TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI

 

 

ENTRE :                                                        SUZANNE TURCOTTE-DESHAIES & PIERRE DESHAIES;

 

(ci-après « les Bénéficiaires »)

 

COFFRAGE NEAULT;

 

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

ET :                                                                RAYMOND CHABOT administrateur provisoire Inc.;

 

(ci-après « l’Administrateur »)

 

No dossier SORECONI :    142508001  

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

Arbitre :                                                         Me Michel A. Jeanniot, CIArb

 

Pour les Bénéficiaires :                              Madame Suzanne Turcotte-Deshaies

                                                                       Monsieur Pierre Deshaies

         

Pour l’Entrepreneur :                                   Monsieur Pierre Labonté

 

Pour l’Administrateur :                                Me Pascale De Meyer (McCarthy Tétreault)

 

Date d’audience :                                        7 mai 2015

 

Lieu d’audience :                                         Palais de Justice de Trois-Rivières, salle 212

 

Date de la sentence :                                  15 mai 2015

 

 

Identification complète des parties

 

 

 

 

 

Bénéficiaires :                                              Madame Suzanne Turcotte-Deshaies

                                                                       Monsieur Pierre Deshaies

                                                                       […] Trois-Rivières (Québec)  […]

                                                                        

                                                                      

 

Entrepreneur:                                               Coffrage Neault

                                                                       2951, rue des Prairies

                                                                       Trois-Rivières (Québec)  G8V 1W4

 

 

Administrateur :                                             La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ

                                                                        7333, Place des Roseraies

                                                                        Bureau 300

                                                                        Anjou (Québec)  H1M 2X6

 

Et son procureur :

Me Pascale De Meyer

(McCarthy Tétreault)

 


 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 10 novembre 2014

 

Valeur en litige :

 

Classe II, valeur entre 7 000,00 $ et 15 000,00 $

 

Plumitif :

 

10.11.2014                            Nomination de l’arbitre / réception du mandat

25.02.2015                            Réception du cahier de pièces de l’Administrateur;

26.02.2015                            Transmission d’une correspondance recherchant disponibilités afin de fixer un appel conférence préparatoire

11.03.2015                            Transmission de la confirmation de la date et heure de l’appel conférence préparatoire

23.03.2015                            Appel conférence préparatoire

23.03.2015                            Réception d’un courriel confirmant dates de disponibilités de l’Administrateur pour la tenue de l’audition

30.03.2015                            Transmission du procès-verbal d’appel conférence préparatoire

05.05.2015                            Réception du cahier de pièces amendé de l’Administrateur

06.05.2015                            Audience;

 

 

Décision

 

[1]           Pour les Bénéficiaires, étaient présents Mesdames Suzanne Turcotte et Mireille Nadeau et Monsieur Pierre Deshaies;

 

[2]           Pour l’Entrepreneur, était présent Monsieur Pierre Labonté;

 

[3]           Pour «l’Administrateur» (Raymond Chabot, administrateur provisoire Inc.), étaient présentes Madame Anne Delage (conciliatrice) et Me Pascale De Meyer (McCarthy Tétreault);

 

Liste des admissions

 

[4]           Les Bénéficiaires sont propriétaires d’une unité résidentielle non détenue en copropriété aussi connue et identifiée comme le 6730, rue François-Raymond à Trois-Rivières (ci-après le «Bâtiment»);

 

[5]           La réception du Bâtiment eu lieu le 25 octobre 2006;

 

[6]           La fin des travaux fut le 10 novembre 2006;

 

[7]           En date du ou vers le 29 juin 2010, les Bénéficiaires sont informés par l’Administrateur (sous la plume de Monsieur Jocelyn Dubuc) que leur demande de réclamation concernant des fissurations du béton de la fondation du Bâtiment doivent être reconnues par le plan de garantie et que la situation alors observée rencontre les exigences de la couverture du plan de garantie;

 

[8]           En temps et lieux, un entrepreneur fut mandaté pour effectuer les travaux correctifs pour, et par la suite, remettre en place les éléments inclut au contrat d’origine (tel que défini au contrat préliminaire et ses annexes) en fonction des termes, conditions et limites prévues au contrat de garantie;

 

[9]           Ces travaux ont été adressés et (quasi) complétés;

 

[10]        À la suite des travaux et plus particulièrement à la suite du nettoyage de parement de maçonnerie du Bâtiment, les Bénéficiaires ont constatés que la coloration (de la maçonnerie) était non-conforme à celle de l’originale;

 

[11]        Les Bénéficiaires précisant que le nouveau parement de maçonnerie «comporte une proportion de beige pâle trop importante par rapport au parement original»;

 

[12]        Le 11 août 2014, sous la plume de Madame Anne Delage (onglet #11 du cahier de pièces de l’Administrateur), l’Administrateur est d’avis que les travaux exécutés sont conformes et ne nécessitent pas l’intervention de la part de l’Entrepreneur, d’où la présente demande d’arbitrage;

 

Questions en litige

 

[13]        Les griefs des Bénéficiaires sont au nombre de quatre (4) et sont :

 

[13.1]       le parement de maçonnerie comporte une proportion de beige pâle trop importante par rapport au parement original;

 

[13.2]       l’angle vertical d’un des quatre (4) coins avant de la maçonnerie est insatisfaisant;

 

[13.3]       la couleur (teinte) du mortier est inégale;

 

[13.4]       le crépi au pourtour de la fondation n’est pas fait (complété);

 

La preuve

 

[14]        Tel qu’il en est coutume, je ne reprendrai pas ici avec force de détails tous et chacun des éléments de preuve qui furent soumis, je ne retiendrai ici que certains des éléments ginglymes de mon délibéré;


La position des Bénéficiaires

 

Sur la couleur du parement

 

[15]        Requis de choisir le parement de brique à être replacé sur le Bâtiment, les Bénéficiaires sont invités à choisir un produit «identique ou de valeur équivalente» (le produit à être choisi par les Bénéficiaires importait peu à l’Administrateur, seul le respect du budget alloué importait);

 

[16]        Les Bénéficiaires se font diriger vers un détaillant «Brique et Pierre Trois-Rivières (1993) Inc.»;

 

[17]        Ce fournisseur est un fournisseur important dans la région de Trois-Rivières et, à l’aide de ses registres, pu identifier qu’il était fournisseur du parement de pierres pour ce Bâtiment lors de sa construction en 2005 / 2006 (ayant même exhibé aux Bénéficiaires la soumission et l’entente de fournitures originale avec photos de la résidence des Bénéficiaires). Fut donc identifier le manufacturier, le modèle et la couleur de ce parement (pierres Dufferin / gris lennox);

 

[18]        Les Bénéficiaires furent alors informés par un représentant des ventes chez Brique et Pierre Trois-Rivières, que ce produit (pierres Dufferin / gris lennox) était toujours disponible et leur était encore accessible;

 

[19]        Ce même représentant (de Brique et Pierre Trois-Rivières) aurait, par la suite, informé les Bénéficiaires que ceci était l’étendue et/ou la limite de leur (Bénéficiaire) contribution puisqu’il (Brique et Pierre Trois-Rivières) était pour faire le suivi et «s’occuper du reste» avec l’Entrepreneur;

 

[20]        Lorsque le matériel fut livré devant la résidence des Bénéficiaires, il était sur «palette» et enveloppé de façon à ne pas pouvoir bien discerner la couleur. Était par contre visible, sous une des dernières couches enveloppant l’envoi, ce qui semblait être un bon de livraison lequel identifiait clairement, sous la rubrique «description», qu’il s’agissait de «pierres Dufferin / gris lennox»;

 

[21]        Une fois le parement installé et par la suite «lavé», les Bénéficiaires ont constatés des traces de beige plus prononcées par rapport au parement initial;

 

[22]        Les Bénéficiaires sont, par la suite, retournés chez le fournisseur (Brique et Pierre Trois-Rivières) afin de leurs faire part de leur mécontentement. Un représentant différent les auraient alors informés qu’ils ont bel et bien reçu le bon produit mais que le manufacturier, depuis quelques années, «barate» les couleurs différemment et pour cause, la distribution des couleurs ne pourrait plus (jamais) être tel qu’il était en 2005 / 2006;

 

 

 

 

Sur la question d’angle, coin avant droit du garage

 

[23]        La propriété des Bénéficiaires comporte un garage et son empâtement excède le reste de la devanture du Bâtiment;

 

[24]        Le parement extérieur du coin avant droit de cet excédent s’incline de la droite vers la gauche de plus ou moins 2 centimètres sur une hauteur approximative de 4,60 mètres (i.e. de la fondation au toit). Bien que cette inclinaison est difficilement appréciable à l’œil nu, elle irrite les Bénéficiaires puisqu’elle rend perceptible une prise de courant qui autrement était voilée;

 

Sur la couleur du mortier

 

[25]        Le mortier du parement avant est d’une teinte, pour certains endroits, ostensiblement différente et, à nouveau, ceci irrite / déplaît aux Bénéficiaires;

 

La position de l’Entrepreneur

 

Sur la couleur du parement

 

[26]        Monsieur Labonté dit avoir informé les Bénéficiaires qu’ils pouvaient choisir tout produit existant et/ou équivalent tant et aussi longtemps que leur choix respectait le budget alloué. Il corrobore l’information que les Bénéficiaires ont, et à eux seuls, adressés le démarchage, l’identification et le choix du produit et que c’est ce produit choisi par les Bénéficiaires qui fut livré puis installé;

 

Sur le question de l’angle, coin avant droit du garage

 

[27]        Sur ce sujet, Monsieur Labonté explique que règle générale, dans le cadre d’un projet de construction «normale», le chantier débute par une excavation suivie du coffrage et de la coulée de la fondation. Le bâtiment qui doit reposer sur la fondation est ensuite construit et ses dimensions sont «ajustées» afin de rencontrer «précisément» la forme de la fondation, qui, à l’occasion, peut varier de quelques centimètres du plan (la maison est alors construite afin de s’harmoniser à la fondation) :

 

[27.1]    le coffrage n’étant pas une science très précise, il est «normal» que l’ouvrage, une fois complétée, diffère de quelques centimètres des plans (l’important étant que le bâtiment qui doit s’arrimer à la fondation soit de semblable dimension à son lieu d’ancrage);

 

[28]        Dans le cas présent, la structure supérieure étant déjà construite puisqu’il s’agissait de remplacer des éléments de fondation, la maison a donc été soulevée; la fondation a été, en tout ou en partie, remplacée et lorsqu’est venu le temps de reposer la maison sur cette fondation, certains «ajustements», lors de la pose du parement, furent nécessaires;

 

[29]        Dans ce cas-ci, un (1) coin (angle de coin avant droit du garage) de la fondation était de (plus ou moins) 2 centimètres plus grand que son point d’ancrage;

 

[30]        Le maçon dû donc «tricher» afin que le parement qui enveloppe le Bâtiment s’incline de la droite vers la gauche de plus ou moins 2 centimètres sur une hauteur approximative de 4,60 mètres. Une inclinaison à peine perceptible à l’œil nu;

 

Sur le mortier

 

[31]        L’Entrepreneur s’était refusé à changer, modifier et/ou autrement refaire le mortier puisqu’il suggérait qu’une période de séchage de l’eau était nécessaire avant de pouvoir déterminer quelle sera la teinte ou le ton final de ce mortier. Il nous suggère qu’une période de séchage minimale de quatre (4) à six (6) semaines est alors requise. Aujourd’hui, cette période étant plus que révolue et les différences de teinte étant toujours présentes, l’Entrepreneur s’est déclaré prêt à modifier (changer et/ou remplacer) ce mortier afin qu’il s’harmonise avec le reste du bâtiment. Je prendrai acte de cet engagement dans les conclusions de la présente Décision et il n’est donc pas (plus) nécessaire de trancher sur ce point;

 

La position de l’Administrateur

 

[32]        Madame Anne Delage témoigne à l’effet que son inspection du 28 mai 2014, en présence des Bénéficiaires, devait répondre à deux (2) points. Un premier (le plus évident) que les «couleurs» de la pierre (le parement) étaient incorrectes et un deuxième à l’effet que le crépi était à faire;

 

[33]        Curieusement, ni les Bénéficiaires ni l’Entrepreneur ne parlent du crépi et Madame Delage ne soulève pas, à son rapport d’inspection,  la question du mortier. Quoiqu’il en soit, Madame Delage constate l’absence de crépi, constate que le crépi est non seulement à faire mais certainement à venir, les questions de mortier et de pierres ayant provoqué un arrêt des travaux (au stade de finition).

 

[33.1]    Après un bref «tour de table», tous reconnaissent que le crépi est une obligation contractuelle et qu’elle sera complétée sitôt une décision finale quant au parement de pierres et de briques et la question concernant la couleur du mortier (je prendrai acte de cet engagement dans les conclusions de la présente Décision et je n’aurai donc pas à me prononcer sur ce poste de réclamation);

 

[34]        Quant au constat de Madame Delage concernant l’aspect de la brique, bien qu’elle admette que «le produit installé» comprend une plus importante présence de beige, elle nous suggère qu’il n’y a ici rien d’anormal. Il s’agit de coloration, il n’y existe aucun problème de structure, l’intégrité du bâtiment n’est pas remise en question et la pérennité n’en est encore moins affectée. Elle s’appuie, de plus, sur un guide de performance (onglet 15 du cahier de pièces de l’Administrateur), un manuel préparé en 2006 par l’Association provinciale des constructeurs de l’habitation du Québec pour leurs membres et professionnels de la construction résidentielle (pièce A-15);

 

[35]        Pour l’Administrateur, des briques comportant des nuances de couleur différentes que celles désirées ne sont pas des «déficiences» et quant au mortier, n’ayant pas été requis par les Bénéficiaires de se prononcer sur cette question, elle ne se prononça pas;

 

[36]        Au soutien de ses prétentions, le procureur de l’Administrateur nous réfère à une décision de Me Milazzo, elle-même inspirée d’éléments de doctrine sous la plume de Me Jeffrey Edwards (aujourd’hui J.C.Q.) à l’effet qu’une malfaçon réduite à sa plus simple expression est un travail mal fait (mal exécuté). Donc, pour qu’un travail soit considéré bien ou mal, on doit se référer à des normes. Les Bénéficiaires n’ayant fait la démonstration que le travail était «hors normes», il ne peut s’agir de «malfaçon»;

 

Discussion

 

Sur la couleur du parement

 

[37]        Sur la couleur du parement, j’accepte que les Bénéficiaires aient identifié le manufacturier et la couleur d’origine (2005 / 2006); j’accepte qu’ils aient, de plus, en 2013, requis précisément le même produit du même manufacturier et que lors de la livraison :

 

[37.1]    le bon de livraison confirmait la rectitude de la livraison; et

 

[37.2]    il leurs était impossible (ou presque impossible) de vérifier que ce qui avait été livré comportait l’aspect visuel désiré;

 

[38]        Ici, la position des Bénéficiaires est simple : ils voudraient que la façade de leur Bâtiment soit remplacée par une pierre de couleur identique à celle qu’ils avaient en 2006 (indépendamment du fournisseur et/ou manufacturier, l’aspect visuel de 2005 / 2006 est recherché);

 

[39]        Le représentant des ventes et/ou le vendeur de chez Brique et Pierre Trois-Rivières, alors qu’il informait les Bénéficiaires qu’il détenait la même ligne et le même produit qu’à l’origine vendu en 2006, aurait dû informer les Bénéficiaires qu’en toute probabilité, à supposer même qu’il n’y avait eu aucune modification dans l’assemblage de l’amalgame du produit, qu’après une période de huit (8) ans, il était plus que probable que le (nouveau) parement à être livrer différerait visuellement de ce qui était présent l’année précédente :

 

[39.1]    Mon expérience personnelle (acquise depuis 2005 dans le cadre d’arbitrage sous l’égide du présent Règlement) m’apprend que d’une année à l’autre, ces produits sont rarement suffisamment identiques pour être jumelés («côte à côte»), sans craindre de distinction; huit (8) années d’exposition à l’environnement extérieur ne peuvent qu’accentuer toute possible différence. Si, de plus, nous savons que le manufacturier à changer sa façon de «baratter» les couleurs de l’amalgame, il devenait plus que probable que le coup d’œil du «produit fini» se distinguerait avec ce qui fut l’année précédente retiré;

 

[40]        Les procureurs de l’Administrateur nous suggèrent inter alia que, et bien qu’il soit possible que la preuve suggère que les travaux finis offrent, un «coup d’œil» différent de ce qui prévalait avant 2014; «apparence différente» n’est pas synonyme de malfaçon;

 

[41]        Si reproche il y a, ce qui n’est pas ici admis ni même inféré, je ne m’explique pas qu’un détaillant et/ou fournisseur de matériaux d’expérience, sachant qu’il y avait eu des modifications dans le procédé de fabrication d’un produit, sachant que plus de huit (8) années s’étaient écoulées entre les amalgames requis, n’a pas porter, à l’attention des Bénéficiaires, la très forte probabilité que les matériaux de remplacement diffèrent avec les matériaux d’origine (à moins qu’ils [les Bénéficiaires] furent informés mais que cette mise en garde ne fut pas assimilée);

 

[42]        Je répète ici, aucune suggestion n’a été faite à l’effet qu’il y avait quelque(s) problématique(s) structurale(s) et/ou autre(s) vice(s) de construction, il s’agit d’une question d’esthétique;

 

[43]        Je ne suggère pas ici qu’il n’y a pas de différence entre «avant et après». Certaines photos qui nous furent exhibées et une visite des lieux nous a d’ailleurs permis de constater et comparer le produit installé avec certains «résidus» de ce qui fut retiré. Les mêmes teintes et/ou couleurs sont présentes mais les versions «2005 / 2006» offraient un «fondu» plus graduel et/ou discret que le produit «2014»;

 

[44]        J’accepte que l’Entrepreneur n’ait fait que se conformer à des instructions des Bénéficiaires, lesquels, de bonne foi, ont commandé un produit du même manufacturier et portant le même nom et la même description que huit (8) ans auparavant;

 

Sur la couleur du mortier

 

[45]        J’accepte que les Bénéficiaires ont soulevé la question du mortier qui était de couleur différente de façon contemporaine à la pose (qui était à certains endroits de couleur différente) et je comprends qu’ils ont accepté les arguments du maçon à l’effet qu’une certaine période de temps devait passée avant que la couleur finale puisse être déterminée mais, et pour les raisons ci-haut reprises au paragraphe [31], cette question est maintenant sans controverse;

 

Sur la question de l’angle, coin avant droit du garage

 

[46]        Quant au coin de fondation et l’agencement du parement de jonction entre la toiture et la fondation, je n’ai aucun indice pouvant m’expliquer où, quand et comment fut, pour une première fois, soulevée la question de l’inclinaison verticale d’un des coins du garage. Cette question n’ayant pas été soulevée avant l’inspection du 28 mai, l’Administrateur ne s’étant non plus prononcé et les parties ne m’ayant pas, de consentement, spécifiquement accordé juridiction sur ce point, je ne peux donc me prononcer;

 

[47]        Subsidiairement, j’accepte la position de l’Entrepreneur à l’effet qu’il est impossible de répliquer un coffrage en copie parfaite et que si un des quatre coins de la façade avant de la fondation connaît un écart de plus ou moins 2 cm, ceci n’est pas en soit (vue les circonstances bien précises du présent dossier) un travail mal fait;

 

[48]        Je trouve assistance et soutien dans les propos de notre collègue arbitre Me France Desjardins, dans l’affaire Valiquette et Construction Nordi. Cette dernière se réfère aux définitions fournies, à titre de guide, par la Régie du bâtiment du Québec, l’organisme chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment (L.R.Q., c. B-1.1) de l’application du Règlement :

 

«… Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessous la notion de «règle de l’art»). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs.

 

   Règle de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

 

  Les Règles de l’art trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

 

· les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux entrant dans la construction des immeubles;

· les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

· les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;

· les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent»

(les soulignements sont de l’arbitre Me France Desjardins)

 

[49]        Me France Desjardins conclu alors :

 

«[39] De fait, ces définitions constituent un résumé de ce que les tribunaux ont depuis longtemps reconnu à savoir : le non-respect des normes reconnues et/ou édictées par l’autorité compétente constitue une malfaçon en ce qu’il ne respecte pas les règles de l’art»;

 

[50]        Au risque de me répéter, il ne s’agit pas de solidité, il ne s’agit pas de durabilité, de performance ou de vice (structural ou autre), il s’agit d’un grief de nature strictement esthétique et faisant miens les propos de l’honorable Virgil Buffoni (505-22-007258-017, onglet #7 du cahier des autorités de l’Administrateur du plan de garantie) :

 

«…une certaine marge de manœuvre doit être tolérée quant aux résultats. À défaut, le co-contractant sera à la merci du goût purement subjectif de son co-contractant»;

 

Jugé

 

[51]        Le tribunal d’arbitrage a été créé par le Règlement sur les plans de garantie pour en assurer l’application. Il ne peut décider de litige qui relève de l’application d’autres lois, même s’il peut penser que d’autres lois pourraient s’appliquer au présent litige.

 

[52]        À titre d’arbitre désigné, je suis autorisé par la Régie à trancher tout différend découlant des plans de garantie; ceci inclus toutes questions de faits, de droit et de procédures mais la réclamation doit prendre souche et/ou source dans le Règlement;

 

[53]        La Loi et le Règlement ne contiennent pas de clause(s) privative(s) complète(s). L’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel. Enfin, l’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit», il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[54]        Avec respect pour toute opinion à l’effet contraire, si quelque chose est «mal fait» ou «ne respecte pas les règles de l’art» ceci doit être une question d’appréciation qui est laissée à la discrétion du tribunal. Dans le cas bien précis qui nous concerne, après avoir vu et examiné la situation et le parement, je ne peux ici faire droit à ce poste de réclamation;

 

[55]        Sous réserve de l’engagement de l’Entrepreneur à refaire / reprendre en tout ou en partie le mortier puis compléter les engagements contractuels concernant le crépi, je ne peux retenir la demande des Bénéficiaires. Le tout est sans préjudice et sous toute réserve du droit qui est leur (les Bénéficiaires) de porter devant les tribunaux civils leurs prétentions ainsi que de rechercher les correctifs qu’ils réclament, sujets bien entendu, aux règles de droit commun et de la prescription civile;

 

[56]        L’appel à l’équité par le biais de l’article 116 du Règlement ne peut ici être utilisé à faire échec à une disposition du plan qui est, semble-t-il, sans ambiguïté et de toute évidence, calqué sur un Règlement qui est d’ordre public. Je ne peux, ici, appuyer la thèse que par le biais de l’article 116, un décideur peut faire fi des exclusions prévues à la Loi et au Règlement et ajouter une situation qui n’a pas été incluse par le législateur simplement parce qu’il s’agit d’un constat (visuel) ostensible;

 

[57]        Les Bénéficiaires ayant, du moins en partie, eu gain de cause (ne serait-ce que suite à l’engagement de l’Entrepreneur à refaire, en tout ou en partie, le mortier et de compléter, en temps et lieux, le crépi), en droit ainsi qu’en équité, les frais du présent arbitrage seront à la charge de l’Administrateur;

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

MAINTIENT la décision de l’Administrateur du 28 mai 2014.

 

PREND ACTE de l’engagement de l’Entrepreneur à modifier, changer et/ou remplacer le mortier afin que ce dernier s’harmonise avec le reste du Bâtiment.

 

PREND ACTE de l’engagement de l’Entrepreneur à compléter son engagement contractuel et donc, la pose de crépi au pourtour des murs de fondation du Bâtiment.

 

LE TOUT, avec dépens contre l’Administrateur.

 

 

 

Montréal, le 15 mai 2015

 

 

 

 

 

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ME MICHEL A. JEANNIOT, ClArb

Arbitre / SORECONI