ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS
(Décret 841-98 du 17 juin 1998)
Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : SORECONI
ENTRE : SDC 130 MARCEL-R. BERGERON;
SDC 151 MARCEL-R. BERGERON;
(ci-après les « Bénéficiaires »)
ET : GELCON INC.;
(ci-après l’ « Entrepreneur »)
ET : RAYMOND CHABOT, ADMINISTRATEUR PROVISOIRE INC. ÈS QUALITÉ D’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE DU PLAN DE GARANTIE DE LA GARANTIE ABRITAT INC.;
(ci-après l’« Administrateur »)
Dossiers SORECONI : 162502001 / 161705001 / 162909001 / 161810001
Décision
Arbitre : Me Michel A. Jeanniot
Pour les Bénéficiaires : Me Richard Lavoie
Pour l’Entrepreneur : absent
Pour l’Administrateur : Me Marc Baillargeon
Date de la Décision : 19 juillet 2017
Identification complète des parties
Bénéficiaires : SDC 130 Marcel-R. Bergeon
SDC 151 Marcel-R. Bergeron
130, rue Marcel-R. Bergeron # 101 à 204
Bromont (Québec) J2L 0L2
151, rue Marcel-R. Bergeron #101 à 304
Bromont (Québec) J0E 2P0
Et leur procureur :
Me Richard Lavoie
10, Notre-Dame Est, 4e étage
Montréal (Québec) H2Y 1B7
Entrepreneur: Gelcon Inc.
851, chemin Knowlton
Lac Brome (Québec) J0E 2P0
Administrateur : Raymond Chabot, administrateur provisoire Inc. ès qualité d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc.
7333, Place des Roseraies, bur. 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
Et son procureur :
Me Marc Baillargeon
Contentieux des garanties
7333, Place des Roseraies, bur. 300
Montréal (Québec) H1M 2X6
L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 26 avril 2016 (dossier 162502001), 6 juillet 2016 (pour le dossier 161705001), 13 octobre 2016 (dossier 162609001) et le 1er novembre 2016 (dossier 161810001).
Valeur en litige
Classe V, valeur de plus de 60 000,00 $
Plumitif
25.02.2016 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe de SORECONI (dossier 307178-3 de l’Administrateur pour le SDC 151 Marcel-R. Bergeron)
26.04.2016 Nomination de l’arbitre
17.05.2016 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe de SORECONI (dossier 314621-1 de l’Administrateur pour le SDC 130 Marcel-R. Bergeron)
06.07.2016 Nomination de l’arbitre
26.09.2016 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe de SORECONI (dossier 307178-5 de l’Administrateur pour le SDC 151 Marcel-R. Bergeron
13.10.2016 Nomination de l’arbitre
18.10.2016 Réception de la demande d’arbitrage par le greffe de SORECONI (dossier 307178-6 de l’Administrateur pour le SDC 151 Marcel-R. Bergeron)
01.11.2016 Nomination de l’arbitre
Réception du cahier de pièces de l’Administrateur
15.02.2017 LT aux parties : rappel de l’appel conférence / conférence de gestion
15.02.2017 Appel conférence / conférence de gestion et transmission subséquente du procès-verbal aux parties
12.06.2017 LT aux parties : confirmation endroit, salle et heure de l’enquête et audition
15.06.2017 Enquête et audition (salle 1.21, Palais de justice de Granby)
19.07.2017 Décision
Décision
[1] La présente demande d’arbitrage résulte de la réunion d’action de quatre (4) demandes d’arbitrage, une (1) pour le 130 Marcel-R. Bergeron (ci-après le «130») [dossier Soreconi n°161705001] et trois (3) demandes pour le 151 Marcel-R. Bergeron (ci-après le «151») [dossiers Soreconi n°162609001, n°162502001 et n°162502001];
[2] Les trois (3) demandes d’arbitrage du 151 concernent quatre (4) décisions de l’Administrateur chronologiquement datées des 17 novembre 2014, 8 février 2016, 22 août 2016 et 19 septembre 2016 et la demande d’arbitrage pour le 130 concerne une (1) décision de l’Administrateur datée du 10 novembre 2015;
L’AUDIENCE
[3] Tel qu’il m’en est coutume, je ne reprendrai pas ici en long ou avec force de détails tous et chacun des éléments de preuve (témoignages factuels, rapports et témoignages d’expert) n’ayant pas à répondre à tous les arguments avancés pour valablement décider du mérite (non plus qu’à attacher la même importance à tous les éléments de preuve que ceux revendiqués par les parties, je me permettrai de me limiter aux éléments ginglymes de mon processus décisionnel[1];
[4] Je rappelle, de plus, que dans cette instance, il s’agit des Bénéficiaires qui sont en demande et qu’à cet effet, c’est à eux qu’appartient le fardeau de la preuve. Sans que ce fardeau ne leur soit indu, ils ont néanmoins l’obligation de convaincre;
Présentation et entrée en matière
[5] Que les trois (3) demandes d’arbitrage du 151 soient réunies en une seule et même enquête et audition coule de source. La raison pour laquelle s’est joint le dossier du 130 est que dans ce dossier (le 130 Marcel-R. Bergeron tel que pour le 151 Marcel-R. Bergeron), l’Administrateur bien qu’ayant accueilli certaines demandes de réclamation des syndicats (et ordonné à l’Entrepreneur que les travaux correctifs requis soient effectués), en raison de la déconfiture de l’Entrepreneur du mois de mars 2016 (avis de faillite / onglet n° 13 du cahier de pièces émis par l’Administrateur), l’Administrateur adopte la position selon laquelle (le 28 avril 2016, onglet n° 14 de cahier de pièces de l’Administrateur) :
[5.1] pour le 130 Marcel-R. Bergeron, puisque seulement quatre (4) des unités de condominium sur huit (8) ont été vendues par un Entrepreneur accrédité, conséquemment seulement 50% des unités ont été vendues par un «entrepreneur accrédité auprès de l’Administrateur» que seulement quatre (4) unités sur huit (8) sont couvertes par le plan de garantie (i.e. 50%) et donc qu’une proportion équivalente, soit 50 % du coût des travaux concernant les aires communes, se devra d’être assumé par le (syndicat) Bénéficiaire;
[6] L’Administrateur requière versement des coûts des syndicats avant que ne commence quelques travaux correctifs;
[7] L’Administrateur adopte la même position (aux mêmes dates) pour les travaux reconnus pour le bâtiment du 151 avec la différence que cette fois-ci, sept (7) unités de condominium sur huit (8) ont été vendues par l’Entrepreneur accrédité auprès de l’Administrateur, ce qui représente 87,5 % (7 unités sur 8) couvertes et que donc, une proportion de 12,5 % du coût des travaux concernant les aires communes devra être assumée par le Bénéficiaire pour que les travaux correctifs puissent être commencés;
[8] Quant au reste, la seule distinction à apporter pour le 130, le syndicat prétend que contrairement à ce que suggère l’Administrateur, cinq (5) unités sur huit (8) et non pas quatre (4) ont été vendues par un entrepreneur accrédité et que sur un argument subsidiaire, si la position de l’Administrateur devait être maintenue quant à son droit d’exiger une proportion du coût des travaux en fonction des unités vendues par un entrepreneur accrédité, le ratio de 5 sur 8 (62,5 %) devrait être considéré;
[9] Donc, pour le dossier du 130 (dossier Soreconi n°161705001), les deux (2) seules questions en litige sont :
[9.1] Est-ce que l’Administrateur est en droit de limiter la participation de sa contribution en fonction d’un pourcentage des unités vendues par un entrepreneur accrédité auprès de l’Administrateur;
[9.2] Combien d’unités ont été vendues par l’Entrepreneur accrédité : sachant que l’Administrateur prétend qu’il y en a eu quatre (4) tandis que les Bénéficiaires prétendent qu’il y en a eu cinq (5);
[10] Le reliquat des points pour le 151 consiste dans la détermination, par le soussigné, de la gravité des problèmes à savoir si les désordres constatés constituent une malfaçon, un vice caché ou un vice majeur au sens du Règlement et de la garantie;
[11] Je traiterai, dans un premier temps, de la détermination du niveau de gravité des divers problèmes soulevés et dans un deuxième temps, du droit de l’Administrateur de réclamer au syndicat le coût des travaux en proportion des unités vendues (au moment de la décision) :
La gravité des problèmes et désordres au «151»
Sous principe directeur
[12] Le Code civil du Québec prévoit l’existence d’un vice au moment où la vente est présumée lorsque le volet fonctionnel ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce. Cette présomption est repoussée si le défaut est dû à la mauvaise utilisation du bien par l’acheteur (article 1729 C.c.Q.);
[13] La présomption est une conséquence que la Loi ou le tribunal tire d’un fait connu à un fait inconnu (article 2846 C.c.Q.);
[14] Les présomptions qui ne sont pas établies par la Loi sont laissées à l’appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes (article 2849 C.c.Q.);
[15] Ceci étant dit, puisque les Bénéficiaires contestent le bien-fondé des décisions de l’Administrateur, le fardeau de preuve repose sur leurs épaules. Quel est le niveau de preuve à offrir pour les Bénéficiaires ?;
[16] À l’article 2803 du Code civil du Québec, le législateur indique :
« 2803 - Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention. »
[17] L’article 2804 C.c.Q. définit ainsi la preuve prépondérante :
« 2804- La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante.»
[18] La présente décision en n’est donc une qui, à sa base, repose sur mon appréciation et discrétion judiciaire;
[19] Nous savons que l’appréciation judiciaire comporte trois volets : l’appréhension des faits litigieux, leur évaluation, puis les constatations tirées de cet exercice intellectuel;
[20] La discrétion judiciaire, quant à elle, doit être comprise comme la faculté attribuée à l’autorité juridictionnelle d’opérer cette appréciation en décidant;
[21] Par conséquent, le tribunal jouit de la liberté d’appréciation dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, lequel m’est confié légalement en tant que pouvoir discrétionnaire :
[21.1] le pouvoir d’appréciation est un pouvoir d’examen;
[21.2] le pouvoir de discrétion est un pouvoir de décision;
[22] Ce n’est pas le pouvoir d’appréciation qui est absolu ou souverain, mais l’appréciation elle-même : pouvoir d’appréciation souveraine;
[23] Le critère et le fondement du pouvoir d’appréciation souveraine reconnu au «juge» des faits reposent, en droit civil, sur l’intime conviction et, en common law, sur la prépondérance de la preuve et la cause probable, (du moins, en matière civile);
[24] Appréciation souveraine et la libre appréciation sont donc des formules équivalentes (pouvoir, liberté et marge d’appréciation);
[25] Ce qui est ici confié à l’appréciation du tribunal est, autrement dit, laissé ou abandonné à mon appréciation (et non à ma discrétion);
[26] Une autre formule qui traduit le sens de la discrétion judiciaire se trouve dans l’énoncé d’une règle jurisprudentielle essentielle : l’appréciation de la preuve est laissée à la discrétion du juge;
[27] Ainsi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire permet au tribunal d’apprécier la preuve. Ici mes conclusions sont fondées sur une appréciation des écrits & témoignages. Je tire mes conclusions après appréciation d’éléments de preuve dans l’exercice de ma discrétion et, par exemple, ma décision d’écarter un élément de preuve relève d’un devoir découlant de ce pouvoir discrétionnaire;
[28] Il n’y a pas redondance dans la formule appréciation exclusive et souveraine : l’appréciation exclusive est celle qui n’appartient qu’à une seule autorité juridictionnelle, alors que l’appréciation souveraine est celle qui est soustraite à tout recours en révision;
[29] Le pouvoir discrétionnaire est la faculté d’appréciation de la juridiction, soit celle qui lui confie l’entier pouvoir de se laisser convaincre et de décider sans qu’il y ait à son encontre possibilité d’intervention. Il s’agit de cette appréciation qui relève généralement du pouvoir discrétionnaire (du «juge» du procès);
[31] Le pouvoir d’appréciation du tribunal comporte en lui un difficile exercice judiciaire. Il dispose d’une large discrétion que lui a conférée le législateur;
[32] Quand le soussigné «juge de première instance» constate l’existence des faits que les parties soumettent à son examen, cette constatation et l’évaluation des faits correspondent à une appréciation factuelle. Partie intégrante de mon activité juridictionnelle, cette appréciation fait du soussigné un appréciateur souverain des faits (et non «maître du fait»);
[33] Relativement aux critères permettant de qualifier un vice de «vice caché», l’article 1926 du Code civil du Québec stipule que :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1991, c. 64, a. 1726.
[34] La Cour d’appel nous indique que quatre (4) éléments sont nécessaires à l’existence d’un vice caché :
« [21] De cet article ressortent les quatre éléments nécessaires à l'existence d'un vice caché: (1) le vice est nuisible à l'usage de la chose vendue; (2) le vice présentait une certaine gravité; (3) le vice existait au moment de la vente; (4) le vice était caché, donc inconnu de l'acheteur.»
[35] L’auteur Jacques Deslauriers, dans son ouvrage intitulé «Vente, louage, contrat d’entreprise ou de service», précise en page 140 :
«A. Les caractéristiques du vice donnant ouverture au recours pour vices cachés.
Pour réussir un recours fondé sur des défauts cachés, l'acheteur doit prouver toutes les caractéristiques permettant de conclure au caractère caché du défaut, telles qu'énoncées ci-après: son caractère caché, sa gravité, l'ignorance qu'avait l'acheteur de son existence et l'existence de ce défaut au moment de la vente. (...) »
[36] La Cour du Québec nous indique qu’un vice doit être considéré grave lorsque l’Acheteur démontre que s’il avait connu le défaut qui l’affecte, il ne l’aurait pas acheté et/ou qu’il n’en aurait pas donné si haut prix :
« [195] Le vice sera considéré comme grave lorsque l’acheteur démontrera que s’il avait connu le défaut qui l’affecte, il ne l’aurait pas acheté et/ou qu’il n’en aurait pas donné si haut prix.»
[37] La simple présence d’un déficit d’usage ne permet pas de justifier la qualification de vice caché. Cependant la Cour d’appel nous rappelle qu’il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais simplement qu’il en réduise l’utilité de façon importante par rapport aux attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent :
[19] La norme ainsi actualisée est conforme à l’enseignement de la Cour suprême, rappelé par les Appelants, dans l’affaire ABB Inc. et Alstom Canada Inc. c. Domtar Inc. :
[52] La simple présence d’un déficit d’usage ne suffit pas en elle-même pour justifier la qualification de vice caché. Encore faut-il que ce déficit d’usage soit grave, c’est-à-dire qu’il rende le bien impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminue tellement l’utilité que son acheteur ne l’aurait pas acheté à ce prix. Ce deuxième critère, celui de la gravité du vice, découle du texte de l’art. 1522 C.c.B.C. Cela dit, il n’est pas nécessaire que le vice empêche toute utilisation du bien, mais simplement qu’il en réduise l’utilité de façon importante, en regard des attentes légitimes d’un acheteur prudent et diligent.
[38] N’ayant pas eu d’objection préliminaire au dossier quant aux dates, délais, informations et/ou formalités, juridiction étant acquise et me référant aux paragraphes [10] et [11] infra, j’aborde les points en litige (portés en arbitrage) à savoir les points 1 et 2 de la décision du 8 février 2016, le point 10 de la décision du 22 août 2016 et le point 2 de la décision du 19 septembre 2016;
[39] Pour la décision du 8 février 2016, il y a deux (2) points qui sont contestés :
[39.1] point 1 de la décision : Finition des murs intérieurs du garage
[39.2] point 2 de la décision : Couvercle du puisard
[40] Les points 1 et 2 sont portés en arbitrage puisque l’Administrateur considère que la situation, bien que constituant des «mal façons» ne rencontre pas les critères du vice caché au sens du Règlement;
[41] Dans la décision du 22 août 2016, le seul point qui est porté en arbitrage par les Bénéficiaires est le point 10 :
[41.1] Isolant de fibre cellulose au plafond du garage;
[42] Dans la décision du 19 septembre 2016 (pièce A-17), bien que les deux (2) points qui sont identifiés fussent portés en arbitrage, il y eu, séance tenante, désistement des Bénéficiaires quant au point 1 (les ogees au plafond). Les Bénéficiaires maintiennent leur demande sur le point 2 (drain français au mur de fondation adjacent à la porte de garage) :
[42.1] ici, l’Administrateur considère que la situation rencontre possiblement les critères du «vice caché» mais ne rencontre pas les critères du «vice de construction»;
Sur la décision du 22 août 2016, point 10
[43] Le point 10 se lit comme suit :
Isolant de fibre cellulose au plafond du garage
Le représentant du syndicat a mentionné que les plans d’un immeuble voisin similaire au leur prévoyaient l’installation d’un isolant de fibre cellulose au plafond du garage et que l’entrepreneur ne l’aurait pas installée, présumant ainsi qu’il en est de même pour leur propre immeuble.
Lors de notre visite, nous n’avons pas été en mesure de déterminer que cette situation concerne le présent bâtiment et lui cause préjudice.
[44] L’Administrateur est d’opinion que le contreplaqué, qu’il soit ou non approprié, il (le contreplaqué) était en bon état et de bonne qualité :
[44.1] Est-ce qu’un couvercle en contre-plaqué est approprié ? Non, d’ailleurs le contre-plaqué est un matériau contre-indiqué par le Code national du bâtiment. Une malfaçon certes mais et puisque le contreplaqué, lui, était de bonne qualité, il ne s’agirait pas, selon l’Administrateur, d’un vice et encore moins un vice «caché» puisqu’ostensible;
[45] Le Bénéficiaire soulève à plusieurs reprises que le non-respect à une norme établie par le Code national du bâtiment constitue un vice caché;
[46] La Cour Supérieure nous indique que l’immeuble qui ne respecte pas les normes du Code national du bâtiment n’est pas pour autant porteur de vice caché. Il faut que ces manquements rendent l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné :
[64] D’abord, la non-conformité au Code national du bâtiment n’est pas en soi porteuse de vices cachés. Encore faut-il que ces manquements au Code rendent l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné ou en diminue l’utilité.
[47] Le contre-plaqué étant, selon la preuve offerte, ostentatoire et le non-respect du Code national du bâtiment n’étant pas en soi porteur de vice caché, je ne pourrai donner suite à la demande des Bénéficiaires sur point;
Sur la décision du 22 août 2016, point 11
[48] Le point 11 se lit comme suit :
Infiltration d’air froid au plancher des unités de copropriété
Le représentant du syndicat a mentionné que les occupants du rez-de-chaussée disent ressentir de l’air froid au plancher de leurs unités, ailleurs que dans les verrières où l’administrateur a déjà rendu une décision à ce sujet au point 14 du rapport émis le 8 février 2016.
[49] Une décision de l’Administrateur du 1er mars 2017, qui a été déposée comme pièce P-6 et qui reconnaît la problématique du point 11 de la décision du 22 août 2016 qui se retrouve à l’onglet n°11 du cahier de pièces de l’Administrateur, a reconnu les travaux qui devront être fait pour l’infiltration d’air aux planchers des unités de copropriétés 101, 102, 103 et 104. Vu l’obligation de résultat qui est imposée à l’obligé (l’Administrateur), ceci a eu pour effet de désintéresser les Bénéficiaires de leur demande d’arbitrage du point 11 (de la décision du 22 août 2016);
Sur la décision du 19 septembre 2016, point 2
[50] Le point 2 se lit comme suit ;
Drain français au mur de fondation adjacent à la porte de garage
Les représentants du syndicat ont mentionné que lors de travaux d’excavation contractés par eux en vue de la réfection de l’allée d’accès menant aux garages souterrains, ils auraient constaté l’absence de drain français au mur de fondation adjacent à la porte de garage.
Ils invoquent de plus que cette situation aurait provoqué le gonflement de l’asphalte et que ce drain était initialement requis aux plans de l’architecte.
Ainsi, ils réclament les frais relatifs à la réfection de l’allée d’accès et du drain, des frais de perte de jouissance et autres frais supplémentaires encourus.
Lors de notre visite, nous avons constaté que l’allée d’accès originale menant aux garages fut démolie et qu’un chemin d’accès temporaire fut aménagé par un tiers mandaté par le syndicat.
Nous avons également remarqué que le caniveau initialement installé devant la porte de garage, lequel se déversait vers le fossé arrière, aurait été retiré par ce tiers et que toutes les gouttières et descentes pluviales du bâtiment sont toujours raccordées à un conduit en PVC qui achemine l’eau par gravité à la rue.
À la suite de ces observations, nous sommes d’avis que cette situation ne comporte pas le niveau de gravité d’un vice majeur puisque ni la solidité, pas plus que la stabilité du bâtiment ne sont compromises, laquelle n’est pas de nature à causer la perte de l’ouvrage.
De plus, nous constatons que des travaux pour un élément ne faisant pas partie intégrante du bâtiment ont été entrepris par le syndicat, et ce, avant l’intervention de l’administrateur.
[51] Si je résume bien la position de l’Administrateur concernant ce drain, il est d’opinion que lorsque le conciliateur s’est présenté, il a remarqué qu’il y avait des travaux en cours effectués par les Bénéficiaires. Le conciliateur considérait que ces travaux étaient ni des travaux conservatoires ni nécessaires ni urgents donc qu’il n’y aurait pas de remboursement pour ces travaux;
[52] Dans un deuxième temps, vu que le conciliateur positionnait la plainte dans la période de trois (3) à cinq (5) ans de couverture, ce qu’il constatait devait être un vice majeur de construction. Selon son opinion «ça ne rencontrait pas ce niveau de gravité». Subsidiairement, puisque selon lui il s’agissait d’une composante de l’entrée charretière, il considérait que le désordre s’avérait être de l’aménagement et donc qu’il était exclu de la couverture par l’article 29 du Règlement;
[53] Bien qu’à la décision du 17 novembre 2014, pièce A-1, l’Administrateur a reconnu une problématique au niveau de l’infiltration d’eau aux portes piétonnes avant et arrière du garage et que des travaux devraient être faits, l’Administrateur ne fait pas d’association avec la possible absence d’un drain français en-dessous de la porte de garage qui est à proximité de cette même porte. En cours d’enquête et lors du contre-interrogatoire, l’Administrateur n’exclue pas ce lien, bien qu’il ne l’admette pas. Il ne fait tout simplement pas de lien, conséquemment, il ne le reconnait pas;
[54] Le représentant du syndicat porte à notre attention l’article 27.4 du Règlement, l’article 2103 (paragraphe 2) du Code civil du Québec ainsi que subsidiairement l’article 1729 du Code civil du Québec. Il suggère que les éléments déclarés et qui font l’objet de la demande d’arbitrage (jurisprudence à l’appui), constituent une gravité appropriée (comprendre niveau de gravité) à rencontrer les exigences de la doctrine et jurisprudence i.e. que les points 1 et 2 de la décision du 8 février 2016 (pièce A-5 du cahier de pièces de l’Administrateur) constituent des vices cachés et que le point 2 de la décision du 19 septembre 2016 (pièce A-17 du cahier de pièces de l’Administrateur) constitue un vice de construction;
[55] Me référant aux paragraphes [19] à [32] infra, l’état du droit et de la jurisprudence connue, les Bénéficiaires ont fait la preuve des faits qui soutiennent leur prétention concernant cette problématique qui est nuisible et rencontrent le niveau de gravité qui déborde substantiellement le simple déficit d’usage s’agissant d’une problématique suffisamment grave en regard des attentes légitimes du syndicat;
L’Administrateur est-il en droit de limiter sa participation (financièrement) au pourcentage d’unités vendues par un entrepreneur accrédité au plan de garantie de l’Administrateur ?
[56] La position de l’Administrateur est relativement simple. Il considère que des unités ont été vendues par une personne qui ne bénéficiait pas de l’accréditation (auprès de l’Administrateur) et donc, que si ces unités ne peuvent bénéficier du plan de garantie, la quote-part de leur droit dans les parties indivis (des parties communes afférentes aux parties privatives) doit être exclue de la responsabilité de l’Administrateur;
[57] Subsidiairement, l’Administrateur suggère que le syndicat n’est propriétaire de rien. Il n’est que le mandataire de la collectivité des propriétaires;
[58] Tel que pour leurs tentatives de 2009, l’Administrateur reconnaît que le Règlement ne prévoit pas la situation présente et soulève, à nouveau, les articles 1, 26, 27 et 30 du Règlement comme indication favorable à l’interprétation qu’il recherche;
[59] L’argumentaire de l’Administrateur repose essentiellement sur une sentence arbitrale du 27 juillet 2009[1] sous la plume de Monsieur Claude Dupuis;
[60] Monsieur Dupuis, ingénieur de formation, supporte la position de l’Administrateur et semble appuyer son ratio decidende sur l’article 116 du Règlement qui habilite un arbitre à faire appel à l’équité lorsqu’il (l’arbitre) considère que les circonstances le justifient;
[61] Dans ce cas précité bien précis, l’arbitre suggère donc qu’il serait inéquitable envers la Garantie de lui attribuer la responsabilité des quotes-parts alors invendues;
[62] Avec respect pour cette décision, je ferai miens les propos de l’arbitre Moisan lequel, en commentant la décision précitée de l’arbitre Dupuis, nous fait remarquer que l’appui principal de l’arbitre Dupuis fait appel à la notion d’équité pour sa décision et donc :
«rend difficile de retenir ce précédent pour l’éclairage du présent litige»
[63] Quant aux Bénéficiaires, ils calquent leurs représentations sur le ratio decidende (qui leur est favorable) de l’arbitre Moisan. Une argumentation à quatre (4) volets qui reprend essentiellement :
[63.1] la définition de bénéficiaire (article 1 du Règlement);
[63.2] la notion de couverture (articles 25 et subséquents du Règlement);
[63.3] la notion de limite des garanties;
[63.4] les articles 30 et 31 (du Règlement);
[64] L’article 1 du Règlement donne une définition du bénéficiaire laquelle inclut sans autre distinction dans le cas des parties communes d’un bâtiment détenu en copropriété divise, le syndicat de copropriétaires;
[65] Ici, la question porte sur les parties communes et concerne le syndicat formé des propriétaires des parties privatives. Selon la Loi (et je présume la déclaration de copropriété) le syndicat a l’obligation de remplir ses devoirs dont celui de faire respecter les garanties obtenues lors de la construction du bâtiment;
[66] La notion de couverture qui est initiée aux articles 25 et suivants du Règlement ne fait pas de distinction entre une partie privative et une partie commune;
[67] L’article 30, 4e alinéa fixe les limites de la garantie pour le parachèvement et la réparation des vices et malfaçons;
[68] Fait intéressant, l’article 31 établi une distinction entre les cas des parties communes et celui des parties privatives qui n’ont pas de bénéficiaires à la fin des travaux (pour autant que la réception des parties privatives ait lieu dans les 24 mois qui suivent la fin des travaux);
[69] Je rappelle, ici, qu’il ne s’agit pas de déterminer s’il s’agit de partie privative ou commune (commune à usage restreint / privé ou autre). Seule la question de répartition des coûts ou l’opportunité de l’Administrateur de pouvoir répartir les coûts (s’exclure d’un pourcentage des charges financières) est en jeu;
Discussion
[70] Il n’est pas de l’intention du soussigné de se convertir en pamphlétaire et/ou autrement réécrire ce qui, de façon succincte, directe et précise a été repris par notre collègue Moisan (avocat puis juge à la Cour Supérieure et juge ad hoc à la Cour d’appel du Québec) avant d’être arbitre chez nous. Je me permettrai de m’inspirer généreusement de sa plume du 18 septembre 2009;
[71] Par souci de transparence, alors que je ferai miens ses propos, ils suivront imbriqués au texte mais en italique;
[72] Le législateur est présumé comme être l’existence de ces Lois et les réalités de faits sur lesquelles il entend baser ses règlements. Il connaît les notions juridiques entourant la propriété inscrite au Code civil, de même que les réalités du domaine de la construction. On doit présumer qu’il a rédigé un Règlement qui couvre toutes les facettes du sujet à traiter et qui remédie aux maux et aux lacunes qui affectent le domaine de la construction domiciliaire. La Loi d’interprétation déclare qu’une Loi (et un Règlement) est édicter pour «favoriser l’exercice des droits … remédier à quelques abus ou procurer quelques avantages.» Elle doit recevoir une interprétation large et libérale;
(…)
[73] Le Règlement limite-il clairement la garantie lorsque certaines des unités sont finalement vendues par une personne autre qu’un entrepreneur dûment reconnu ? La réponse est négative. Aucun des procureurs n’a cité d’article à cet effet. Le fait-il indirectement par le jeu des articles du Règlement ? L’examen attentif des dispositions soulignées par la garantie ne me convainc pas;
[74] Je ne peux voir ni comprendre où, quand ni comment il peut y avoir de lien entre partie privative et partie commune de sorte que le syndicat serait limité en regard de ce recours en garantie qui lui est propre par le nombre d’unités privatives vendues (enregistrées). Faisant, à nouveau, miens les propos de notre collègue Moisant «en l’absence d’un texte le déclarant ou le suggérant fortement, on ne peut conclure qu’il en est ainsi»;
[75] Dès qu’une déclaration de copropriété est inscrite au registre foncier, se met en branle le mécanisme légal qui permet la naissance d’unités d’habitation privées et d’un ensemble de biens communs essentiels à l’habilité, au confort et à la jouissance des propriétaires de ces unités. On a alors deux réalités qui jouent des rôles différents mais qui concourent à créer une situation de vie domiciliaire possible et réalisable. Mais chacune des deux composantes a son rôle propre.;
[76] Bien qu’il n’en soit pas le propriétaire, le syndicat a les droits et pouvoirs nécessaires à l’administration des biens communs. Il a aussi les obligations correspondantes à ces droits. Il doit faire respecter les garanties accordées par le Règlement. Et il doit le faire dans l’intérêt de tous les propriétaires d’unités privatives, non seulement de certains d’entre eux. ;
[77] De par la nature des parties communes, on ne voit pas de limitations possibles dans les travaux exigés pour la protection des structures et équipements destinés au confort et au bien-être des occupants. Tout ce dont doit s’occuper le syndicat forme un ensemble indivisible, global. C’est du fonctionnement de cet ensemble que dépend la qualité de vie des propriétaires de parties privatives.;
[78] C’est pour cette raison fondamentale que le Législateur n’a pas voulu assujettir ou restreindre les droits du syndicat à des limitations qui pourraient en compromettre l’exécution ou entraver l’exercice des droits s’y rapportant.;
[79] À titre d’exemple, la Garantie imagine qu’il serait impensable que le Syndicat puisse réclamer toute la couverture prévue pour les parties communes si seulement la moitié ou le quart des propriétaires de parties privatives sont admissibles selon le Règlement. La réponse simple est de dire que cette moitié ou ce quart a autant besoin de toutes les parties communes que si toutes les parties privatives étaient couvertes. Toutes sont essentielles à chacun des propriétaires.;
[80] À l’inverse, on peut se demander qui paierait pour les travaux de complétion ou de réfection des parties communes si seulement une partie des travaux étaient couvertes par la garantie prévue au Règlement. Y aurait-il lieu de les faire assumer par l’ensemble des copropriétaires ou seulement par ceux dont la partie privative n’est pas couverte ? Où trouve-t-on dans le Règlement une base pour asseoir une obligation de ce genre ? Si le Législateur avait prévu une telle situation, il en aurait inscrit les modalités quelque part dans le texte.;
[81] C’est sans doute pour cet ensemble de raisons que le règlement ne contient pas la disposition que souhaiterait y lire la Garantie. Le Règlement n’a pas créé une telle restriction. Par son abstention et son silence il confirme une obligation de couverture de l’ensemble des parties communes en faveur du syndicat des copropriétaires.;
[82] D’ailleurs, si le soussigné se réfère à l’esprit ainsi qu’à la lettre de l’article 7 du Règlement, on constate qu’un plan de garantie (tel que celui de l’Administrateur) garantie l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur. Les obligations légales et contractuelles de l’entrepreneur vis-à-vis le syndicat qui est un «Bénéficiaire» est (pour les aires communes) indivisible. Ne serait-ce que pour cette raison, la Garantie (l’Administrateur) a une obligation indivisible envers le syndicat (pour les aires communes) et doit supporter le coût entier des frais des travaux qu’elle (la garantie) a d’ailleurs reconnus;
[83] L’ensemble de mes lectures converge vers un seul constat qui ne prête à aucune équivoque : cette proposition de l’Administrateur ne tient pas la route au regarde de la Loi. Avec déférence autrement due à tout décideur ayant statué à l’effet contraire, il faudrait examiner le Règlement sous un prisme déformant pour l’interpréter autrement. Rien dans la preuve ne permet non plus d’asseoir quelque théorie à l’effet contraire;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :
Maintient la décision de l’Administrateur sur le point 10 de sa décision du 22 août 2016;
prend acte du désintéressement des Bénéficiaires de leur demande d’arbitrage concernant le point 11 de la décision du 22 août 2016;
faiT droit à la demande d’arbitrage des Bénéficiaires concernant le point 2 de la décision du 19 septembre 2016;
Fait droit à la demande d’arbitrage des Bénéficiaires concernant les deux (2) décisions de l’Administrateur du 28 avril 2016 et ordonne à l’Administrateur de supporter, à lui seul, l’obligation indivisible envers le(s) syndicat(s) concernant les aires communes;
RÉSERVE à Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. ou La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. (l’Administrateur) ses droits à être indemniser par l’Entrepreneur, pour tous travaux, toute(s) action(s) et toute somme versée incluant les coûts exigibles pour l’arbitrage (par.19 de l’annexe II du Règlement) en ses lieux et place, et ce, conformément à la Convention d’adhésion prévue à l’article 78 du Règlement;
LE TOUT, avec les frais de l’arbitrage à la charge de Raymond Chabot Administrateur Provisoire Inc. ès qualités d’administrateur provisoire du plan de garantie de la Garantie Abritat Inc. ou La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. conformément au Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, avec les intérêts au taux légal majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la date de la facture émise par l’organisme d’arbitrage, après un délai de grâce de 30 jours.
Le tout, vu l’article 123 du Règlement, avec coût du présent arbitrage à la charge de l’Administrateur.
Montréal, le 19 juillet 2017
_______________________
Michel A. Jeanniot, ClArb.
Arbitre / Soreconi
[1] Le Syndicat des copropriétaires La Seigneurie du Carrefour II et Construction Modutech (9117-6412 Québec Inc.) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., dossier GAMM 2009-08-002