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 CANADA                                                                  Société pour la Résolution                                                                                              des Conflits Inc. (SORECONI)

Province DE quÉbec

district DE montrÉal                                      tribunal D’ARBITRAGE

 

 

NREF. / soreconi :                        050317002                              montréal, 17 juin 2005

NO REF. / ARBITRE:                            13 249-5

___________________________________

 

                                                                                    ALBERTO GUERRERA

                                                                                    ANGELINA MANCINI

 

                                                                                                « Bénéficiaires » /                                                                                                                                  Demandeurs

 

                                                                                    c.

 

                                                                                    LES CONSTRUCTIONS NASLIN INC.

 

                                                                                                « Entrepreneur » /

                                                                                                Défenderesse

 

                                                                                    -ET-

 

                                                                                    La Garantie DES BÂTIMENTS                                                                       RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ                                                                       Inc.

 

                                                                                    « Administrateur » /

                                                                                    Mise en cause

___________________________________

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE


APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DES PROCÉDURES, ENTENDU LA PREUVE ET Les ARGUMENTS DES  parties, le tribunal d’arbitrage rend la dÉcision suivante:

 


1.                  FAITS ET PROCÉDURES

 

Le 2 décembre 1999, les Bénéficiaires ont signé un contrat avec l’Entrepreneur pour l’achat d’une maison dont ils prirent possession le 15 juin 2000.  Cependant, en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, ce n’est que le 21 février 2001 que la réception de l’ouvrage eut lieu et c’est à ce moment que les parties ont inspecté la résidence avec l’Entrepreneur et consigné par écrit les déficiences, tel qu’en fait foi le document de réception mis en preuve (Pièce A-3).  À cet égard, l’Administrateur admet que c’est à cette date que la réception du bâtiment a eu lieu et qu’en conséquence, les délais relativement à la protection du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs débutent.

 

Au cours de l’hiver 2000, les Bénéficiaires se sont aperçus que la maison était très froide et ont communiqué avec l’Entrepreneur afin qu’il remédie au problème.  Cela a été mentionné, en rapport au foyer, dans le document de réception de l’ouvrage (Pièce A-3) du 21 février 2001.  Il apparut aux Bénéficiaires et à l’Entrepreneur que le problème semblait découler d’une mauvaise isolation du foyer situé dans la pièce principale de la maison.  Les travaux furent effectués par l’Entrepreneur au niveau du foyer mais cela n’a pas éliminé le problème plus général.

 

Après plusieurs hivers froids et plusieurs visites de l’Entrepreneur ainsi qu’après de  nombreuses tentatives de ce dernier de remédier au problème, les Bénéficiaires ont communiqué, en août 2004, avec l’Administrateur afin d’obtenir des informations sur le processus à suivre lors du dépôt d’une plainte formelle contre un entrepreneur.  Selon le témoignage des Bénéficiaires, la personne contactée chez l’Administrateur, Madame Speza, leur aurait indiqué qu’ils devaient faire parvenir une mise en demeure à l’Entrepreneur, laquelle fut reçue par l’Entrepreneur le 15 août 2004.  Selon ces mêmes témoignages, elle leur aurait aussi indiqué qu’une copie de ladite mise en demeure devait être acheminée à l’Administrateur uniquement si l’Entrepreneur ne donnait pas suite à leur demande.  Le Tribunal d’arbitrage reviendra sur cet aspect ultérieurement, car ce fait a une importance dans la chronologie du présent dossier.  Néanmoins, tous s’entendent sur le fait que ladite copie de la mise en demeure fut reçue par l’Administrateur le 19 octobre 2004 lors du dépôt de la demande formelle par les Bénéficiaires.

 

Lors de l’audition de la présente affaire, les Bénéficiaires et l’Entrepreneur en sont venus à un règlement hors cour auquel les Bénéficiaires et l’Entrepreneur sont liés et dont le présent Tribunal d’arbitrage a pris acte et a ordonné aux Bénéficiaires et à l’Entrepreneur de s’y conformer, l’Administrateur n’étant pas partie à l’entente intervenue entre les autres parties.  Une copie du règlement hors cour est annexée à la présente décision.

 

L’Administrateur requiert du présent Tribunal d’arbitrage qu’il statue sur le bien fondé de sa décision rendue le 15 décembre 2004 dans le présent dossier à l’effet que la réclamation des Bénéficiaires avait été faite hors délai et qu’en conséquence, ceux-ci ne pouvaient bénéficier ni de la protection de trois (3) ans, ni de celle de cinq (5) ans en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le « Règlement »).

 

2.                  Question en litige

 

Est-ce que la protection de trois (3) ans pour les vices cachés prévue à l’article 10(4) du Règlement ou la protection de cinq (5) ans pour les vices de conception, de construction ou de réalisation et les vices du sol prévue à l’article 10(5) du Règlement s’appliquent ?

 

3.         Analyse et dÉcision

 

A)        Protection de trois (3) ans contre les vices cachés de l’article 10(4) du Règlement

 

Les vices à l’origine des problèmes anormaux (leur caractère anormal a été confirmé par le témoignage à l’audition de Luc Bondaz de l’Administrateur) de froid n’étaient pas apparents lors de l’achat et ne pouvaient être découverts par un examen diligent de la propriété.  De plus, les vices sont apparus de manière graduelle et la ou les cause(s) n’ont pu être identifiées qu’après de multiples travaux et tests de nature exceptionnelle.  En conséquence, il s’agit bien, en principe, de vices cachés en vertu de la loi et de l’article 10(4) du Règlement

 

À cet égard, l’Administrateur soumet au Tribunal d’arbitrage qu’en vertu de l’article 18 du Règlement, la dénonciation écrite doit être faite et transmise à l’Entrepreneur et à l’Administrateur à l’intérieur du délai de trois (3) ans afin d’interrompre la prescription.  Or, une telle interprétation viendrait contredire le texte clair de l’article 10(4) du même Règlement selon lequel les vices doivent être découverts dans les trois (3) ans de la réception de l’ouvrage et dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder six (6) mois de leur découverte afin d’être couverts par la protection créée aux termes dudit article 10(4) du Règlement

 

En effet, une telle interprétation conduirait à dire qu’en fait, les vices doivent être découverts dans les deux (2) ans et demi de la réception dans les circonstances où la dénonciation écrite est faite dans les six (6) mois de la découverte des vices.  Cette interprétation paraît en contradiction avec le Règlement.  D’une part, devant deux (2) dispositions d’une même loi ou d’un même règlement, il faut les interpréter de manière à les réconcilier et de manière à ce que chaque disposition ait un sens.  D’autre part, une telle interprétation n’est pas conforme à l’objectif du Règlement, soit celle de protéger les acheteurs d’un bâtiment résidentiel neuf.  De l’opinion du Tribunal d’arbitrage, l’intention du législateur était d’accorder une telle protection tant à celui qui découvre les vices le premier jour suivant la réception de l’ouvrage qu’à celui qui découvre les vices le jour fatidique avant l’expiration du délai de trois (3) ans.  Au surplus, l’article 18 du Règlement est une disposition de nature procédurale et non une disposition de droit substantif.  En conséquence, les Bénéficiaires devaient dénoncer les vices dans les six (6) mois de la découverte desdits vices et ce, dans la mesure où ladite découverte survient dans les trois (3) ans de la réception de l’ouvrage.  Interpréter le Règlement dans le sens proposé par l’Administrateur voudrait notamment dire que celui qui découvre le vice le dernier jour de la période de trois (3) ans n’aurait, en fait, aucune protection, car il lui serait factuellement impossible de faire la dénonciation dans les délais.  L’interprétation du Tribunal d’arbitrage est également conforme aux interprétations de longue date retenues par les tribunaux de droit commun quant aux délais d’un (1) an (article 2120 Code civil du Québec) et de cinq (5) ans (article 2118 Code civil du Québec) en matière de garantie du contrat d’entreprise ou encore en matière des garanties conventionnelles de durée fixe en vertu du Code civil du Québec.

 

Ainsi, il faut décider si, dans l’instance, les vices cachés en question ont été dénoncés par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans les trois (3) ans et six (6) mois (en autant que le délai de six (6) mois de dénonciation après la découverte est raisonnable dans les circonstances) de la réception de l’ouvrage ?  Dans la présente affaire, les dates importantes à retenir sont les suivantes :

 

a)      le 21 février 2001 : réception de l’ouvrage;

b)      le 15 août 2004 : dénonciation écrite à l’Entrepreneur;

c)      le 20 août 2004 : expiration du délai maximal pour dénoncer par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur des vices découverts; et

d)      le 19 octobre 2004 : dénonciation écrite à l’Administrateur.

 

Considérant la manifestation graduelle des vices, les multiples promesses de réparer par l’Entrepreneur, les multiples travaux et tests et compte tenu de la difficulté pour les parties d’établir l’existence et la nature des vices cachés, les vices cachés en question n’ont été découverts qu’à la fin de la protection de trois (3) ans du Règlement, soit le 20 février 2004.  Ainsi, les Bénéficiaires avaient potentiellement jusqu’au 20 août 2004 pour dénoncer par écrit à l’Entrepreneur et à l’Administrateur ces vices cachés. 

 

La preuve est non équivoque quant à la date de réception de la dénonciation écrite par l’Entrepreneur (15 août 2004) ainsi que quant à la date de réception de la dénonciation écrite par l’Administrateur (19 octobre 2004).  Un fait qui demeure ambigu relève des explications données aux Bénéficiaires par Madame Speza de l’APCHQ lors de l’appel des Bénéficiaires en août 2004.  En effet, selon le témoignage des Bénéficiaires, celle-ci leur aurait affirmé qu’ils devaient envoyer une dénonciation écrite uniquement à l’Entrepreneur.  Vu que l’Entrepreneur s’était montré collaboratif jusqu’à ce jour, elle leur conseilla, selon leurs témoignages, de n’acheminer ladite copie à l’Administrateur que lorsque l’Entrepreneur cesserait de collaborer.  Selon le témoignage des Bénéficiaires, cela explique le délai de deux (2) mois entre l’envoi de la dénonciation écrite à l’Entrepreneur et l’envoi de ladite dénonciation écrite à l’Administrateur.  Par ailleurs, le représentant de l’Administrateur, Monsieur Luc Bondaz, n’a pas été en mesure de préciser la teneur des informations fournies par le service des renseignements de l’APCHQ aux Bénéficiaires ni de nier que ces informations erronées ont été fournies aux Bénéficiaires en l’instance ou de manière générale.  Le Tribunal d’arbitrage n’a aucune raison de douter de la sincérité du témoignage de l’ensemble des parties.  Selon l’argumentation des Bénéficiaires, en raison de l’appel des Bénéficiaires à  l’Administrateur et de ses instructions erronées de ne pas lui envoyer copie de la dénonciation, l’Administrateur renonçait ainsi à recevoir une dénonciation écrite à ce moment et l’Administrateur ne peut plaider maintenant qu’il a reçu la dénonciation en retard.

 

L’Administrateur, pour sa part, nous soumet la décision de Gariépy  c.  Construction J. Thériault Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.[1].  Dans cette affaire, les Bénéficiaires avaient pris possession de leur maison le 23 juin 2001.  Comme aucune réception formelle du bâtiment n’avait été faite, la date de réception a été repoussée par le tribunal d’arbitrage de six (6) mois et fixée au 23 décembre 2001.  Or, au printemps 2002, les premiers problèmes d’infiltration d’eau sont apparus au sous-sol de la résidence et, à l’automne 2002, l’eau entrait de nouveau au sous-sol en raison des tuyaux qui bouchaient.  Une dénonciation verbale à l’entrepreneur de ce fait a été faite.  Celui-ci a changé un tuyau en raison des eaux ferreuses qui le bouchait.  Il appert, selon les faits relatés dans la décision, que les problèmes aient continués mais qu’aucune action de la part de l’entrepreneur n’ait eu lieu après que celui-ci ait changé ledit tuyau, même si celui-ci savait que le problème persistait. 

 

Dans cette décision, l’arbitre décide que la dénonciation verbale des vices à l’entrepreneur dans les six (6) mois de leur découverte n’est pas suffisante; elle doit obligatoirement être faite par écrit et envoyée à l’entrepreneur ainsi qu’à l’administrateur.  Cependant, cette décision s’inscrit dans un contexte différent du présent litige principalement en raison du fait que les bénéficiaires n’avaient pas contacté l’administrateur comme en l’instance.  En conséquence, avec respect pour l’opinion contraire, le Tribunal d’arbitrage considère que cette décision n’est d’aucune utilité pour décider de la demande en l’espèce.

 

En revanche, les Bénéficiaires ont admis, lors de leur témoignage, qu’ils avaient, en tout temps, eu copie du contrat de garantie préliminaire et qu’ils en avaient pris connaissance.  De l’avis du Tribunal d’arbitrage, ils auraient donc dû savoir que la dénonciation devait être envoyée à l’Entrepreneur et à l’Administrateur dans le délai prévu (article 3.3 du contrat de garantie).

 

Même si le Tribunal d’arbitrage considère regrettable que les renseignements qui paraissent avoir été fournis par le service des renseignements de l’Administrateur étaient déficients ou insuffisants, le Tribunal considère que les Bénéficiaires avaient suffisamment de renseignements afin de pouvoir respecter les délais prévus à l’article 10(4) du Règlement et à l’article 3.3 du contrat de garantie et ils ne l’ont pas fait.

 

La dénonciation pour la protection de trois (3) ans en matière de vices cachés à l’Administrateur a donc été faite hors délai, les Bénéficiaires étant, dans les circonstances, forclos de le faire le 19 octobre 2004.  L’Administrateur ne sera donc pas lié par le règlement hors cour intervenu entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur.  

 

B)                Protection de cinq (5) ans contre les vices de construction affectant la solidité de l’immeuble au sens de l’article 2118 C.c.Q.

 

Le Tribunal constate que les problèmes soulevés en l’instance ne sont pas de nature structurale et n’affectant pas la solidité du bâtiment.  En conséquence, la protection de cinq (5) ans prévue à l’article 10(5) du Règlement ne s’applique pas.

 

4.         MONTANT EN LITIGE ET RÉPARTITION DES COÛTS

 

Le montant en litige dans le présent dossier est au moins de cinq mille cent trente dollars et douze cents (5 130, 12 $), tel qu’il appert d’une soumission produite au dossier.  En vertu de l’article 21 du Règlement, le Tribunal d’arbitrage doit départager les coûts de l’arbitrage entre l’Administrateur et les Bénéficiaires lorsque ces derniers n’ont gain de cause sur aucun des aspects de leur réclamation.  Par ailleurs, le Tribunal d’arbitrage ayant noté que la dénonciation écrite faite hors délai est partiellement attribuable au fait regrettable que des informations fournies par le service des renseignements de l’Administrateur n’ont pas eu toute la clarté souhaitable et que les vices en question auraient été couverts par la protection de trois (3) ans de l’article 10(4) du Règlement dans l’hypothèse où les Bénéficiaires avaient agi dans le délai prévu, il apparaît opportun de partager les frais entre l’Administrateur et les Bénéficiaires, ces derniers devant assumer des frais d’arbitrage de cent vingt-cinq dollars (125,00 $) et la différence devant être assumée par l’Administrateur.

 

POUR CES RAISONS, LE Tribunal D’ARBITRAGE:

 

            ENTÉRINE  le Règlement hors cour négocié entre les Bénéficiaires et l’Entrepreneur eux-mêmes lors de la séance d’arbitrage et annexé à la présente sentence arbitrale et ORDONNE aux Bénéficiaires et à l’Entrepreneur de s’y conformer;

 

            REJETTE la demande d’arbitrage;

 

            CONDAMNE les Bénéficiaires et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc. à payer les frais encourus dans le présent litige, la somme devant être répartie entre elles de la façon suivante: cent vingt-cinq dollars (125,00 $) pour les Bénéficiaires et le solde par La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

____________________________________
Me Jeffrey Edwards, arbitre

Pour les Bénéficiaires :

Eux-mêmes

3164, rue des Gouverneurs

Laval, (Québec)  H7E 5L2

 

Pour l’Entrepreneur :

Monsieur Domenic Nasella, président

Les constructions Naslin Inc.

Case postale 320

Succursale Montréal-Nord

Montréal-Nord, (Québec)  H1H 5L4

 

Pour l’Administrateur :

Monsieur Luc Bondaz

La garantie des maisons neuves de l’APCHQ
5930, boulevard Louis-H.-Lafontaine
Montréal, (Québec)  H1M 1S7

 

Audition:                                               1er juin 2005

Décision arbitrale:                                17 juin  2005



[1] SORECONI, 19 mai 2005, Me Marcel Chartier, arbitre.