[1] Les requérants sollicitent l’autorisation de faire appel d’un jugement de la Cour supérieure rendu le 6 mai 2011 (l’honorable Marc St-Pierre)[1], qui a rejeté leur requête en révision judiciaire demandant l’annulation d’une décision arbitrale du 4 novembre 2009. Cet arbitrage avait été demandé par les requérants conformément aux dispositions des articles 106 et suivants du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[2] établissant le régime de garantie des maisons neuves de l’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec [APCHQ].
[2] L’arbitre a déclaré que les dalles du sol du garage et du sous-sol de la maison des requérants devaient être réparées et que les infiltrations d’eau à travers les murs des fondations du bâtiment, aux endroits des fissures, devaient être corrigées. Il a cependant refusé d’ordonner le remplacement complet des fondations de l’immeuble comme le demandaient les requérants.
[3] Les requérants ont « reçu » leur maison neuve le 27 avril 2001 et, le 29 janvier 2004, ils ont dénoncé à l’intimée l’apparition de fissures dans le solage du bâtiment. Ils ont demandé à l’arbitre de déclarer que les fondations devaient être remplacées au complet à cause de la présence de pyrite et de pyrrhotite dans les granulats utilisés pour la préparation du béton des fondations.
[4] La norme de révision judiciaire applicable à une décision de l’arbitre rendue en application du Règlement est celle de la décision raisonnable[3] telle qu’énoncée dans l’arrêt Dunsmuir de la Cour suprême[4].
[5] En l’espèce, compte tenu du délai écoulé entre la réception du bâtiment et la dénonciation par écrit, les requérants devaient établir que le bâtiment était affecté de vices cachés au sens des articles 1726 ou 2103 du Code civil du Québec conformément à l’article 10(4) du Règlement.
[6] Après avoir entendu une preuve d’experts, l’arbitre a déterminé en substance que la seule non-conformité au Code national du bâtiment pouvant résulter de la présence de sulfure dans le granulat[5] ne constituait pas de ce seul fait un vice caché et, qu’en l’espèce, il n’y avait aucune preuve de détérioration, ni même de menace de détérioration future du béton des fondations. Il conclut ainsi sur cette question :
[93] Ainsi donc, puisque aucune menace ou probabilité réelle de désordre important ne fut mis en preuve, les prétentions des Requérants à l’effet que la présence de granulats sulfureux dans le béton des murs des fondations constitue un vice caché doivent être rejetées car n’est qu’une crainte suggestive, renforcée par le fait que le solage du frère fut démoli et reconstruit. Mais, la teneur en soufre était pour ce cas beaucoup plus grande.
[7] Les requérants signalent que ce dernier constat de l’arbitre est erroné puisque la teneur en sulfures de leur propriété était supérieure à celle du bâtiment voisin. Ils lui reprochent de plus d’avoir écarté l’opinion experte d’un agent d’immeuble selon lequel la présence de pyrite dans le granulat du béton des fondations pouvait diminuer de façon importante la valeur marchande de leur propriété.
[8] Le juge de première instance était bien fondé à conclure que l’erreur de l’arbitre quant à la teneur en sulfures ne justifiait pas l’intervention de la Cour supérieure. En effet, comme il le signale, cette erreur n’était pas susceptible de remettre en cause la détermination fondamentale de l’arbitre, fondée sur la preuve experte, qu’il n’y a pas de menace à la propriété des défendeurs résultant de la seule présence de pyrite dans le béton des fondations. De plus, l’interprétation de l’arbitre est conforme aux dispositions de l’article 1726 C.c.Q. auquel renvoie l’article 10(4) du Règlement.
[9] Il revenait également à l’arbitre d’apprécier, comme il l’a fait, le témoignage de l’agent d’immeuble relativement au déficit d’usage résultant de la seule présence de pyrite dans le granulat du béton des fondations.
[10] Ce que les requérants demandent à la Cour c’est de refaire une nouvelle appréciation de la preuve qui a été administrée devant l’arbitre notamment quant à la portée de la preuve scientifique administrée devant lui et quant à son choix entre les opinions divergentes des experts. Ce n’est pas le rôle de la Cour supérieure lorsqu’elle doit se prononcer sur le caractère raisonnable de la décision de l’arbitre rendue en vertu du Règlement et encore moins celui de la Cour d’appel[6].
[11] En ce sens, la requête ne soulève aucune question de principe au sens du deuxième alinéa de l’article 26 C.p.c. comme l’avancent les requérants.
POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :
[12] REJETTE la requête pour autorisation d’appel, avec dépens.
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LORNE GIROUX, J.C.A. |
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Me Pierre Soucy |
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Lambert, Therrien |
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Pour les requérants |
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Me Patrick Marcoux |
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Savoie, Fournier |
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Pour l’intimée |
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Date d’audience : |
7 juillet 2011 |
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[1] C.S. Trois-Rivières, n° 400-17-002044-093, 6 mai 2011 (j. Marc St-Pierre).
[2] Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, R.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2 [ci-après cité : Règlement].
[3] Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Desindes, J.E. 2005-132 (C.A.).
[4] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 , 2008 CSC 9 .
[5] Il s’agit de l’article 5.5.2 de la norme CSA A-23.1 portant sur les granulats mentionnée à l’article 9.3.1.4 du Code national du bâtiment de 1995 :
Les granulats qui provoquent une dilatation excessive du béton à cause d’une réaction ciment-granulat, autre que la réactivité alcaline, ne doivent pas être utilisés dans le béton, à moins que les mesures préventives n’aient été prises à la satisfaction du maître d’ouvrage.
Note : Dans de rares cas, une dilatation considérable peut se produire pour des raisons autre que la réactivité alcali-granulat de sulfures, comme la pyrite, la pyrrhotine et la marcasite, qui peuvent s’oxyder et s’hydrater et causer une augmentation de volume ou encore la libération de sulfate qui attaque la pâte de ciment, ou les deux;
On remarquera que cette norme ne fournit aucune précision quant à la quantité maximale tolérable de sulfures pouvant être contenue dans le granulat.
[6] Aliments Humpty Dumpty ltée c. Commission des lésions professionnelles, J.E. 2000-1723 (C.A.) (j. Brossard).