie à un régime d'arbitrage autonome permettant d'accélérer le processus de réclamation et de diminuer les frais qui y sont reliés. C'est donc en vertu de ce règlement que l'arbitre a été saisi du litige opposant Construction Lortie inc., entrepreneur, et les bénéficiaires, Mme Lynne Roy et M. Alain Thériault. Le 3 décembre 2008, l'arbitre a rendu une décision intérimaire sur sa propre compétence. Il s'est déclaré compétent à entendre le litige tel que soumis par les parties. Le Tribunal est maintenant saisi d'une requête en révision judiciaire de cette décision arbitrale (846 C.p.c.).
[26] Le Tribunal doit d'abord étudier si cette décision arbitrale intérimaire est soumise au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure?
[27] La révision d'une sentence arbitrale finale rendue en vertu du Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs n'apparaît pas contestée[4]. Ici, la décision rendue est préliminaire. Le Tribunal doit donc se demander si la décision est susceptible d'affecter définitivement les droits individuels et si la partie requérante subit ou risque de subir un préjudice[5].
[28] En l'espèce, la décision de l'arbitre sur sa compétence fait en sorte qu'il est maintenant saisi du litige au fond. Sa décision liera les parties et elle sera finale et sans appel. Soit que les propriétaires n'obtiendront pas réparation, soit que l'entrepreneur sera tenu d'effectuer certaines réparations pour remédier à la situation. Il est clair que la décision intérimaire de l'arbitre affecte les parties car, si l'arbitre n'a pas compétence, seul le tribunal de droit commun pourra décider du présent litige.
[29] La question de compétence soulevée en l'espèce mettra donc fin au litige s'il est décidé que l'arbitre n'a pas compétence. Comme la requête en révision soumet que l'arbitre excède sa compétence et qu'il s'agit d'un arbitrage statutaire, cette question doit être soumise au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure. Ainsi le juge Claude Tellier, j.c.s. écrivait[6]:
2. En effet, les tribunaux d'arbitrage statutaire sont ceux dont la formation et la compétence sont prévues par une loi quelconque. C'est le cas, par exemple, du Code du travail(1), qui oblige les parties à une convention collective à régler leurs différends par la procédure d'arbitrage. On pourrait donner comme autre exemple le Code des professions(2), qui oblige les corporations professionnelles à adopter des règlements pour préciser la procédure d'arbitrage des compte(sic) d'honoraires professionnels contestés par un client.
Ces tribunaux d'arbitrage statutaire sont soumis au pouvoir de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure, tribunal de droit commun, si, dans l'exercice de leur compétence, ils commettent un excès de juridiction. La procédure indiquée en pareil cas est la requête en évocation. Il est maintenant admis en jurisprudence que cette procédure en évocation ne peut être dirigée que contre les tribunaux d'arbitrage statutaire et non contre les tribunaux d'arbitrage contractuel. Quant à ceux-ci, ce sont les dispositions des articles 940 et sqq. du Code de procédure civile qui reçoivent application.
[30] Et le professeur Denis Lemieux de préciser[7]:
«Il faut également avoir à l'esprit que même dans un cas clair de défaut de compétence, la Cour «peut» mais n'a pas d'obligation d'accueillir la requête. Elle pourra tenir compte de facteurs tels que la conduite des parties et le souci de ne pas empêcher le tribunal inférieur de se prononcer sur sa compétence. De manière générale, les Cours supérieures n'interviendront que dans des circonstances exceptionnelles pour réviser une décision interlocutoire rendue par un tribunal inférieur. Ces circonstances réfèrent à des cas manifestes d'illégalité où il existe une perspective de longue instruction inutile devant ce tribunal ou encore d'une question générale susceptible d'être soulevée dans un grand nombre de dossiers.
[…]
Il paraît certain qu'un cas d'incompétence ab initio pourra donner lieu à l'institution d'un recours en révision judiciaire nonobstant appel, alors que les cas d'excès de compétence seront examinés dans le contexte particulier de chaque espèce. L'on démontrera qu'il ne sera pas dans l'intérêt de la justice d'obliger le requérant à assumer les coûts et les délais d'une instance entachée de nullité absolue pour incompétence.»
[31] Le Tribunal, selon la requête en révision soumise, doit donc se demander si l'arbitre a excédé ou non sa compétence en s'attribuant compétence à entendre l'arbitrage soumis à l'encontre de la décision de l'administrateur du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs?
[32] Le Tribunal décide qu'il peut se prononcer sur la question soumise car, comme le souligne le professeur Lemieux, «il ne sera pas dans l'intérêt de la justice d'obliger le requérant (la demanderesse) à assumer les coûts et les délais d'une instance entachée de nullité absolue pour incompétence».
Norme de contrôle
[33] L'arrêt Dunsmuir[8] a établi qu'il fallait maintenant considérer le contrôle judiciaire à la lumière de deux normes, celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte.
[34] Le procureur de la demanderesse plaide que la norme de contrôle est celle de la décision correcte puisque la question soulevée en révision judiciaire est la compétence ou non de l'arbitre à se saisir du litige qui lui est soumis. Lorsqu'il s'agit d'une de compétence, c'est la norme de la décision correcte qui s'applique.
[35] Le procureur de l'APCHQ ne conteste pas l'application de la norme de contrôle de la décision correcte. Le procureur des propriétaires penche plutôt pour la norme de la décision raisonnable. Ce dernier plaide que la question soulevée est une question mixte de faits et de droit: y a-t-il eu renonciation ou non à l'application du plan de garantie?
[36] Quant à l'application de la norme de contrôle, l'arrêt Dunsmuir précité, à son paragraphe 57, mentionne:
[57] Il n'est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse exhaustive pour arrêter la bonne norme de contrôle. Là encore, la jurisprudence peut permettre de cerner certaines des questions qui appellent généralement l'application de la norme de la décision correcte (Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672 , 2004 CSC 26 ). En clair, l'analyse requise est réputée avoir déjà eu lieu et ne pas devoir être reprise.
[37] Le Tribunal est d'avis que, en l'espèce, il s'agit uniquement d'une question de droit. La renonciation ou non à l'application du plan de garantie, par l'effet de la réclamation en Cour du Québec comportant celle portant sur l'objet de la garantie, est un fait en soi. Est-ce que ce fait prive, en droit, les propriétaires de leurs recours en vertu de la garantie des bâtiments résidentiels neufs?
[38] Il en est de même de la question subsidiaire à savoir s'il y a désistement ou non des propriétaires de leurs recours intentés à la Cour du Québec.
[39] Ainsi est-ce que l'arbitre a excédé sa compétence en répondant négativement à ces questions et en s'attribuant compétence pour entendre l'arbitrage requis sur la décision rendue par l'administrateur du plan?
[40] C'est là une question de droit, selon le Tribunal, qui doit alors être étudiée selon la norme de la décision correcte avec le critère de déférence qui s'y applique, soit d'une sévérité moindre que pour la norme de la décision raisonnable qui exige un degré de retenue plus sévère.
Décision
[41] L'arbitre, Me René Blanchet, est saisi d'une demande d'arbitrage suite à la décision de l'administrateur du plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[42] Les propriétaires ont entamé, dans les délais requis, deux recours parallèles en regard du mauvais fonctionnement du système sanitaire installé par l'entrepreneur ou son sous-traitant. Le gouvernement du Québec a préparé un document explicatif en rapport avec le plan de garantie pour aider les propriétaires à exercer leurs recours. L'arbitre en fait mention à compter du paragraphe 25 de sa décision.
[43] L'arbitre expose les motifs pour lesquels ce document explicatif ne sert pas l'argumentation de la demanderesse. Il réfère aux articles 18 et 19 du Règlement sur le plan de garantie. L'article 19 énonce les règles du recours à l'arbitrage et le délai pour ce faire.
[44] Le Tribunal ajoute que la loi n'est pas modifiée par un document explicatif. D'ailleurs, dans tout document explicatif sur une loi, il est généralement mentionné de référer à la loi.
[45] Les propriétaires ont demandé la protection du plan de garantie en produisant leur réclamation au printemps 2003, dans le délai prescrit. Ce qu'ils demandent alors concerne uniquement et limitativement ce qui est compris dans le plan de garantie qui est lié au problème de construction qu'ils soulèvent.
[46] L'administrateur a pris, par sa lettre du 15 mai 2007, la décision de suspendre le délai d'exécution mentionné dans la décision rendue le 19 février 2007 obligeant la demanderesse à exécuter les travaux qui s'imposent. Il mentionne le mot désistement. L'arbitre Blanchet dit qu'il ne faut pas s'attarder au terme utilisé.
[47] Le Tribunal est d'accord avec l'arbitre sur l'interprétation des termes utilisés par l'administrateur dans cette lettre du 15 mai 2007. Ce qui doit être considéré est à savoir si la réclamation qui fait l'objet de la garantie en vertu du plan fait toujours partie de la réclamation devant la Cour du Québec?
[48] La réponse est négative. Vu que les parties défenderesses ne se sont pas opposées à l'amendement retranchant complètement la demande d'exécution de travaux pour remédier au mauvais fonctionnement du système sanitaire, l'action principale en Cour du Québec n'existe plus que pour des dommages non couverts par le plan de garantie. Les deux recours peuvent alors coexister car ils ne portent plus sur le même objet.
[49] Devant un tel constat, la réclamation produite à l'administrateur du plan de garantie en 2003 pour laquelle il a rendu une décision le 19 février 2007 et dont il avait suspendu l'exécution le 15 mai 2007, demeure. Il ordonne donc l'exécution de sa décision que l'entrepreneur veut empêcher par le recours à l'arbitrage.
[50] L'entrepreneur plaide que les propriétaires ont renoncé à leur réclamation selon le plan de garantie. Sur la renonciation, en matière d'arbitrage conventionnel, le juge Tyndale de la Cour d'appel écrit[9]:
Une partie peut renoncer à son droit contractuel d'aller devant un arbitre plutôt que devant un tribunal de droit commun. Ce qui est (ou était) moins clair, c'est la question de savoir ce qui peut constituer un indice ou une preuve suffisante de renonciation implicite.
(…)
À mon avis, le but du législateur en adoptant l'article 940.1 C.p.c., était de rendre plus certain le critère de renonciation implicite, en fixant l'inscription comme le moment critique.
[51] Que faut-il retenir lorsqu'il s'agit d'un arbitrage statutaire comme dans le présent cas?
[52] Le Règlement est d'ordre public[10]. Les propriétaires ont fait appel à l'application du plan de garantie. L'entrepreneur est insatisfait de la décision de l'administrateur et a recours à l'arbitrage. Il est de la compétence de l'arbitre de décider de ce litige, de ce différend en vertu des articles 19 et 106 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.
[53] Nous avons vu que les articles 940 C.p.c. et suivants ne s'appliquent pas à l'arbitrage statutaire. Il n'y a pas d'élément autre pouvant révéler un critère de renonciation implicite, en situation d'arbitrage statutaire, que le jugement qui est rendu par le tribunal de droit commun lorsque la partie bénéficiaire du plan de garantie choisit d'y référer son litige. Antérieurement à un tel jugement, rien n'empêche le bénéficiaire propriétaire de modifier son option et d'avoir recours à l'application du plan de garantie, en respectant les règles de procédure devant le tribunal de droit commun.
[54] Bien plus, le Tribunal est d'avis que, puisqu'il s'agit d'un règlement d'ordre public, dès que l'option est faite de porter sa réclamation devant l'administrateur du plan, le processus doit suivre son cours. Le Tribunal fait sien l'exposé de l'arbitre à sa décision arbitrale du 3 décembre 2008 en ce qui a trait à la non-renonciation aux droits du bénéficiaire de recourir à l'application du plan de garantie:
[31] Ce n'est pas parce qu'un recours est intenté devant les tribunaux de droit commun qu'un bénéficiaire renonce à l'application du Plan de garantie;
[32] En effet, comme nous enseigne la Cour suprême:
«No one can be assumed to abandon voluntarly his rights»[11]
[33] Et,
«La véritable règle de droit, c'est qu'on n'est jamais censé renoncer à un droit et, alors que l'acquiescement peut être tacite, il doit être non-équivoque, c'est-à-dire l'intention d'acquiescer ou de renoncer doit être démontrée»[12]
[34] Un bénéficiaire, à la suite d'un recours intenté devant les tribunaux de droit commun, ne peut voir ses droits restreints par la suite lorsqu'il a recours à un plan de garantie;
[35] En effet:
«13. La garantie accordée par une partie contractante a pour effet de conférer un avantage au cocontractant et non pas de lui retirer un droit»[13]
[55] Il est sûr que, vu l'état avancé du dossier en Cour du Québec, il est apparu au Tribunal qu'il aurait été mieux de laisser le litige complet à cette juridiction. Par contre, les propriétaires ont décidé d'activer leur option par leur amendement. Les autres parties n'ont pas contesté. Il y a lieu de laisser l'arbitre, à qui le différend a été référé, rendre sa décision sur le fond.
[56] Le Tribunal conclut qu'il n'a pas à intervenir sur la décision rendue par l'arbitre Me René Blanchet, le 3 décembre 2008 en application de la norme de contrôle de la décision correcte.
[57] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[58] REJETTE la requête en révision de la décision arbitrale intérimaire rendue le 3 décembre 2008;
[59] AVEC DÉPENS contre la partie demanderesse.
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__________________________________ MARC LESAGE, j.c.s. |
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Me Julie Savard, casier 65 |
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Beauvais Truchon |
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Procureurs de la demanderesse |
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Me François Laplante |
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Savoie Fournier |
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Procureurs de la défenderesse 5930, boulevard Louis-H-Lafontaine |
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Anjou (Québec) H1M 1S7
Me Éric Beaudoin, casier 9 Deschênes Beaudoin Procureurs des mis en cause
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Date d’audience : |
11 mars 2009 |
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[1] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, art. 6.
[2] Id., art. 7.
[3] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes, J.E. 2005-132 (C.A.).
[4] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc. c. Desindes (supra 3), J.E. 2005-132 (C.A.); Habitations Sylvain Ménard inc. c. Labelle, 2008 QCCS 3274 ; Rénovation Marc Cléroux inc. c. Société pour la résolution des conflits (Soreconi), 2007 QCCS 1116 .
[5] Patrice Garant, Droit administratif, 5e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2004, p. 536-537.
[6] International Civil Aviation Organization c. Tripal Systems Pty. Ltd., [1994] R.J.Q. 2560 (C.S.).
[7] Denis Lemieux, Le contrôle judiciaire de l'action gouvernementale, Farnham, Publications CCH, p. 1436-1437 (édition à jour au 9 décembre 2008).
[8] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 .
[9] Les Peintures Larvin inc. c. Mutuelle des fonctionnaires du Québec, [1988] R.J.Q. 5 , p. 7 (C.A.).
[10] Articles 3, 4, 5, 105, 139 et 140 du Règlement, arrêt Desindes (supra note 3)
[11] Davis c. Ker, 1890, SCR, vol. 17, p. 249.
[12] The Mile End Milling Co. c. Peterborough Cereal Co., 1924, RCS 131.
[13] La Fabrique de la Paroisse de St-Philippe d'Arvida c. Desgagné, 1979, C.A. 198 .