TRIBUNAL D’ARBITRAGE

Sous l’égide de

SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS (SORECONI)

   Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

SORECONI : 182811001

GCR :    1077-91                                          ENTRE :

 

LES ENTREPRISES RÉJEAN GOYETTE INC.

 

                                                                       Entrepreneur

 

                                                                       c.

 

PATRICIA SAYASEN,

et

ÉRIC MONDOU,

 

                                                                       Bénéficiaires

 

                                                                       Et

 

LA GARANTIE DE CONSTRUCTION RÉSIDENTIELLE (GCR),

 

                                                                       Administrateur

 

 

ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE

GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(RLRQ, Chapitre B-1.1, r.8)

 

 

DÉCISION ARBITRALE RENDUE LE 22 OCTOBRE 2019

 

YVES FOURNIER ARBITRE

 

 

HISTORIQUE DES FAITS ET PROCÉDURES

 

[1] Lors de la construction du bâtiment, situé au [...] à Mirabel, les bénéficiaires apprennent le 26 avril 2017 que le parement de maçonnerie couvrant la façade a été graffité. Dans un premier temps l’entrepreneur a procédé au nettoyage des graffité après quoi il a fait teindre les pierres à différents endroits.

 

[2] Les bénéficiaires ont dénoncé le résultat de l’intervention avançant qu’elle avait modifié la caractéristique des pierres teintes puisque lors des périodes humides celles-ci étaient facilement décelables.

 

[3] Dans sa décision du 20 mars 2018 (A-16), le conciliateur Normand Pitre énonçait que la teinture mise en place avait pu avoir pour effet de sceller les pierres, ce qui pouvait expliquer la variation de teintes des pierres.  Donnant ainsi raison aux bénéficiaires, il ordonnait à l’entrepreneur d’apporter un correctif afin que le parement puisse révéler une apparence uniforme indépendamment des conditions climatiques.  Si la méthode corrective devait s’avérer la même, une attestation de garantie devait être produite par le manufacturier de la pierre.  Et monsieur Pitre de conclure :

 

À défaut d’obtenir ce document, le parement devra être remplacé dans son entièreté.

 

[4] Par la suite cette décision, l’entrepreneur fit appliquer un scellant (OS-HO de Reckli).  Les bénéficiaires se sont déclarés insatisfaits précisant que les briques qui ont été teintes étaient toujours apparentes.  Le conciliateur se rendit sur les lieux et fournit le 5 juillet 2018 une deuxième décision.

 

[5] Tout en notant que l’apparence générale du parement lui apparaissait très acceptable, il concluait qu’aucun autre correctif devait être exécuté, à l’exception des éclaboussures ainsi que pour les endroits où le scellant semble avoir été appliqué sur la brique sale, situations pour lesquelles des correctifs devaient être effectués par l’entrepreneur.

 

[6] Après la réception par les bénéficiaires de l’information concernant la garantie des produits utilisés lors des correctifs, ils avisèrent monsieur Pitre que les garanties étaient inacceptables puisque la teinture utilisée est garantie pour 25 ans et celle relative au scellant l’est pour 10 ans. Face à cette nouvelle contestation le conciliateur émit une troisième décision, en date du 25 octobre 2018 (E-5), laquelle fait l’objet du présent appel de l’entrepreneur. Monsieur Pitre concluait notamment ainsi:

 

« Puisque l’apparence du parement est altérée lors des jours de pluie, que la durée de vie des produits utilisés ne peut être acceptable dans le cadre d’un bâtiment neuf, qu’un entretien devra être fait à moyen terme, ce qui est anormal pour un parement de maçonnerie neuf, l’administrateur est d’avis que les travaux correctifs devront être repris. »

 

PREUVE DE L’ENTREPRENEUR

 

NORMAND PITRE, CONCILIATEUR

 

[7] L’entrepreneur a fait entendre Normand Pitre en ouverture de sa preuve. Il est conciliateur décisionnaire pour GCR depuis 2015.  Il est diplômé en technique d’architecture et il exerce à ce titre depuis une trentaine d’années.  Il est conciliateur depuis 2002.  Il connaît la norme selon laquelle on doit se placer à 6 mètres du revêtement extérieur pour vérifier sa conformité. Il atténue toutefois cette norme puisqu’elle a été mise de côté récemment dans le cadre d’une décision arbitrale.

 

[8] Sa première visite s’est effectuée consécutivement à la dénonciation des bénéficiaires suite aux graffitis apposés sur toute la largeur du parement en maçonnerie en façade. L’entrepreneur entreprit de faire nettoyer et procéda à la pose d’une teinture pour pallier au résidu des traces des graffitis.  Il reconnaît que lors de cette visite, les conditions climatiques qui prévalaient ne lui ont pas permis de constater les prétentions des bénéficiaires.

 

[9] Il soutient fermement qu’il n’a donné aucune directive à l’entrepreneur quant à la dernière correction de la problématique des graffitis. Il ajoutera que GRC n’a jamais donné de directives à l’entrepreneur puisque la méthode corrective appartient à ce dernier.

 

[10] Malgré le test d’eau d’arrosage auquel il a procédé, il n’a pas constaté de variations de teintes au parement suite à la pose de la teinture.  Le paragraphe suivant de la décision du 20 mars 2018 (E-3) est mis en emphase :

 

Si la méthode corrective choisie s’avère être la même que celle déjà utilisée, une attestation de garantie devra être produite par le manufacturier de la pierre qui devra mentionner que la garantie pour l’ensemble du parement est identique à celle d’origine.

 

[11] La décision du 5 juillet 2018 (E-4) concluait qu’aucun correctif n’avait à être exercé, à l’exception des éclaboussures et des deux sections des briques tachées.

 

[12] Les bénéficiaires se sont adressés au conciliateur pour connaître la garantie des produits appliqués et pour ce dernier c’était très légitime qu’ils obtiennent les attestations rattachées aux deux produits.  Suite à la réception des documents, ils s’en sont déclarés insatisfaits sur la base que le parement nécessiterait un entretien alors qu’un parement de maçonnerie n’a aucun entretien à subir.

 

[13] Pour la garantie de Nawkaw (scellant), il ne se souvient pas d’avoir vu ou eu le document (E-9) qui se veut la fiche technique.  Toutefois, après la réception par les bénéficiaires des documents traitant des garanties et suite à leur nouvelle contestation prenant assise sur la problématique des garanties, il transmit sa décision le 25 octobre 2018 (E-5) aux parties.

 

[14] Le conciliateur fait valoir qu’un scellant face aux expositions d’ultraviolets se dégrade, se dégénère avec le temps.  Il mentionne que les normes en bâtiment ne règlent pas tous les problèmes.  Si c’était une situation qui relevait d’une norme technique, monsieur Pitre déclare qu’il l’aurait appliquée. En l’espèce, la seule norme technique qui peut se rattacher à la présente affaire est celle des 6 mètres.  Par contre, rappelle-t-il, certaines décisions ont montré que cette application pouvait et devait être mise de côté.  À titre d’exemple, il rapporte qu’un arbitre a conclu qu’il y avait lieu de démolir tout un mur de briques sur la base que les épaisseurs des joints de briques étaient hors norme malgré qu’ils étaient non apparents à la distance de 6 mètres.

 

[15] À la question posée par le Tribunal quant à savoir s’il peut y avoir une dégradation ou un appauvrissement de la qualité du produit avant l’arrivée du terme normal de la garantie, le conciliateur indique que c’est le fabriquant qui décide des termes et qu’une telle situation peut se produire avant tout autant que le produit peut être performant au-delà du terme de la garantie.

 

[16] Il fait valoir que le bénéficiaire s’attend à recevoir un bâtiment neuf sans ajout de protection limitée dans le temps.

 

[17] Il fut mis au courant qu’en rapport à la franchise à payer dans le cadre de son assurance, l’entrepreneur s’est vu offrir une norme corrective en deçà du montant de la franchise.  Le procureur de l’entrepreneur s’est objecté considérant que le témoin ne pouvait préciser qui lui avait donné l’information.

 

[18] Le Tribunal, ayant pris l’objection sous réserve, rejette celle-ci.  L’information vient d’un préposé de l’entrepreneur.  Par conséquent, ce dernier pourrait faire la preuve du contraire si cela s’avérait inexact.

 

[19] Le témoin rappelle que le parement de maçonnerie a été altéré d’un vice, d’une malfaçon, laquelle doit être dénoncée au moment de la vente par les vendeurs.  La malfaçon vient du fait que les produits appliqués sur le parement de brique offrent une garantie limitée.  Le parement d’origine n’aurait pas eu à subir un entretien au cours des 50 prochaines années.

 

[20] Il existe une possibilité qu’il y ait une dégradation du produit avant les 10 ans ou 25 ans, comme il se peut qu’il y ait dégradation après leur aboutissement.  Il précise qu’un parement neuf ne subira pas au fil des ans des variations de couleur de façon mouchetée ou ponctuée. La situation actuelle fait en sorte que l’on a altéré la durée de vie normale du parement.  Il aurait fallu que l’entrepreneur apporte un correctif qui n’aurait nécessité aucun entretien pour les 50 prochaines années.

 

[21] Questionné à savoir s’il est en accord avec la conclusion du rapport d’expert d’André Gagné, pour le compte de l’entrepreneur, lequel écrit (E-13, p.13) :

 

6.0 CONCLUSION

 

À la lumière de nos constats et de l’historique du dossier, nous sommes d’avis que le parement de briques est en très bon état et il ne nécessite aucun correctif.

 

[22] Monsieur Pitre répond par l’affirmative, ajoutant : « pour le moment, oui ».

 

 

CONTRE-INTERROGATOIRE PAR LE BÉNÉFICIAIRE

 

 

[23] Il est présenté au conciliateur un courriel (A-12) daté du 14 août 2018 de Kevin Mimeault d’Ecobrick lequel répondait à Dominic Richer, chargé de projet pour l’entrepreneur, relativement à la garantie du scellant identifié OS-HO de Reckli, qui se lit ainsi :

 

Bonjour Dominic,

 

Le produit est OS-HO de RECKLI.  La cliente a contacté RECKLI en Allemagne et a été redirigé à nous.

Durée de vie approximative de 10 ans.  Relatif à différentes choses, peux être plus ou moins. Pas de garantie pour le moment.

 

Cordialement,

Best Regards

 

              Kevin Mimeault / Vice-Président

 

                                             (Je souligne)

 

[24] Le conciliateur reconnaît l’avoir vu.

 

[25] Madame Patricia Sayasen (bénéficiaire) cible la lettre du 9 juin 2017 de Techo-Bloc (E-10) qui traite de la garantie quant à l’intégrité structurale de leur produit et propose qu’elle fût produite avant l’application du scellant.  Le témoin acquiesça à cet énoncé.

 

ANDRÉ GAGNÉ, EXPERT

 

[26] Après un court voir-dire, André Gagné fut déclaré expert.  De façon très sommaire, il possède une firme d’experts depuis 2015.  Il fut reconnu expert devant la Cour du Québec et la Cour supérieure.  Il a rédigé plus de 400 expertises et a signé plusieurs articles techniques.  Il a fait environ 75 expertises en matière de maçonnerie.

 

[27] Il a reçu le mandat de vérifier l’état du parement de briques en façade de la résidence des bénéficiaires et de donner son avis sur l’état général dudit parement.  Il s‘est présenté le 6 mars 2019 au domicile des bénéficiaires et la rédaction de son rapport remonte au 28 mars 2019.  Sa visite fut d’une heure environ.

 

[28] Il a pris des photos à 6 mètres de distance du parement.  Il a noté « une bonne uniformité » de la couleur de la brique et « le parement est généralement uniforme ».

 

[29] Monsieur Gagné met en évidence des extraits du Guide de performance de l’APCHQ et du Performance Guideline Ontario.  La Colombie-Britannique et les États-Unis endossent la même norme.

 

Extrait du Guide de performance APCHQ

 

               Briques de couleurs différentes

 

L’apparence doit être uniforme lorsqu’on observe le mur à partir d’une distance de 20 pi (6 m) dans des conditions de luminosité normales.

 

L’entrepreneur apportera les correctifs nécessaires pour uniformiser la couleur du parement.

 

La différence doit avoir été dénoncée sur le formulaire de réception du bâtiment.

 

L’uniformité de l’apparence dépend de la couleur et de la texture.  On peut utiliser n’importe laquelle des méthodes courantes de coloration de la brique pour ajuster la couleur.

 

Pour s’assurer qu’un parement de brique a l’apparence la plus uniforme possible, on doit mélanger des briques provenant de différentes palettes.  Ce mélange est d’autant plus important lorsqu’on utilise plus d’un lot de teinture dans un ouvrage.

 

Certaines nuances sont tout de même admissibles dans un parement de brique.

 

[30] Il indique que lors de la visite qui a précédé l’audience, les conditions étaient idéales pour constater l’uniformité de l’apparence du parement de briques.

 

[31] Il soutient que les scellants sont normalement appliqués sur un parement de maçonnerie lorsqu’il y a des problèmes d’étanchéité ou d’infiltrations d’eau sur des vieux parements de maçonnerie.  Il se dit en désaccord avec la recommandation de l’expert de la GCR lequel aurait indiqué à l’entrepreneur d’appliquer un scellant. Il explique que les parements de maçonnerie ont un taux d’absorption qui varie d’un produit à un autre.  Si une teinture est appliquée initialement cela affecte légèrement le taux d’absorption des briques.  Lorsque le parement est exposé aux intempéries, certaines zones pourraient absorber d’avantage d’eau que les sections qui ont été traitées.

 

[32] Traitant ensuite de l’esthétisme, monsieur Gagné propose l’exemple suivant :

 

« Votre propriété a été construite il y a 6 ans.  La toiture est noire et par grand vent un bardeau arrache.  On remplace le bardeau par un bardeau noir qui n’a pas la même couleur parce qu’au fil du temps, l’oxydation, la pluie, etc. la couleur initiale s’estompe et il y a donc une variation de couleurs.  En tant qu’inspecteur préachat je viens voir.  Comme inspecteur en bâtiment je considère que cela n’affecte en rien la structure et ne cause pas de préjudice. Je considère que la maçonnerie du bâtiment est en bon état. »

 

[33] Dans cinq (5) ans le scellant va se détériorer, selon l’expert. Puis, il traite de certaines conséquences quant à l’application du scellant:   

 

« Si on met alors la propriété en vente et si j’étais alors l’inspecteur en bâtiment pour l’acheteur je noterais alors le scellant.  L’acheteur me demanderait y a-t-il des infiltrations d’eau? Je regarde la qualité de la brique, je regarde les joints, le mortier etc., il n’y a rien d’anormal.  Cela n’affecte pas la valeur marchande de la propriété.  Tout cela n’affecte aucunement la durabilité de la brique. »

 

[34] Même en enlevant la brique qui fut entachée, pour refaire toute cette portion de briques du parement, il assure que l’on ne pourrait à la limite obtenir la même couleur du mortier.

 

CONTRE INTERROGATOIRE PAR LES BÉNÉFICIAIRES

 

[35] Madame Patricia Sayasen cible la norme CSA A-371 qui fut transmise par Me Gravel aux parties.  Elle soutient que le texte ne parle que des joints de mortier. Le témoin s’inscrit en faux sans indiquer quel texte le confirme.

 

[36] Le procureur de l’entrepreneur explique que cette norme a été reprise par l’APCHQ pour la brique.

 

CONTRE INTERROGATOIRE PAR L’ADMINISTRATEUR

 

[37] Monsieur Gagné atteste que la durée de vie d’un parement de briques est de 50 ans environ et ajoute que les joints de mortier vont s’abimer au fil des années.

 

[38] Interrogé sur son affirmation contenue dans son rapport (E-13) à l’effet que :

 

Sur les surfaces les plus exposées, la durée de vie d’un scellant peut être aussi courte que 4 ans, et ce, à cause des rayons UV.

 

[39] Le témoin indique que la dégradation du scellant prend place après la quatrième année et ce, de façon progressive.  Les briques qui ont reçu une teinture et la porosité ayant changé vont ressortir davantage en période de pluie, ce qui débouchera sur une variation de couleurs.  Après la pluie, la brique reprendra ses couleurs.

 

[40] Me Boyer lui demande qui lui a dit que c’est sur la « recommandation de l’expert de la GRC que le scellant fut appliqué »’ (E-13, p.10).  Selon le témoin, ce serait l’entrepreneur, sans pouvoir identifier qui précisément.

 

[41] Monsieur Gagné soumet que le propriétaire n’est pas obligé de poser à nouveau du scellant lorsque celui-ci perd de son efficacité (dégradation).  Un futur propriétaire « pourrait se satisfaire uniquement de la teinture. »

 

[42] Pour l’expert, il n’y a pas de pertinence pour les bénéficiaires de déclarer la situation à de potentiels acheteurs dans le futur et ce en tant qu’inspecteur en bâtiment.

 

[43] Après que le Tribunal est intervenu, soulignant qu’il s’agit d’une appréciation très personnelle, monsieur Gagné a reconnu qu’il y a des acheteurs plus frileux que d’autres et qu’il s’agit d’une norme subjective et concède que l’esthétique est une question personnelle.

 

[44] Interrogé par monsieur Éric Mondou, l’expert admet que la teinture apposée sur la brique et ce, en période de pluie, apportera une variation de couleurs.

 

 

GENEVIÈVE GOYETTE

 

 

[45] Madame Geneviève Goyette est chargée de projet au sein de la compagnie Entreprises Réjean Goyette et ce, depuis une quinzaine d’années et elle est la fille de Réjean Goyette. L’entreprise a construit plus de 1000 maisons.

 

[46] La construction de la résidence des bénéficiaires s’est faite sans problème et ce, jusqu’au moment où se produit l’évènement des graffitis.  La compagnie a procédé dans un premier temps à un lavage avec le sous-traitant Ecobrick. Par la suite, ce fut la pose de la teinture sur plusieurs briques.

 

[47] Elle relate qu’une rencontre prit place avec Éric Mondou qui n’était pas satisfait, mais pour l’entrepreneur le « résultat était satisfaisant ».

 

[48] Après la première visite du conciliateur, c’est Dominic Richer qui pilotait le dossier.  Avant d’appliquer le scellant, elle fait état d’une rencontre avec le conciliateur :

 

« On a eu des discussions avec la GCR qui nous a dit que c’était une façon de procéder. »

 

[49] Elle n’était pas partie aux discussions avec le conciliateur Normand Pitre et Dominic Richer.  Après cette rencontre, elle a eu des discussions avec celui-ci qui lui aurait rapporté cette dernière information.

 

[50] Le procureur de l’entrepreneur fait alors savoir au Tribunal que l’ex-employé Dominic Richer a eu des démêlés avec l’entrepreneur et qu’il n’a pas été assigné puisqu’il aurait été un témoin hostile.

 

[51] Le but recherché pour l’entrepreneur était de dépister un résultat satisfaisant pour tout le monde.  Elle affirme que l’entrepreneur a une cote AA avec la GCR et qu’il s’est exécuté dans le délai imparti.  Le but « c’était de régler le problème ».  C’est pourquoi… « On est arrivé avec cette solution. On n’a pas pensé de retenir les services d’un expert ». 

 

[52] Selon madame Goyette, l’entrepreneur s’est exécuté tel que demandé par le conciliateur dans le cadre de sa deuxième décision.  Pour la troisième décision, il n’y a pas eu de rencontre préalable avec les parties et le conciliateur.

 

[53] La pièce E-8 présente la garantie de 50 ans, notamment quant à l’intégrité et au défaut de fabrication structurelle de la brique de Techo-Bloc.  Une fois le matériau installé, « Techo-Bloc ne garantit plus la concordance des couleurs. », dit-elle.

 

[54] Lorsque le méfait relié aux graffitis est survenu, madame Goyette a contacté son assureur qui lui a dit qu’il viendrait faire un nettoyage et qu’il appliquerait une teinture.  Il obtiendrait des estimés et il retiendrait la plus basse soumission.  Finalement, le coût retenu était quelque peu supérieur au déductible à payer de sorte que l’entrepreneur a délaissé l’avenue de l’assureur.

 

CONTRE INTERROGATOIRE

 

[55] Madame Goyette n’est pas sûre si elle a obtenu ce que leur procureur soutenait, à savoir une preuve que le scellant est garantie pour 10 ans.  Elle ne peut, admet-elle, en fournir la preuve.

 

MARIO VALLIÈRES

 

[56] Mario Vallières est et était surintendant de chantier pour l’entrepreneur depuis 6 ans.  Il a constaté le 26 avril 2017 les graffitis sur le parement de briques de la résidence des bénéficiaires.  Il a communiqué aussitôt avec la police.  Le lendemain, l’entrepreneur a procédé au nettoyage.

 

[57] Il n’a pas participé aux rencontres avec GCR.  Pour les retouches de teinture le sous-traitant s’est présenté en trois temps.

 

[58] Il a pris les photos montrées à la pièce E-11.  Après la deuxième application de la teinture les briques lui apparaissaient uniformes.

 

[59] Les photos montrées à E-12 furent également prises par lui.  Le 2 novembre 2018, une pluie importante était tombée et il décida de communiquer avec son fournisseur de briques pour obtenir des adresses résidentielles pour lesquelles il aurait fourni la brique. Le témoin a voulu ainsi montrer la similitude avec la résidence des bénéficiaires. Les photos E-12, 7 à 13 ciblent une résidence avec la même pierre qui a servi au parement de briques de la résidence des bénéficiaires. D’autres photos furent prises de la résidence en cause et produites sous E-15 en liasse. Pour ce témoin, l’apparence est identique.

 

PREUVE DES BÉNÉFICIAIRES

 

PATRICIA SAYASEN

 

[60] Madame Patricia Sayasen apprend par son frère le 26 avril 2017 en après-midi alors qu’elle est à son lieu de travail que le parement de briques de sa maison avait été graffité.  Elle était enceinte alors. Elle n’avait pas été contactée par l’entrepreneur.  Un nettoyage fut effectué par l’entrepreneur laissant des traces évidentes.

 

[61] Dominic Richer l’avisa que la teinture était la seule solution valable.  Le remplacement de la façade était exclu par l’entrepreneur.  Les bénéficiaires n’étaient pas d’accord avec l’application de la teinture.  Ingénieure et travaillant elle-même dans le domaine de la construction, elle consulta des gens du milieu, lesquels lui ont déconseillé la pose de la teinture.

 

[62] Le 12 mai 2017, la première couche de la teinture fut appliquée.  Le 15 mai, une nouvelle couche fut administrée.  Le 17 mai 2017, les bénéficiaires requièrent une rencontre avec madame Geneviève Goyette et Dominic Richer.  Lors de cette rencontre l’entrepreneur s’est dit satisfait de la teinture et décida de livrer le bâtiment.  Quant aux photos produites par les bénéficiaires, madame Sayasen en cibla certaines en précisant les endroits où elle peut constater encore certaines empreintes des graffitis.

 

[63] Dès 2017, les bénéficiaires ont noté d’importantes variations de couleurs quant à la brique lorsque la température évoluait ou changeait.

 

[64] Les photos prises le 4 juin 2018 (A-10) et ce, en trois temps, montrent une démarcation évidente et non contestable quant à la coloration du parement de briques dans sa partie qui fut teinte.

 

[65] Lors de la visite du conciliateur en date du 5 juillet 2018, ce dernier accepta les travaux après seulement cinq (5) minutes d’arrosage. Les bénéficiaires n’ayant pas reçu la preuve des garanties à cette date, madame Sayasen décida de contacter Ecobrick. Monsieur Mimeault l’informa que le scellant « a une durée de vie approximative de 10 ans » ajoutant : « qu’il n’existait pas de garantie pour ce produit. » Le courriel (A-12) du 14 août le confirme.

 

[66] Le 17 août 2018 elle dénonça à la GCR la durée de vie des produits appliqués.  La dernière décision (E-5) du 25 octobre 2018 lui donna raison.  Le 9 novembre 2018, un certain Mario, employé pour l’entrepreneur la contacta pour lui offrir certaines avenues ou ententes possibles qu’elle déclina les jugeant inadéquates (nouveau scellant, montant d’argent, etc.) parce que « cela ne leur rendait pas le produit qu’ils avaient acheté ».  Elle requiert la démolition complète du mur de briques et un remplacement intégral du parement selon les normes.

 

CONTRE INTERROGATOIRE

 

[67] Elle précise que lors de la prise les photos elle était soit seule, avec son conjoint ou encore avec ses enfants.

 

[68] La bénéficiaire argumente que le conciliateur n’a pris que quelques minutes pour arroser la brique lors d’une visite, il aurait dû procéder à l’exercice pendant 30 minutes, tel que l’énonçait l’expert Gagné lors de son témoignage.

 

[69] Elle certifie qu’à tous les jours elle peut distinguer les briques sur lesquelles on a appliqué une teinture.

 

[70] Questionnée par le procureur de l’entrepreneur quant à la possibilité de défaire uniquement la partie inférieure du mur où la teinture et le scellant furent appliqués, la bénéficiaire souligne avoir consulté un expert qui l’avisa que ce n’était pas une solution puisqu’il y aurait sans contredit une démarcation entre les deux parties de la façade, considérant que les briques ne proviendraient pas du même lot.  De plus, un ami qui œuvre dans la maçonnerie lui a fait part qu’en aucun temps la même couleur des joints de mortier ne pourrait être obtenue.

 

 

PREUVE DE L’ADMINISTRATEUR

 

 

NORMAND PITRE, CONCILIATEUR

 

[71] Il rappelle que la garantie de Techo-Bloc (E-9) est limitée à 25 ans alors que pour la brique elle est de 50 ans d’autant que la brique ne nécessite pas d’entretien pendant cette période.

 

[72] Au terme de la garantie, des variations de teintes risquent fort d’apparaître, selon le conciliateur.

 

[73] À la question de Me Gravel, le témoin indique qu’après 10 ans il y a probablement lieu d’appliquer un nouveau scellant et même l’expert Gagné a écrit dans son rapport qu’après la quatrième année le scellant commence à se dégrader et assurément au bout de 10 ans il ne jouera plus aucun rôle.  Les pierres qui auraient été teintes auront un niveau de capillarité différent du restant du parement.  Les variations deviendront alors plus apparentes.  Est-ce qu’une couche de scellant devra être appliquée à tous les 4, 6 ou 10 ans?  C’est la question qu’il envoie au Tribunal. Selon le témoin, la même problématique apparaîtra pour la teinture avant ou après 25 ans. Il est possible que ce dernier produit s’effrite avant les premiers 25 ans.   

 

[74] Questionné par le Tribunal le conciliateur soutient qu’après quatre années les variations de teintes seraient de plus en plus apparentes.

 

[75] Il reconnaît qu’il y a eu des discussions au niveau du scellant mais qu’en aucun temps la durée de vie lui a été indiquée.  Il n’a jamais, et ce de quelque façon que ce soit, donné l’ordre ou obligé l’entrepreneur d’appliquer un scellant et de conclure : « C’est clair ».

 

[76] « Peut-être » qu’il existe un scellant qui a une durée de vie plus longue que 4 années, mais il ne peut le dire.  C’est une possible solution proposée par le conciliateur, tout en reconnaissant qu’il ignore quelle serait la réaction de la teinture et sur le scellant existant.  Il admet en bout de piste que c’est tout à fait hypothétique.

 

[77] Il explique que l’autre solution envisageable serait de défaire le parement actuel et d’en refaire un neuf.  C’est dispendieux, mais il est d’avis que les bénéficiaires sont en droit d’avoir cette solution et d’ajouter « c’est une maison neuve qu’ils ont achetée ».  Il estime le coût à environ 20,000.00$ à 25,000.00$ et ce, sans calculer le coût de la suppression du parement actuel de briques.  Le coût d’achat de la propriété fut de 403,129.00$ dollars.

 

 

 

DEMANDE DE REJET

 

 

[78] L’entrepreneur a initialement formulé une requête préliminaire demandant le rejet de la décision.

 

 

[80] Me Gravel avance que l’administrateur a admis qu’il n’y avait pas de malfaçon.  Dès lors, le bâtiment ne souffrant pas de malfaçon, « il n’y a plus d’objet quant à la décision ».

 

[81] Le procureur explique que le questionnement porte sur la garantie des produits appliqués sur le parement extérieur en brique, à savoir la teinture et le scellant.  Ces produits ont servi à régler la variation de couleurs, soit la malfaçon.  Ainsi, si la malfaçon n’existe plus, il n’y a plus d’objet.  Au surplus, il argumente que la garantie du manufacturier sur les produits n’est pas une malfaçon en soi. Somme toute, le plan de garantie n’a plus d’application en l’espèce.

 

[82] Un second argument est présenté, à savoir que la seconde décision (E-4,) du 5 juillet 2018, mentionne à la page 6 :

 

Pour cette raison, aucun correctif n’a à être exécuté, à l’exception des éclaboussures et des deux sections de briques tachées.

 

[83] Cette conclusion ferme la porte à toute autre contestation si l’entrepreneur s’exécute en conformité d’un texte clair.

 

[84] Le bénéficiaire a requis l’arbitrage à la suite de cette décision.  De façon unilatérale, le conciliateur, a rendu une décision sans faire intervenir préalablement l’entrepreneur.  Le bénéficiaire aurait dû passer par une demande d’arbitre de cette seconde décision et non de s’adresser directement à l’administrateur.  La troisième décision devrait être rejetée.

 

[85] Me Dany Gravel complète en soumettant la décision (1) de l’arbitre Claude Dupuis, du 21 mars 2005.  Il en rapporte les paragraphes 127 et suivants :

 

Détérioration de la fibre de verre des paliers, marches et balcons à l’arrière du bâtiment (champ)

 

[127] Le soussigné a constaté l’état actuel des paliers, marches et balcons; la fibre de verre enveloppant le bois de ces éléments présente d’importantes fissures et l’aspect est dégueulasse.

 

[128] Toutefois, il s’agit d’une malfaçon cachée découlant d’un défaut de fabrication, qui n’est point de nature à effectuer la solidité de l’édifice au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec.

 

[129] Non seulement la structure de l’édifice n’est pas affectée, celle de l’escalier ne l’est pas davantage.

 

[130] Le tribunal rappelle qu’il ne faut pas confondre la garantie du manufacturier (cinq ans) et la garantie des maisons neuves de l’APCHQ relativement aux malfaçons cachées (deux ans).

 

[131] Pour ces motifs, la réclamation ayant trait à ce point est rejetée.

 

[86] Le procureur de l’administrateur, pour sa part, soutient que le Tribunal devrait entendre l’ensemble de la preuve puisque les arguments soumis sont de l’ordre de l’argumentation finale.  À sa face même, les arguments soulevés ne permettent aucunement de conclure, comme le propose l’entrepreneur, que la décision est mal fondée.  En dernier lieu, il argue qu’il ne peut demander le rejet d’une décision portée en appel et ou pour laquelle l’arbitrage est recherché.

 

 

DÉCISION PRÉLIMINAIRE

 

 

[87] La requête est prématurée. Il y a lieu pour le Tribunal de connaître l’ensemble de la situation pour discuter des points soutenus par l’entrepreneur à savoir si les garanties offertes quant à la teinture et au scellant peuvent être assimilées ou combinées à la notion d’une malfaçon au sens large du terme.

 

[88] Relativement à la décision de l’arbitre Claude Dupuis du 21 mars 2005, le soussigné n’est pas nécessairement lié par cette dernière.

 

[89] L’argument de l’absence de l’entrepreneur dans le processus de conciliation précédant la décision (E-5) n’affecte en rien ses droits dans le cadre de l’arbitrage puisqu’il s’agit en quelque sorte d’un « procès de novo ».  L’audience a démontré que le conciliateur a maintenu sa position malgré la preuve présentée par l’entrepreneur.  Au surplus, aucun préjudice ne fut mis en preuve par l’entrepreneur.  La requête pour rejet doit être écartée.

 

 

 

ARGUMENTATION

 

ENTREPRENEUR

 

[90] Le procureur avance que face à la décision du 25 octobre 2018, trois avenues se présentent pour l’arbitre : soit de maintenir la situation actuelle, soit de défaire le mur de briques ou soit d’appliquer un scellant à chaque dix ans.

 

[91] La décision qui est en arbitrage traite des garanties et de ses conséquences.  Est-ce que les garanties applicables aux produits utilisés sur le parement constituent en soi une malfaçon? Existe-t-il un préjudice? Ce questionnement est pertinent.

 

[92] La norme de 6 mètres fut reconnue par messieurs Gagné et Pitre.  Le constat visuel effectué lors de la visite préalable des lieux démontre qu’il n’y a pas actuellement de variations de couleurs à six mètres.

 

[93] Pour qu’une garantie quant à un produit soit éventuellement considérée comme un vice encore faut-il qu’au départ il y ait un vice.  Il n’y a pas de vice de construction en l’espèce, ni de vice caché.  C’est sous l’angle de la possible malfaçon que la situation peut être présentée.

 

[94] La question qui se pose : Est-ce que le parement de briques, dans son état actuel, constitue une malfaçon? Si c’est l’esthétique qui est considéré comme une malfaçon encore faut-il qu’il y ait une variation de couleurs qui soit assez évidente et qu’elle soit visible à 6 mètres selon l’entrepreneur.

 

[95] La résidence des bénéficiaires se veut similaire à celle du voisinage et les photos déposées en preuve confirment une apparence équivalente et comparable à la distance où ces photos furent prises

 

[96] Au niveau des garanties, personne ne peut prévoir ou établir quel niveau de dégradation les produits vont atteindre au terme de quatre ans ou de vingt-cinq ans.

 

[97] À la limite, le procureur soutient que les bénéficiaires pourront toujours user des garanties légales pour faire reconnaître leur droit.

 

[98] Quatre décisions ont été soumises au Tribunal, en sus de la décision Gilles Chabot et al (1).

 

[99] Dans la décision Blanchette et Papentoniva et al., l’arbitre Jacques E. Ouellet (2), après avoir rappelé la norme CSA A 371 de l’APCHQ qui impose notamment la distance de 6 mètres de retrait, conclut ainsi :

 

[23] En toute fierté, ils désirent posséder une belle maison, et ceci est tout à fait louable. Toutefois, le Règlement a ses limites, et l’arbitre doit les respecter.  L’esthétique ainsi que les éléments de décoration n’en font par parties.

 

[100] La décision Les Maçonneries St-Hubert c. Gérald Favreau et Lucie Patry (3) du juge Virgile Buffoni discute d’une compensation monétaire, du remplacement complet d’un mur de briques et de l’offre monétaire faite par l’entrepreneur.  J’en rapporte les passages ciblés par le procureur de l’entrepreneur :

 

54 Le Tribunal ajoute que cette offre ne tient même pas compte du dommage subi pour l’aspect inesthétique du travail exécuté par la demanderesse.

 

55 Malgré ces déficiences, il reste que la demanderesse a exécuté des travaux pour le bénéfice des défendeurs et que les travaux ne sont pas tous inadéquats.  Pour le moment du moins, aucun dommage d’ordre structural n’est apparu au parement et il n’y a pas lieu de spéculer à ce sujet pour des dommages futurs, les défendeurs pouvant alors exercer leurs recours, le cas échéant.

 

56 La structure et la solidité du parement de brique dans l’ensemble, quoiqu’inesthétique, ne sont pas affectées.  La preuve ne permet pas de conclure à des dommages probables à l’avenir.  La demanderesse a donc droit à un certain montant pour l’ensemble des travaux qu’elle a exécutés et qui sont adéquats.

 

57 Il est acquis que la facture de la demanderesse au montant de 5 820,00 $ pour ses travaux aurait été justifiée n’eût été de l’inexécution fautive des travaux en question.  La preuve n’a pas établi la valeur des travaux déficients, les défendeurs demandant ni plus ni moins que le remplacement du parement de brique.  Vu que les déficiences, sont largement d’ordre esthétique, le remplacement complet du mur n’est pas justifié.

 

58 Dans les circonstances, le Tribunal doit arbitrer cette réclamation des défendeurs, partiellement justifiée, et estime la valeur de ces déficiences à 4 800 $.

 

[101] Le Tribunal apporte les remarques suivantes quant à cette dernière décision.  La situation présentée par cette affaire n’entre pas dans le cadre du Règlement. Il ne s’agit pas non plus de la problématique des produits appliqués par l’entrepreneur après avoir tenté de corriger la coloration de la brique suite aux graffitis affectant le parement de façade et de l’effet de la garantie de ces produits appliqués pour les bénéficiaires.

 

[102] L’affaire Sylvain Therrien et Paule Gendreau c. Goyette, Duchesne & Lemieux Inc. (4) entendue par le juge Richard Landry de la Cour du Québec, traite d’une réclamation des demandeurs au montant de 21,006.21$ dollars en dommages contre leur entrepreneur compte tenu du fait que le parement extérieur en bois synthétique de leur nouvelle maison n’aurait pas été installé conformément aux règles de l’art. Ils l’ont fait remplacer par une tierce partie et ils en réclamaient le remplacement.

 

[103] Le juge Richard écrit :

 

[82] Par contre, s’il est possible de corriger ce qui a été mal fait tout en livrant un produit conforme aux règles de l’art, seuls les montants nécessaires à l’exécution des travaux correctifs seront alloués.

 

[104] Encore ici, le Tribunal souligne que cette décision n’entre pas dans le cadre du Règlement (5) et ne traite pas de la problématique des garanties de produits.  Le parallèle est en l’espèce déficient.

 

ADMINISTRATEUR

 

[105] Me Pierre-Marc Boyer a soutenu que le produit livré par l’entrepreneur ne respectait pas la garantie au sens du Règlement, il y a par conséquent malfaçon.  Pour un entrepreneur de ne pas respecter ses obligations légales et contractuelles en vertu du Règlement constitue une malfaçon.

 

[106] Le procureur suggère l’exemple suivant pour illustrer son argument. L’entrepreneur qui livre une maison avec deux chambres à coucher au lieu de trois n’a pas contrevenu aux règles de l’art au sens strict, ni présenté une malfaçon au sens strict du terme.  En suivant le raisonnement de l’appelant le bénéficiaire n’aurait pas de recours en vertu du Règlement contre l’entrepreneur même si le bâtiment n’est pas conforme à ce qui a été convenu. Cela serait incohérent.

 

[107] Les bénéficiaires ont payé pour un produit neuf.  Ils sont en droit d’avoir en contrepartie ce que tout acheteur a le droit de s’attendre.

 

[108] Si on fait référence à la pièce E-9, note le procureur, on constate que la garantie pour la teinture est de 25 ans tandis qu’à la pièce A-12, on note le courriel du fournisseur du scellant qui indique qu’il n’y a pas de garantie.  L’expert Gagné a soutenu que le rendement du scellant valait pour 4 ans, après coup il y a détérioration et diminution de rendement de façon décroissante.  Qui plus est, en toute probabilité, les bénéficiaires devront dénoncer la situation à d’éventuels acheteurs.

 

[109] Le but du Règlement et du Plan de garantie est d’éviter le recours aux tribunaux civils. Ils doivent servir à protéger les bénéficiaires qui sont des consommateurs.

 

[110] L’administrateur dépose la décision arbitrale de Me Karine Poulin (6).  Le Tribunal reproduit certains passages notés par le procureur.

 

(10) … Sur les lieux, les bénéficiaires attirent notre attention sur la décoloration de la brique même que sur la perte de texture par rapport à la brique d’origine.  De plus, ils pointent des lignes horizontales à plusieurs endroits sur la brique. Enfin, les bénéficiaires montrent au Tribunal la différence de coloration entre les briques grises d’origine et celles qi sont présentes au moment de l’audience.

 

 

[89] Ce que l’Entrepreneur demande, c’est de forcer les Bénéficiaires à recevoir un produit autre que ce qu’ils ont acheté. Or, en vertu de l’article 1561 C.c.Q., les Bénéficiaires ne peuvent être contraints de recevoir autre chose que ce qui leur est dû.

 

 

[94] Le procureur de l’Administrateur soutient que le problème dénoncé relève de l’esthétisme uniquement et qu’en conséquence, il est exclu du Règlement.  Il ajoute que la performance des briques n’est pas en cause et qu’il serait inapproprié d’ordonner la réfection la réfection complète d’un mur sain pour une question d’esthétique. À l’appui de ses prétentions, il dépose plusieurs décisions.

 

[95] Avec égards, le Tribunal est en désaccord avec cette position. D’une part, la décision du tribunal est à l’effet que l’Entrepreneur a manqué à son obligation contractuelle, ce qui en soit, règle la question.  D’autre part, même si le Tribunal avait déclaré que l’ouvrage est atteint d’une malfaçon, les faits du présent dossier diffèrent de ceux rapportés dans les décisions déposées en ce qu’aucun correctif adéquat permettant de remédier complètement à la situation n’a été proposé en l’espèce.

 

[96] Pour sa part, Me Jean Doyle, arbitre, conclu que « le Règlement ne prévoit donc pas que la mise en œuvre de la garantie contre une malfaçon soit subordonnée à la présence de conséquences matérielles observées.[9] » Ainsi, il importe peu qu’il n’y ait aucune conséquence matérielle.  Que les briques soient aussi durables ou non n’est pas un critère.  Il est clair qu’ici, c’est le prix et l’ampleur des travaux qui est en cause.  Quoi qu’il en soit, cela n’appartient pas aux Bénéficiaires.

 

[97] Le Tribunal rappelle que le Règlement est d’ordre public et qu’il a été adopté dans un objectif de protection du consommateur.  Il doit donc s’interpréter en faveur des Bénéficiaires.

 

[98] Par ailleurs, si certains décideurs ont pu considérer comme étant exclu du Règlement le préjudice esthétique, le présent Tribunal d’arbitrage n’est pas de cet avis. Le fait que le préjudice soit uniquement ou principalement esthétique aura certainement un impact sur la décision qui sera rendue quant au remède approprié.  L’équité pourra alors entrer en jeu quant à savoir si le remplacement doit être ordonné ou si, au contraire une solution alternative acceptable peut remédier à la situation.  Cependant, il faut d’abord qualifier la situation avant de penser au remède approprié.

                                                           (Je souligne)

 

BÉNÉFICIAIRES

 

[111] Madame Patricia Sayasen a soumis trois décisions.  Elle fait référence dans un premier temps à la décision Karamalis et al. (7), où Me Jean Doyle écrit :

 

195. Nous devons également tenir compte du fait indéniable que le propriétaire d’une résidence ne profite pas de celle-ci uniquement à la lumière du soleil frappant dans un angle toujours favorable à l’ensemble d’une façade, et ne se tient pas toujours à la distance suggérée de six (6) mètres.  Lorsqu’on vit dans une propriété et autour, on la regarde sous différents éclairages, à différentes heures du jour et à différentes distances.

 

196.  Le tribunal comprend très bien la nuance d’appréciation entre un éclairage adéquat et une distance optimale, pour l’appréciation du parement de briques, mais doit également tenir compte de la réalité quotidienne de l’usage de la propriété.  De nombreuses photos prises dans les conditions idéales démontrent quand même des lacunes sur tous les plans des façades à différentes heures et sous différents éclairages et il n’y a pas lieu de croire que les défauts de la mise en place du parement de briques n’apparaissent que sous certaines conditions particulières.

 

[112] Les deux autres décisions (8) reprennent le même raisonnement que celui élaboré par Me Jean Doyle.

 

[113] Monsieur Éric Mondou commenta ainsi la norme de six (6) mètres.  Il explique que lors de la vente future de leur propriété ils ne pourront imposer à l’acheteur de se positionner à 6 mètres du mur de façade pour apprécier l’apparence de la brique.  Cette situation causera certes un certain préjudice, pour ne pas dire un préjudice certain aux bénéficiaires.

 

 

 

 

ANALYSE ET DÉCISION

 

[114] Puisque l’entrepreneur conteste le bien-fondé des décisions de l’administrateur, le fardeau de preuve repose sur ses épaules.  Quel est le niveau de preuve qu’il doit offrir? À l’article 2803 du Code civil du Québec, le législateur indique :

 

2803 - Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

[115] L’article 2804 C.c.Q. définit ainsi la preuve prépondérante.

 

2804- La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.

 

[116] Pour l’entrepreneur, sa preuve doit être prépondérante.  La Cour suprême dans l’arrêt Montréal Tramways Co. C. Léveillé (9), nous enseignait :

 

« This does not mean that he must demonstrate his case.  The more probable conclusion is that for which he contends, and there is anything pointing to it, then there is evidence for a court to act upon. »

 

[117] Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités.  Rien ne peut être mathématiquement prouvé (10).  La décision doit être rendue judiciairement et par conséquent en conformité aux règles de preuve généralement admises devant les tribunaux.  Le Règlement étant d’ordre public, l’arbitre ne peut décider par complaisance ou par le fait que la preuve présentée par l’une des parties se veut sympathique.

 

[118] Il convient de souligner le droit applicable dans le cas notamment des malfaçons.  Le législateur l’a ainsi formulé à l’article 10 du Règlement :

 

10. La garantie d’un plan dans le cas de manquement de l’entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir :

 

1o le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

2o la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l’article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n’a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

[119] Le Tribunal joue un rôle d’interprète du droit, ce qui ne lui permet pas de créer des normes.  Les interventions en équité doivent s’appuyer sur des balises qu’on pourrait les regrouper ainsi.  D’abord, il faut respecter l’intention du législateur, évaluer la gravité du préjudice, puis déterminer s’il est opportun d’y déroger et finalement il ne doit pas y avoir une disproportion au niveau des conséquences.

 

[120] Faut-il rappeler que le rôle de l’arbitre est d’analyser la preuve soumise quant à un différend découlant d’une décision du conciliateur (administrateur) et, par conséquent, de reconnaitre ou pas si ce dernier a correctement analysé la situation dans le cadre de la Garantie et, par voie de conséquence, si l’entrepreneur a manqué à ses obligations tant contractuelles que légales.

 

MALFAÇONS

 

[121] L’article 2120 du Code civil se lit comme suit :

 

Art. 2120. « L’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur pour les travaux qu’ils ont dirigés ou surveillés et le cas échéant, le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont tenus conjointement pendant un an de garantir l’ouvrage contre les malfaçons existantes au moment de la réception ou découvertes dans l’année qui suit la réception. »

 

[122] Ni l’article 2113, ni l’article 2120 du Code civil ne donnent une définition des malfaçons non apparentes.  C’est la doctrine et la jurisprudence qui ont élaboré une interprétation de cette expression.

 

[123] Dans l’affaire Construction Turcot Inc. (11) la Cour supérieure, sous la plume du juge Tôth, interpréta ainsi le terme « malfaçon » contenu à l’article 2120 du Code civil.

 

« 83.  Pendant le délai d’un an de l’article 2120 C.c.Q. l’entrepreneur est débiteur d’une obligation de garantie.  Le client n’a qu’à prouver l’existence ou la découverte d’une malfaçon pour que l’entrepreneur soit responsable.

 

84. Après l’expiration de ce délai ….

 

85. L’inexécution contractuelle peut avoir deux sources : ou bien l’entrepreneur n’a pas respecté le contrat, les plans ou les devis ou bien l’entrepreneur n’a pas respecté les règles de l’art ou les normes de construction. »

                                                        (Je souligne)

 

[124] L’arbitre Albert Zoltowski écrit dans l’affaire Sotramont Bois-Franc Inc. c. Mai Inch Duong et Simon Azoulai et GCR (12) :

 

90. Ce Tribunal retient comme une définition de malfaçon ce que le Juge Tôth écrit au paragraphe 85 de sa décision : une non-conformité au contrat, aux plans ou aux devis ou une non-conformité aux règles de l’art ou aux normes de la construction.

 

[125] La malfaçon peut se définir également comme l’absence d’une qualité dont l’entrepreneur avait promis l’existence, tels les matériaux mentionnés dans le descriptif de construction sont des qualités attendues celles qui n’ont pas été promises par l’entrepreneur, mais sur lesquelles le bénéficiaire pouvait compter selon les règles de la bonne foi, compte tenu que l’entrepreneur doit s’exécuter avec un produit neuf tout en respectait notamment les règles de l’art.

 

[126] Il faudrait retenir que les qualités attendues généralement peuvent porter sur les matériaux utilisés d’une part et sur les propriétés nécessaires ou usuelles pour l’usage convenu de ce matériau d‘autre part.

 

[127] Ainsi, ne répondent pas à l’usage convenu la façade d’un bâtiment qui se fissure de manière inhabituelle, les planches de façade de bois qui se déforment, un ouvrage dont la durée de vie prévisible est considérablement réduite.

 

[128] En l’espèce, le vice que j’appellerais « de qualité » trouve son origine dans une situation qui existait déjà lors de la livraison de l’immeuble.

 

 

OBLIGATION DE RÉSULTAT

 

[129] L’article 2100 du Code civil du Québec fixe le contrat d’entreprise de manière générale.  Il établit le principe que le professionnel (l’entrepreneur) doit agir au mieux des intérêts de son client.  C’est aussi assumé pleinement un rôle de conseiller et d’informateur auprès du client.

 

[130] L’entrepreneur a une obligation de résultat (13).  S’il n’est pas un expert dans un domaine donné il doit recommander à son client de consulter un spécialiste en la matière en lui indiquant l’utilité et la nécessité de recourir à ce dernier (14).

 

[131] Étant donné l’obligation du résultat, l’entrepreneur est tenu non seulement d’accomplir un ouvrage, mais aussi de fournir un résultat précis.  L’absence de ce résultat fait présumer la faute de l’entrepreneur.  Pour engager la responsabilité de ce dernier, le client n’a pas à faire la preuve d’une faute (15). Il lui suffit de démontrer le résultat obtenu.

 

[132] Contrairement au débiteur d’une obligation de moyens, l’entrepreneur tenu à une obligation de résultat ne peut s’exonérer en prétendant avoir pris toutes les précautions raisonnables.  L’alinéa 2 de l’article 2100 du C.c.Q. prévoit expressément que seule la force majeure peut être une cause d’exonération de responsabilité (16).  Ainsi le formulait la juge Guylène Beaugé dans l’affaire André Martel c. Martin Ouellet et al.(17)

 

[82] L’entrepreneur en construction doit livrer un ouvrage non seulement conforme aux plans et devis, mais aussi aux usages et règles de son métier.  Devant s’assurer de la solidité de l’ouvrage. « Il est généralement tenu à une obligation de résultat, à moins de stipulation contraire (…)

 

[83] Cette obligation rend suffisante la démonstration des malfaçons apparentes, sans que soit nécessaire la preuve d’une faute.  L’entrepreneur ne pourra alors s’exonérer que par la preuve d’une force majeure ou de l’impossibilité de réaliser l’ouvrage.

 

[133] Dans l’arrêt de la Cour d’appel dans P. Talbot Inc. c. Entreprises Mirgil Inc.(18) en traite dans ces termes :

 

[52] Pour sa part, celle-ci affirme qu’il faut appliquer le second alinéa de l’article 2100 C.c.Q.  Elle prétend que les termes du contrat du 26 mai 1995 révèlent clairement que la Compagnie s’est assujettie à une obligation de résultat.

 

[53] …

 

L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence.  Ils sont aussi tenus suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art. et de s’assurer, le cas échéant, que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu’ils dont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu’en prouvant la force majeure.

                                 (Je souligne)

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                       

[134] Me Johanne Despatie écrit dans la sentence Michael Nuter et Lisa Rae c. Construction Réal Landry Inc. et Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCQ : (19)

 

[…]  l’article 2099 du Code civil du Québec reconnaît […] à l’entrepreneur le libre choix des moyens d’exécution de son contrat […]

 

Ce droit comporte en corollaire un certain nombre d’obligations dont, à l’article 2100 du Code civil du Québec, celle pour l’entrepreneur d’agir, au mieux des intérêts de son client, avec diligence et aussi, cette familière ici, de se conformer aux usages et règles de leur art.

 

Cette liberté, cette latitude, tiennent à la reconnaissance par le législateur de l’expertise de certains dans le domaine de la construction.  Pratiquement, cette reconnaissance a comme contrepartie chez l’entrepreneur une obligation dite de résultat à l’égard de son client, i.e. l’obligation de livrer une chose normalement attendue et qui soit conforme.

 

                                             (Je souligne)

 

 

L’ÉQUILIBRE ENTRE DES INTÉRÊTS OPPOSÉS

 

[135] L’arbitre doit respecter l’équilibre entre des intérêts opposés : ceux du bénéficiaire qui n’atteindra gain de cause que si les malfaçons, désordres ou vices sont réparés et ceux de l’entrepreneur pour qui la charge de l’obligation peut peser plus ou moins lourd.

 

[136] Dans certaines circonstances, le Tribunal ne peut mettre de côté l’article 116 du Règlement qui édicte :

 

116. Un arbitre statue conformément aux règles de droit : il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.

 

[137] La jurisprudence sous l’article 116 du Règlement accorde l’application littérale de cette disposition, laquelle permet de remédier à une situation donnée qui entraîne un déni de justice.  De là, la nécessité de recourir à l’équité.  Cette induction fut retenue notamment par Me Michel A. Jeannot (20) et Me Jeffrey Edwards. (21)

 

[138] L’ancien juge en chef de notre plus haut tribunal, le juge Lamer, écrivait dans l’arrêt S. Schachter c. Canada (22), à la page 683 :

 

Lorsque l’on détermine s’il faut donner une interprétation large à un texte législatif, la question n’est pas de savoir si les tribunaux peuvent prendre des décisions qui entrainent des répercussions de nature financière mais bien jusqu’à quel point il est de circonstance de le faire.

 

[139] Je le rappelle, le Règlement fut adopté pour protéger les consommateurs acheteurs de maisons neuves et le Tribunal reconnaît qu’il doit être interprété en sa faveur lorsque les circonstances l’exigent.

 

LA QUESTION DES GARANTIES

 

[140] Je me permets de rappeler que le conciliateur a rendu le 5 juillet 2018 une décision (E-4) où il concluait dans ces mots :

 

« Il nous apparait évident qu’une tierce personne ne pourrait identifier les briques ayant été teintes, pas plus que nous avons été en mesure de les observer, si ce n’est que la bénéficiaire nous les a indiquées.

 

Pour cette raison, aucun correctif n’a à être exécuté, à l’exception des éclaboussures et des deux sections de briques tachées. »

 

 

 

[141] Le 25 octobre 2018, à la suite des informations reçues traitant des garanties, monsieur Normand Pitre donnait raison aux bénéficiaires.  J’en rapporte à nouveau les derniers passages de la ratio decidendi :

 

De plus, l’information sur la garantie des produits utilisés n’a été reçue qu’après l’exécution des travaux.

 

En conclusion, nous sommes d’avis que le bien acheté par les bénéficiaires est affecté d’un vice, lequel devra être dénoncé par ceux-ci lors de la vente de leur propriété et qui en diminuera inévitablement la valeur.

 

Puisque l’apparence du parement est altérée lors de jours de pluie, que la durée de vie des produits utilisés ne peut être acceptable dans le cadre d’un bâtiment neuf, qu’un entretien devra être fait à moyen terme, ce qui est anormal pour un parement de maçonnerie neuf, l’administrateur est d’avis que les travaux correctifs devront être repris.

 

[142] Le Tribunal considère qu’au sujet d’une réparation à apporter pour corriger une malfaçon avant la livraison du bâtiment, celle-ci doit être de garantie de parfait achèvement, de parfaite exécution.  La réparation ne peut et ne doit être subordonnée à une exécution de parachèvement par la suite ou d’application de produits à intervalles imprécis et indéfinis à la charge du bénéficiaire.

 

[143] Le bénéficiaire ne peut se satisfaire d’une exécution provisoire.  Le principe de base veut qu’une réparation soit une réparation intégrale du dommage ou de la malfaçon.  Le propre de la responsabilité de l’entrepreneur est de rétablir le dommage de façon définitive.  Cela découle du droit du bénéficiaire de recevoir de l’entrepreneur un ouvrage conforme aux règles de l’art.

 

[144] Les conséquences d’une garantie limitée applicable sur des travaux de correction n’est pas synonyme de parfait achèvement.  L’ouvrage doit être conforme aux stipulations du contrat et l’entrepreneur en garantit le résultat.

 

[145] Dans tous les cas, la réparation d’une malfaçon ou d’un vice doit être complète et définitive. Cela m’apparaît incontestable.

 

[146] Le souci d’une réparation complète et définitive n’est pas exclusif du choix de la solution la moins onéreuse. On doit réaliser d’une part que la décision ne se détermine pas en fonction du coût et d’autre part elle doit écarter toute solution qui présente des aléas.

 

[147] La situation actuelle qui imputerait aux bénéficiaires de reprendre assurément dans le futur et le scellant et la teinture et ce, plusieurs fois à l’intérieur du terme de 50 ans équivalant à la durée reconnue en matière de parement de briques fait supporter aux bénéficiaires un préjudice découlant du défaut de l’entrepreneur de respecter entre autres la qualité escomptée ou anticipée du parement.

 

PRÉJUDICE ESTHÉTIQUE ET NORME DE TOLÉRANCE

 

[148] Les types de préjudice que peuvent subir les bénéficiaires peuvent être structuraux, fonctionnel, esthétique ou économique.  Dans le dossier sous étude il existe deux types de préjudice.  L’un d’ordre économique puisqu’il sera aux frais des bénéficiaires de faire reprendre le scellant et/ou la teinture.  Il sera d’ordre esthétique puisque qu’au fil du temps une dégradation des produits s’opère inévitablement jusqu’au moment où les produits devront être appliqués à nouveau.

 

[149] L’entrepreneur qui ne respecte pas la qualité du matériel ou du matériau pourra causer un préjudice au bénéficiaire puisqu’il a une obligation de résultat.

 

[150] La jurisprudence semble divisée quant à considérer le préjudice esthétique. D’un côté on conclut : (23)

 

[23] En toute fierté, ils désirent posséder une belle maison, et ceci est tout à fait louable.  Toutefois, le Règlement a ses limites, et l’arbitre doit les respecter. L’esthétique ainsi que les éléments de décoration n’en font pas parties.

 

[151] Quant à la décision 9006-9485 Québec Inc. c. Habitations CML Inc. et Serge Girard (24), le juge Jacques Blanchard de la Cour supérieure semble avoir analysé la preuve sous l’angle du vice de construction et non sous l’angle de la malfaçon au sens du Règlement lequel encadre la présente décision :

 

La structure de l’immeuble n’était nullement menacée et ne représentait aucun danger.  Il s’agissait plutôt d’un vice esthétique.  Ce n’est pas parce qu’une partie d’un immeuble présente des malfaçons que ce dernier devient impropre à l’usage.

 

[152] Le Tribunal adhère sans retenue aux décisions (25) présentées par les bénéficiaires et l’administrateur.  Je me permets de reprendre les propos de Me Karine Poulin dans l’affaires Nicolas Rousseau et Noémie Leblanc et al. (26) :

 

[80] Toutefois, le Tribunal fait sien les commentaires de Me Doyle à l’effet qu’il est « un fait indéniable que le propriétaire d’une résidence ne profite pas de celle-ci uniquement à la lumière du soleil frappant dans un angle toujours favorable à l’ensemble d’une façade et ne se tient pas toujours à une distance suggérée de six (6) mètres.  Lorsqu’on vit dans une propriété et autour, on la regarde sous différents éclairages, à différentes heures du jour et à différentes distances. 5 » Ainsi, le Tribunal estime qu’il faut 6 mètres pour des raisons géographiques démontre une différence importante et que cette même différence est corroborée ailleurs sur le bâtiment et notamment à des endroits observables à la distance prescrite, il faut tenir compte du résultat global et non seulement de l’appréciation faite à la distance prescrite.

 

[81] En somme, le Tribunal estime qu’il faut regarder l’ouvrage en entier pour apprécier le résultat et décider si le construit est conforme au contrat et si les normes et règles de l’art ont été respectées.

 

[153] Monsieur Éric Mondou a raison lorsqu’il indique que lors d’une vente éventuelle l’acheteur ne s’arrêtera pas à six (6) mètres du mur lors de la visite des lieux.  Qui plus est, sa conjointe fait valoir, avec raison, que la situation actuelle devra être dénoncée à un éventuel acheteur et qu’elle pourrait déboucher probablement sur une moins-value.

 

[154] Pour le soussigné, il demeure que la réparation complète et définitive n’a pas été exécutée par l’entrepreneur.

 

 

POUVOIR DE FIXER LES CONDITIONS DE CORRECTION

 

[155] Le Tribunal s’est adressé au procureur de l’administrateur pour savoir s’il acquiesçait au fait que le soussigné puisse imposer la méthode corrective dans l’éventualité où je donnerais raison aux bénéficiaires.  La réponse positive que Me Pierre-Marc Boyer a livrée n’a pas reçu de contestation de la part du procureur de l’entrepreneur.

 

[156] Dans le cadre de ses pouvoirs, l’arbitre peut-il ordonner que sa solution soit suivie? Le Tribunal répond positivement eu regard notamment à la décision de Me Jean Philippe Ewart, dans l’affaire SDC Place Marien c. Développement Allogio Inc. et la Garantie Abritat Inc. (27).  Ce dernier écrit :

 

« [25] Le Tribunal a compétence pour conclure à l’ensemble des fenêtres et portes patio et de pourvoir pour fins des travaux correctifs à ordonnance incluant l’obligation de l’Administrateur dans le cadre des travaux correctifs de vérifier si des infiltrations d’air proviennent des composantes usinées de celles-ci, tel que confirmé entre autres par la Cour supérieure dans Satramont où, sous la plus du juge Dufresne, elle écrivait :

 

« 91… L’Arbitre a-t-il toutefois, excéder sa compétence en imposant à l’entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc? Le Tribunal ne le croit pas.

 

92. Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d’expert présentée par les parties, l’existence et la nature du service, l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher.  En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi » [5]

 

 

[26] La Cour d’appel confirme de nouveau en 2011 ce principe dans l’affaire Rae [6] (sentence arbitrale annulée par jugement de la Cour supérieure sur révision judiciaire, jugement infirmé par notre Cour d’appel qui rétablit la sentence arbitrale) alors que l’arbitre Me Despatis souscrit aux propos de Me Morissette sous l’affaire Ménard [7] et poursuit :

 

« (116) … L’administrateur a l’autorité, … de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.

 

(117) Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives […] En cela le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.

 

(118) De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté… à ordonner tels ou tels travaux correctifs.  Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du plan.

 

(119) Il est de commune renommée qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit été exécutable. … Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan. »

 

                          (Je souligne)

 

 

LE CORRECTIF

 

[157] L’entrepreneur n’a présenté aucune avenue dans l’hypothèse où le Tribunal rejetterait sa demande d’arbitrage.  Le conciliateur a conclu lors de son témoignage que dans la situation actuelle il y a lieu de refaire le mur de briques.

 

[158] Pourrait-on exiger la démolition d’une partie seulement du parement de briques? Tous acquiescent pour dire qu’il y aurait une démarcation tant au niveau des joints de mortier qu’au niveau de la brique.

 

[159] Le Tribunal ne détermine pas le correctif en fonction du coût et d’autre part il se doit d’écarter toute solution qui présente des aléas.

 

[160] Le dommage résultant d’une malfaçon n’est pas nécessairement inférieur, ou égal au prix de l’ouvrage et peut parfois atteindre des sommes plus élevées.  Ce qui importe, c’est que la réalisation des réparations soit conforme aux règles de l’art et des lois et qu’elles puissent permettre de remédier complètement et définitivement à la situation.

 

[161] Dans les circonstances propres au dossier sous étude, compte tenu de la preuve soumise, le Tribunal ordonne la démolition du mur de façade en briques et ordonne sa complète réfection avec les matériaux prévus au contrat initial.

 

FRAIS DE L’ARBITRAGE

 

[162] L’article 123 du Règlement stipule :

 

123. Les coûts de l’arbitre sont partagés à parts égales entre l’administrateur et l’entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

 

[163] Le Tribunal ordonnera l’application de cet article.

 

 

POUR LES MOTIFS QUI PRÉCÈDENT, LE TRIBUNAL :

 

 

REJETTE la demande d’arbitrage de l’entrepreneur;

 

 

ORDONNE   à l’entrepreneur de démolir le mur de façade en brique du domicile des bénéficiaires et de refaire ce même mur de briques en employant les mêmes matériaux prévus au contrat intervenu entre les parties;

 

 

ORDONNE   à l’entrepreneur d’exécuter lesdits travaux au plus tard d’ici le 1er décembre 2019;

 

 

ORDONNE   à l’entrepreneur de s’exécuter selon les lois et les règlements en vigueur et selon les règles de l’art;

 

 

ORDONNE   à l’administrateur de s’exécuter dans le même délai et avec les mêmes obligations advenant le refus, ou l’incapacité ou l’impossibilité de l’entrepreneur de s’exécuter;

 

 

ORDONNE   à l’entrepreneur ou à défaut l’administrateur de remettre le terrain en état et selon les règles de l’art;

 

CONDAMNE l’administrateur et à l’entrepreneur à payer les frais d’arbitrage en parts égales, avec intérêts aux taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de facturation émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de carence de trente (30) jours.

 

 

RÉSERVE    à l’administrateur ses droits à être indemnisé par l’entrepreneur et/ou caution(s), pour toute somme versée, incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par. 19 de l’annexe du Règlement) en ses lieux et place et ce, conformément à la convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement.

 

 

 

LAVAL, CE 22 OCTOBRE 2019.

 

 

Yves Fournier

_____________________________

YVES FOURNIER

Arbitre


 

 

 

(1)   Gilles Chabot, ès qualité d’administrateur du SDC du 339,341,343, rue Damiens-Benoit, Mont St-Hilaire c. Placibel Inc. et GCR, GAMM 21 mars 2005.

(2)   Blanchette et Papantoniou c. Développement immobilier Titan Inc., SORECONI : 070727001 4 octobre 2007.

(3)   90235193 Québec Inc. c. Favreau et Patry, REJB 2003-46646.

(4)   Therrien c. Goyette, Duchesne & Lemieux Inc., 2004 CanLII 47001.

(5)   RLRQ, Chap. B-1.1, r.8.

(6)   Rousseau et Développement immobilier Titan Inc. et Garantie Qualité Habitation Inc. 2015-05-10, GAMM 2013-16-007, Me Karine Poulin, arbitre.

(7)   Karamalis et Développement immobilier Titan Inc., et Garantie Habitation du Québec Inc. 2014-08-06, GAMM 2013-16-020, par. 195 à 197, Me Jean Doyle, arbitre.

(8)   Dusseault et Construction Philip Cousineau Inc., 2019-03-15, Soreconi 181107001, par. 137 à 141, Me Jean Savoie, arbitre.

Rousseau et Développement immobilier Titan Inc., 2015-05-10, GAMM 2013-16-007, Me Karine Poulin, arbitre.

(9)   [1953] R.C.S.456.

(10)  Rousseau c. Bennett, [1956] R.C.S. 89.

(11)  Construction Turcot Inc. c. Kanwall, 2010 QCCS 3410 (Can L. II).

(12)  SORECONI : 182401001, 30 août 2019.

(13)  É. DUNBERRY, La Responsabilité des professionnels, La construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 1998, p. 459 et ss.

(14)  EBC Inc. C. Matane (Ville de), J.E. 2014-2010, jugement porté en appel.

(15)  Dion c. Les Fermes Fernand Cardin & Fils Ltée, AZ-50085350 (2001) (C.Q.).

(16)  Guardian du Canada c. Rimouski (Ville de) AZ-50491080,

(17)  2008 QCCS 3860.

(18)  SOQUIJ AZ-50557085.

(19)  GAMM 2007-09-013, 10 juin 2008.

(20)  SDC Les Villes du Golf, phase II c. Les maisons Zibeline et la Garantie habitation et la Garantie des Maisons Neuves de l’APCHQ, CCAC, S09-180801-NP et S09-100902-NP, 15 mars 2010 et Syndicat des Villas sur le Parc Rembrandt c. Les Villes sur le Parc Rembrandt et la Garantie Qualité Habitation, SORECONI, 060309001, 8 mars 1009,

(21)  CCAC, S09-070101-NP, 14 décembre 2009, [2009] Can II, 60440.

(22)  (1992) 2 R.C.S. p. 679.

(23)  Blanchette et al., supra.

(24)  SOQUIJ, AZ-99021688, 11 mai 1999.

(25)  Supra.

(26)  Supra.

(27)  SORECONI, 132604001, 22 mai 2015.