CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DORVAL

TRIBUNAL D’ARBITRAGE

RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS

RÉSIDENTIELS NEUFS L.R.Q., C.

B-1.1, R 1-a, 185

DIFFÉREND Art. 19 à 24 et 106

Règlement G.O.Q. 1998 no 27, p.

3485

 

________________________________

 

MME STAVROULA VASSILAKOS,

bénéficiaire

et

ADMINISTRATEUR DU PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS ASSOCIATION PROVINCIALE DES CONSTRUCTEURS D’HABITATION DU QUÉBEC (APCHQ),

administrateur

et

CONSTRUCTION JACQUES PAUZÉ INC. ENTREPRENEUR,

mis-en-cause

 

DIFFÉREND: 13 JUIN 2000

 

DÉCISION

Me Bernard Lefebvre, arbitre ; Mme Stavroula Vassilakos pour la bénéficiaire ; Me Martine Brodeur, procureure de l’administrateur; audience tenue le 4 août 2000 ; décision rendue le 28 août 2000.


Le 17 septembre 1999, Mme Vassilakos prend possession de son condominium acheté par acte de vente le 17 avril précédent.

Le 17 mars 2000, Mme Vassilakos soumet une liste de travaux à parachever ou à corriger à l’entreprise Construction Jacques Pauzé Inc. de qui elle a acheté son condominium.

L’entrepreneur répare et corrige certains éléments énumérés dans la lettre du 17 mars 2000. Dix points demeurent en suspens. Le 10 janvier 2000, Mme Vassilakos dépose une plainte à l’administrateur du Plan de garantie[1] auquel adhèrent les membres de l’Association provinciale des constructeurs d’habitation du Québec (APCHQ), dont l’entrepreneur.

Ce Plan garantit l’exécution des obligations légales et contractuelles de l’entrepreneur à l’égard d’un bénéficiaire concernant les vices et malfaçons. En l’absence d’un règlement l’administrateur du Plan statue sur la demande de réclamations.

Sur la base du rapport d’inspection du 29 mai 2000, l’administrateur enjoint à l’entrepreneur de parachever les travaux relatifs à sept réclamations et il conclut à l’inapplication du Plan à l’égard des trois autres réclamations.

Le différend soumis à notre arbitrage par le GAMM[2] vise les trois éléments suivants à savoir:

-           le dessus du comptoir de la salle de bain;

-           les briques réfractaires du foyer et

-           le comptoir de la cuisine

-                     J’introduis le débat par la plainte du 17 mars 2000 adressée à l’entrepreneur par Mme Vassilakos et j’expose dans la même partie les éléments relatifs à la procédure et aux attributions du Tribunal.

l. ÉLÉMENTS INTRODUCTIFS

Lettre du 17 mars 2000 - de Mme Vassilakos à l’entrepreneur

Reproduit en annexe

Rapport d’inspection du 29 mai 2000

Reproduit en annexe

Procédure et éléments relatifs au Tribunal

Les parties ont posé les actes qui gouvernent la procédure du différend et de l’arbitrage. Le litige relève de la juridiction arbitrale et l'arbitre possède le pouvoir de trancher le différend et d’accorder la ou les réclamations demandées, le cas échéant.

Renonciation de l’entrepreneur à comparaître

La procureure de l’administrateur informe le Tribunal de la décision de l’entrepreneur de renoncer à utiliser son droit de soumettre des considérations de faits ou de droit concernant le différend.

Mme Vassilakos accepte de procéder en l’absence de l’entrepreneur.

 

II.  LA PREUVE

À la demande des parties, l’audience s’est déroulée au condominium de Mme Vassilakos et l'arbitre a visité les lieux accompagné des parties.

 

Le comptoir de la salle de bain

Le laminé du comptoir du lavabo de la salle de bain laisse apparaître des égratignures si on se place en contresens de la lumière du jour.

Aucun moyen connu ne permet d’éliminer ces égratignures.

Mme Vassilakos demande d’éliminer ces égratignures. Pour ce faire, il faut remplacer le comptoir au complet.

Les briques réfractaires du foyer

Il semble que la couleur et le recouvrement du matériau des briques réfractaires du foyer se décolorent ou se décollent. Une pellicule noire recouvre le bas des vitres des portes du foyer. Mme Vassilakos a constaté cet enduit dès le moment où elle a utilisé le foyer, c’est-à-dire en novembre 1999.

Elle demande de remplacer le foyer au complet et accepte de payer la différence entre le nouveau et l’ancien foyer, le cas échéant.

Deux panneaux de laminé recouvrent le comptoir de la cuisine. Le joint se trouve au centre du pourtour de l’évier, lequel est placé sous une fenêtre.

Mme Vassilakos montre le tracé suivi par la fonte de la glace durant l’hiver. L'eau coule du bas de la fenêtre jusqu’au comptoir.

On peut soulever le rebord du laminé qui recouvre la partie droite du comptoir à l’aide d’un outil tranchant ou d’un ustensile de cuisine en y mettant toutefois un peu de pression.


III. POSITIONS DES PARTIES

A) Position de Mme Vassilakos

C’est longtemps après avoir pris possession du condominium que Mme Vassilakos a constaté l’existence d’égratignures sur le laminé du comptoir de la salle de bain.

Ce n’est qu’au moment d’utiliser le foyer que le matériau des briques réfractaires du foyer s’est modifié et que la pellicule noire est apparue.

Ce n’est qu’au cours de l’hiver que l’eau s’est infiltrée dans le joint du comptoir de l’évier de la cuisine.

Aucune de ces défectuosités ne pouvait être décelée de façon tangible au moment de la réception du bâtiment.

Il s’agit soit de vices et malfaçons apparents qui doivent être réparés par l’entrepreneur ou de malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception du bâtiment et l’entrepreneur doit quand même effectuer les réparations.

Le refus de l’entrepreneur d’effectuer les travaux de réparation portant sur les trois éléments en litige prouve sa mauvaise foi car il a convenu qu’il était en faute à l’égard des autres réclamations de la demande.

B) Position de l’administrateur

Les manquements allégués par Mme Vassilakos s’assimilent soit à des vices et malfaçons apparents ou à des malfaçons existantes et non apparentes au sens des articles 2111, 2113 et 2120 du Code civil du Québec auxquels renvoie l’article 27 du Règlement.

Si vices et malfaçons apparents il y a, le Plan impose à l’entrepreneur l’obligation de réparer ces vices et malfaçons dans la mesure où la bénéficiaire a dénoncé par écrit les éléments en litige au moment de la réception des travaux.

Cette règle apparaît à l’article 27.2° du Plan qui se lit ainsi:

«27. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les trois jours qui suivent la réception;

Or la déclaration de réception du bâtiment signée par Mme Vassilakos le 16 septembre 1999, ne mentionne pas spécifiquement les réclamations en litige.

En conséquence, le Plan ne couvre pas les trois réclamations en litige. Ces réparations sont au frais de Mme Vassilakos.

D’autre part, si les réclamations en litige constituent des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception des travaux, il faut appliquer la règle énoncée à la clause 27.3 du Règlement libellée ainsi :

«27. La garantie d’un plan dans le cas d’un manquement d’un entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

3° La réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 21120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons; »

Dans sa lettre du 17 mars 2000 adressée à l’entrepreneur, Mme Vassilakos admet elle-même connaître l’existence des réclamations en litige et ce, dès le 17 septembre 1999.

Plus de six mois se sont écoulés entre la découverte des malfaçons et la réception du bâtiment qui eut lieu le 17 mars 2000.

En conséquence, le Plan ne couvre pas les trois réclamations en litige car le recours de Mme Vassilakos est prescrit.

Une jurisprudence bien établie reconnaît que l’acceptation d’un ouvrage avec connaissance des malfaçons dégage l’entrepreneur de l’obligation de les réparer[3].

IV. ANALYSE ET DISCUSSION

Doit-on donner primauté au sens littéral des clauses 27.2 et 27.3 du Règlement comme fondement de l’interprétation des règles de droit qui régissent les parties ou doit-on interpréter les textes en donnant préséance à l’équité lorsque les circonstances le justifient?

La réponse à cette question apparaît à l’article 116 du Règlement rédigé ainsi :

«116. Un arbitre statut conformément aux règles de droit, il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient. »

La règle de l’article 116 autorise l'arbitre à interpréter les textes en faveur de la bénéficiaire en cas de doute sur l’interprétation de la déclaration de réception du bâtiment ou de la signification des défauts énumérés dans la demande.

La première question qui se pose à l'arbitre est celle de savoir si le recours de Mme Vassilakos est prescrit dans le cas où les travaux relatifs aux trois réclamations constituent des vices ou malfaçons existants et non apparents au moment de la réception du condominium. Arrêtons-nous un instant sur ce point car il mérite considération.

Selon le point de vue de l’administrateur, le recours de Mme Vassilakos, est exercé sur la base de la clause 27.3 du Règlement. Comme on le sait, un peu plus de six mois sépare la date de réception du bâtiment et la date du dépôt de la plainte à l’entrepreneur. Quelques jours à peine.

Ce délai est de rigueur sans doute, mais toute la question consiste à déterminer le point de départ de la prescription. L’administrateur oppose à Mme Vassilakos l’écrit valablement fait envoyé à l’entrepreneur le 17 mars 2000 dans lequel elle indique qu’elle s’est aperçue des points de réclamation le jour où elle a pris possession de son condominium, soit le 17 mars 1999.

Si on analyse l'ensemble du témoignage de Mme Vassilakos et des documents mis en preuve, il est possible que la date du 17 mars 1999 ne soit pas celle où elle a pris connaissance réellement de tous les éléments qui sont mentionnés dans sa lettre du 17 mars 2000.

En conséquence, je donne le bénéfice du doute à Mme Vassilakos et elle peut exercer le recours basé sur la clause 27.3 du Règlement.

La deuxième question qui se pose à l'arbitre est celle de déterminer si les trois réclamations s’assimilent à des vices ou malfaçons apparents ou à des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception des travaux.

Il faut interpréter les expressions vices et malfaçons en rapport avec les règles de droit régissant les rapports entre un entrepreneur et un consommateur. Bref, selon une jurisprudence établie, l’expression « vices » s’applique dans le cas où l’erreur de plan ou l’emploi de matériaux trop légers entraîne une perte totale ou partielle du bâtiment. Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Abordons le concept de malfaçon. Au sens du droit applicable au présent litige, il s’agit de l’exécution défectueuse d’un travail effectué par un entrepreneur ou un prestataire de services. La défectuosité peut résulter de l’incompétence ou de la négligence de l’entrepreneur.

Si les malfaçons sont apparentes et que la bénéficiaire accepte quand même les travaux, elle ne peut intenter un recours contre l’auteur de ces malfaçons4[4]. Il est bien entendu que l’acceptation des travaux n’a aucun effet dans le cas ou les malfaçons sont cachées.

Cependant, il est possible et même très probable que les défectuosités relatives aux trois réclamations avaient fait l’objet de réserve à l’occasion de la réception du condominium.

Dans ce cas, la clause 27.3 du Règlement s’applique.

La dernière question consiste à déterminer si les réparations réclamées par Mme Vassilakos constituent des malfaçons au sens du droit.

Le comptoir du lavabo de la salle de bain

Les égratignures ne compromettent pas la solidité du comptoir ni n’entraînent sa détérioration. D’autre part, à moins de se placer à contresens de la lumière naturelle ou artificielle, aucune personne ne peut déceler la présence de ces égratignures dans un contexte normal d’utilisation du lavabo.

En conséquence, ce chapitre de réclamation est rejeté.

Les briques réfractaires du foyer

Je dois me baser à cet égard sur le cours normal des choses. L’utilisation d’un foyer implique un dégagement de chaleur intense. Il est impossible d’utiliser un foyer sans que le matériau en porte les traces d’une façon quelconque.

Nous n’avons décelé aucune détérioration des matériaux et à mon avis, les points soulevés par Mme Vassilakos ne sont pas des défectuosités au sens de la Loi. La modification du matériel des briques réfractaires et la pellicule noire peuvent être le résultat de la combustion normale du combustible.

L'arbitre rejette la réclamation afférente.

Le comptoir de la cuisine

Nul ne peut contester les multiples activités qui se déroulent dans la cuisine au cours d’une journée. Le comptoir au complet et le lieu où se trouve l’évier en particulier ne sont-ils pas le centre de la préparation des repas?

Le joint se situe au milieu du pourtour de l’évier. Si ce joint est mal fermé, l’eau s’y infiltre.

En plaçant le joint au centre du pourtour de l’évier, l’entrepreneur connaissait ou devait connaître la probabilité d’infiltration d’eau à cet endroit si le joint est mal fermé.

La partie droite du laminé du comptoir se soulève légèrement mais cela suffit pour laisser l'eau s’y infiltrer. À mon avis, le joint doit être parfaitement exécuté pour empêcher l’infiltration de l’eau, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L’administrateur a constaté lui-même l’existence de dommages autour du joint du comptoir de la cuisine. Il conclut que cette situation résulte de la responsabilité des occupants et qu’il ne s’agit pas d’une malfaçon.

Mme Vassilakos n’a pas à agir de façon à ce que l'eau n’atteigne pas le lieu ou se trouve le joint en question. Il appartient à l’entrepreneur de fournir un comptoir de cuisine qui sert les fins auxquelles il est destiné.

De toute évidence, le joint est mal fait et l'eau s’y infiltre. Un joint bien fermé empêche l’infiltration.

Ce n’est pas le cas en l’espèce.

Sur la base de la preuve, il n’est pas possible dans ce cas précis de réparer la défectuosité par l’application d’un polymère et de fournir en même temps un comptoir de cuisine qui sert les fins auxquels il est destiné.

La réparation doit être permanente. La seule façon de réparer de façon permanente la défectuosité consiste à remplacer le comptoir au complet.

J’accueille cette réclamation

V. DISPOSITIF

Pour tous ces motifs le Tribunal accueille la réclamation de Mme Vassilakos concernant la défectuosité du comptoir de cuisine.

Le Tribunal enjoint à l’entrepreneur de remplacer le comptoir de la cuisine dans un délai de 30 jours de la présente sentence ou de tout autre délai convenu avec Mme Vassilakos.

Le Tribunal rejette les réclamations relatives au comptoir de la salle de bain et aux briques réfractaires du foyer.

Fait à Dorval le 28 août 2000,

 

 

                Me Bernard Lefebvre

 



[1]Plan de garantie conforme au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs Loi sur le bâtiment L.R.Q., c. B-1.1 ; a.185, par.19.3° à 19.6° et 38° et 192

[2]  Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure, organisme ayant le pouvoir de désigner un arbitre de différend en vertu de l’accréditation accordée par la Régie du bâtiment art. 106 et ss. du Règlement - supra note 1

[3] Rousseau-Houle Thérèse Les contrats de construction en droit public et privé Wilson et Lafleur, 1982, p.

[4] Mailloux c. Guay 1973 C.S. 149