ARBITRAGE En vertu du Règlement sur le plan de garantie
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CANADA |
Province du Québec |
District de : Montréal/Québec |
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Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : |
Groupe d’arbitrage – Juste Décision (GAJD) |
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No dossier Garantie : | 152252-3490 |
No dossier GAJD : | 20221008 |
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Entre : Guy Vaillancourt et Johanne Deschênes
Bénéficiaires
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Et : Constructions Louis-Seize et Ass. inc. Entrepreneur
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Et : La Garantie de Construction Résidentielle (GCR)
Administrateur
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SENTENCE ARBITRALE | |
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Arbitre : Sonia de Lafontaine, ing.
Pour le Bénéficiaire : M. Vaillancourt, Mme Deschênes et Me Courtemanche, représentante
Pour l’Entrepreneur : M. Gervais, Mme Partenza et Me Paquette, représentant
Pour l’Administrateur : Me Baillargeon et Mme Delage, conciliatrice
Dates d’audience : Les 22 et 23 novembre 2023, par Zoom
Date de la décision : Le 30 décembre 2023 Mandat
[1] Le Tribunal est saisi du dossier par nomination de la soussignée, le 16 août 2022. Aucune objection quant à la compétence du Tribunal n’a été soulevée par les parties.
Historique du dossier
14 juillet 2022 : Décision supplémentaire de l’Administrateur
Résumé
[2] L’Entrepreneur a construit l’immeuble résidentiel des Bénéficiaires, situé au [...], Blainville, Québec, [...].
[3] Une décision de l’Administrateur a été rendue le 14 juillet 2022 et celle-ci ne comportait qu’un seul point :
[4] Celui-ci a été reconnu par l’Administrateur, car il rencontre les critères du vice caché au sens du paragraphe 4 de l’article 10 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et qu’il a été dénoncé dans les délais prévus audit Règlement.
[5] La méthode corrective indiquée se déclinait en deux étapes ; la première, obligatoire, est la mise en place d’un bassin de captation muni d’une pompe submersible installée selon les règles de l’art. Si nécessaire, la deuxième est le remplacement du drain français existant, selon les règles de l’art, et elle est requise s’il ne comporte pas de pente d’au moins 0,5% ou s’il montre des signes de déficiences.
[6] Le 10 août 2022, l’Entrepreneur a demandé l’arbitrage pour ce point.
[7] Or, le 5 octobre 2022, suite à l’avis de l’expert qu’il a mandaté, l’Administrateur a demandé à l’Entrepreneur de procéder aux deux étapes mentionnées dans la décision du 14 juillet 2022 de façon péremptoire.
[8] En cours d’audience, l’Entrepreneur a fait l’admission de la première étape de la décision ; c'est la deuxième étape pour laquelle il s’objecte.
Questions soulevées
[9] Le système de drainage installé est-il adéquat et performant? Présente-t-il des signes de déficiences pouvant réduire sa durée de vie et entraîner des problèmes subséquents?
[10] L’ocre ferreuse présente dans la fosse du puisard contribue-t-elle à réduire la durée de vie dudit système de drainage (colmatage ou autre)?
Vice caché
[11] L’audience repose sur le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs qui, à l’article 27, paragraphe 4, stipule que :
« (…) la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil ; »
[12] Selon l’article 1726 C.c.Q, « …le bien et ses accessoires…le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus ».
[13] C’est ce qui devra être déterminé ici à propos du système de drainage de la résidence.
[14] Puisque la dénonciation a été effectuée le 14 novembre 2019 et que la date de réception du bâtiment était le 16 novembre 2018, nous nous situons bien en période de vice caché, soit dans la période de trois ans après la date de réception.
Témoignages
[15] Sept (7) témoins ont présenté leur version des faits lors de l’audience, à savoir : l’Entrepreneur, M. Gervais, les experts de l’Entrepreneur, MM. Gagnier et Mrad; la conciliatrice de GCR, Mme Delage, l’expert de GCR, M. Hosseini ainsi que le Bénéficiaire, M. Vaillancourt et l’experte des Bénéficiaires, Mme de Grandpré-Ruel. Une question sera posée à Mme Partenza en contre-interrogatoire des témoins de l’Entrepreneur à la fin.
PREUVE DE l’ENTREPRENEUR
M. Gervais
[16] M. Gervais explique qu’il a déjà construit plus de 1500 maisons et qu’il est constructeur depuis 34 ans. Questionné, il explique les étapes de construction d’une résidence et que dans le cas mentionné ici, il a effectué une vingtaine de visites, sans rien relever de particulier.
[17] En contre-interrogatoire, au sujet du nombre de maisons qu’il a construites en 2018, il répond environ 50. Au sujet du suivi des étapes qu’il effectue, il répond, à titre d’exemple, qu’il se concentre plus sur l’excavation que le tirage de joints.
[18] Lorsqu’on lui demande s’il se souvient de la construction de cette maison en particulier, du secteur, de la possible présence d’ocre ferreuse ou de l’installation du système de drainage, M. Gervais répond que oui, il s’en souvient, que le secteur est sablonneux, qu’on pose toujours deux membranes dans un tel sol et que le risque de présence d’ocre est possible dans un sol sablonneux.
[19] Questionné à savoir s’il est un expert en ocre ferreuse et si un système de drainage plus performant est alors requis, il répond qu’il n’est pas un expert, mais qu’il a de l’expérience et qu’un système plus facile d’entretien est requis.
[20] Contre-interrogé à savoir si une étude de sol a été effectuée au préalable, si des piézomètres ont été installés en raison de la zone humide située à l’arrière ou si le niveau de la nappe phréatique a été vérifié, M. Gervais répond par la négative dans les trois cas.
[21] Lorsqu’on lui demande s’il a déjà rencontré des problèmes semblables ailleurs et/ou des problèmes de système de drainage lors de la construction d’autres maisons, M. Gervais répond que oui, mais que le système de drainage n’a pas été changé.
[22] Quant à savoir pourquoi la garantie légale relative à l’état du sol a été retirée lors de l’acte de vente, M. Gervais explique que c’était déjà comme ça lorsque le terrain a été acheté par l’Entrepreneur; il ne s’agit que d’un transfert de titre.
M. Gagnier
[23] La compétence de M. Gagnier est reconnue par le Tribunal, basée sur son expertise en génie géologique et son expérience concernant l’ocre ferreuse.
[24] Cependant, dans le cadre de ce processus d’arbitrage, le témoignage de M. Gagnier ne peut être retenu puisqu’il est teinté de partialité. Il a œuvré en 2019 et 2020 pour les Bénéficiaires et a soutenu certains faits, notamment que « …le système actuellement installé favorise la prolifération d’ocre et pourrait éventuellement causer des problèmes à la résidence … il est important que la pompe soit toujours branchée »[1] et « …il aurait été judicieux d’installer un drain de type rigide comme recommandé par la norme BNQ 3661-500/2012 »[2]
[25] Par ailleurs, en novembre 2020, il apporte de nombreuses contradictions dans son rapport : « … qu’il y a une présence mineure d’ocre ferreuse… qu’il n’y a pas de problème de colmatage par la présence d’ocre ferreuse dans le drain … mais que la présence d’accumulation d’ocre dans le bassin et dans le tuyau d’évacuation ne permet pas de conclure en l’absence de risque … surtout que l’ocre est bien observée, et ce, en quantité » [3]
[26] Puis, en mai 2023, étant maintenant mandaté par l’Entrepreneur, et ayant lui-même reconnu que son mandat était de prouver que le drain était fonctionnel, il n’a effectué une contre-expertise que sur une partie représentant moins du tiers de la longueur totale du drain (24 m sur 60 m) et a alors conclu que « …le drain est installé selon les normes … qu’un entretien annuel de la fosse et de la pompe avec un boyau d'arrosage est requis ... qu’un nettoyage à l’eau sous pression aux cinq (5) ans est suggéré, surtout entre la fosse et l’égout municipal »[4]
[27] De plus, lors de son témoignage, M. Gagnier a confondu l’ocre biologique et l’ocre chimique; il a fait une analyse comparative de différentes parties du drain et non pas des mêmes parties et il a soutenu que l’ocre (ou le fer) peut disparaître du sol au fil du temps.
[28] Le Tribunal écarte donc le témoignage de M. Gagnier, car celui-ci comporte des éléments contradictoires entre 2019-2020 et 2023, dépendant pour qui il est le mandataire. Il est assez particulier qu’un expert produise des rapports pour les deux parties.
M. Mrad
[29] M. Mrad, ingénieur chez Enviro-Experts Génie Conseils est qualifié comme expert par le Tribunal, basé sur son expertise en géotechnique.
[30] M. Mrad a effectué une visite des lieux le 10 septembre 2021 et a consulté des documents qui lui ont été soumis, mais pas ceux de M. Gagnier.
[31] Interrogé, M. Mrad, explique les grandes lignes de son rapport, soit : qu’il n’y a pas de problème de capacité portante du sol, ni de problème de pression hydrostatique, que le sous-sol est protégé contre l’humidité par des polystyrènes et du goudron, que l’installation des descentes de gouttières problématiques doit être améliorée, qu’aucune fissure n’a été observée dans les murs de fondation ni sur la dalle du sous-sol, que le risque de soulèvement par congélation-adhérence est négligeable et qu’aucune étude de sol n'était requise par la ville de Blainville.
[32] M. Mrad soutient également que les piézomètres installés par Imauzar sont erronés à la fois par leur emplacement et par leur installation, ce qui donne des données faussées à la hausse; mais en contre-interrogatoire, il affirme qu’il a tout de même pris ces « fausses » données pour en tirer un graphique, car il n’a pas eu le mandat d’installer ses propres piézomètres, ni de vérifier le niveau de la nappe phréatique.
[33] Lors de son témoignage, M. Mrad a affirmé que les Bénéficiaires doivent s’assurer que la pompe de la fosse puisard reste toujours fonctionnelle, qu’elle n’ait aucun défaut.
[34] En contre-interrogatoire, M. Mrad explique qu’il est vrai qu’il n’y a pas d’ocre sans présence d’eau.
[35] Lorsqu’on lui demande sur quoi sont basées les recommandations concernant la possibilité d’ocre ferreuse de son rapport à la p.39, M. Mrad répond que c’est sur le rapport d’Artimon Consultants, car il n’avait pas lu les rapports de M. Gagnier.
PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR
Mme Delage
[36] La conciliatrice, Mme Delage, lorsqu’interrogée, explique qu’une première décision a été rendue en juillet 2020 et comportait plusieurs points. Puis, le 14 juillet 2022, une décision supplémentaire a été rendue à propos du système de drainage.
[37] Une expertise ayant été effectuée par les Bénéficiaires (Artimon Consultants), puis une contre-expertise par l’Entrepreneur (Enviro-Experts), l’Administrateur a décidé de faire faire sa propre expertise par Fondasol, en l’occurrence, M. Hosseini, et suite à celle-ci, l’Administrateur a accueilli la dénonciation des Bénéficiaires.
[38] En contre-interrogatoire par le représentant de l’Entrepreneur, Mme Delage explique les deux étapes correctives stipulées dans la décision du 14 juillet 2022, la première étant obligatoire et la deuxième, nécessaire sous certaines conditions.
[39] Lorsqu’il lui est demandé si elle a consulté l’Entrepreneur lors de l’émission de son courriel du 5 octobre 2022 dans lequel elle ordonne l’exécution de la deuxième étape, suite au visionnement de la vidéo du 23 mai 2019 par l’expert Hosseini et sa recommandation à l’effet d’appliquer cette 2e étape, Mme Delage répond que non, puisque cela faisait partie de la décision et que c’était une possibilité. M. Gervais était au courant de ce fait.
[40] Contre-interrogée par la représentante des Bénéficiaires, Mme Delage affirme qu’elle a transmis la vidéo à tous, dont l’Entrepreneur et Fondasol.
M. Hosseini
[41] Avec sa grande expertise reconnue, l’ingénieur Hosseini est qualifié comme expert par le Tribunal.
[42] L’expert Hosseini a effectué un rapport le 3 juin, suite à une visite faite le 3 mars 2023. Selon son témoignage, il a eu accès aux deux premiers rapports de M. Gagnier, à celui d’Artimon Consultants ainsi qu’à celui de M. Mrad.
[43] Il a effectué lui-même deux sondages, un intérieur et l’autre extérieur, et interrogé, il explique ses sondages, son modus operandi et les résultats obtenus.
[44] M. Hosseini explique, de surcroît, que pour bien qualifier et identifier un sol, il faut faire une analyse granulométrique et pas seulement un test visuel ou de manipulation, ce qui n’a pas été fait dans le cas présent.
[45] M. Hosseini est du même avis que M. Mrad quant à la mauvaise installation des piézomètres par Imausar. Selon les règles de l’art, ceux-ci doivent être installés dans un forage scellé, ce qui n’a pas été fait; les données ne sont donc pas fiables, ni représentatives.
[46] Dans son rapport, l’expert répond aux arguments du rapport d’Artimon Consultants et lors de son témoignage, il explique : il n’y pas de problématique de pression hydrostatique ou de capacité portante du sol, pas de problématique par congélation-adhérence, car le sol est non gélif et il n’a pas vu d’indices de mouvement du sol; il rejoint là les conclusions de M. Mrad.
[47] M. Hosseini balaie également la probable solution de « soulever » la maison afin de régler la maison (solution avancée par Artimon Consultants). « Un problème de drainage se règle par le drainage et non pas en soulevant une maison et ses fondations », dit-il.
[48] Là, où l’opinion de M. Hosseini diffère de celle de M. Mrad, c’est à propos de la perméabilité du sol. M. Hosseini la considère faible, alors que M. Mrad la considère très perméable.
[49] Questionné à propos du rapport du 20 décembre 2019 de M. Gagnier, M. Hosseini soutient qu’un entretien du système de drainage, comme mentionné, c’est correct, mais ça ne règle pas le problème à la base. De plus, il réitère que Lab’Eau-Air-Sol a confirmé une pente irrégulière, tout comme lui.
[50] Questionné à propos du rapport du 25 novembre 2020 de M. Gagnier, M. Hosseini affirme qu’il s’est écoulé trop de temps avant que l’analyse soit effectuée (6 jours).
[51] En conclusion, M. Hosseini réitère ses conclusions quant au système de drainage existant qui est, selon lui, fonctionnel, mais déficient, d’où ses recommandations qui ont été reprises dans la décision de l’Administrateur du 14 juillet 2022.
[52] M. Hosseini a également produit un 2e rapport, le 27 septembre 2023, en réponse à la 3e expertise effectuée le 2 mai 2023 par M. Gagnier et il a témoigné à cet effet également.
[53] Contre-interrogé par la représentante des Bénéficiaires, M. Hosseini confirme qu’il a des doutes quant à la conformité du système de drainage, car des signes de défaillance sont présents : contre-pente ou pas de pente, vallonnements et présence d’eau dans le drain. Les conséquences de ceux-ci sont le dépôt d’ocre bactériologique.
[54] Toujours contre-interrogé à savoir si différentes sections d’un même système peuvent être comparées, il répond qu’on doit voir l’ensemble pour faire une bonne évaluation. À propos des vallonnements dans le système de drainage, il soutient qu’ils ne sont pas gênants pour le débit, mais pour le drainage, oui, plus spécifiquement si le tuyau est écrasé. Mais M. Hosseini n’a pas vu l’ensemble du système de drainage.
[55] En contre-interrogatoire par le représentant de l’Entrepreneur, M. Hosseini acquiesce qu’il n’y a aucune justification à « lever » les fondations de la résidence, il précise également que le drain est fonctionnel, mais inadéquat pour les périodes critiques (lors de la fonte des neiges, lorsque le débit est fort) et que, même s’ils sont mal installés, les piézomètres démontrent qu’il y a un bon rabattement de la nappe phréatique.
[56] Lorsque le représentant de l’Entrepreneur lui demande quel type d’entretien est requis, M. Hosseini précise que cela dépend du type de bactéries qui s’y trouvent : bactériologique = jet d’eau et chimique = produits. Un nettoyage ou un entretien à l’ozone, mentionné par M. Mrad, ça ne fonctionne pas, selon lui.
[57] Questionné sur la formation du colmatage bactériologique créé par l’ocre, l’expert mentionne qu’il n’y a pas de critères, ni de calculs à faire, qu’il faut seulement voir l’environnement, le profil du sol et la présence d’ocre.
[58] On lui demande si la présence d’ocre peut diminuer avec le temps, il n’est pas sûr de ça, mais on doit tenir compte du profil géotechnique de l’endroit.
[59] M. Hosseini est ensuite contre-interrogé sur les deux étapes qu’il a précisées de faire comme travaux correctifs. Il explique qu’une fosse est requise, car c’est basé sur le fait que tout tapis de pierre nette doit être drainé et actuellement, ce n’est pas le cas (9.14 du Code qu’il a lu). L’étape #2 est devenue nécessaire après le visionnement de la vidéo de 2019 qui démontrait qu’il y avait des vallonnements et des pentes négatives (ou contre-pentes) dans certaines sections du drain. [60] À propos du 3e rapport de M. Gagnier, de mai 2023, M. Hosseini acquiesce qu’il n’y a pas de coloration orangée sur les photos, donc possiblement pas de présence d’ocre, mais il y a présence de sédiments, alors qu’il ne faudrait pas.
[61] Questionné à savoir si la vidéo qu’il a visionnée était commentée, il ne s’en souvient pas, mais de toute façon, il a fait sa propre opinion et lorsqu’on lui demande si le 0,5% de pente est dans la norme BNQ, M. Hosseini répond que non, mais qu’une pente doit être présente.
[62] La question lui est posée à savoir comment on installe un drain avec une pente de 0,5%, par exemple; l’expert répond que c’est facile, soit en faisant un simple calcul avec la longueur à installer. On lui demande alors si cela fera en sorte que le drain ne suivra pas la semelle (sera plus profond, éventuellement), la réponse est oui.
[63] Lorsque contre-interrogé par la représentante des Bénéficiaires à savoir si une installation de drain avec une pente négative est conforme au Code, l’ingénieur Hosseini répond que cela n’est pas conforme au Code, car cela crée des contre-pentes.
[64] La représentante des Bénéficiaires demande à M. Hosseini d’expliquer la problématique, telle qu’il la conçoit; il explique qu’un ouvrage non performant, qui présente un circuit irrégulier, des problématiques de pentes, de vallonnements et dont le tuyau n’est pas le type requis par la norme BNQ est à risque d’avoir de l’eau stagnante, où l’ocre bactériologique va proliférer et entraîner à son tour un risque de colmatage.
[65] Interrogé sur les conséquences ou dommages de ces risques, M. Hosseini répond que cela peut mener à des refoulements ou des infiltrations dans le sous-sol, même s’il n’y a rien de perceptible actuellement.
PREUVE DU BÉNÉFICIAIRE
M. Vaillancourt
[66] Lors de son témoignage, M. Vaillancourt explique qu’il est anesthésiste et qu’il travaille aux Îles-de-la-Madeleine environ 26 à 30 semaines par année, mais qu’il est là-bas 40 semaines/année. Il est donc souvent absent de la résidence située au [...].
[67] Il explique l’état de la fosse au sous-sol selon les mois de l’année : en janvier et février, c’est habituellement gelé; en mars, ça commence à couler; à partir de mai-juin et jusqu’en octobre, il y a un bon débit, parfois fort et en novembre-décembre, c’est plutôt au ralenti. Lors des forts débits, la pompe fonctionne sans arrêt, avec beaucoup de bruit, par exemple entre mars et novembre 2023. Il a donc installé la pompe plus haut et a transformé le tout en système gravitaire, même si ceci n’est pas accepté par la ville de Blainville. [68] M. Vaillancourt explique qu’il doit enlever ce qu’il appelle « de la purée de pois de couleur orange » de la fosse aux 3-4 semaines, lors des périodes de fort débit. Il le fait avec des seaux et doit aller évacuer cela à l’extérieur.
[69] Dès le début, un plombier lui a confirmé que c’était de l’ocre, il en a parlé à l’Entrepreneur, qui l’a constaté et lui avait dit que le terrassement (avril 2019) réglerait le problème d’ocre, ce qui ne fut pas le cas. Un nettoyage professionnel fut effectué vers la fin de 2019. Et dès lors, les nombreuses expertises et études susmentionnées ont débuté.
[70] Le Bénéficiaire a expliqué que s’il avait su cela, si on lui avait dit cela, il n’aurait jamais acheté cette résidence. Les forts débits et les nettoyages fréquents, combinés à ses absences professionnelles, lui causent du stress.
[71] En contre-interrogatoire par l’Administrateur à savoir s’il y a des années où les constats de présence d’ocre ont été « moins pires », il répond que non, car de juin à octobre, la fosse (ou le puisard) est remplie d’ocre et le clapet est rempli d’une substance « gélatineuse ». L’Administrateur lui demande si c’est récurrent chaque année; la réponse est oui.
[72] Questionné à propos de l’acte de vente, M. Vaillancourt a expliqué que la clause d’absence de garantie légale quant au terrain et aux vices de sol était non négociable.
[73] Lorsqu’on demande à M. Vaillancourt quelles sont ses attentes quant à l’ordonnance de l’Arbitre, il affirme qu’il veut que le problème de drain soit corrigé ainsi que le drainage sous la dalle, tout en respectant la norme BNQ, pour qu’il soit possible pour lui de vendre la maison.
Mme de Grandpré-Ruel
[74] Mme de Grandpré-Ruel est qualifiée pour son expertise en génie géologique et en environnement.
[75] En interrogatoire principal, elle explique que ce n’est pas normal de faire de l’entretien récurrent dans un bassin et dans un drain, ni même le nettoyage qu’effectue le Bénéficiaire plusieurs fois par année. Elle affirme également que M. Gagnier a mélangé les deux types d’ocre (bactériologique, qui est comme de la « glue », des filaments et chimique, qui est comme des particules de roches, granuleuse).
[76] On lui demande si la présence d’ocre dans le sol peut diminuer avec le temps; elle explique qu’il y a quatre éléments qui doivent exister pour qu’il y ait de l’ocre ferreuse : une eau avec un faible débit, du fer dissous dans l’eau, des bactéries qui se régénèrent et de l’oxygène. Le plus facile à enlever, c’est l’eau.
[77] Mme de Grandpré-Ruel s’est présentée une seule fois à la résidence, soit lors de l’expertise menée le 2 mai 2023. La fois suivante, le 10 juillet 2023, c’est la technicienne qui s’est déplacée et Mme de Grandpré-Ruel était présente via Teams. Cette visite avait pour but de voir l’ocre, car lors du 2 mai, le bassin venait d’être nettoyé, le débit était fort et peu d’ocre y était présente.
[78] Questionnée, l’experte explique les conséquences d’une ovalisation, d’un affaissement ou d’une contre-pente du drain, de la stagnation de l’eau dans celui-ci ainsi que du débit d’eau et de la température sur la formation d’ocre; ces questions sont tirées du visionnement qu’elle a également effectué de la vidéo de 2019.
[79] Toujours en interrogatoire principal, Me de Grandpré-Ruel soutient qu’un drain cannelé, non lisse et non rigide, comme celui qui a été installé permet la rétention d’eau dans les cannelures, même en présence d’une pente parfaite; il faut installer un type de drain qui suit la norme BNQ et qui va avec le type de terrain (sol) en place.
[80] Interrogée à savoir si un colmatage, même partiel, peut nuire et avoir des conséquences, l’ingénieure répond que oui, car même un colmatage à 50% nuit à la durée de vie du drain, les quatre éléments déjà mentionnés seraient alors toujours présents. Les conséquences seraient une infiltration d’eau.
[81] Elle mentionne aussi qu’un système de drainage ne doit pas dépendre d’une pompe et que le système gravitaire présentement en place ne fonctionne pas et de plus, il est contraire à la réglementation de la ville.
[82] En contre-interrogatoire à propos de l’évidence du colmatage du drain, elle répond qu’on ne sait pas jusqu’à quel point il l’est actuellement, car la dernière inspection complète remonte à plusieurs années.
[83] À propos des quatre éléments dont elle a parlé, pourquoi le drain n’est-il pas déjà colmaté, s’ils sont présents? Mme de Grandpré-Ruel répond, encore une fois, qu’on ne le sait pas jusqu’à quel point il l’est, mais si on ne fait rien, ça va arriver.
[84] Questionnée à savoir quelle pente est nécessaire pour l’installation d’un drain, quel article du Code y réfère, elle répond que pour drainer, ça prend une pente.
Contre-interrogatoire d’un témoin de l’Entrepreneur
[85] La représentante des Bénéficiaires contre-interroge Mme Partenza sur la possibilité de représentations ou observations additionnelles ou de demande d’une 2e expertise suite à la réception du courriel du 5 octobre 2022 de l’Administrateur, ordonnant la 2e étape des travaux correctifs de la décision de l’Administrateur du 14 juillet 2022; est-ce que quelque chose les en a empêchés? Mme Partenza répond que non et qu’ils n’ont pas voulu en faire et cela clôt ce débat.
SOUMISSIONS DES PARTIES
Entrepreneur
[86] Lors de l’audience, l’Entrepreneur a accepté la première étape de la décision de l’Administrateur du 14 juillet 2022. Cependant, il conteste la 2e étape de ladite décision, soit le remplacement et la réinstallation du drain.
[87] Selon l’Entrepreneur, à ce jour, le système de drainage est fonctionnel et performant, aucun colmatage partiel ou total du drain n’a été démontré et aucune infiltration d’eau ne s’est produite.
[88] Les experts Mrad et Hosseini ont conclu les mêmes éléments suivants : il n’y a pas lieu de « lever » la résidence, la capacité portante du sol est suffisante, il n’y pas de risque de pression hydrostatique, ni de risque de soulèvement par congélation-adhérence et les piézomètres montrent que la nappe phréatique est rabattue.
[89] Le tuyau cannelé mis en place est homologué et l’expert Hosseini est allé au-delà de son rôle en demandant de le changer. Actuellement, rien ne permet de conclure que les cannelures ou des vallonnements ou ovalisations nuisent à la performance du drain.
[90] La présence d’ocre n’est pas un vice en soi ; elle l’est seulement si cela crée de l’obstruction ou des dommages, ce qui n’a pas été démontré.
[91] Selon le représentant de l’Entrepreneur, la norme BNQ ne fait pas partie du Code National du Bâtiment.
Bénéficiaires
[92] Le Règlement stipule, à l’article 10, paragraphe 4, qu’un vice caché doit être découvert dans les trois ans et dénoncé dans un délai raisonnable, ce qui est le cas ici.
[93] L’expert Hosseini est une sommité dans son domaine et selon l’expertise qu’il a effectuée, le drain n’est pas conforme. L’Entrepreneur devait prouver, de façon impartiale, que le système de drainage était conforme dans son ensemble, mais les experts ont démontré qu’il est défectueux à plusieurs endroits.
[94] Le Code National du Bâtiment, c’est la référence ; mais lors de particularités, des éléments additionnels, comme la norme BNQ peuvent s’emboîter et faire partie de la norme à respecter. Il a été démontré qu’à certains endroits, il n’y a pas de pente ou des pentes négatives, ce qui ne respecte pas le Code. Le drain était également affaissé ou ovalisé à certains endroits.
[95] L’ocre ferreuse bactériologique a été qualifiée, mais pas quantifiée, mais elle est là pour rester. Selon l’experte de Grandpré-Ruel, il ne s’agit pas de savoir s’il y a colmatage, mais quand et cela entraînera des conséquences et des risques graves, soit une menace réelle d’infiltration d’eau.
[96] Les règles de l’art, les normes, le Code stipulent d’installer un drain conforme, car il s’agit ici de particularités.
[97] Faire un entretien récurrent, ce n’est pas optimal, ni normal, et c’est seulement traiter les symptômes, plutôt que la cause. Les Bénéficiaires ont déjà dépensé plus d’argent que le montant des travaux correctifs à effectuer.
Administrateur
[98] Pour l’Administrateur, le Plan de garantie est là pour protéger les consommateurs. La conciliatrice, Mme Delage, a demandé une expertise et la décision subséquente rendue était en faveur des Bénéficiaires ; des travaux correctifs ont été demandés à l’Entrepreneur et le fardeau de la preuve est sur celui-ci.
[99] Le même expert, M. Gagnier, s’est retrouvé à travailler pour les deux parties : il a effectué deux expertises pour les Bénéficiaires en 2019-2020 et une expertise pour l’Entrepreneur en 2023 et son témoignage devrait être mis de côté. L’Administrateur cite un arrêt de la Cour Suprême de 2015 en ce sens, sur l’impartialité d’un expert.[5]
[100] Il y a eu admission pour la première étape des travaux correctifs ; il reste la 2e étape, soit le remplacement du drain et l’installation avec une pente. Deux experts ont mentionné qu’il doit y avoir une pente pour avoir un drainage. Par expérience, est-ce que cette pente est toujours faite par les entrepreneurs ? La réponse est non.
[101] Est-il normal de faire un tel entretien, environ 5-6 fois par année, comme doivent le faire les Bénéficiaires ? Il faudrait statuer, surtout dans le cas d’une éventuelle vente.
[102] Il a été dit, par les experts, que le fait de changer le drain pour un drain lisse n’empêchera pas la présence d’ocre ferreuse, mais selon Mme de Grandpré-Ruel, il s’agit d’une question de temps avant que le colmatage ne pose des problèmes.
[103] Ce n’est pas un vice majeur ni une malfaçon, mais bien un vice caché (3e année), même s’il y a absence de dommages pour le moment. Il y a eu une évolution dans la jurisprudence dans le but de protéger les propriétaires de maisons neuves et c’est la mission du plan de garantie également.
DÉTERMINATION
Règlement et garantie légale
[104] La réclamation qui a donné lieu à cette audience d’arbitrage est en lien avec le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et toute invocation de renonciation à la garantie légale à propos des vices de sol stipulée dans l’acte de vente ne saurait y être débattue.
Demande d’arbitrage modifiée
[105] L’Entrepreneur a effectué une modification à sa demande initiale d’arbitrage après réception du courriel du 5 octobre 2022 de l’Administrateur. Il a eu plus d’un an pour faire valoir représentations ou observations additionnelles ou pour demander une deuxième expertise, ce qu’il n’a pas fait. Il était trop tard, le jour de l’audience, pour que le représentant de l’Entrepreneur invoque une quelconque demande à cet effet. Par ailleurs, l’Entrepreneur a indiqué qu’il n’a pas voulu en faire, ce qui indique qu’il n’a pas été lésé.
Conformité du système de drainage et ocre ferreuse
[106] Après l’audition de tous les experts, ceux-ci s’entendent tous sur la présence d’ocre, excepté M. Mrad qui n’est pas un expert en la matière, de son propre aveu ; tous les experts s’entendent sur le risque de colmatage, excepté M. Gagnier dont le témoignage est exclu ; tous les experts ont dit que le drain BNQ aurait dû être privilégié, étant donné le type de sol et la présence d’ocre ferreuse, excepté M. Mrad ; tous les experts ont affirmé que l’écoulement de l’eau dans le drain ne se fait pas de façon uniforme et adéquate partout.
[107] Les témoignages des experts Hosseini et de GrandPré ainsi que le rapport d’Artimon Consultants stipulent que ce n’est pas normal d’être dans l’obligation de faire des entretiens de la fosse et du drain en faisant appel à une firme d’experts pour des nettoyages annuels et/ou quinquennaux qui ne traitent que les symptômes au lieu des causes du problème.
[108] Par ailleurs, ce n’est également pas raisonnable que les Bénéficiaires soient dans l’obligation de vidanger la fosse plusieurs fois par année et de vivre dans l’anxiété constante d’un fort débit qui pourrait créer des débordements. Selon les règles de l’art, un système de drainage ne doit pas dépendre d’une pompe et surtout, de son efficacité ou de son état.
[109] L’Entrepreneur n’a pas démontré, selon la prépondérance de la preuve, que toutes les dispositions ont été prises afin de garantir l’installation d’un système de drainage adéquat, en lien avec le type de sol, dans son ensemble ; les experts ont plutôt démontré diverses anomalies qui, additionnées les unes aux autres, portent préjudice et empêchent les Bénéficiaires de jouir pleinement et librement de leur bien.
[110] Le but du Règlement est de garantir aux Bénéficiaires l’exécution des obligations légales et contractuelles de l’Entrepreneur et de les protéger. La décision supplémentaire de l’Administrateur du 14 juillet 2022 allait dans ce sens. Le Tribunal est du même avis.
Frais d’expertise
[111] L’article 124 du Règlement stipule que l’Arbitre doit statuer, s’il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’Administrateur et l’Entrepreneur solidairement doivent rembourser au Bénéficiaire même lorsque ce dernier n’est pas le demandeur.
[112] Dans le cas présent, les frais d’expertise des Bénéficiaires seront remboursés par l’Administrateur et l’Entrepreneur à parts égales. Ceux-ci représentent un montant total de 22 579,09 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
REJETTE le point stipulé à la demande d’arbitrage ainsi qu’à celle modifiée de l’Entrepreneur;
ORDONNE que les travaux correctifs mentionnés à la décision supplémentaire du 14 juillet 2022 et dans le courriel du 5 octobre 2022 de l’Administrateur soient exécutés, selon les règles de l’art, et ce, avant le 31 juillet 2024.
ORDONNE, en conformité avec l’article 123 du Règlement, que les frais d’arbitrage soient partagés à parts égales entre l’Administrateur et l’Entrepreneur, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
RÉSERVE à Garantie de Construction Résidentielle (GCR) ses droits à être indemnisée par l’Entrepreneur, pour les coûts exigibles pour l’arbitrage y compris pour le remboursement des frais d’expertises du Bénéficiaire (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.
Fait à Boisbriand, le 31 décembre 2023
Sonia de Lafontaine, Arbitre | |
[1] Rapport d’expertise du 20 décembre 2019
[2] Rapport d’expertise du 25 novembre 2020
[3] Rapport d’expertise du 25 novembre 2020
[4] Rapport d’expertise du 24 mai 2023
[5] CS_White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton