ARBITRAGE

 

En vertu du Règlement sur le plan de garantie

des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998, tel qu’amendé, c. B-1.1, r.0.2,

Loi sur le bâtiment, Lois refondues du Québec (L.R.Q.), c. B-1.1, Canada)

 

Groupe d’arbitrage Juste Décision - GAJD

 

 

ENTRE

            SUZANNE LE BLANC

                        Bénéficiaire

 

Et

            3858081 CANADA INC. (LES MAISONS DOMINUS)

                        Entrepreneur

 

Et

            LA GARANTIE QUALITÉ D’HABITATION

                        Administrateur

 

 

No dossier / Garantie :         70946-7300

No dossier / GAJD :             20162902

No dossier / Arbitre :            35304-7

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre                                   :           Me Pierre Brossoit

 

Pour le Bénéficiaire             :           Suzanne Leblanc

 

Pour l’Entrepreneur  :           absent

 

Pour l’Administrateur           :           Me François-Olivier Godin

 

Date d’audience                  :           18 août 2016

 

Lieu                                        :           [...], Beloeil, Qc

                                                           Hôtel Rive-Gauche, 1810, rue Richelieu, Beloeil, Qc

 

Date de la décision             :           Le 17 octobre 2016


LA DEMANDE D’ARBITRAGE

 

[1]          Le 20 juin 2011, Mme Diane Bouchard a acquis de l’Entrepreneur, Les Maisons Dominus (ci-après « l’Entrepreneur »), une unité résidentielle sise au [...], à Beloeil (ci-après « l’Unité »).

 

[2]          Le 12 juin 2014, la Bénéficiaire a acquis l’Unité de Mme Bouchard.

 

[3]          L’Unité fait partie d’un projet immobilier résidentiel (ci-après le « Projet »), développé par l’Entrepreneur, qui est aujourd’hui en faillite.

 

[4]          Préalablement à l’achat, la Bénéficiaire a mandaté la firme AL Inspection inc. d’exécuter une inspection de l’Unité et dont le rapport, daté du 16 mars 2014, a été produit comme pièce A-7.

 

[5]          Le 26 mars 2014, sa promesse d’achat étant acceptée de l’Unité, la Bénéficiaire soumet une première réclamation à l’Administrateur, laquelle fait partie de la pièce A-3.

 

[6]          À cette première réclamation, 17 points sont dénoncés, dont notamment ce qui suit :

 

« 7. REVÊTEMENT EXTÉRIEUR : BARDAGE DE BOIS ABÎMÉ

 

La bénéficiaire nous mentionne avoir dénoncé (voir note B) la situation suivante :

 

Les déclins sont abîmés par endroits, cela demande une investigation supplémentaire. Vérifier auprès d’un spécialiste qualifié, trouver la cause et corriger pour éviter toutes conséquences dues à une négligence à cet effet. »

 

[7]          Le 8 mai 2014, le conciliateur, Patrick Simard, rend sa décision (ci-après la « Décision 1 ») sur cette première réclamation et conclue comme suit relativement au point 7 :

 

« Lors de notre visite, nous avons observé que la jonction du revêtement de bois est endommagée au mur arrière à deux endroits. Le revêtement semble avoir été endommagé lors de l’installation.

 

. Décision

 

Considérant que la situation a l’apparence d’une malfaçon garantie la première année ;

 

De plus, n’ayant pas été dénoncé par écrit à l’entrepreneur et à La Garantie Qualité Habitation dans l’année suivant la prise de possession de la résidence par le premier acheteur, nous devons nous prononcer dans le cadre d’un vice caché au sens des articles 1726 ou de l’article 2103 du Code civil du Québec et selon l’article 6.4.2.4 du contrat de garantie obligatoire de maison neuve et dont voici l’extrait :

 

Extrait de l’article 6.4.2.4 :

 

La réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;

 

Or, selon ce qu’il nous a été possible de constater lors de notre inspection, le point constaté n’atteint pas le degré de gravité du vice caché.

 

Par conséquent, La garantie Qualité Habitation ne peut reconnaître ce point dans le cadre de son mandat. »

 

[8]          Les photos incluses à la Décision 1 sur ce point 7, démontrent que la jonction du revêtement de bois est endommagée et l’on constate l’absence de scellant étanche entre les revêtements.

 

[9]          Les parties n’ont pas demandé l’arbitrage de la Décision 1, pièce A-3.

 

[10]       Le 23 novembre 2015, la Bénéficiaire dépose une seconde réclamation auprès de l’Administrateur, alléguant ce qui suit :

 

« 7. REVÊTEMENT EXTÉRIEUR : BARDAGE DE BOIS ABÎMÉ

 

La bénéficiaire nous mentionne avoir dénoncé (voir note B) la situation suivante :

 

. Compte tenu que ce vice majeur a été reconnu pour la pose du revêtement de plusieurs unités sur la rue Claude-Perraud à Beloeil;

. Compte tenu qu’il a été reconnu par l’un de vos inspecteurs, la présence d’un vice majeur lié à la pose du revêtement au 1259 rue Claude-Perraud, unité jouxtant directement ma résidence et appartenant au même bloc de maisons; »

 

. Commentaires de la bénéficiaire au moment de l’inspection

 

La bénéficiaire ne mentionne que lorsque l’entrepreneur a enlevé le revêtement du 1259, rue Claude-Perraud plutôt cet automne (unité voisine), les fourrures étaient noircies et puisque c’est le même bâtiment, il y a de fortes chances que la situation soit la même sur son unité. »

 

[11]       Le 12 janvier 2016, le conciliateur, M. Michel Arès, conclut que la situation ne semble pas avoir évolué depuis les photos prises lors de l’inspection du 28 avril 2014, de telle sorte qu’il rejette la réclamation de la Bénéficiaire, tel qu’il appert de sa décision, pièce A-2 (ci-après « Décision 2 »).

 

[12]       Le 29 février 2016, la Bénéficiaire demande l’arbitrage de la Décision 2 et dont la présence sentence fait l’objet.

 

L’UNITÉ

 

[13]       L’Unité est la deuxième de quatre (4) unités jumelées, soit les adresses 1259 à 1265 rue Claude-Perraud, à Beloeil.

 

[14]       La demande de la Bénéficiaire porte ainsi sur le revêtement avant et arrière de l’Unité, celle-ci étant comprise entre les unités 1259 et 1263.

 

[15]       Le 18 août 2016, pour une meilleure compréhension de l’état des lieux, l’audition a débuté chez la Bénéficiaire et s’est poursuivie ensuite à l’Hôtel Rive-Gauche, à Beloeil.

 

[16]       Lors du délibéré de la sentence, le Tribunal a été avisé par la Bénéficiaire qu’à son retour du travail le 19 septembre 2016, le bardage extérieur de l’avant de l’Unité avait été enlevé, comme si son remplacement était pour être fait.

 

[17]       Les parties ont ensuite informé le Tribunal qu’il s’agissait d’une erreur de l’entreprise Revêtement Clermont, celle-ci s’étant trompée d’adresse.

 

[18]       Revêtement Clermont a depuis corrigé son erreur, et la Bénéficiaire a confirmé au Tribunal que le nouveau bardage posé a corrigé, à sa satisfaction, le vice dénoncé, de telle sorte que sa demande ne porte que sur l’arrière de l’Unité.

 

 

LES PIÈCES

 

[19]       Les pièces produites par la Bénéficiaire sont les suivantes :

 

B-1:      

Expertise de Sylvain Brosseau, membre de l’Ordre des technologues professionnels du Québec (OTPQ);

 

 

B-2:      

Curriculum vitae de Sylvain Brosseau;

 

 

B-3:      

En liasse - Photos du 1259, rue Claude-Perraud, à Beloeil;

 

 

B-4:      

En liasse - Quatre (4) sentences arbitrales;

 

 

B-5:      

Ligne directrice sur la qualité de l’air intérieure résidentielle;

 

 

B-6:      

Liste des témoins annoncés par la Bénéficiaire;

 

 

B-7:      

Soumission de Revêtement Extérieur SMJ au montant de 7 364,15 $ pour le remplacement du revêtement extérieur pour le devant et l’arrière de l’Unité;

 

 

B-8:      

Aucune pièce produite;

 

 

B-9:      

Facture au montant de 747,34 $ de revêtement extérieur, datée du 6 juin 2014 pour calfeutrage des joints de planches de revêtement de l’Unité;

 

 

B-10:   

En liasse - Deux factures de l’expert Sylvain Brosseau de Burex, totalisant 1 943,08 $;

 

 

B-11:   

En liasse - une facture pour photocopie au montant de 128,90 $ et une facture de 18,63 $ pour frais de messagerie;

 

 

B-12:   

Rapport de conciliation daté du 2 février 2015 concernant le 1259 Claude-Perraud, Beloeil;

 

 

B-13:   

Facture de Revêtement Clermont au montant de 804,83 $.

 

[20]       Les pièces produites par l’Administrateur sont les suivantes :

 

A-1:       

Copie d’une demande d’arbitrage;

 

 

A-2:       

Rapport de conciliation supplémentaire (en référence au rapport du 8 mai 2014);

 

 

A-3:       

Rapport de conciliation daté du 8 mai 2014;

 

 

A-4:       

Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de maison neuve;

 

 

A-5:       

Formulaire d’inspection pré-réception;

 

 

A-6:       

Contrat de vente;

 

 

A-7:       

Rapport pré-inspection d’AL Inspection daté du 16 mars 2014;

 

 

A-8:       

Soumission de Revêtement Clermont;

 

 

A-9:       

Rapport de conciliation;

 

 

A-10:    

Extrait du Code national du bâtiment;

 

 

A-11:    

Extrait du Code national du bâtiment 2005.

 

LES TÉMOINS

 

[21]       La Bénéficiaire a été entendue et elle a fait témoigner l’expert Sylvain Brosseau, de la firme Burex, Robert Meunier de Revêtement extérieur SMJ, et Paul Hudon de Revêtement Clermont, qui était accompagné de Me Béatrice Kénol, procureure de Revêtement Clermont.

 

[22]       L’Administrateur a fait témoigner Michel Arès, le conciliateur qui a rendu la Décision 2.

 

QUESTION EN LITIGE

 

[23]       La situation dénoncée est-elle un vice de construction pouvant entraîner la perte partielle ou totale de l’Unité?

 

LA PREUVE

 

[24]       Le revêtement de bois usiné de marque St-Laurent a été celui utilisé pour l’ensemble du Projet et ce sont trois (3) ou quatre (4) sous-traitants différents choisis par l’Entrepreneur qui ont posé le revêtement extérieur de l’ensemble des unités du Projet.

 

[25]       L’Unité de la Bénéficiaire fait partie d’un bloc de quatre (4) unités et selon les parties, il est de pratique que ce soit le même sous-traitant qui effectue la pose du revêtement sur un même bloc d’unités, ce qui permet une exécution plus efficace et à moindre coût pour l’Entrepreneur.

 

[26]       Le Tribunal a constaté sur place la présence de gonflements à la jonction des clins horizontaux, des gondolements, des joints disloqués et de la détérioration de calfeutrage autour de la fenêtre et de la porte arrière.

 

[27]       Le conciliateur confirme d’ailleurs à la Décision 2 un espace de ventilation trop restreint à la base du revêtement, la décoloration du revêtement à la gauche de la porte-patio arrière, mais que somme toute, la situation n’a pas évolué depuis la Décision 1.

 

[28]       Lors de la visite des lieux à l’audition, il reconnait cependant qu’il y a eu depuis gonflement à la jonction des clins horizontaux, causé par un mauvais dégagement de l’eau de pluie, et qu’il y a une détérioration visible du contour de la fenêtre et de la porte arrière.

 

 

[29]       L’expert Brosseau a démontré lors de la visite des lieux les vices dénoncés à son rapport, pièce B-1, et ci-après énumérés :

 

« . le plan de drainage est congestionné à partir des chantepleures obstruées de mortier;

. la pose des clins horizontaux du REVÊTEMENT ST-LAURENT ne respecte pas les méthodes de pose du manufacturier (…);

 

(…)

 

. l’uréthane giclé posé comme isolant à l’intérieur de la solive de rive aggrave la dégradation prématurée au seuil des murs puisque l’humidité emprisonnée ne peut se diffuser vers l’intérieur de l’enveloppe;

 

(…)

 

. la dégradation prématurée des clins de bois synthétiques observée ne respecte pas la durée de vie typique d’un revêtement en fibre de bois; »

 

            De ses observations, il conclut comme suit :

 

« . par conséquent, afin d’éviter tout dommage conséquentiel tel que la détérioration de la structure et le risque de la contamination fongique affectant la qualité de l’air ambiant pouvant rendre les lieux inhabitables, nous recommandons la réfection complète du REVÊTEMENT ST-LAURENT son système de support intégrant une ventilation avec lame d’air drainante et solinage, le retrait et la réinstallation des fenêtres, la correction du plan de drainage derrière le mur de maçonnerie, la réparation des fissures selon les Lois, Codes et Normes en vigueur lors de la construction d’origine. »

 

[30]       Sur la preuve de ce qui précède, le Tribunal est satisfait que les vices constatés sont tels qu’il y a un danger sérieux d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage, soit l’Unité de la Bénéficiaire.

 

[31]       Cette conclusion est d’ailleurs conforme à trois (3) décisions arbitrales rendues en faveur de propriétaires d’unité au Projet et dont les faits sont similaires au présent dossier.

 

[32]       Tout d’abord, la sentence arbitrale rendue le 5 octobre 2015 par l’arbitre Claude Dupuis, au dossier Espinosa et Les Maisons Dominus.

 

[33]       L’arbitre Dupuis constate ce qui suit de l’immeuble des bénéficiaires :

 

« [14] Dès la visite des lieux, le soussigné a été en mesure de constater l’état assez lamentable du revêtement extérieur sur le mur latéral et le mur arrière, soit un revêtement de bois usiné de marque St-Laurent.

 

[15] On peut aisément apercevoir des gonflements, des gondolements, des joints disloqués, de la détérioration de calfeutrage, des bordures de fenêtre dégradées, etc. 

(…)

 

[20] L’expert retenu par les bénéficiaires, M. Mathieu Landry, constate également que dans la confection du mur latéral et du mur arrière, les recommandations du manufacturier ainsi que certaines normes du Code national du bâtiment n’ont pas été respectées.

 

[21] Il soumet que dans le mur latéral, il y a un manque de ventilation, et que sur le mur arrière, il y a de la fourrure, mais que la ventilation est également compromise.

 

[22] Il répète qu’en l’absence de solin, la ventilation est fatalement compromise.

 

(…)

 

[24] Toujours selon M. Landry, le manque de ventilation cause une accumulation d’humidité pouvant affecter la structure interne du bâtiment. La dégradation actuelle, anormale en regard de l’âge du bâtiment, ne s’arrêtera pas, elle va plutôt se poursuivre. »

 

[34]       L’arbitre Dupuis conclut ensuite comme suit :

 

« [29] L’article 2118 du Code civil du Québec se présente comme suit :

 

« 2118. À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

 

[30] Le soussigné analyse maintenant la jurisprudence déposée par les bénéficiaires.

 

[31] Or, on y indique qu’une perte potentielle suffit pour l’application de l’article 2118 du Code civil du Québec et que la menace de perte d’un ouvrage constitue un préjudice actuel (voir Syndicat de la copropriété Les Jardins du Parc et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, sentence arbitrale rendue le 28 janvier 2010 par Me Johanne Despatis).

 

[32] On y indique aussi que la perte sous 2118 C.c.Q. n’a pas à être totalement réalisée, le danger suffit (voir Fatima-Zohra Tiksrail et Amar Boumassi c. Bâti-Concept Plus inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., sentence arbitrale rendue le 13 septembre 2011 par Me Roland-Yves Gagné).

 

[33] Enfin, dans une sentence déposée cette fois par le procureur de l’administrateur (voir Syndicat de la copropriété des Habitations Henri-Deslongchamps et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ et Gestion Giovanni Scalia inc., sentence arbitrale rendue le 26 décembre 2006 par Me Johanne Despatis), l’arbitre affirme, et je cite :

 

[32] […] La présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage ouvre droit à la protection. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’est démontré un vice de construction grave propre à affecter la solidité de l’ouvrage.

 

« [34] Dans le présent dossier, il n’existe pas de preuve matérielle à l’effet que la structure ait déjà été affectée, par l’humidité ou autre.

 

[35] Toutefois, les deux experts, soit celui des bénéficiaires ainsi que l’inspecteur conciliateur de l’administrateur, affirment que le danger potentiel existe, et ce, à cause de l’installation non conforme du revêtement, et tout particulièrement l’absence de ventilation.

 

[36] En effet, en ce qui a trait à ces murs extérieurs, la dégradation est constante et elle ne s’arrêtera pas.»

 

[35]       Ensuite, la sentence arbitrale rendue le 5 août 2016 par l’arbitre Jean Morissette, dans l’affaire Bouchard et Les Maisons Dominus.

 

[36]       À ce dossier, tout comme au présent, Michel Arès est le conciliateur et l’expert en bâtiment des bénéficiaires est Sylvain Brosseau de Burex.

 

[37]       Hormis « la présence d’un champignon sur la moulure du bas de la fenêtre avant du 2e étage », le problème rencontré à ce dossier est le même que celui dénoncé par la Bénéficiaire, soit une dégradation prématurée aux composantes du mur, en raison notamment d’une mauvaise ventilation à la base du mur et d’une mauvaise installation du revêtement de bois synthétique qui ne rencontre pas les recommandations du manufacturier, Revêtement St-Laurent.

 

[38]       Nous partageons également les commentaires de l’arbitre Morissette aux paragraphes 26 et 27 de sa décision et ci-après retranscrits :

 

« [26] Le revêtement d’un bâtiment résidentiel neuf est une partie importante et sa perte avancée après une si brève durée de pose m’indique qu’il y a perte de l’ouvrage au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec;

 

[27] Tout comme l’arbitre Claude Dupuis le mentionne dans la décision Espinosa, la perte potentielle suffit pour l’application de l’article 2118 du Code civil du Québec. La menace de perte d’un ouvrage constitue un préjudice actuel et le danger sérieux d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage ouvre le droit à la protection. »

 

[39]       De plus, le 15 août 2016, l’arbitre, Me Karine Poulin, a rendu une sentence arbitrale élaborée, dans l’affaire Ménard et Les Maisons Dominus.

 

[40]       Il s’agissait à nouveau d’une dénonciation des bénéficiaires au sujet du revêtement extérieur de leur unité, également partie du Projet.

 

[41]       À ce dossier, l’expert des bénéficiaires est encore une fois Sylvain Brosseau et le conciliateur, Michel Arès.

 

[42]       Les passages pertinents à cette sentence et auxquels souscrit le Tribunal, sont ci-après retranscrits :

 

« [152] L’Administrateur soulève l’absence de preuve démontrant que les matériaux sous la membrane pare-intempéries sont affectés et que la structure même du bâtiment est affectée.

 

[153] Il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire que le bâtiment s’écroule pour que la garantie contre les vices de construction s’applique. De fait, « la présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte potentielle de l’ouvrage ouvre droit à la protection. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’il est démontré un vice de construction grave propre à affecter la solidité de l’ouvrage. »

 

[154] Me Jeanniot s’exprime ainsi au sujet de la gravité du vice requis :

 

[14] Les parties sont de plus unanimes à l’effet que ce constat est une malfaçon, et/ou que ce constat est un vice caché, tout le litige résulte à savoir s’il s’agit ou non d’un vice majeur, puisque plus de trois (3) ans se sont écoulés depuis la réception des parties communes.

 

[15] Afin de faire droit à la demande des Bénéficiaires, je dois me satisfaire qu’il s’agit d’un vice qui porte atteinte à l’intégralité ou à la structure du bâtiment et/ou qu’il puisse rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné puisque la norme juridique générale impose un caractère « sérieux » ou « important » du vice, un critère déterminant.

 

[16] Les décideurs qui m’ont précédés (sic) ont aussi accepté de considérer le vice suffisamment important, lorsqu’on est placé dans une situation où il y a perte de l’ouvrage et que le préjudice soit né et actuel, de manière immédiate. La notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’étendre à tout dommage sérieux subis (sic) par l’ouvrage immobilier. 

 

(…)

 

[157] Traitant également de la gravité requise d’un vice au sens de la garantie contre les vices de construction, Me Gagné indique ceci :

 

[86] Dans l’affaire Paul Bordeleau Syndicat de Copropriété c. Saint-Luc Habitation inc. et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ, l’arbitre qui cite un article de doctrine qu’il a rédigé à ce sujet, considère que perte comprend perte probable à long terme :

 

Le procureur de l’A.P.C.H.Q. a admis, lors de sa plaidoirie, que la prépondérance de la preuve établit que les travaux de sous-œuvre sont entachés de malfaçons et ont été réalisés en violation des règles de l’art.

 

Cependant, le procureur de l’A.P.C.H.Q. affirme avec raison qu’il ne suffit pas d’établir la présence de malfaçons ou de vices de construction. En effet, il faut également établir que le vice entraîne ou entraînera, à court ou à long terme, suivant les termes de l’article 2118 du Code civil du Québec, une perte partielle de la Propriété.

 

Or, suivant une jurisprudence constante et bien établie, la notion de « perte » en vertu de l’article 2118 du Code civil du Québec fait l’objet d’une interprétation large et comprend la « perte potentielle » ou la « perte probable à long terme. »

 

Dans Construction J.R.L. (1977) Ltée c. Zurich Compagnie d’assurances, J.E. 91-824 (C.A.), page 6, la Cour d’appel affirme :

 

« Sont considérés comme vices de construction susceptibles d’engager la responsabilité quinquennale des constructeurs, les défectuosités qui sont de nature à empêcher l’ouvrage de remplir sa destination ou qui limitent, de façon majeure, l’usage normal de l’édifice…Le vice affectant une composante permanente et importante de celui-ci et sa présence impliquaient nécessairement des probabilités de détérioration grave en l’absence de corrections. »

 

(…)

 

[158] La preuve en l’instance a également démontrée (sic) la présence de moisissure à certains endroits et, selon le témoignage de Monsieur Brosseau que le Tribunal estime crédible et prépondérant, la prolifération de moisissure vers l’intérieur du bâtiment est fort probable si rien n’est fait.

 

[159] La jurisprudence reconnait que lorsqu’une situation est de nature à compromettre la santé et la sécurité des usagers, il s’agit d’une situation couverte par la garantie contre les vices de construction :

 

[17] Dans le cas qui nous concerne, je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et que ces derniers ont le fardeau de me convaincre.

 

[18] Il n’y a pas eu de preuve que l’immeuble est devenu non sécuritaire en raison de vices ou encore qu’il y a danger d’écroulement de certaines parties.

 

           (…)

 

[22] J’accepte la position de l’Administrateur, à l’effet qu’un dégât d’eau, et ces (sic) conséquences, bien que possiblement lourdes et coûteuses, ne constitue pas toujours un vice majeur. Je suis par contre d’opinion que de ne pas corriger une important (sic) infiltration d’eau récurrente, à court ou moyens termes (sic), créera des problèmes importants de moisissure aptes à rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné.

 

           (…)

 

[28] Je suis convaincu que cette infiltration d’eau provoquera la détérioration du bois de l’ossature, à moyens ou longs termes, mais et surtout une situation de culture qui indubitablement rendra l’immeuble impropre à l’usage auquel est destiné, voire même porter atteinte à la santé et à la sécurité de ses occupants. (nos soulignements) »

 

[43]       Finalement, l’état du revêtement de bois usiné St-Laurent de la Bénéficiaire, est identique à ce qui a été observé par le conciliateur, Michel Labelle, à sa décision rendue le 2 février 2015, pièce B-12, en faveur du bénéficiaire, François Dallaire, voisin immédiat de la Bénéficiaire, soit le 1259, Claude-Perraud.

 

[44]       À ce dossier, la réclamation du bénéficiaire avait toutefois été faite dans les trois (3) ans de la réception de l’immeuble, mais certaines des constatations du conciliateur au sujet de l’état du revêtement méritent d’être rapportées :

 

-       Gonflement à la jonction des clins;

-       Ventilation restreinte à la base de certains des murs, malgré l’installation de fourrure;

-       Écaillement de la surface de finition du revêtement;

-       Détérioration du revêtement de bois usiné de marque St-Laurent.

 

[45]       Le Tribunal est d’avis que la Bénéficiaire est aussi victime d’une mauvaise installation du revêtement et qu’à défaut d’y remédier, il y aura des problèmes importants de moisissure qui affectera la solidité de l’Unité.

 

FRAIS

 

[46]       Conformément à l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement ») les frais du présent arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

[47]       Les frais d’expertise réclamés par la Bénéficiaire au montant de 1 943,08 $, pièce B-10, et les frais connexes au montant de 147,53 $, pièce B-11, seront aussi à la charge de l’Administrateur.

 

[48]       Cependant, et conformément à l’article 23 du Règlement, le Tribunal refuse la somme réclamée par Revêtement Clermont à la Bénéficiaire au montant de 804,83 $, pièce B-13, pour la présence à l’audition du témoin Paul Hudon et de Me Béatrice Kénol, procureure de Revêtement Clermont.

 

CONCLUSION

 

[49]       Le Tribunal est d’avis que la présente situation est vouée à se détériorer, mettant en danger la pérennité de la structure de l’Unité et le risque de contamination fongique, pouvant rendre les lieux inhabitables.

 

[50]       Conséquemment, le Tribunal fait droit à la demande de la Bénéficiaire.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

            ACCUEILLE la demande d’arbitrage de la Bénéficiaire;

 

DONNE acte du désistement de la Bénéficiaire quant à la réfection du revêtement avant de son Unité;

 

ORDONNE à l’Administrateur de remplacer la totalité du revêtement extérieur arrière de l’Unité et de corriger le plan de drainage incluant, le cas échéant, le remplacement des matériaux endommagés, le tout conformément aux lois, codes et règlements en vigueur de même qu’aux règles de l’art, dans les trente (30) jours de la réception de la présente sentence;

 

ORDONNE à l’Administrateur de rembourser la Bénéficiaire les frais d’expertise et les frais connexes au montant total de 2 144,29 $, dans les trente (30) jours de la présente sentence;

 

REJETTE la réclamation de la Bénéficiaire au montant de 804,83 $ pour la présence à l’audition du témoin Paul Hudon et de Me Béatrice Kénol, procureure de Revêtement Clermont, conformément à l’article 124 du Règlement.

 

ORDONNE que les frais du présent arbitrage soient payés en totalité par l’Administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement.

 

 

À Montréal, le 17 octobre 2016

 

 

 

                                                          

Me Pierre Brossoit, arbitre

 

 

Décisions soumises par l’Administrateur :

 

Ø    Syndicat de la copropriété du 1274 Gilford, Montréal (Anouk fournier) & al. -et- La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, sentence rendue le 14 mars 2008 par Me Michel A. Jeanniot, arbitre;

 

Ø    Syndicat du 18 Impasse Huet c. 9153-5914 Québec inc., Condos Place d’Amérique & al., décision rendue le 8 août 2016 par M. Yves Fournier, arbitre;

 

Ø    Syndicat du 18 Impasse Huet c. 9153-5914 Québec inc., Condos Place d’Amérique & al., décision rendue le 15 juillet 2016 par M. Yves Fournier, arbitre.

 

 

 

Décisions soumises par la Bénéficiaire :

 

Ø    Lina Paola Daza Espinosa et al. -et- 3858081 Canada inc./Les Maisons Dominus et al., sentence rendue le 5 octobre 2015 par M. Claude Dupuis, arbitre;

 

Ø    Alexandra Fortier et al. -et- Administrateur de La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. -et- al., sentence rendue le 23 octobre par Me Bernard Lefebvre, arbitre;

 

Ø    Maryse Bouchard & al. c. Sylvain Proulx, Syndic de faillite, ès qualité pour 3858081 Canada in. (Les Maisons Dominus) -et- al., sentence rendue le 5 août 2016 par M. Jean Morissette, arbitre.