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TRIBUNAL D’ARBITRAGE

 

(constitué en vertu du règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs sous l’égide de la SOCIÉTÉ POUR LA RÉSOLUTION DES CONFLITS INC. (SORECONI), organisme d’arbitrage agréé par la RÉGIE DU BÂTIMENT DU QUÉBEC chargée d’administrer la Loi sur le bâtiment (l.r.q. c. b-1.1))

 

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE MONTRÉAL

 

DOSSIER N° :   Soreconi # 070117002

                            La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc. # U-500653)

 

MONTRÉAL, le 20 février 2007

 

 

 

ARBITRE : Marcel Chartier

 

 

 

Michel Gauthier

Mme Sylvie Bujold

 

 

             Bénéficiaires

 

c.

Yvon Duperron 9119-5834 Qc inc.

 

             Entrepreneur

 

et

La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc.

 

             Administrateur de la garantie

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

 

 

 

Identification des parties

 

BÉNÉFICIAIRES 

M. Michel Gauthier

Mme Sylvie Bujold

172, du Cristal

La Plaine, Qc

J7M 2H6  

 

 

 

 

ENTREPRENEUR

Yvon Duperron 9119-5834 Qc Inc.

5880, rue du Chardonneret

La Plaine, Qc

J7M 1G1

 

 

 

ADMINISTRATEUR 

La Garantie des Maîtres Bâtisseurs inc.

4970 Place de la Savanne bureau 301

Montreal

H4P 1Z6

Tél. :1 866 344-4228

Fax : 514 344-9303                            

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Liste des pièces produites par l'administrateur

Pièce A-1 :

Lettre de l'administrateur aux bénéficiaires en date du 8 juillet 2004 concernant leur numéro d'enregistrement à la Garantie des Maîtres bâtisseurs.

 

Pièce A-2 :

Avis de fin des travaux en date du 15 août 2004.

 

Pièce A-3 :

Liste préétablie d'éléments à vérifier et réception du bâtiment en date du 30 septembre 2004.

 

Pièce A-4 :

Réclamation des bénéficiaires à l'entrepreneur, en date du 23 mai 2005, concernant des infiltrations d'eau au sous-sol.

 

Pièce A-5 :

Lettre de l'administrateur à l'entrepreneur, en date du 30 mai 2005, à l'effet qu'une demande de réclamation lui a été soumise par les bénéficiaires.

 

Pièce A-6 :

Lettre de l'administrateur aux bénéficiaires, en date du 30 mai 2005, dans laquelle il leur demande de transmettre le formulaire DEMANDE DE RÉCLAMATION et un chèque au montant de 100 $.

 

Pièce A-7 :

Lettre de l'administrateur aux bénéficiaires, en date du 24 mai 2006, leur demandant un dépôt de 100 $ et à l'effet qu'il procédera à l'inspection dès qu'un conciliateur sera disponible.

 

Pièce A-8 :

Réclamation du bénéficiaire, en date du 26 mai 2006.

 

Pièce A-9 :

Lettre de l'administrateur à l'entrepreneur en date du 29 juin 2006 en rapport avec une demande de conciliation, un deuxième avis.

 

Pièce A-10 :

Deuxième avis de 15 jours en date du 29 août 2006 par l'administrateur aux bénéficiaires.

 

Pièce A-11 :

Lettre à l'entrepreneur par l'administrateur, en date du 26 septembre 2006, intitulée "demande de conciliation 2ième avis."

 

Pièce A-12 :

Lettre de l'administrateur aux bénéficiaires sur le rapport de conciliation en date du 13 décembre 2006.

 

Pièce A-13 :

En date du  13 décembre 2006, Décision de l'administrateur intitulée "Rapport de conciliation" concernant les réclamations des bénéficiaires, soit  1) le drainage et la construction du sous-sol dans la nappe phréatique  2) la présence d'ocre ferreuse dans le puisard, une substance rougeâtre et gélatineuse.

 

Pièce A-14 : 

Lettre des bénéficiaires à l'administrateur en date du 5 janvier 2007 concernant une contestation du rapport de conciliation.

Pièce A-15

Lettre de l'administrateur aux bénéficiaires en date du 12 janvier 2007, concernant la contestation du rapport de conciliation, i.e. de la décision de l'administrateur.

 

Pièce A-16 :

Lettre de l'administrateur à l'organisme d'arbitrage dont fait partie l'arbitre soussigné en date du 26 janvier 2007, à l'attention de M. Jacques Ouellet.

 

Pièce A-17 :

Liste des formulaires relatifs à la Garantie envoyée par l'administrateur aux bénéficiaires.

 

Pièce A-18 :

Article en doctrine concernant une étude sur la formation d'ocre sur les filtres géotextiles, les systèmes de drainage, et le colmatage conditioning factors of iron ochre biofilm formation on geotextile filters, par Marcos Barreto de Mendonca et de ….

 

Pièce A-19 :

Article de doctrine provenant du Centre D'inspection et d'expertise en Bâtiment du Québec concernant la bactérie mangeuse de fer dans les drains et située, d'abord dans les aérés tel que les sables et ensuite dans les sols situés dans les bas fonds saturés en permanence.

 

Pièce A-20 :

Sentence arbitrale de M. René Blanchet en date du 3 février 2003, dans laquelle l'arbitre déclare que les réparations et les dommages  reliés aux infiltrations d'eau dans le sous-sol sont exclus de la garantie de la défenderesse.

centre d'arbitrage commercial national et international du québec. no : 02-0708 Louiselle moreau

Bénéficiaire-demanderesse

c.

la garantie qualité habitation du québec inc.

Administrateur-défenderesse;  


Pièces produites par les bénéficiaires

 

 

Pièce B-1 :

Une feuille 8 ½ par 11 contenant 10 photos numérotées 1 à 10 par le soussigné et représentant le puisard, le tuyau d'égout, une partie du drain; ce que le soussigné a pu constater " de visu " sur place.

 

Pièce B-2 :

Une vidéo cassette montrant le puisard et l'égout; ce que le soussigné a pu constater " de visu "sur place.

 

 


ARBITRAGE

Mandat

L’arbitre a reçu son mandat de la société Soreconi, en date du 29 janvier 2007.

Historique du dossier

23 mai 2005

Mise en demeure des bénéficiaires à l'entrepreneur concernant des infiltrations d'eau au sous-sol.

30 mai 2005

Lettre de l'administrateur à l'entrepreneur à l'effet qu'une demande de réclamation lui a été soumise par les bénéficiaires.

24 mai 2006

Lettre de l'administrateur aux bénéficiaires leur demandant un dépôt de 100$ d'une part à l'effet qu'il procédera à une inspection dès qu'un conciliateur sera disponible

27 septembre 2006

Inspection

13  décembre 2006

Décision de l'administrateur concernant 1) le drainage et le sous-sol construit dans la nappe phréatique 2) la présence d'ocre ferreuse depuis le changement du drain français.

7 janvier 2007

Demande d'arbitrage

29 janvier 2007

Désignation de l'arbitre

15 février 2007

Audition

20 février 2007

Décision

La liste des pièces produites par l'administrateur et l'historique du dossier font parties intégrantes de la présente.

 

AUDITION du 15 février 2007

[1]          La visite des lieux et l’audition ont eu lieues au domicile des bénéficiaire, 172, du Cristal, La Plaine, Qc

[2]          Étaient présents à l’audition :

a)      M. Michel Gauthier,  Mme Sylvie Bujold, bénéficiaires

b)      M. Yvon Duperron, entrepreneur

c)      M. Jasmin Girard, président directeur général chez l'administrateur

d)      M. Michel Thibault responsable technique pour l’administrateur, 

[3]          Les bénéficiaires viennent en arbitrage d'une décision de l'administrateur en date du 13 décembre que l'on retrouve à la pièce A-13 dont voici la teneure :

 

«Montréal, le 13 décembre 2006

Yvon Duperron

9119-5834 Québec inc.

212, rue des Loriots

La Plaine (Québec J7M2H9

 

objet :   Rapport de conciliation

                N/D : A-20045 / U-500653

 

Monsieur,

Nous désirons donner suite, par la présente, à l'inspection de conciliation qui a eu lieu le 22 septembre 2006 à la résidence située au 172, rue du Crystal, à La Plaine.  Outre le soussigné étaient présents madame Sylvie Bujold et monsieur Michel Gauthier, bénéficiaires.

Cette inspection avait pour but de constater les points soumis à la conciliation afin d'émettre des commentaires et décisions en vertu du Contrat de garantie-Résidentiel de La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. (GMB).

1. Drainage-Sous-sol  

Les bénéficiaires mentionnent sur le formulaire de réclamation datée et signée le 26 mai 2006, de l'infiltration d'eau par le solage lors de pluie et/ou lors de la fonte des neiges. Ils mentionnent que le sous-sol est construit dans la nappe phréatique.

En date du 29 mai 2005, monsieur Michel Gauthier fait parvenir via une télécopie, une mise en demeure adressée à l'entrepreneur, Yvon Duperron, en indiquant clairement, que suite à l'expertise des assureurs, la preuve a été faite que les infiltrations d'eau au sous-sol de la résidence du 172, du Crystal est dû au fait que le drain français est bouché par une accumulation de sable dont la membrane est absente et non à cause d'une nappe élevée. Ce qui a causé le problème d'eau.

Les bénéficiaires mentionnent que l'entrepreneur a effectué les correctifs suivants : enlèvement du drain français initial, l'installation d'un nouveau drain français équipé d'une membrane filtrante et l'installation d'un puisard, avec une pompe submersible, au sous-sol avec une sortie d'évacuation des eaux à l'extérieur.

Lors de notre visite, GMB a constaté que la pompe submersible du puisard n'était pas branchée et que l'extension en pvc (bleu) du tuyau d'évacuation, que le bénéficiaire a installé à l'extérieur, était enroulée. La bénéficiaire mentionne qu'elle n'utilise pas la pompe, car l'évacuation de l'eau occasionne une décoloration rougeâtre dans son stationnement recouvert de pierre. La bénéficiaire mentionne qu'ils ont fait fonctionner la pompe de février à mai 2006 seulement.

La clause 1.3.3 du contrat de garantie stipule que les réparations rendues nécessaires par une faute du bénéficiaire tels l'entretien inadéquat, la mauvaise utilisation du bâtiment ainsi que celles qui résultent de suppression, modifications ou ajouts réalisés par le bénéficiaire sont excluent de la garantie.

De plus, GMB a constaté que les pentes des terrains voisins sont plus élevées et que les eaux de ruissèlements peuvent s'égoutter sur le terrain des bénéficiaires. Ce qui occasionne un surplus d'eau qui peut modifier la hauteur de la nappe phréatique. L'aménagement du terrain des bénéficiaires ne permet pas l'éloignement des eaux de ruissèlements de la fondation. La clause 1.3.9 du contrat de garantie stipule que [] tout ouvrage situé à l'extérieur du bâtiment tels le terrassement, les allées et le système de drainage des eaux de surface du terrain sont exclus de la garantie.

2. ocre ferreuse

Les bénéficiaires ajoutent ce point. Ils mentionnent qu'il y a présence de la bactérie d'ocre ferreuse depuis le changement du drain français.

GMB a constaté dans le puisard, une substance rougeâtre et gélatineuse.

La clause 1.3.7 du contrat de garantie stipule que la réparation des dommages résultant des sols contaminés y compris le remplacement des sols eux-mêmes est exclue de la garantie.

Par conséquent, La Garantie des Maîtres Bâtisseurs Inc. ne peut reconnaître ces points dans le cadre de son mandat.

………..

Michel Thibault

Responsable technique»

 

[4]          Dans son témoignage le bénéficiaire a déclaré avoir eu deux infiltrations d'eau au sous-sol, l'une en 2004, pour laquelle il a été payé par son assurance et une autre en avril 2005 (pièce A-4), et les réparations ont été faites par l'entrepreneur lui-même en juillet 2005.  Sur le premier point de la décision de l'administrateur, le bénéficiaire a témoigné à l'effet que la nappe phréatique était à moins de 3 pouces du dessus de la dalle de béton du sous-sol.  Le soussigné a été à même de constater qu'il était exact que la nappe phréatique touchait au plancher de béton qui a environ 4 pouces d'épaisseur.  Le bénéficiaire continue son témoignage en disant, que, l'été, il est obligé de faire fonctionner continuellement 2 déshumidificateurs pour éviter que l'humidité soit sur les murs dans son sous-sol qui est complètement fini à l'exception du plafond.

[5]          De plus, il se dégage une senteur insupportable du puisard dit-il.  Pour cette senteur, le bénéficiaire a dit qu'elle était plus forte en été; et le soussigné a, tout de même,  pu reconnaître une senteur désagréable au dessus du puisard. 

[6]          Le bénéficiaire trouve qu'il a fini le sous-sol en pure perte.  On ne peut pas y dormir et on ne peut pas y regarder la télévision, par exemple, car la senteur y est trop mauvaise.  Il admet que l'entrepreneur a fait installer une pompe dans un puisard et qu'il ne la fait plus fonctionner, car elle est trop bruyante d'une part, et à cause de l'ocre ferreuse, l'évacuation de l'eau dans sa cour vers l'égout pluvial de la rue occasionne une décoloration dans son stationnement recouvert de pierres.

[7]          En fait, continue t'il,  la nappe phréatique monte sur le béton du sous-sol à l'automne lors des grandes pluies et au printemps lors de la fonte des neiges.  S'il avait su qu'il finirait par être obligé d'installer une pompe au sous-sol, il n'aurait jamais acheté cette maison.

[8]           Le bénéficiaire ajoute que les mauvaises senteurs viennent de l'ocre ferreuse.

[9]          La bénéficiaire intervient et dit qu'il y a une façon de corriger le problème et c'est de lever la maison et de mettre une membrane.

[10]      Le bénéficiaire déplore qu'il ne soit plus assurable pour les inondations au sous-sol, qu'il ne puisse pas finir le sous-sol complètement à cause de la mauvaise odeur, de l'eau et de l'humidité. Le bénéficiaire dit ensuite que la maison est assise dans la nappe phréatique et que l'eau fait de l'humidité sur le plancher au point que la peinture n'y tient pas.  Le véritable problème, dit-il, c'est que la maison est assise dans l'eau. 

[11]      Le bénéficiaire termine son témoignage en disant que l'assureur les a payés une fois et qu'ils ne peuvent plus être assurés pour les inondations, qu'ils ne peuvent pas vendre leur maison sans les corrections appropriées, après avoir eu 4 fois des dégâts d'eau, alors que l'entrepreneur et l'administrateur savent pertinemment qu'il faut lever la maison et mettre une membrane s'ils veulent éliminer l'eau, l'humidité et la senteur. 

[12]      La bénéficiaire termine la preuve des bénéficiaires en disant que l'eau perle sur tout le plancher chaque fois que la nappe phréatique monte au sous-sol et qu'il ne peut pas y avoir convenablement une salle familiale et une chambre à coucher. 

[13]      Jasmin Girard, président directeur général chez l'administrateur, témoigne à l'effet que l'ocre ferreuse n'est pas contestée, c'est évident, dit-il, et ça vient avec  l'odeur.  Il admet qu'il ne faut pas que l'eau pompée soit évacuée autour de la maison mais à l'égout pluvial de la rue.  Il dit que la maison des bénéficiaires est la première qui ait été construite dans le secteur.  Pour les autres maisons, elles sont plus hautes, car l'on s'est aperçu que la nappe phréatique était plus haute que l'on ne le croyait.  La municipalité a surélevé la rue et les autres maisons ont été bâties un peu plus haut.  À une question de la bénéficiaire, le témoin répond que le terrain de la maison en arrière de leur maison est de 25 à 26  pouces plus haut que leur terrain.

[14]      L'entrepreneur a témoigné dans le même sens que M. Jasmin Girard.

 

 

ANALYSE DE LA PREUVE

 

 

[15]      L'intention du législateur dans le Règlement sur le Plan de Garantie des maisons neuves est, avant tout, la protection du consommateur, soit celui que le Règlement nomme, à juste titre, le bénéficiaire.  Et dans la Loi sur la protection du consommateur à laquelle s'apparente le Règlement, on peut lire à l'article 17: " En cas de doute ou d'ambiguïté, le contrat doit être interprété en faveur du consommateur.» 

[16]      La Causa Causans (cause causante), soit la cause déterminante, génératrice des problèmes, i.e. sans laquelle les problèmes n'auraient pu survenir, c'est la nappe phréatique élevée.

[17]      La Causa Proxima, la cause immédiate des problèmes, c'est l'infiltration d'eau.

[18]      À l'article 10 du Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs, on peut lire: « La Garantie d'un plan dans le cas d'un manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir: …10 …2…30 …40

«50 La réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les cinq ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles de leur première manifestation …»

[19]      On ne peut pas invoquer une exclusion à moins que ce ne soit mentionné de façon claire et précise; il n'y a pas de preuve que la nappe phréatique et/ou l'ocre ferreuse soient incluses dans les exclusions du Règlement.

[20]      Les critères de contamination et d'imputabilité ne sont pas clairement définis dans le Règlement; il y a place à interprétation en faveur des consommateurs.

[21]      L'ocre ferreuse, nommément, n'est pas dans les exclusions du Règlement.

[22]      Ensuite, l'inspecteur Thibault, pour soutenir la décision de l'administrateur, a produit comme pièce A-20 ainsi qu'il appert de la liste des pièces produites par l'administrateur, une décision arbitrale, (René Blanchet, arbitre, centre d'arbitrage commercial national et international du québec. no : 02-0708 en date du 3 février 2003), par laquelle l'arbitre soussigné n'est pas lié, car il s'agit d'une décision d'un tribunal de même juridiction que pour le présent dossier, et est-il bon d'ajouter, dans un contexte bien différent.

[23]      L'ocre ferreuse constitue un problème qui donne plus d'acuité à l'inondation sporadique du sous-sol.

[24]      De la preuve, le soussigné en déduit que l'ocre ferreuse crée un problème additionnel à la nappe phréatique élevée lors d'infiltrations récurrentes d'eau au sous-sol.

[25]      Pour un professionnel de la construction, la nappe phréatique était décelable et l'entrepreneur n'aurait pas dû creuser aussi profondément.

[26]      Il y a une preuve non contredite que la maison des bénéficiaires est assise dans la nappe phréatique avec le résultat qu'il y a de l'eau sur le plancher lors de fortes pluies, et de l'humidité sur les murs même en été.  L'administrateur admet que c'est la première maison qui a été construite dans le secteur.  Quand l'entrepreneur s'est aperçu que la nappe phréatique était élevée, il a construit les autres maisons plus hautes d'environ 2 pieds pour éviter qu'elles ne soient dans la nappe phréatique.  Il ne fait aucun doute que c'est la nappe phréatique élevée qui a causé le problème d'eau et que, sans cela, il n'y aurait pas de présence d'ocre ferreuse dans le puisard ou dans les drains.  Dans les faits, on n'aurait pas besoin de puisard si la dalle de béton n'était pas construite dans la nappe phréatique; d'ailleurs, il n'y en avait pas au début.   Quant à l'ocre ferreuse, le soussigné a pu remarquer qu'elle existe abondamment dans le puisard et par voie de conséquence dans les drains qui nécessiteront à plus ou moins longue échéance surveillance et entretien, sans parler de la senteur dans un sous-sol que les bénéficiaires voulaient finir complètement et utiliser.

[27]      En définitive, les bénéficiaires ont servi de cobayes.  L'arbitre a pu constater "de visu",  par des photos et par la preuve testimoniale qu'il s'agit d'un défaut de construction; et l'administrateur de même que l'entrepreneur ont admis avoir corrigé le problème pour les autres maisons dans le secteur en ne bâtissant pas dans la nappe phréatique, mais tout simplement plus haut.

[28]      Et quant aux bénéficiaires, il ne s'agit pas d'un léger inconvénient, à toute fin pratique non corrigé malgré les essais de l'entrepreneur et le soutien de l'administrateur, mais d'un sérieux défaut de construction affectant la maison, sa valeur, son utilisation et sa revente, à cause de la nappe phréatique trop élevée par rapport à la dalle de béton du sous-sol.

[29]      Selon la preuve présentée, les bénéficiaires n'auraient pas acheté s'ils avaient connu la situation actuelle de nappe phréatique, de senteur et de bruit de pompe.

[30]      Voici quelques notes tirées du Code National du Bâtiment-Canada 2005:  

1)                  9.12.2.1

Il ne doit pas y avoir d'eau accumulée dans une excavation.

 

2)                  9.13.2.1.2

Les planchers sur sol doivent être protégés contre l'humidité.

 

3)                  9.14.1.3.1

Le drainage sous les planchers sur sol doit être conforme à la section 9.16.

4)                  Plus généralement, les articles d'application sont 9.12, 9.13, 9.14, et 9.16.

[31]      L'article 2118 du Code civil du Québec qui rend l'entrepreneur responsable de vice du sol édicte :

     «À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol.»

[32]      L'une des principales obligations du vendeur est la garantie de la qualité sans qu'il soit nécessaire de la stipuler (article 1716 c.c.Q.):

«Le vendeur est tenu de délivrer le bien, et d'en garantir le droit de propriété et la qualité.

Ces garanties existent de plein droit, sans qu'il soit nécessaire de les stipuler dans le contrat de vente.»

[33]      En jurisprudence, le soussigné s'est inspiré de 4 causes :

1. Danielle Bélanger c. Denis Turcotte et als - C.S. 765-05-000270-9641999-07-19 - Danielle Richer, J.C.S. REJB 1999-14169 :

« 88. Le Tribunal est d’avis que, dans le cas qui nous concerne, l’immeuble de l’acheteur est affecté de vices majeurs, et qu’une personne raisonnable n’accepterait pas d’acheter une maison de cette qualité dans un tel état.  Si le drain français peut facilement être refait, il n’en est pas de même de la hauteur de la fondation dans le sol.  Le fait que la fondation soit inférieure au niveau de la nappe phréatique à certaines périodes de l’année, ne se corrigera pas et les conséquences et risques  d’infiltration persisteront toujours, et ce, même en adoptant la solution proposée de la pompe submersible et de la fausse rétention dans le plancher du sous-sol.  Ce n’est pas une solution parfaitement satisfaisante, d’une part parce que la propriétaire ne voulait pas lors de l’achat et ne veut toujours pas de ce type de problème.  Ces installations nécessitent de la surveillance et de l’entretien.  D’autre part, la propriétaire est aussi à la merci de l’électricité.  Or, en cas de panne prolongée pendant une pluie torrentielle, ou à la fonte des neiges, l’infiltration reviendra.  C’est un cas clair où il n’y a pas de solution étanche à cause du niveau de la nappe phréatique qui se situe au-dessus du plancher du sous-sol, et à plus forte raison, au-dessus du drain français.  La propriétaire est en droit d’exiger l’élimination complète des vices de construction.»         

2. Beauchamp c. Lepage - C.S. 700-05-006791-986 - 2001-03-26REJB 2001-25566

« Le vice qui affecte la maison est un vice grave.  En effet, la construction des fondations n’est pas conforme au Code national du bâtiment du Canada et la maison est située sur un emplacement où la nappe phréatique est haute.  Cette non-conformité empêche la maison d’être prémunie contre les infiltrations d’eau.  De plus, le sous-sol ne peut être utilisé et l’environnement est inconfortable, ce qui rend la maison impropre à l’usage.  Peu importe la solution adoptée, même s’il s’agissait de celle proposée par l’expert-ingénieur, les travaux de réfection seront très coûteux, ce qui ajoute à la gravité du vice.  Pour toutes ces raisons, il semble approprié d’accorder la résolution de la vente.»

3. Varin c. Laprade - C. Q. 550-02-001851-955 - REJB 1998-05724 :

« Le vice fondamental dont est en effet affecté le bâtiment des demandeurs ne tient pas à l’infiltration d’eau dans la cave, mais s’identifie plutôt au fait que les fondations ont été coulées dans la nappe phréatique.  Vues sous cet angle, les infiltrations ne sont donc pas constitutives du vice.  Elles apparaissent plutôt comme en étant les conséquences.»

         4. Grondin c. Cloutier C.S.-540-05-002706-9701999-05-20 REJB 1999-13282 le juge    Pierre J. Dalphond:

« i) vice grave:

29. La construction d'un immeuble d'une manière non conforme quant à la profondeur des fondations par rapport à la nappe phréatique constitue un vice grave. Ce vice rend actuellement le sous-sol impropre pour les fins envisagées par les acheteurs, notamment une salle familiale aménagée. Même si les demandeurs peuvent utiliser cette pièce, il demeure qu’ils doivent toujours en planifier l’usage en fonction des saisons et du risque d’infiltrations d’eau (enlèvement des tapis, surélévation des meubles, non-reconstruction d’un plancher de bois, …).  Cela diminue de beaucoup l’usage du sous-sol, une pièce essentielle pour les demandeurs.  Il s’agit d’un vice grave. »

[34]      Les bénéficiaires n'ont commis aucune faute ainsi qu'il ressort de l'ensemble de la preuve et contrairement  à ce qui est mentionné dans la décision de l'administrateur.

[35]      L'entrepreneur devra donc faire les correctifs qui s'imposent pour que la dalle de béton du sous-sol ne baigne plus dans la nappe phréatique.

[36]      L'entrepreneur devra corriger les problèmes d'entretien régulier et les problèmes de senteur désagréable.

 

 

LES CONCLUSIONS

 

[37]      PAR CES MOTIFS, l'arbitre,

[38]      CONSIDÉRANT la preuve testimoniale et la preuve écrite,

[39]      CONSIDÉRANT le Code civil du Québec,

[40]      CONSIDÉRANT le Règlement sur le Plan de Garantie des bâtiments résidentiels neufs,

[41]      CONSIDÉRANT le Code national du bâtiment,

[42]      CONSIDÉRANT la Loi sur la qualité de l'environnement,

[43]      CONSIDÉRANT la jurisprudence,

[44]      CONSIDÉRANT qu'il est anormal que le sous-sol baigne dans la nappe phréatique,

[45]      CONSIDÉRANT qu'il était facile de savoir et de s'apercevoir, pour un entrepreneur, qu'il y avait une nappe phréatique élevée et qu'il s'agit, à cet endroit, de la nature du sol, du terrain vendu par l'entrepreneur,

[46]      CONSIDÉRANT que l'entrepreneur a commis une erreur en construisant la dalle de béton dans la nappe phréatique,

[47]      CONSIDÉRANT que le sous-sol est actuellement d'utilisation restreinte et inconfortable,

[48]       CONSIDÉRANT que le sous-sol est impropre aux fins envisagées par les bénéficiaires, notamment pour une salle familiale aménagée avec T.V. et une chambre à coucher,

[49]      CONSIDÉRANT que les bénéficiaires sont en droit d'avoir un plancher de sous-sol étanche et sec,

[50]      CONSIDÉRANT que la ville de La Plaine peut avoir un intérêt à ce que l'eau de la nappe phréatique ne soit pas déversée dans son drain pluvial ou sanitaire,

[51]      CONSIDÉRANT qu'il y a lieu d'apporter des correctifs pour une solution complète, totale et définitive du litige,

[52]      CONSIDÉRANT que la situation actuelle nécessite surveillance et entretien, d'une part, et affecte la valeur de la maison, d'autre part,

[53]      CONCLUT que la demande des bénéficiaires est couverte par le Plan de Garantie,

[54]      REJETTE la décision de l'administrateur comme non fondée en fait et en droit,

[55]      ORDONNE à l'entrepreneur de faire les correctifs nécessaires pour que la dalle de béton du sous-sol du bâtiment ne baigne plus dans la nappe phréatique,

[56]      ORDONNE à l'entrepreneur de corriger le problème d'eau et de rendre imperméable l'infrastructure de la maison afin d'éviter toutes infiltrations d'eau éventuelles,

[57]      ORDONNE à l'entrepreneur d'obtenir les permis nécessaires de la ville de La Plaine,

[58]      ORDONNE à l'entrepreneur de respecter le Code national du bâtiment, le Règlement de construction de la ville de La Plaine et les règles de l'art,

[59]      ORDONNE à l'entrepreneur d'obtenir, à la fin des travaux une attestation de conformité au Règlement de construction de la ville de La Plaine,

[60]       Le tout dans un délai maximum de 5 mois de la date des présentes.

[61]      RÉSERVE les recours des bénéficiaires pour une action quanti minoris, ou une action rédhibitoire devant un tribunal de droit commun.

 

 

 

COÛTS

[62]      Les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’administrateur conformément à l’article 123 du Règlement.

 

 

                                                                                                   Montréal, 20 février 2007

 

 

 


                                                                                                   Marcel Chartier, avocat

                                                                                                          Arbitre (Soreconi)