SENTENCE ARBITRALE
RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE
DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(L.R.Q., c. B-1.1, r. 0.2), ci-après appelé le
Règlement
M. SYLVAIN JENKINS
et
MME DOMINIQUE GIRARD,
bénéficiaires;
- et -
GROUPE BRIMKO INC.,
entrepreneur;
- et -
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS
RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,
administrateur.
M. Claude Dupuis, ing., arbitre
Audience tenue à St-Jean-sur-Richelieu le 4 avril 2002
Documentation reçue jusqu’au 9 avril 2002
Sentence rendue le 8 mai 2002
I : INTRODUCTION
En cours d’enquête, aucune objection n’a été soulevée relativement à la juridiction de l’arbitre.
Lors de l’audience, les bénéficiaires étaient représentés par Me François Kouri, l’entrepreneur était représenté par M. Raphaël Francoeur, tandis que l’administrateur était représenté par Me Marc F. Tremblay. Ont témoigné, pour les bénéficiaires, M. Jenkins et Mme Girard, pour l’entrepreneur, M. Francoeur, et pour l’administrateur, M. Pierre Bonneville, inspecteur-conciliateur.
Lors de l’enquête, les bénéficiaires ont déposé trois pièces; en ce qui a trait à la dernière (pièce B-3), intitulée Devis, il n’y avait pas de copies disponibles pour les parties, mais celles-ci ont toutefois eu l’opportunité de l’apprécier; le tribunal a accepté ce dépôt à la condition que le bénéficiaire en fasse parvenir copie aux autres parties, ce qui fut fait en date du 9 avril 2002.
La demande d’arbitrage, initialement présentée par le procureur des bénéficiaires en date du 1er février 2002, conteste les points 4 et 5 du rapport d’inspection de l’administrateur daté du 18 janvier 2002; le litige porte sur des écaillures au plancher de bois flottant dans la chambre principale ainsi que sur la fixation du support de revêtement de sol.
Les points contestés (4 et 5) du rapport d’inspection du 18 janvier 2002 de l’administrateur se présentent comme suit :
La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. ne peut considérer les points suivants dans le cadre du contrat de garantie : |
4. Écaillures au plancher de bois flottant à la chambre principale
Motifs :
Nous sommes en présence d’une situation apparente qui, contrairement aux exigences de l’article 3.2 du contrat de garantie, n’a pas été dénoncée par écrit au moment de la réception du bâtiment.
5. Fixation du support de revêtement de sol
Motifs :
Dans un premier temps, nous ne sommes pas en mesure d’établir que les légers bruits de craquement que nous avons perçus au plancher constituent une malfaçon pouvant être de nature à porter atteinte à la qualité, à la sécurité ou à l’utilisation du bâtiment.
Dans un deuxième temps, les bénéficiaires n’ont pas été en mesure de démontrer la présence de malfaçons relativement à la fixation du support de revêtement de sol.
II : ÉCAILLURES AU PLANCHER DE BOIS FLOTTANT À LA CHAMBRE PRINCIPALE
Le soussigné a visité la chambre principale et a pu constater, de visu et au toucher, deux écaillures au plancher, préalablement marquées.
Si, à la réception, il s’agissait d’une malfaçon apparente, la preuve a démontré qu’elle n’a pas été dénoncée par écrit, tel que stipulé à l’article 10.2° du Règlement, ci-après reproduit :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
(...)
2° la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;
S’il s’agit d’une malfaçon existante et non apparente au moment de la réception, la dénonciation n’a pas été faite à l’administrateur dans les délais prescrits à l’article 10.3° du Règlement, ci-après reproduit :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
(...)
3° la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l’année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;
En effet, il a été mis en preuve que la malfaçon aurait été découverte au plus tard le 4 décembre 2000 (référence à une lettre datée du 4 décembre 2000 adressée par le procureur des bénéficiaires à l’entrepreneur) et qu’elle n’a été dénoncée à l’administrateur qu’en date du 24 octobre 2001 (référence à une lettre datée du 24 octobre 2001 adressée par le procureur des bénéficiaires à l’administrateur), soit plus de dix mois après la découverte de la malfaçon.
Or, l’article 10.3° du Règlement n’indique pas que la dénonciation doit être faite dans les délais à l’entrepreneur ou à l’administrateur, mais bien à l’entrepreneur et à l’administrateur, ce qui n’a pas été exécuté dans le présent dossier.
Relativement au délai de six mois stipulé dans cet article, le législateur, de toute évidence, ne l’a pas voulu de rigueur comme celui indiqué à l’article 19 du même Règlement, où il a utilisé le terme «doit» et où aucune circonstance atténuante ne peut être prise en considération par l’arbitre.
Dans l’article qui nous concerne, soit 10.3°, le législateur a utilisé les termes «ne peut excéder 6 mois», ce qui, de l’avis du soussigné, pourrait laisser à l’arbitre le loisir de prendre en compte certaines considérations atténuantes. Or, dans le présent dossier, aucune raison n’a été invoquée pour justifier ce retard.
Si la découverte de ces écaillures résulte d’un vice caché, il ne s’agit pas, selon les constatations faites lors de la visite des lieux, d’un vice caché au sens de l’article 1726 du Code civil.
L’article 10.4° du Règlement se lit comme suit :
10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :
(...)
4° la réparation des vices cachés au sens de l’article 1726 ou de l’article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l’entrepreneur et à l’administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l’article 1739 du Code civil;
L’article 1726 du Code civil se lit comme suit :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
Ces deux écaillures (qui se manifestent par un changement de teinte entre deux planches sur une longueur et largeur minimes) ne rendent pas le lieu impropre à l’usage et ne diminuent pas son prix; elles sont à peine visibles et pourraient bien résulter du comportement normal du bois, selon les degrés d’humidité et/ou de chaleur.
De plus, même s’il s’agissait d’un vice caché accepté, il n’a pas, comme précédemment démontré, été dénoncé à l’administrateur dans le délai prescrit.
Pour ces motifs, le soussigné, relativement au point 4, maintient la décision de l’administrateur telle qu’énoncée dans son rapport d’inspection du 18 janvier 2002.
III : FIXATION DU SUPPORT DE REVÊTEMENT DE SOL
Lors de la visite des lieux, il a été prouvé hors de tout doute que les supports de revêtement de sol ont été fixés aux solives avec des clous; les bénéficiaires prétendent que la fixation aurait plutôt dû être faite avec des vis.
Même si cette découverte n’a été définitive que le matin de l’audience (après que quelques planches eurent été enlevées), les bénéficiaires se plaignaient auparavant que le plancher soit craquait légèrement ou bougeait légèrement à la verticale.
Il a aussi été prouvé que la fixation du support de revêtement de sol à l’aide de clous ne constitue pas une malfaçon, cette pratique étant conforme au Code national du bâtiment.
Par contre, les bénéficiaires prétendent qu’en vertu du devis qui leur aurait été remis à la signature de l’offre d’achat, les planchers en contre-plaqué (sous-planchers) situés à l’étage devaient être vissés.
Après avoir analysé les témoignages et examiné les documents déposés, l’arbitre en vient à la conclusion que la fixation du support de revêtement de sol à l’aide de vis ne faisait pas partie des obligations contractuelles de l’entrepreneur dans le présent dossier.
En effet, le devis (pièce B-3) déposé par les bénéficiaires n’est pas identifié au nom de l’entrepreneur et ne comporte ni sa signature ni ses initiales; par ailleurs, ce dernier ne reconnaît pas ce document comme émanant de son entreprise.
Ce document aurait été envoyé par télécopie aux bénéficiaires; or, sur la copie, on ne parvient à lire ni le nom de l’émetteur ni la date d’émission.
Le contrat préliminaire (onglet #1 du cahier des pièces émis par l’administrateur) stipule que l’immeuble doit être conforme «aux plans et devis reconnus et initialés par les parties».
Or, ce devis n’a pas été reconnu par l’entrepreneur et la preuve incombait aux bénéficiaires de démontrer que ledit document comportait des initiales, ce qui n’a pas été le cas.
Dans ces circonstances, la fixation du support de revêtement de sol à l’aide de vis ne constituant pas une obligation contractuelle et la fixation à l’aide de clous étant conforme, l’arbitre ne peut intervenir dans la décision de l’administrateur.
En ce qui a trait au craquement et mouvement du plancher, il y a eu là aussi, lors de la visite des lieux, preuve insuffisante pour conclure à une déficience d’usage qui en diminuerait et l’utilité et le prix.
IV : CONCLUSION
Pour ces motifs, le tribunal maintient la décision de l’administrateur relativement aux points 4 et 5 de son rapport d’inspection daté du 18 janvier 2002.
En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés à l’article 123 du Règlement, le tribunal départage les coûts du présent arbitrage à parts égales entre l’administrateur et les bénéficiaires.
SENTENCE rendue à Beloeil, ce 8e jour de mai 2002.
Claude Dupuis, ing., arbitre