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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN

DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d'arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Le Groupe d'arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

 

 

 

ENTRE :

Monique Patenaude

(ci-après la « bénéficiaire »)

 

ET :

9129-3464 Québec inc.

(ci-après l'« entrepreneur »)

 

ET :

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ inc.

(ci-après l'« administrateur »)

 

 

No dossier APCHQ : 131866-2

No dossier GAMM : 2010-09-011

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

Arbitre :

M. Claude Dupuis, ing.

 

Pour la bénéficiaire :

Mme Monique Patenaude

 

Pour l'entrepreneur :

M. Michel Lacroix

 

Pour l'administrateur :

Me Luc Séguin

 

Date d’audience :

5 octobre 2010

 

Lieu d’audience :

Candiac

 

 

Date de la sentence :

21 octobre 2010

FISSURES À LA DALLE DE BÉTON DU SOUS-SOL

I : INTRODUCTION

[1]           Il s’agit ici d’une résidence jumelée, située à Candiac, dont la réception par la bénéficiaire a eu lieu le 13 avril 2008.

[2]           Le 8 avril 2010, la bénéficiaire adressait à l’administrateur une réclamation concernant des « fissures dans le plancher de béton du sous-sol ».

[3]           Lors de son inspection, l’administrateur a constaté la présence d’environ cinq fissures de moins de 3 mm de largeur, sans trace d’efflorescence; il a donc conclu comme suit :

ANALYSE ET DÉCISION (point 1) :

De l’avis de l’administrateur, la situation observée sur place en rapport avec le point 1 ne rencontre pas tous les critères du vice caché en ce sens qu’elle n’est pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné.

[4]           Insatisfaite de cette décision, la bénéficiaire s’est adressée au GAMM afin de porter le différend à l’arbitrage; elle invoque alors ce qui suit :

Les fissures dans le plancher sont multiples et mesure [sic] jusqu’à 3/32". Le nombre de fissures, leurs longueurs et leurs largeurs ne cessent d’augmenter depuis l’achat de la maison. Je n’ose pas aménager mon sous-sol par crainte que ce soit tout à recommencer dans 1 ou 2 ans à cause des dommages importants. J’estime qu’il y a probablement une mauvaise circulation des eaux qui fait en sorte qu’une pression importante s’exerce sur le plancher de béton. Je constate que même lors de fortes pluies aucun égouttement ne survient du drain français dans la fosse d’eau au sous-sol. Ce qui me semble curieux avec les fissures grandissantes dans le sous-sol.

[5]           En cours d’enquête, les personnes suivantes ont témoigné :

-       Mme Monique Patenaude, bénéficiaire

-       M. Réal Patenaude, frère de la bénéficiaire

-       M. Michel Lacroix, entrepreneur

-       M. Michel Hamel, inspecteur-conciliateur, GMN de l’APCHQ

II : POSITION DE LA BÉNÉFICIAIRE

[6]           Mme Patenaude avait déjà remarqué la présence d’une fissure à la dalle du sous-sol lors de la prise de possession en avril 2008; elle ne l’a point dénoncée à la réception, car une seule fissure, isolée, ne l’intriguait point. Toutefois, depuis ce temps, elle en découvre de nouvelles, régulièrement, tous les trois mois à peu près, alors que leurs largeurs et longueurs évoluent constamment.

[7]           Selon son témoignage, d’autres fissures sont apparues depuis mars et depuis juin 2010.

[8]           Les fissures se dirigent toutes vers le centre, en forme d’étoile, de sorte qu’éventuellement, la dalle va se soulever; entre-temps, le témoin n’ose pas aménager le sous-sol par crainte de désordres futurs.

[9]           Mme Patenaude témoigne que depuis la prise de possession, il n’y a pas eu d’infiltration d’eau provenant de ces fissures et que la pompe du puisard n’opère pratiquement pas.

[10]        Au printemps 2009, elle a toutefois peinturé le plancher constitué par la dalle de béton. La bénéficiaire espérait, à la longue, une stabilisation au niveau des fissures, ce qui ne s’est point produit.

[11]        Mme Patenaude conclut en ces termes : trois ans après la construction, il ne devrait plus apparaître de fissures, le séchage du béton ne peut durer éternellement, il y a donc un problème.

III : POSITION DE L’ENTREPRENEUR

[12]        Selon M. Lacroix, l’unité d’habitation a été complétée en 2007, soit de six mois à un an avant la prise de possession par la bénéficiaire.

[13]        L’entrepreneur témoigne qu’actuellement, le plancher est dans le même état que lors de la livraison; ces fissures ont été occasionnées par un séchage rapide durant l’été.

[14]        La présence de peinture dans les fissures prouve que ces dernières n’ont pas évolué.

[15]        M. Lacroix affirme avoir construit 40 maisons dans ce secteur où il y a absence de pyrite et où la nappe d’eau n’est pas élevée.

IV : POSITION DE L’ADMINISTRATEUR

[16]        La plainte ayant été reçue dans la deuxième année de la garantie, il faut, soutient l’administrateur, que la situation rencontre les critères de vice caché.

[17]        M. Hamel, inspecteur-conciliateur, témoigne qu’il s’agit ici d’un problème d’esthétique et non structural; il estime que nous sommes en présence de fissures de retrait qui sont localisées sur une dalle flottante n’ayant aucun effet sur le bâtiment.

[18]        Il y a absence de poussée hydrostatique, puisqu’il n’y a pas eu infiltration d’eau et qu’il n’y a pas d’efflorescence; vérification faite, M. Hamel témoigne que l’habitation n’est pas située dans un secteur où il y a présence de pyrite ou d’ocre ferreuse; d’ailleurs, à cet effet, un coup d’œil au puisard permet de constater l’absence de cette dernière substance.

[19]        M. Hamel constate qu’il n’y a pas eu d’évolution de la situation depuis sa visite d’inspection le 22 juin 2010 et la date d’audience du 5 octobre 2010.

[20]        Relativement à la prétention de la bénéficiaire à l’effet qu’il y aurait une mauvaise circulation des eaux, M. Hamel témoigne que si tel était le cas, l’eau jaillirait par ces fissures; il est d’avis que le drain fonctionne parfaitement.

[21]        Le procureur estime qu’il s’agit ici de fissures capillaires, sans importance, qu’il qualifie de malfaçon, pour laquelle l’administrateur aurait exigé une réparation si la situation avait été dénoncée durant la première année de garantie.

V : DÉCISION ET MOTIFS

[22]        La visite des lieux a démontré la présence de fissures plus nombreuses que ce que l’on peut normalement constater sur une dalle de béton flottante constituant le plancher du sous-sol.

[23]        Même nombreuses, ces fissures sont caractérisées par des largeurs qui demeurent inférieures à 3 mm, ce qui fait en sorte qu’on les qualifie de capillaires.

[24]        L’on ne dénote aucune dénivellation de part et d’autre de ces fissures; le contraire, soit une dénivellation significative, pourrait résulter d’un désordre important.

[25]        Mme Patenaude, la bénéficiaire, a témoigné que depuis la prise de possession, elle n’a noté aucune infiltration d’eau par ces fissures; l’absence d’efflorescence sur le plancher appuie cette affirmation.

[26]        Toujours selon la bénéficiaire, la pompe du puisard ne fonctionne que très rarement, voire jamais; c’est là un indice que les drains fonctionnent proprement.

[27]        Un coup d’œil au puisard ne révèle pas la présence d’ocre ferreuse.

[28]        D’après les données obtenues par l’APCHQ, l’habitation n’est pas située dans un secteur propice à la présence de pyrite.

[29]        Le tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas ici d’une situation de vice caché, puisque rien dans la preuve recueillie ne démontre l’existence de l’une ou l’autre des manifestations ci-devant citées.

[30]        Tout au plus, la situation résulte du comportement normal du béton, en l’occurrence le séchage de celui-ci; or, la réparation des fissures résultant du comportement normal des matériaux n’est pas, selon l’article 12.2° du décret, couverte par la garantie.

[31]        La pluralité des fissures pourrait constituer un cas de malfaçon, à condition que ces dernières soient découvertes dans la première année de garantie et dénoncées dans les six mois suivant la découverte.

[32]        Cependant, la multiplicité des fissures ou des malfaçons ne permet pas pour autant de conclure à un vice caché, chacune de ces fissures étant capillaire et ne constituant aucun désordre structural.

[33]        La bénéficiaire avait le fardeau de la preuve, et aucune de ses allégations n’a pu me convaincre.

[34]        Mme Patenaude invoque plutôt la crainte de désordres futurs et n’ose point aménager son sous-sol.

[35]        Le tribunal doit décider en s’appuyant non pas sur des craintes non fondées, mais bien sur des faits; or, ces derniers ne démontrent aucun désordre structural actuel, et aucun indice ne laisse présager un désordre futur.

[36]        Je donne raison à l’administrateur de ne pas pousser plus loin l’investigation, puisqu’il y a absence d’indices révélant un problème à venir.

[37]        La bénéficiaire a jusqu’au 13 avril 2011 pour, en présence d’un vice caché, faire intervenir la garantie. D’ici là, elle peut soit dénoncer une évolution importante de la situation, soit procéder à une étude géotechnique afin, le cas échéant, de rencontrer son fardeau de preuve.

[38]        Pour ces motifs, le tribunal :

REJETTE            la réclamation de la bénéficiaire ayant trait à l’élément « Fissures à la dalle de béton du sous-sol ».

Les coûts d’arbitrage

[39]        Conformément à l’article 21 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, les coûts du présent arbitrage seront répartis comme suit : la somme de vingt-cinq dollars (25,00 $) payable par la bénéficiaire et le solde par l’administrateur.

 

BOUCHERVILLE, le 21 octobre 2010.

 

 

 

 

 

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Claude Dupuis, ing., arbitre