TRIBUNAL D’ARBITRAGE

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide du

CENTRE CANADIEN D’ARBITRAGE COMMERCIAL

(CCAC)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE

DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

______________________________________________________________________

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

Dossiers CCAC nos: S14-031701-NP et S14-063002-NP

 

MARC BRISSON

Bénéficiaire

c.

9253-5400 QUÉBEC INC.

Entrepreneur

et

LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

Administrateur

                        _______________________________________________

 

DÉCISION ARBITRALE

                        _______________________________________________

 

 

Arbitre:                                                                                             Me Jean Philippe Ewart

 

 

Pour le Bénéficiaire:                                                                      Marc Brisson

 

Pour l’Entrepreneur :                                                                       Mme Sophie Pépin

Mme Marie-Pier Racine

 

Pour l’Administrateur :                                                                    Me François-Olivier Godin

 

Date de la Décision:                                                                      9 mars 2015

 

 

 

 

 

 

Identification des Parties

 

BÉNÉFICIAIRES :                                                                                       MaRC BRISSON

[…] Brossard (Québec) […]

 

 (le « Bénéficiaire»)

 

entrepreneur:                                                                        9253-5400 QUÉBEC INC.

f/a/s HABITATIONS TRIGONE INC.

Attention: Mme Sophie Pépin

1981, boul. Bernard-Pilon

Beloeil (Québec)

H4A 1Y3

 

 (« l’Entrepreneur »)

 

ADMINISTRATEUR:                            LA GARANTIE HABITATION DU QUÉBEC INC.

Attention: Me François-Olivier Godin

9200, boul. Métropolitain Est

Montréal (Québec)

H1k 4l2

(« l’Administrateur »)

 

 

 

Introduction

 

[1]        Le Bénéficiaire a pourvu à demande d’arbitrage le 17 mars 2014 («Demande 1») d’une décision de l’Administrateur quant à un retard de livraison (no 101021-7065, dossier S14-031701-NP, datée du 7 mars 2014, amendée le 10 mars 2014  («Décision 1») de son unité de condominium identifié au dossier (le «Bâtiment») et le 30 juin 2014 (« Demande 2 ») d’une autre décision de l’Administrateur quant à des vices et malfaçons allégués (no 101021-6846 dossier S14-063002-NP) (Pièce A-7), datée du 30 mai 2014) (« Décision 2 »).

 

[2]        En réponse à une requête des procureurs de l’Administrateur par correspondance du 17 juillet 2014, requête à laquelle le Bénéficiaire s’est opposé par correspondance de même date, le Tribunal a pourvu à réunion d’actions desdites Demande 1 et Demande 2 par décision arbitrale intérimaire émise en date du 5 août 2014.

 

 

 

Mandat et juridiction

 

[3]        Le Tribunal est saisi des dossiers aux présentes en conformité du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (le « Règlement ») adopté en conformité de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q. c. B-1.1), dans le cadre de la garantie prévue au Règlement.

 

[4]        Le soussigné a été nominé à titre d’arbitre à la Demande 1 le 19 mars 2014 et à la Demande 2 le 17 juillet 2014.

 

[5]        Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’est soulevée par les parties et juridiction du Tribunal est confirmée.

 

Chronologie

 

[6]        Les dates principales dans cette affaire sont :

 

2012.12.15    Contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de condominium (Pièce A-4/E-2);

Annexe au contrat préliminaire (Pièce E-3).

2013.01.07    Annexe au contrat préliminaire (Pièce E-4).

2013.05.03    Autorisation du Ministère du développement durable, de l’Environnement et des Parcs pour le ‘Prolongement des réseaux d’aqueduc, d’égout pluvial et d’égout sanitaire dans le cadre du projet « Domaine du Quartier »’ (Pièce E-7).

2013.08.15    Annexe au contrat préliminaire (Pièce E-1).

2013.12.02    Inspection pré-réception et réception du bâtiment. (Pièce A-5).

2013.12.20    Contrat de vente entre Marc Brisson et 9253-5400 Québec inc. (Pièce A-6).

2014.03.07    Décision initiale de l’Administrateur (Pièce A-3).

2014.03.10    Décision amendée de l’Administrateur (Pièce A-2; Décision 1).

2014.03.17    Demande d’arbitrage (Demande 1) du Bénéficiaire.

2014.03.19    Notification d’arbitrage Demande 1 et nomination arbitre (Pièce A-1).

2014.05.06    Conférence préparatoire; sommaire écrit aux Parties.

2014.05.30    Décision de l’Administrateur (Pièce A-7; Décision 2); on y retrouve des correspondances du Bénéficiaire classées Notes A, B, C et D par l’Administrateur;  demande de délai du Bénéficiaire.

2014.06.30    Seconde demande d’arbitrage (Demande 2) du Bénéficiaire.

2014.07.10    Notification d’arbitrage Demande 2.

2014.07.17    Nomination arbitre Demande 2; requête en réunion d’actions des procureurs de l’Administrateur; opposition écrite du Bénéficiaire.

2014.08.05    Décision arbitrale ordonnant réunion d’actions.

2014.08.13    Enquête et audition.

2014.08.14    Réception jurisprudence de l’Administrateur suite à engagement lors de l’enquête et audition.

2014.08.29    Réception de documents du Bénéficiaire sous preuve close.

 

 

Déroulement de l’instance

 

Pièces

[7]       Les Pièces contenues au Cahier de l’Administrateur et dont référence sera faite aux présentes sont identifiées comme A-, avec sous-numérotation équivalente à l’onglet applicable au Cahier visé ou en continu suite à dépôt subséquent, les Pièces présentées par l’Entrepreneur sont identifiées comme E- et les pièces présentée par le Bénéficiaire sont identifiées comme B-.  Aucune objection quant à véracité ou exactitude de la preuve documentaire n’a été soulevée.

 

Le Règlement

 

[8]        Le Tribunal s’appuie pour les présentes que le Règlement est d’ordre public et prévoit que toute disposition d’un plan de garantie (« Garantie » ou « Plan »)  qui est inconciliable avec le Règlement est nulle[1].  Conséquemment, le Tribunal se réfère aux articles du Règlement lorsque requis sans rechercher la clause correspondante au contrat de garantie, s’il en est.

 

[9]        La décision arbitrale est finale et sans appel et lie les parties dès qu’elle est rendue[2].

 

[10]     Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer la responsabilité de l’Entrepreneur qui peut découler d’autres lois ou forum, et alors hors la compétence du Tribunal, mais bien d’agir quant à un différend portant sur une décision de l'Administrateur concernant une réclamation, et donc de déterminer si l’Administrateur a correctement considéré une réclamation dans le cadre de la Garantie; il faut toutefois noter que ce cadre requiert de déterminer s’il y a manquement de l'Entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles afin de circonscrire la couverture de la Garantie.

 


Faits pertinents - Demande 1

 

 [11]     Un contrat préliminaire de vente et contrat de garantie obligatoire de  condominium est intervenu entre 9238-5814 Québec Inc. et le Bénéficiaire le ou vers le 15 décembre 2012 (Pièce A-4/E-2, Décision 1) pour fraction d’un immeuble assujetti au régime de copropriété des immeubles.

 

[12]      Ledit contrat prévoit une réception du bâtiment par le Bénéficiaire au 17 juillet 2013 (art. 1.2).

 

[13]      Le 7 janvier 2013, et la preuve non contredite est à l’effet que ce report est à la demande du Bénéficiaire, la ‘date d’occupation’ [ndlr : expression utilisée] du Bâtiment est repoussée au 23 août 2013, tel qu’en fait foi une annexe au contrat préliminaire sur formulaire de l’Administrateur (Pièce E-4) (sans aucune autre annotation), dûment signée par le Bénéficiaire et 9238-5814 Québec Inc..

 

[14]      Le 15 août 2013, par le biais d’une nouvelle annexe au contrat préliminaire sur formulaire de l’Administrateur (Pièce E-1) (avec annotations autres relatives à deux crédits minimes et à un changement de l’identité de l’Entrepreneur, qui est alors identifié 9253-5400 Québec Inc.), les Parties conviennent que :

 

« La date de livraison sera en décembre 2013. La date exacte à confirmer par le chargé de projet.»

 

[15]      9238-5814 Québec Inc., signataire du contrat préliminaire de vente et contrat de garantie et des deux premières annexes au contrat préliminaire, et l’Entrepreneur par la suite identifié 9253-5400 Québec Inc. sont des sociétés affiliées, l’Entrepreneur ayant comme premier actionnaire Habitations Trigone Inc., et 9238-5814 Québec Inc. (faisant aussi affaire selon les registres gouvernementaux en certaines circonstances sous Trigone & Associés) est affiliée à l’Entrepreneur sous actionnariats de sociétés intermédiaires; on note de même que les deux sociétés, ainsi que Habitations Trigone Inc. ont d’autre part les mêmes dirigeants et administrateurs et adresses de domicile. On note aussi au Contrat Vente Notarié (défini ci-dessous) que l’Entrepreneur déclare avoir acquis l’immeuble vendu au Bénéficiaire d’une autre société dont l’actionnaire majoritaire est Habitations Trigone Inc.

 

[16]      Une réception avec réserve est signée par le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 2 décembre 2013 sur formulaire pré-imprimé de l’Administrateur à cet effet.

 

[17]      Un contrat de vente notarié intervient entre le Bénéficiaire et l’Entrepreneur le 20 décembre 2013 (« Contrat Vente Notarié ») pour fraction d’un immeuble en copropriété, avec adresse civique pour partie privative (Pièce A-6, Décision 1).

 

[18]      L’Administrateur souligne consulter l’acte d’acquisition au registre foncier, soit le Contrat Vente Notarié, et en cite l’extrait suivant :

 

« POSSESSION

 L’acheteur devient propriétaire de l’immeuble à compter de ce jour, avec possession et occupation à compter du vingt décembre deux mille treize (20-12-2013).

 

Les parties conviennent que la date d’occupation de l’immeuble par l’acheteur ci-dessus précisée remplace toute autre date ayant pu, le cas échéant, être convenue entre elles, les parties renonçant à cet égard à toute réclamation qu’elles pourraient avoir l’une contre l’autre et se donnant par les présentes quittance mutuelle et réciproque. »

 

[19]      Sur la foi du Contrat Vente Notarié, que l’Administrateur caractérise d’acte authentique (avec référence à art. 2814 al.6 CcQ) et référant d’autre part à l’art. 2818 CcQ et ce qu’il considère « ...la règle de la meilleure preuve », l’Administrateur soutient que les Parties (Entrepreneur et Bénéficiaire) se sont octroyées quittance quant à toute réclamation pouvant découler d’un retard de livraison et rejette la réclamation du Bénéficiaire, quoique celle-ci n’est pas détaillée ou autrement indiquée à la Décision 1.   

 

[20]     Le Tribunal note que la seule correction à la Décision 1 amendée (10 mars 2014) est le retrait d’un liminaire en ‘Attendu’ référant à une entente quant au relogement du Bénéficiaire en date du 27 mars 2013. La preuve est autrement silencieuse à ce sujet.

 

Prétentions et Plaidoiries, Demande 1

 

Analyse, Demande 1

           

[21]      Il convient ici de se demander si l’Administrateur était justifié de baser sa décision de rejeter la réclamation du Bénéficiaire pour des frais encourus quant à un retard de livraison sur l’extrait (précité) du Contrat Vente Notariée identifiant « … que les parties se sont octroyé quittance quant à toutes réclamations pouvant découler de la date de livraison; »[3]

 

[22]      En tout respect, le Tribunal est d’avis que ce n’est pas le cas.

 

[23]     La couverture du Plan relative dans nos circonstances à une réclamation suite à retard de livraison du Bâtiment, se retrouve plus particulièrement pour les bâtiments détenus en copropriété divise:

 

« 26.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles avant la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

[…] 

3° le relogement, le déménagement et l'entreposage des biens du bénéficiaire dans les cas suivants:

 

a)     le bénéficiaire ne peut prendre réception du bâtiment à la date  convenue avec l'entrepreneur à moins que les acomptes ne soient remboursés;

 

 b)  il ne peut prendre réception du bâtiment à la date convenue avec l'entrepreneur afin de permettre à l'administrateur de parachever le bâtiment. »

 

[24]     Il y a exclusion à cette obligation de la Garantie de couverture pour relogement, déménagement et entreposage des biens dans les cas d’évènements de force majeure, et celle-ci est d’autre part limitée selon les dispositions suivantes :

 

« 30.    La Garantie d’un plan relative à un bâtiment détenu en copropriété divise est limitée aux montants suivants :

[….]

2. pour la protection à l’égard du relogement, du déménagement et de l’entreposage des biens du bénéficiaire, sur présentation des pièces justificatives et à la condition qu’il n’y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire, 5 500 $ par fraction prévue à la déclaration de copropriété soit :

 

a.    le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le déménagement et l’entreposage;

b.      le remboursement du coût réel raisonnable engagé pour le relogement comprenant gîte et couvert sans toutefois dépasser, sur une base quotidienne :   [….] »

 

[25]     L’article 140 du Règlement se lit ainsi :

 

« 140.  Un bénéficiaire ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent règlement. »

 

[26]      Cette renonciation visée par l’article 140 est sujette à certains paramètres comme l’illustre entre autre de nouveau notre Cour d’appel en 2012 dans l’affaire Marcotte [4]:

 

« [128] Une renonciation par une personne à la protection que lui accorde une loi, sauf s'il s'agit d'une loi d'ordre public de direction, est possible une fois le droit acquis, mais non en anticipation de celui-ci (Garcia Transport Ltée c. Cie Trust Royal, [1992] 2 R.C.S. 499 ). Cette renonciation peut alors être expresse, écrite, implicite ou tacite; dans tous les cas, elle doit néanmoins être claire, non ambiguë ou équivoque. En d'autres mots, on ne peut validement renoncer qu'en pleine connaissance de cause et en démontrant l'intention suffisante. »

[nos soulignés]

 

[27]      Rappelons qu’au Règlement nous sommes aux fins de l’article 140 dans un cadre d’ordre public de direction qui peut être défini « …comme mission primordiale de protèger l’individu» alors que l’ordre public de direction dont il est aussi mention à la citation de l’affaire Marcotte est principalement des «… règles posées dans l’intérêt de la société toute entière et de son bon gouvernement[5].

 

[28]      Cette règle applicable a d’ailleurs été énoncée dans la cause phare de Garcia Transport où la Cour Suprême du Canada sous la plume de l’Hon. L’Heureux-Dubé nous indique :

 

« La règle générale veut que la renonciation ne soit valide que si elle intervient après que la partie, en faveur de laquelle la loi a été édictée, a acquis le droit qui découle de cette loi. C’est alors, et alors seulement, que la partie la plus faible, tel le débiteur en l’espèce, peut faire un choix éclairé entre la protection que la loi lui accorde et les avantages qu’elle compte obtenir de son cocontractant en échange de la renonciation de cette proposition,

[…]

Pour conclure sur ce point, disons qu'il est possible de renoncer à une disposition d'ordre public économique de protection puisque sa violation n'est sanctionnée que par une nullité relative.  En raison de la nature même de la protection accordée, toutefois, cette renonciation n'est valide que si elle est consentie après l'acquisition du droit et non avant. »[6]

[nos soulignés]

 

[29]      Cet énoncé de notre Cour Suprême traite d’autre part de la considération que le Bénéficiaire a soulevé à diverses reprises en cours d’enquête et audition, alléguant des circonstances relatives à cette renonciation qui empêchaient ou gênaient un choix éclairé de sa part. Il ne sera pas requis d’analyser ces éléments en détail aux présentes, tenant compte de la présente décision quant à la renonciation du Bénéficiaire au Contrat Vente Notarié, le Tribunal notant d’une part que le Bénéficiaire peut difficilement plaider qu’il ne connaissait pas l’effet d’un consentement à report de livraison (alors que le premier report est à sa demande), mais d’autre part que les agissements de l’Entrepreneur relatifs à la signature notariée constituent certes une pression indue et qui ne rencontre pas les obligations de conseil qu’un entrepreneur doit à son client.

 

[30]      La doctrine, tels les auteurs Baudouin et Jobin dans Les Obligations, au titre de ‘Sanctions de l’ordre public’, identifie une telle renonciation à une ‘transaction’ au sens de notre Code Civil :

 

« Par ailleurs, contrairement à ce qui est le cas pour l’ordre public de direction, la partie protégée peut renoncer à ses droits, mais à certaines conditions : cette renonciation ne sera valide que lorsque la partie sera en position de se rendre compte de ses droits concrètement (par exemple, elle a découvert le vice qui était caché et sait qu’elle dispose d’un recours) et de faire un choix éclairé entre la protection que lui accorde la loi et les avantages de la renonciation (par exemple, une indemnité). Le droit est donc né et actuel à ce moment. Une telle renonciation constitue essentiellement une transaction (article 2631). »[7]

[nos soulignés]

 

[31]     L’article 2631 du Code Civil définit ainsi la transaction :

 

« 2631. La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l'exécution d'un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

Elle est indivisible quant à son objet. »

[nos soulignés]

 

[32]     La preuve démontre que l’Entrepreneur a exigé ou obtenu des reports de date de livraison en janvier 2013 (Pièce E-4), et en août 2013 (Pièce E-1) sous laquelle la date est reportée en décembre 2013 (et sous laquelle il y a une note de crédit mais la preuve ne démontre pas aucun lien entre ce crédit et le report de livraison), de même que cette quittance stipulée au Contrat de Vente Notarié (clause sous titre de ‘Possession’, citée aux présentes), non pas par des concessions réciproques, mais par ce qui ne peut être qu’une renonciation unilatérale à titre gratuit par le Bénéficiaire; on ne retrouve pas à la preuve un ‘avantage’ quelconque au sens donné par la Cour Suprême que le Bénéficiaire ‘compte obtenir’, ou de ‘concession réciproque’ au sens de l’article 2631 CcQ. Conséquemment, le Tribunal est d’avis que cette renonciation au Contrat de Vente Notarié par le Bénéficiaire est en contravention de l’article 140 du Règlement.

 

[33]      La jurisprudence arbitrale découlant du Règlement est au même effet.

 

[34]     Ce n’est pas la première fois que le tribunal d’arbitrage au sens du Règlement se penche sur une clause de ce type. Déjà en 2003, dans l’affaire Dufresne et Lefebvre c. Le Groupe Trigone Construction inc, jurisprudence soumise par le Bénéficiaire, l’acte de vente notarié sous étude prévoit la clause suivante, sur laquelle est centrée l’analyse de la décision arbitrale :

 

« POSSESSION

 

Les parties conviennent de plus de l’acceptation mutuelle de cette date de livraison nonobstant toute autre date de livraison ayant fait l’objet d’entente précédente, convenant, par la signature des présentes, de se donner quittance de quelques réclamations que ce soient à l’égard de ladite date de livraison. » [8]

 

toutefois, avant de signer le contrat de vente notarié, les parties dans cette affaire avaient convenu d’une compensation financière finale sur délai de livraison payable par l’entrepreneur au bénéficiaire, ce qui emporte concessions réciproques visées par l’article 2631 CcQ et donc se distingue de la présente cause.

 

[35]     Plus récemment, notre collègue Me Roland-Yves Gagné adjuge sur une clause très similaire sous un contrat de vente notarié dans l’affaire Koné c. Fairmont [9] qui se lit :

 

« [29]   […] contrat de vente, une clause, objet du présent arbitrage, intitulée Possession, se lit comme suit :

L’acheteur deviendra le propriétaire absolu de l’immeuble présentement vendu en date des présentes, et en aura l’occupation à partir de la date de sa signature sur ces présentes et accepte cette dernière date comme date de livraison sans recours contre le vendeur pour tout délai de livraison. »

 

[36]     Dans cette affaire, l’arbitre Me Gagné conclut après une étude particulièrement exhaustive de la jurisprudence et doctrine, mais soulignant que sa conclusion est uniquement dans le cadre des faits et de la preuve spécifique devant le tribunal:

 

« [87.3] le Tribunal d’arbitrage doit conclure des faits particuliers du présent dossier que la renonciation sans indemnisation ou concession de la Bénéficiaire trouvée dans la clause Possession du contrat de vente pour les frais encourus dans le passé à cause du retard de livraison était contraire au Règlement et donc de nul effet. »

Il est toutefois essentiel de noter que le quantum des ‘dommages’ qu’accorde l’arbitre dans l’affaire Koné vise des éléments de déménagement et relogement au sens de l’article 30 du Règlement et découle d’autre part d’une décision interlocutoire dans ce dossier où les montants et la caractérisation de déménagement et relogement au sens de l’article 30 ne sont pas contestés, situation différente de celle aux présentes.

 

[37]     Très récemment, le 22 janvier 2015 dernier, notre collègue Me Michel A. Jeanniot s’adresse dans l’affaire Seddick c. 9253-5400 Québec Inc.[10] (où l’entrepreneur est l’Entrepreneur aux présentes) à une clause presqu’identique à celle sous étude au présent dossier, prévu à un acte notarié translatif de propriété qui se lit:

«… les parties conviennent que la date d’occupation de l’immeuble par l’acheteur ci-dessus précise et remplace toute autre date ayant pour but, le cas échéance, être convenu entre elle, les parties renonçant à cet égard à toute(s) réclamation(s) qu’elle pourra avoir l’une contre l’autre et se donnant présente quittance mutuelle et réciproque»

 

[38]   L’Arbitre Jeanniot conclut de même manière que le soussigné aux présentes et que Me Gagné dans l’affaire Koné, quant à la non validité d’une clause de renonciation ou quittance sans ‘concessions réciproques’, alors qu’il résume les faits particuliers du dossier devant lui :

 

« Puisque rien ne semble établir quelque contrepartie que ce soit en échange, par le Bénéficiaire, de sa renonciation à ses droits, à ses bénéfices et aux possibles postes de réclamation résultant du retard […] dans la livraison de son unité. […] Donc, que cette renonciation est faite sans considération et/ou sans aucune concession apparente par l’Entrepreneur … »

et qu’il fait sienne les conclusions énoncées par notre confrère Gagné que la renonciation sans indemnisation ou concession du bénéficiaire était contraire au Règlement et donc de nul effet.

 

[39]   Dans cette affaire Seddick, alors que Me Jeanniot accorde un montant de différentiel de loyer pour une relocalisation temporaire (para. 35), il rejette toutefois d’autre part une réclamation pour loyer du logement initial du bénéficiaire (para 34), considérant dans ce cas que le bénéficiaire n’a pas subi de dommage pécunier.

 

[40]      De nouveau, dans un cas de réclamation pour loyer d’un logement initial, la jurisprudence arbitrale découlant du Règlement est au même effet.

 

[41]      La réclamation du Bénéficiaire, qui semble préalablement à l’arbitrage avoir été d’un montant jusqu’à 21 760$ « …pour toutes les pertes encourues depuis 15 décembre 2012 » mais qui par admission se fixe à 3 400$ « …mes 3400$ pour les 4 mois de loyer dûment payé dans le vide… »[11].

 

[42]     Me Jeanniot dans une cause de retard de livraison de 2006 distingue déjà la responsabilité d’un administrateur au Règlement et celle potentielle d’un entrepreneur, non sous les dispositions du Règlement mais devant les tribunaux de droit commun :

 

 [13] La responsabilité de l’Administrateur en vertu du Plan de Garantie est limitée, ce qui n’est pas le cas de l’Entrepreneur, qui lui a une responsabilité beaucoup plus large.

[14] Si l’Entrepreneur devant nos tribunaux peut être tenu à compensation pour troubles, dommages, inconvénients ou perte de jouissance, tel n’est pas le cas pour l’Administrateur, du moins suivant ma lecture […] du Règlement. » [12]

 

[43]     S’addressant à cette question, l’Arbitre C. Mérineau dans la cause Lauzon c. Construction 360º International souligne que pour être couverte, une telle réclamation se doit d’être une augmentation de coûts, et il considère que la réclamation n’est pas couverte par le Plan :

 

«  [49]            Bien que l’arbitre n’ait aucun doute quant au paiement des trois mois de loyer à l’entrepreneur, il appartenait aux bénéficiaires de faire la preuve que la somme de $2,700.00 qu’ils réclament constitue un coût de relogement au sens du Règlement : à savoir, que les coûts qu’ils ont encourus  en regard de ceux qu’ils auraient encourus, s’ils avaient pris livraison de leur maison à la date prévue au contrat préliminaire, constituent une augmentation de ces coûts sans être un enrichissement injustifié. » [13]                                           [nos soulignés]

 

[44]     Ce ‘dommage pécunier’ de l’affaire Seddick, ‘augmentation de coûts encourue’ sous l’affaire Lauzon, c’est ce que l’Arbitre G. Pelletier nomme ‘frais additionnels d’hébergement’ dans l’affaire Amor c. S.E.C. Prince of Wales dans le cadre d’une réclamation de « …inutilement payé 4 mois et demi de loyer… » alors que le bénéficiaire confirme avoir choisi de demeurer dans son logement jusqu’à la date de réception du bâtiment et que l’Arbitre conclut que la réclamation ne se qualifie pas selon les exigences du Règlement. [14]

 

[45]     Notons que l’Administrateur a d’autre part subsidiairement plaidé que les montants réclamés représenteraient pour le Bénéficiaire un enrichissement sans cause, un enrichissement injustifié, citant entre autre l’article 30 (2) du Règlement.

 

[46]     Qu’en est-il de cette condition «qu’il n’y ait pas enrichissement injustifié du bénéficiaire » au sens du Règlement, intégré à l’analyse arbitrale de la couverture du Plan dans ces circonstances?

 

[47]     Le Code civil prévoit :

 

« Art.1493. Celui qui s'enrichit aux dépens d'autrui doit, jusqu'à concurrence  de son enrichissement, indemniser ce dernier de son appauvrissement corrélatif s'il n'existe aucune justification à l'enrichissement ou à  l'appauvrissement.

 

Art. 1494. Il y a justification à l'enrichissement ou à l'appauvrissement  lorsqu'il résulte de l'exécution d'une obligation, du défaut, par l'appauvri,  d'exercer un droit qu'il peut ou aurait pu faire valoir contre l'enrichi ou d'un acte accompli par l'appauvri dans son intérêt personnel et exclusif ou à ses risques et périls ou, encore, dans une intention libérale constante. »

 

[48]     La Cour Suprême avait d’ailleurs, avant l’adoption législative au Code civil qui stipule quatre conditions, identifié les éléments suivants [15] :

 

 « La plupart des autorités, mais non pas toutes, reconnaissent que le recours pour enrichissement injustifié est soumis à l'existence des conditions suivantes:

1° un enrichissement;

2° un appauvrissement;

3° une corrélation entre l'enrichissement et l'appauvrissement;

4° l'absence de justification;

5° l'absence de fraude à la loi, et

6° l'absence d'autre recours. »

 

[49]     Dans les circonstances présentes, quoique la renonciation du Bénéficiaire soit contraire au Règlement et donc nulle et de non effet, il n’y a pas dans les circonstances présentes des réclamations de ‘dommage pécunier’, pas ‘d’augmentation de coûts’, au sens donné à ces expressions étudiées ci-dessus, et de pourvoir à un paiement à ce titre au Bénéficiaire serait en effet de constituer un enrichissement sans cause, injustifié. Conséquemment, la réclamation du Bénéficiaire à ce titre est rejetée.

 

[50]     Le Tribunal note l’envoi par le Bénéficiaire - au Greffe seulement - de correspondance et de documents joints en date du 29 août 2014.  Le Tribunal se doit ici de souligner qu’il était alors en délibéré et que la preuve était close; il ne pouvait donc considérer lesdits documents et correspondance dans le cadre de la rédaction des présentes.

 

[51]     Toutefois alors, et à titre purement indicatif, et quoique le Tribunal a clairement exposé au Bénéficiaire à plus d’une reprise ce que signifiait les concepts de preuve close et prise de délibéré, le Bénéficiaire a souligné par la suite que sa réclamation emportait l’impossibilité d’appliquer son loyer payé lors du report réclamé à des paiements hypothécaires qui auraient été encourus s’il avait pris possession du Bâtiment et que déboursés aient été effectués à l’hypothèque. Qu’il suffise de dire que le Règlement ne doit couvrir que le ‘relogement, le déménagement et l'entreposage’ et non pas tout titre ou sujet potentiel de réclamation autre, s’il en est.

 

Prétentions et Plaidoiries, Demande 2

 

[52]      Le Tribunal note qu’il y a eu inspection du Bâtiment par Mme Karine Pépin, conciliatrice, le 24 avril 2014 et que la Décision 2 est datée du 30 mai 2014.

 

[53]      La Décision 2 identifie sept (7) points et les Points 1 et 3 (Décision 2) sont sujets de l’arbitrage:

                                   Point 1 :  Salle de bain : porte de douche - positionnement;

                                    Point 3 :  Chambre à coucher : fenêtre - infiltration d’air.

 

[54]     La couverture du Plan dans le cas sous étude et les délais de dénonciation applicables, s’il en est, sont prévus au Règlement, que ce soit pour malfaçons ou vices cachés et se lisent, plus particulièrement pour les bâtiments détenus en copropriété divise:

 

 «  27.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment (de la partie privative ou des parties communes) doit couvrir:

[….]

2°   la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

3°   la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

4°   la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil; »

[….]

 

Point 1.

[55]      Le Bénéficiaire allègue que le bain est difficile d’accès et que la distance entre le bain et la toilette est trop étroit, mentionne qu’il n’était pas au courant qu’il y aurait une cloison vitrée pour la douche et plaide que cet accès difficile compromet la sécurité des occupants.

 

[56]      L’Entrepreneur souligne que la difficulté serait plutôt la hauteur du bain, soit l’enjambée, s’il en est.

 

[57]      L’Administrateur considère (i) que le positionnement de la toilette rencontre l’usage courant du marché et que (ii) la cloison vitrée avec porte et ouverture de 180 degrés permet l’accès à la baignoire.  Ne constatant aucune malfaçon, l’Administrateur considère ne pouvoir reconnaître ce point.

 

[58]     Sous contre-interrogatoire, le Bénéficiaire admet qu’il n’a pas souligné cet élément lors de la réception du Bâtiment.  D’une part, il n’y a pas preuve, et le fardeau est au demandeur Bénéficiaire, que cette installation est contraire aux usages du marché (l’Administrateur a statué que ce positionnement rencontre les usages et preuve à l’enquête est au support de cet énoncé (entre autres Pièces P-25 en liasse, P-26 et P-27) et, d’autre part, ce qui est conclusif à ce que cette réclamation ne peut être accordée, cette situation est clairement apparente, n’a pas été dénoncée en temps opportun tel que requis, et est donc rejetée par le Tribunal.

 

Point 3.

 [59]     Le Tribunal note que l’Administrateur a déduit ne pas avoir à intervenir, les situations dénoncées portant sur des éléments de parties communes et non privatives, et recommandé que lesdites situations soient plutôt dénoncées par le syndicat.

 

[60]      En tout respect, le Tribunal n’est pas de cet avis.

 

Bénéficiaire approprié - Copropriétaire ou Syndicat

 

[61]      Un syndicat de copropriété est une personne morale distincte, tel qu’énoncé à l’article 1039 du Code Civil : 

 

[62]      Le Code Civil spécifie à l’alinéa 1 de l’article 1081 que le syndicat peut intenter une action dans le cas de vices :

 

« 1081.  Le syndicat peut intenter toute action fondée sur un vice caché, un vice de conception ou de construction de l'immeuble ou un vice du sol. Dans le cas où les vices concernent les parties privatives, le syndicat ne peut agir sans avoir obtenu l'autorisation des copropriétaires de ces parties. »[16]

 

[63]      Cette approche de principe, sans reconnaître un droit exclusif au syndicat, est d’ailleurs suivie par les auteurs[17] mais, toutefois, la question d’à propos est plutôt de déterminer si un bénéficiaire copropriétaire peut lui aussi intenter un recours visant une partie commune, ou si ce droit est exclusif au syndicat.

 

[64]     Une certaine jurisprudence dans les dernières années avance que le copropriétaire divis n’a pas la compétence dans le cas d’une partie commune ce qui, dans le cas qui nous occupe, mettrait fin aux procédures et requiert donc une attention particulière:

 

[64.1] Dans Poirier c. Spagnolo, cas de recours pour vices de construction en Cour Supérieure, sous la plume de M.J. Courville, J. :

 

« Les administrateurs assurent indivisément, à titre de mandataires de l’ensemble des copropriétaires, la représentation de leur intérêt collectif et le recouvrement des indemnités qui peuvent être requises pour la préservation de celui-ci.

 

Ainsi, tant dans le nouveau Code que dans l’ancien les recours pour vices de construction sont réservés au syndicat des copropriétaires. »[18]

 

 

[64.2] Dans l’affaire Lemyre c. Arcand, cas de recours pour vices cachés en Cour du Québec :

                       

« Le syndicat demeure le représentant exclusif de l’intérêt commun des copropriétaires, responsable de la correction des problèmes aux parties communes et de l’exécution des travaux pour les corriger »[19]

 

[64.3] Dans le cas d’un vice de construction à un plafond, en Cour du Québec :

 

«  Le syndicat a seul intérêt pour poursuivre le constructeur ou son garant (la défenderesse) puisqu’il s’agit d’un vice de construction d’une partie commune et que le non-respect de la finition originale du plafond est une résultante de la réparation à ce vice de construction.

Considérant ainsi l’absence de lien de droit entre les demandeurs et la défenderesse, la demande est par conséquent rejetée. »[20]

[Nos soulignés]

 

[65]      Toutefois, une revue d’auteur des courants jurisprudentiels sur cette question se retrouve sous ‘Les recours du copropriétaire pour vices cachés affectant les parties communes : étude comparative France-Québec[21] par laquelle l’auteur P.G. Champagne considère inter alia [22] que cette jurisprudence entre autre précitée de première instance ne représente pas l’état du droit au Québec, mais que l’on doit s’appuyer, quant à la jurisprudence trouvant application sur la ratio de l’arrêt de notre Cour d’appel dans Belcourt Construction Co. c. Creatchman, où on peut lire, tel que cité par l’auteur:

 

« Mais je ne vois rien dans ces articles [441v, 441y et 441z] qui restreint le droit individuel de chaque copropriétaire de poursuivre son vendeur pour vices cachés, soit en annulation de la vente, soit en diminution du prix.  Il me semble évident que chacun des copropriétaires a, en l’espèce, l’intérêt suffisant selon l’article 55 C.P. pour exercer ce droit fondamental.  Or, en l’absence d’un texte clair et précis ayant pour effet d’en priver le copropriétaire, je ne vois pas qu’on puisse par simple inférence conclure que les administrateurs pourraient, à l’exclusion des copropriétaires, exercer un recours en annulation de la vente ou en diminution de son prix alors qu’ils ne sont aucunement partie à la vente. »[23]

 

[Nos soulignés]

 

[66]      Ce jugement précède l’adoption de l’article 1081 C.c.Q, toutefois un deuxième jugement de la Cour d’appel en 1996, aussi cité par l’auteur, précise, sous la plume de Forget J., citant d’ailleurs Paré J. sous le même extrait de Belcourt Construction Co. c. Creatchman que celui retenu par P.G. Champagne:

 

 « Notre cour a, dans Belcourt Construction inc. c. Creatchman, reconnu au propriétaire divis le droit d’exercer contre son vendeur les recours qui découlent de la garantie contre les vices cachés.

 

Je ne retiens donc pas le moyen d’appelante fondé sur l’irrecevabilité du recours en annulation intenté par un propriétaire divis.

Le recours étant recevable […] »[24]

[Nos soulignés]

 

[67]      Finalement, dans une cause en décembre 2004, Bousquet J., devant une plaidoirie qui s’appuyait sur les affaires précitées de Poirier c. Spagnolo et Lemyre c. Arcand :

« [75]    … que seul le syndicat des copropriétaires peut exercer un recours relatif aux parties communes en raison de l’article 1081 alinéa 1  C.c.Q. …»

le juge confirme l’application de Belcourt et repousse la jurisprudence contraire :

« [77] Le procureur … cite deux décisions de tribunaux de première instance conformes à l’interprétation proposée de l’article 1081 C.c.Q. mais le Tribunal est d’avis que la décision contraire de la Cour d’appel dans l’affaire Belcourt Construction Co. c. Creatchman s’applique toujours malgré la réforme du Code civil. »[25]

[68]     En effet, Bousquet J. considère:

 « [76]  Cet argument n’est pas fondé pour les motifs suivants :

L’article 1081 C.c.Q. confère au syndicat l’intérêt juridique pour exercer un recours relatif aux parties communes mais il ne prévoit pas que le syndicat est le seul à pouvoir exercer un tel recours.

L’interprétation proposée aurait pour effet de priver un acheteur de son recours en résolution de la vente lorsqu’il découvre qu’une partie commune, la fondation par exemple, nécessite de coûteuses réparations.

En l'absence de disposition claire à cet effet, il n'y a pas lieu de conclure que le législateur a limité ou diminué les droits de l'acheteur lors de l'adoption de l'article 1081 C.c.Q. »[26]

[69]      Prenant en considération ce qui précède, le Tribunal conclut que l’article 1081 C.c.Q, utilisant une formulation de « … le syndicat peut intenter… » n’apparaît pas constituer une exclusivité d’ester, mais au contraire a été créé pour simplement faciliter un recours et que quant au recours en annulation, l’affaire SHDM c. Bergeron a réglé la situation et que quant aux autres recours, en dommages ou diminution, la décision de Belcourt milite fortement en faveur du droit individuel de copropriétaire de poursuivre dans un cas de vice allégué sur une partie commune d’un bâtiment en copropriété divise, et que conséquemment, dans le cas sous étude, la réclamation du Bénéficiaire sous ces Points à la Décision 2 est recevable.

 

[70]      Cette détermination ne réduit pas la conclusion du Tribunal qu’il y a clairement, dans le cadre de l’application du Règlement pour un bâtiment en copropriété, des circonstances factuelles où la connaissance d’un syndicat de copropriété est distincte de la connaissance d’un propriétaire d’une partie privative ce qui peut résulter en une application séparée par le Tribunal des principes de droit applicables à la découverte d’une malfaçon ou vice pour une situation particulière.

 

Impact au Point 3 - Infiltration

 

[71]      Dans les circonstances présentes, cette réclamation du Bénéficiaire sur infiltration d’air est appropriée, et accordée, tenant compte entre autre de l’admission de l’Entrepreneur à la Décision 2 alors qu’il est indiqué que l’Entrepreneur consent à la mise en place d’un scellant. Conséquemment, le Tribunal requiert que les travaux correctifs soient effectués dans les trente (30) jours des présentes.  Le Tribunal ne retient pas, entre autre faute de preuve quelconque, la discussion relative à la taille ou positionnement de la plinthe électrique.

 

 

Conclusions

 

[72]      Le Tribunal considère, en conformité de l’article 123 du Règlerment et des conclusions et ordonnances aux présentes, que les frais de l'arbitrage se doivent d'être à la charge de l'Administrateur

 

[73]      Pour l’ensemble des motifs ci-dessus, le Tribunal rejette la Demande 1 et le Point 1 de la Décision 2 sous la Demande 2 du Bénéficiaire, le tout sans préjudice et sous toutes réserves du droit du Bénéficiaire de porter devant les tribunaux de droit commun ses prétentions et réclamations ainsi que de rechercher les correctifs ou dommages qu’il peut autrement réclamer, sujet bien entendu aux règles de droit commun et de la prescription civile.

 

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[74]     REJETTE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire du 17 mars 2014 quant à une décision de l’Administrateur datée du 7 mars 2014, amendée le 10 mars 2014  (no 101021-7065, dossier S14-031701-NP,) et, pour partie, la demande d’arbitrage du Bénéficiaire du 30 juin 2014 quant à une décision de l’Administrateur (no 101021-6846, dossier S14-063002-NP) datée du 30 mai 2014 quant au Point 1 de celle-ci et MAINTIENT le contenu de ces décisions de l’Administrateur pour ces fins;

 

[75]     ACCUEILLE la demande du Bénéficiaire quant au Point 3 de la décision de l’Administrateur (no 101021-6846, dossier S14-063002-NP) datée du 30 mai 2014;

 

[76]     ORDONNE que l’Entrepreneur effectue dans les trente (30) jours des présentes les travaux correctifs dont admission au Point 3 de la décision de l’Administrateur (no 101021-6846, dossier S14-063002-NP) datée du 30 mai 2014;

 

[77]     ORDONNE que l'Administrateur assume les frais du présent arbitrage.

 

 

DATE: 9 mars 2015

 

 

 

                                                                                                             _____________________

Me Jean Philippe Ewart

Arbitre

 



[1] article 5 du Règlement.

[2] articles 20 et 120 du Règlement.

 

[3] Pièce A-2, Décision 1, p.2.

[4] Banque de Montréal c. Marcotte 2012 QCCA 1396.

[5] Baudouin et Jobin, Les obligations, 6e édition, Éditions Yvon Blais, 2005, para 146 et 147.

[6] Garcia Transport Ltée c. Cie Royal Trust, [1992] 2 RCS 499, pp.529 et 530.

 

[7] Op. cit. Baudouin et Jobin, Les obligations, para. 168.

[8] Dufresne et Lefebvre c Le Groupe Trigone Construction inc., et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc., Claude Dupuis, Arbitre, GAMM 12 avril 2004

 

[9] Fatou Binetou Koné c. Le Fairmont St-Laurent inc. et La Garantie Abritat inc., Me Roland-Yves Gagné,Arbitre,  CCAC, dossier S13-021501-NP, 6 mai 2013.

 

[10] Seddick c 9253-5400 Québec Inc.et Garantie Qualité Habitation, Me Michel A. Jeanniot, Arbitre, CCAC : dossier  S14-041401-NP, 22 janvier 2015.

 

[11]  Pièce Bénéficiaire courriels en liasse, courriel à N. Santoire daté du 15 décembre 2013, imprimé du 2014.05.21, sous P17 p.1 de 2, tel que déposé, et courriel à ‘Serge’ imprimé du 2014.05.21 sous P19, p.3 de 5, tel que déposé.

 

[12] Patel c.  Habitations Meaujé Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels de l’APCHQ Inc. Me Michel A. Jeanniot, Arbitre, 12 avril 2006, SORECONI 051213001.

 

[13] Lauzon et Desormeaux c. Construction 360º International Inc, et Garantie des Maîtres Bâtisseurs Claude Mérineau, Arbitre, 28 mai 2009 - SORECONI 090225002.

 

[14] Amor et Bensouda c S.E.C. Prince of Wales Inc. et Garantie Habitation du Québec Inc. SORECONI 0812170001, Guy Pelletier, Arbitre, 7 mai 2009,  para. 41 et 48.

 

[15] Cie Immobilière Viger Ltée c. Lauréat Giguère Inc., [1977] 2 R.C.S. 67.

 

[16] 1991, c. 64, a. 1081.

 

[17] Yves JOLI-COEUR, Regroupement des gestionnaires de copropriété du Québec, vol 2, no 3, mars 2002, p.6 :

« Le Code civil du Québec clairement établit le pouvoir, la qualité et l’intérêt juridique du syndicat d’instituer tous les recours engendrés par les vices et déficiences affectant l’immeuble » 

 

[18] Poirier c. Spagnolo, J.E. 2000-1533, [2000] R.D.I. 460, REJB 2000-19274 (C.S.), j. Marie-France Courville.

 

[19] Lemyre c. Arcand, B.E. 2000BE-1199 (C.Q.), j. René Roy.

 

[20]Pruneau c. Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec inc., B.E. 2005BE-427 (C.Q.), j. Denis Charette.

 

[21] Pierre G. CHAMPAGNE, Les recours du copropriétaire pour vices cachés affectant les parties communes : étude comparative France-Québec, au recueil de textes Développements récents en droit de la copropriété divise, Service de la formation continue du Barreau du Québec, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais inc., 2008, 171, aux pp. 201 et ss.

 

[22] Dans le cadre d’une revue de l’impact de 1081 C.c.Q mais aussi de 1077 C.c.Q qui se lit :

« 1077.  Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire.»

 

[23] Belcourt Construction Co. c. Creatchman [1979] C.A. 595, pp.601-2.

[24] Société d’habitation et de développement de Montréal c. Bergeron, [1996] R.J.Q. 2088 (C.A.), p. 2091 et 2092

 

[25] Parent c. Daniel et al, C.Q.M. no 500-32-072244-033, le 6 décembre 2004, F. Bousquet.

 

[26] Ibid.