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ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

(Loi sur le bâtiment, L.R.Q., c. B-1.1)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment : Société pour la résolution des conflits inc. - SORECONI

 

 

ENTRE :

 

Syndicat de copropriété 4767 à 4827

8e Avenue et 3189 rue Claude-Jodoin

 

 

 

 

 

                   (ci-après « le Bénéficiaire »),

 

 

 

ET :

 

St-Luc Habitation inc.

 

 

                   (ci-après « L’Entrepreneur »),

 

 

 

ET :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.

 

 

                   (ci-après « L’Administrateur »).

 

 

 

No dossier SORECONI : 09 1221002

 

 

 

 

DÉCISION ARBITRALE

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

 

 

 

Pour le Bénéficiaire :

 

Monsieur Jeremy Wisniewski

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

 

Me Michel Seméteys

 

 

 

Pour l’Administrateur :

 

Me François Laplante


 

 

 

Date de la décision :

 

27 avril 2010

 

 

Identification complète des parties:

 

 

 

Arbitre :

 

Me Albert Zoltowski

1010, de la Gauchetière Ouest

Bureau 950

Montréal (Québec) H3B 2N2

 

 

 

Bénéficiaire :

 

Syndicat de copropriété 4767 à 4827, 8e Avenue et 3189 rue Claude-Jodoin

Montréal (Québec) H1Y 3P3

 

À l’attention de monsieur Benoît Gaudet

 

 

 

Entrepreneur :

 

St-Luc Habitation inc.

8000, boulevard Langelier

Montréal (Québec) H1P 3K2

 

À l’attention de : Monsieur Patrick Varin, président

 

 

 

Administrateur :

 

La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc..

5930, boul. Louis-H.-Lafontaine

Anjou (Québec) H1M 1S7

 

À l’attention de Me François Laplante

 

 

Mandat :

 

L’arbitre a reçu son mandat du Centre Canadien d’Arbitrage Commercial le 21 décembre 2009.

 

 

Historique partiel du dossier :

 

24 avril 2009 :

Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur, avec copie à l’Entrepreneur, concernant les fissures au mur de soutènement des garages;

 

 

13 mai 2009 :

Lettre de demande du Bénéficiaire à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur;

 

 

4 juin 2009 :

Lettre de l’Entrepreneur au Bénéficiaire, avec copie à l’Administrateur concernant les correctifs proposés;

 

 

6 août 2009 :

Inspection supplémentaire du bâtiment par l’Administrateur;

 

 

11 août 2009 :

Rapport d’expertise de la firme ProspecPlus mandatée par le Bénéficiaire;

 

 

12 août 2009 :

Lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur avec une copie du rapport d’expertise de la firme ProspecPlus;

 

 

30 septembre 2009 :

Lettre de l’Entrepreneur au Bénéficiaire concernant le mur contre le gel (frost pit) et autres sujets;

 

 

7 octobre 2009 :

Décision de l’Administrateur;

 

 

20 octobre 2009 :

Lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur (objet : lettre de St-Luc Habitation du 30 septembre 2009 et décision de l’APCHQ du 7 octobre 2009);

 

 

5 novembre 2009 :

Lettre de l’Entrepreneur à l’Administrateur avec copie au Bénéficiaire maintenant sa proposition du 4 juin 2009 et constatant le manque d’accès au bâtiment;

 

 

12 novembre 2009 :

Lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur avec copie à l’Entrepreneur concernant la décision du 7 octobre 2009 et la lettre de l’Entrepreneur du 5 novembre 2009;

 

 

18 novembre 2009 :

Lettre de l’Administrateur à l’Entrepreneur, avec copie au Bénéficiaire;

 

 

18 novembre 2009 :

Lettre de l’Administrateur au Bénéficiaire l’enjoignant d’autoriser l’Entrepreneur à effectuer les travaux de correction;

 

 

14 décembre 2009 :

Réception par l’organisme d’arbitrage SORECONI de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

 

 

21 décembre 2009 :

Nomination de l’arbitre;

 

 

14 janvier 2010 :

Réception par le tribunal d’arbitrage du cahier de pièces de l’Administrateur;

 

 

19 janvier 2010 :

Avis d’audience préliminaire aux parties;

 

 

25 janvier 2010 :

Audience préliminaire par voie téléphonique;

 

 

9 février 2010 :

Avis d’audience;

 

 

8 mars 2010 :

Audience;

 

 

9 mars 2010 :

Réception par le tribunal d’arbitrage de la jurisprudence supplémentaire de l’Administrateur;

 

 

9 mars 2010 :

Réception par le tribunal d’arbitrage de la jurisprudence du procureur de l’Entrepreneur;

 

 

11 mars 2010 :

Courriel du représentant du Bénéficiaire «aucun commentaire additionnel»;

 

 

27 avril 2010 :

Décision arbitrale.

 

 

 

 

DÉCISION

 

Introduction

 

[1]           Au printemps 2009, le Syndicat des copropriétaires d’un bâtiment (le « Bénéficiaire ») a dénoncé par écrit à l’Entrepreneur l’aggravation de fissures dans un long mur de soutènement qui borde l’accès aux garages souterrains du bâtiment, et ce malgré les réparations de fissures à ce mur effectuées par l’Entrepreneur dans le passé.

 

[2]           Après un échange de correspondance entre le Bénéficiaire, l’Entrepreneur et l’Administrateur, ce dernier procède à une inspection du mur en question le 6 août 2009. Ensuite, il transmet aux parties sa décision datée du 7 octobre 2009.

 

[3]           Après réception de cette décision de l’Administrateur, un autre échange de correspondance entre les trois parties a lieu, y compris une lettre de l’Administrateur à l’Entrepreneur et une autre au Bénéficiaire, toutes deux datées du 18 novembre 2009.

 

[4]           Le Bénéficiaire dépose sa demande d’arbitrage auprès de la Société de résolution des conflits inc. - SORECONI le 14 décembre 2009.

 

[5]           Une audience préliminaire par voie téléphonique a lieu le 25 janvier 2010. Selon les représentations des parties, le tribunal d’arbitrage constate que l’un des principaux points en litige concerne la nature des mesures correctives qui doivent être faites par l’Entrepreneur. Lors de cette audience, le représentant de l’Entrepreneur annonce que, selon lui, ni l’Administrateur, ni le tribunal d’arbitrage n’a le pouvoir d’ordonner des mesures correctives spécifiques à l’Entrepreneur. Il déclare que lors de la prochaine audience, l’Entrepreneur sera représenté par un procureur et contestera les pouvoirs du tribunal d’arbitrage, le cas échéant, de lui ordonner des mesures correctives spécifiques. Il ne fera entendre aucun témoin lors de cette audience.

 

[6]           Quelques jours plus tard soit le 29 janvier 2010, le Bénéficiaire transmet aux autres parties et au tribunal d’arbitrage les conclusions qu’il recherche par sa demande d’arbitrage, principalement celle d’ordonner à l’Entrepreneur de remplacer ou de faire remplacer le mur de soutènement selon les modalités recommandées dans l’expertise datée du 11 août 2009 de la firme ProspecPlus  qu’il a mandatée.

 

[7]           Une audience est tenue le 8 mars 2010 au 1010 de la Gauchetière Ouest, bureau 950 à Montréal, en présence des personnes suivantes :

 

a)    Monsieur Jeremy Wisniewski, le mandataire du Bénéficiaire;

b)    Monsieur Benoît Gaudet, le président du Bénéficiaire;

c)    Me Michel Sométeys, le procureur de l’Entrepreneur;

d)    Me François Laplante, le procureur de l’Administrateur et

e)    Monsieur Yvan Mireault, architecte et inspecteur-conciliateur au Service de conciliation de l’Administrateur.

 

Juridiction

 

[8]           Aucune objection préliminaire à la constitution du tribunal ou à la tenue de l’audition n’ayant été soulevée, le tribunal déclare que juridiction lui est acquise.

 

Questions en litige

 

[9]           Au début de l’audience, les procureurs des parties ont convenu que les questions qui seront débattues lors de cette première audition sont les suivantes :

 

1.        Le délai pour le dépôt de la demande d’arbitrage

 

                        Est-ce que le Bénéficiaire a soumis sa demande d’arbitrage dans le délai de 30 jours prévu au Règlement?  Si non, est-ce que ce délai peut être prorogé par le tribunal d’arbitrage?

 

                        En ce qui concerne cette première question, les parties reconnaissent que si la demande d’arbitrage du Bénéficiaire vise une ou des décisions de l’Administrateur rendue(s) le 18 novembre 2009, cette demande a été déposée auprès de l’organisme d’arbitrage SORECONI à l’intérieur du délai de 30 jours. Il s’ensuit que cette question demeure pertinente seulement si la décision de l’Administrateur attaquée par le Bénéficiaire est celle du 7 octobre 2009.


 

2.        La compétence du tribunal d’arbitrage

 

                        Advenant une réponse affirmative du tribunal d’arbitrage à la première question, la deuxième question est de savoir si ce tribunal a la compétence pour ordonner des mesures correctives spécifiques à l’Entrepreneur.

 

Preuve du Bénéficiaire

 

Témoin monsieur Benoît Gaudet

 

[10]         L’unique témoin du Bénéficiaire est monsieur Benoît Gaudet. Le tribunal d’arbitrage retient de son témoignage ce qui suit :

 

[11]         Il est le président du Syndicat des copropriétaires du bâtiment (le Bénéficiaire) depuis juin 2006.

 

[12]         Il s’agit d’un bâtiment de deux étages construit en 2003 par l’Entrepreneur et qui comprend 8 unités de condominium. Selon la compréhension du tribunal, il s’agit du bâtiment portant les adresses 4767 à 4827, 8e Avenue et 3189 rue Claude-Jodoin à Montréal.

 

[13]         Le problème concerne le mur de soutènement qui longe l’entrée donnant accès aux garages souterrains du bâtiment.

 

[14]         La longueur de ce mur est de quelque 150 pieds. Il augmente en hauteur en partant de l’entrée et en se dirigeant vers les emplacements des garages. Sa partie la plus haute mesure quelque 1,5 mètres.

 

[15]         Le témoin réfère à une première décision de l’Administrateur émise en 2005 relativement aux fissures affectant ce mur. Cette décision n’est pas déposée en preuve ou autrement communiquée au tribunal d’arbitrage.

 

[16]         Il déclare que le Bénéficiaire a avisé l’Administrateur en mai 2006 que l’état du mur de soutènement s’était encore aggravé après l’inspection de l’Administrateur du 28 août 2005. Le témoin dépose sous la cote B-1 en liasse, une lettre du Bénéficiaire signée par monsieur Gauthier un administrateur du Bénéficiaire, et datée du 8 mai 2006. Cette lettre est accompagnée de 6 photos démontrant les fissures et autres problèmes décrits par monsieur Gauthier.

 

[17]         En 2009, les problèmes du mur de soutènement ont continué de s’aggraver. Le témoin réfère à sa propre lettre du 13 mai 2009 adressée à l’Entrepreneur, avec copie à l’Administrateur (pièce A-2) dont les deux derniers paragraphes se lisent comme suit :

 

                  «Nous avons été à même de constater à la mi-avril 2009 que non seulement les interventions que vous avez faites sur le mur n’ont pas réglé le problème, mais qu’en plus, le mur de béton s’est fissuré de façon importante à plusieurs endroits aux abords des boutons d’ancrage que votre entreprise a installés pour relier la structure d’acier au mur de béton (voir photos ci-jointes).

 

                  En tenant compte de ces nouveaux éléments apparus au printemps 2009, nous vous enjoignons de proposer dans un délai de 15 jours à notre Syndicat de copropriété de quelle façon vous entendez remédier à la situation afin d’apporter les correctifs nécessaires afin de solutionner définitivement ce problème.

 

                  Bien à vous,

 

                  Benoît Gaudet,

                  Administrateur »

 

[18]         Il témoigne que l’Entrepreneur a répondu à cette invitation par une lettre datée du 4 juin 2009 (pièce A-3) dont le premier paragraphe se lit comme suit :

 

                  «Objet : Votre lettre du 13 mai 2009

 

                  Monsieur,

 

                  La présente est pour vous informer du correctif proposé afin d’assurer la solidité et la stabilité structurale du mur de soutènement et de la structure d’acier supportant les terrasses. »

 

Dans les trois paragraphes qui suivent, l’Entrepreneur décrit les mesures correctives qu’il propose.

 

[19]         Ensuite, le Bénéficiaire confie le mandat à une firme d’ingénieurs, ProspecPlus  Conseils inc. (ci-après appelée « ProspecPlus ») afin de constater l’ampleaur des dommages au mur de soutènement et commenter les mesures correctives proposées par l’Entrepreneur dans sa lettre précitée du 4 juin 2009.

 

[20]         Le Bénéficiaire avise l’Entrepreneur et l’Administrateur de ce mandat confié à ProspecPlus  par lettre du 23 juin 2009 (pièce A-4). Dans sa lettre, le Bénéficiaire confirme à l’Entrepreneur ceci :

 

                  «Également, nous avons sollicité auprès de l’APCHQ une inspection afin de discuter votre proposition et des solutions afin de remédier à la situation. »

 

[21]         Le 4 août 2009, le Bénéficiaire transmet le rapport préliminaire de ProspecPlus  à l’Administrateur. Ce rapport n’est pas déposé en preuve.

 

[22]         Deux jours plus tard, le 6 août 2009, monsieur Yvan Mireault, architecte  et inspecteur-conciliateur au Service de conciliation de l’Administrateur effectue une inspection du mur de soutènement. Lors de cette inspection, le témoin et monsieur Mireault lisent le rapport préliminaire de ProspecPlus  et en discutent.

 

[23]         Monsieur Gaudet déclare que lors de cette réunion avec monsieur Mireault, il lui a spécifiquement demandé que les problèmes affectant le mur de soutènement soient réglés de façon définitive et rapidement car l’état du mur se dégradait à chaque hiver.

 

[24]         Environ une semaine plus tard, le 12 août 2009, le Bénéficiaire transmet le rapport final de ProspecPlus  à l’Administrateur et à l’Entrepreneur (voir la lettre du Bénéficiaire du 12 août 2009 déposée comme pièce A-6). Dans cette lettre, le Bénéficiaire demande à l’Entrepreneur de lui présenter ses commentaires au sujet de ce rapport final de ProspecPlus.

 

[25]         Environ un mois et demi plus tard, le Bénéficiaire reçoit de l’Entrepreneur une lettre datée du 30 septembre 2009 (pièce A-7) dans laquelle ce dernier l’informe :

 

                  «Objet : Votre lettre du 12 août 2009

 

                  Suite à votre lettre du 12 août dernier, nous vous informons, que contrairement aux dires de ProspecPlus , il y a effectivement un mur contre le gel (frostpit) en place. Nous maintenons notre offre du 4 juin pour effectuer les corrections telles que décrites sur notre lettre. »

 

 

[[26]           Quelques jours passent et le témoin reçoit la décision de l’Administrateur sous la plume de monsieur Mireault, datée du 7 octobre 2009.

 

[27]            Le témoin réfère à cette décision dont la partie pertinente se lit comme suit :

 

                  «18.       FISSURES AU MUR DE SOUTÈNEMENT DES GARAGES

 

            Les faits :

 

            Bien que l’entrepreneur ait présenté aux parties une méthode corrective dans son document daté du 4 juin 2009, une analyse structurale effectuée par la firme ProspecPlus le 23 juin 2009 démontre que d’importants travaux doivent être effectués afin de s’assurer de la stabilité structurale de ce mur.

 

            Cette étude révèle l’aspect inadéquat de la structure existante, une protection insuffisante contre le gel, et un remblai et un drainage déficients à proximité du mur.

 

            Par conséquent, l’entrepreneur se voit donc ainsi informé des difficultés rencontrées et doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la solidité et la stabilité structurale du mur de soutènement et de la structure d’acier supportant les terrasses, travaux qui devront être effectués dans les 30 jours suivant réception de la présente.

 

CONCLUSION

 

            POUR TOUS CES MOTIFS, L’ADMINISTRATEUR :

 

            ACCUEILLE la demande de réclamation supplémentaire du syndicat pour le point 18;

 

            ORDONNE à l’entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs requis en ce qui a trait au point 18, et ce, dans un délai de 30 jours suivant la réception de la présente.»

 

[28]            Le témoin affirme qu’il n’a pas porté cette décision en arbitrage car elle lui apparaissait satisfaisante à cause de sa référence au rapport de ProspecPlus et du délai de 30 jours à l’intérieur duquel l’Entrepreneur devait effectuer les travaux correctifs.

 

[29]            Par sa lettre du 20 octobre 2009, (pièce A-9) le témoin, au nom du Bénéficiaire, demande à l’Entrepreneur de se conformer à la décision de l’Administrateur précité « …dans laquelle il vous est ordonné d’effectuer les travaux correctifs requis en référence au point no 18, le tout en conformité avec le rapport ProspecPlus ». Dans sa lettre, le Bénéficiaire demande à l’Entrepreneur de lui soumettre dans les 5 prochains jours la liste des travaux qui seront effectués, leur échéancier, et le détail de la séquence de leur exécution. Une copie de cette lettre est expédiée également à l’Administrateur.

 

[30]            Le témoin explique que, selon sa compréhension de la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2009, si l’Entrepreneur ne faisait pas les travaux correctifs à l’intérieur du délai de 30 jours, l’Administrateur les prendrait en charge au lieu de l’Entrepreneur.

 

[31]            Ensuite le témoin réfère à la lettre du 5 novembre 2009 que l’Entrepreneur a envoyée à l’Administrateur (pièce A-10). Dans cette lettre, l’Entrepreneur déclare à l’Administrateur qu’il est toujours disposé à faire les travaux correctifs mais, selon sa propre méthode qu’il a déjà proposée dans sa lettre du 4 juin 2009

 

                  «… mais pour ce faire, les clients doivent nous donner leur approbation et nous permettre d’accéder à leur immeuble mais toutefois, il va sans dire qu’il sera impossible de commencer les travaux cet automne vu la date avancée dans le temps.

 

                  Nous maintenons donc notre proposition du 4 juin dernier et attendons votre réponse dans ce dossier. »

 

[32]            Une copie de cette lettre (pièce A-10) est transmise au Bénéficiaire.

 

[33]            Le 12 novembre 2009, le Bénéficiaire envoie ses commentaires à l’Administrateur au sujet de cette lettre (pièce A-10 de l’Entrepreneur.

 

[34]            Cette lettre du Bénéficiaire du 12 novembre 2009 (pièce A-11) est longue. Le Bénéficiaire y fait référence à la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2009, l’interprète et la commente, confirme qu’il est en accord avec cette décision et demande à l’Administrateur de la faire respecter. Selon l’interprétation du Bénéficiaire de cette décision de l’Administrateur - les travaux correctifs ordonnés par l’Administrateur devaient être ceux décrits dans le rapport de la firme d’experts du Bénéficiaire, la firme ProspecPlus.

 

[35]            Environ une semaine plus tard, le Bénéficiaire reçoit de la part de l’Administrateur une lettre datée du 18 novembre 2009 (pièce A-13) à laquelle est annexée une autre lettre de l’Administrateur adressée à l’Entrepreneur et datée du même jour (pièce A-12). Dans sa lettre au Bénéficiaire, l’Administrateur écrit :

 

                  «Suite à votre envoi du 12 novembre 2009, vous trouverez ci-joint à la présente, une lettre adressée à votre entrepreneur l’informant de ses obligations en relation avec le dossier ci-haut mentionné.

 

                  Comme il a été mentionné dans cette dernière, nous vous invitons à autoriser votre entrepreneur à effectuer les travaux de correction nécessaires afin d’assurer la stabilité de l’ouvrage, selon le nouveau délai d’exécution compte tenu de la période hivernale à venir.

 

                  Advenant votre refus, nous n’aurons d’autre choix que de procéder à la fermeture de votre dossier de réclamation. »

 

[36]            La lettre du 18 novembre 2009 adressée à l’Entrepreneur et annexée à celle transmise par l’Administrateur au Bénéficiaire (pièce A-12) se lit comme suit :

 

                  «Suite à votre envoi du 5 novembre 2009 dans lequel vous réitérez votre intention de procéder à certains travaux de correction suivant votre méthode, nous vous rappelons que bien que la Garantie des maisons neuves ne peut vous imposer la nature précise des travaux, vous devez cependant procéder aux correctifs nécessaires afin d’obtenir un résultat satisfaisant.

 

                  Nous comprenons également qu’à ce jour, en l’absence d’une autorisation des bénéficiaires de procéder, vous devez reporter lesdits travaux au printemps 2010.

 

                  La GMN accueille cette demande et prolonge le délai d’exécution au 31 mai 2010 »

 

[37]         Le témoin déclare que selon sa compréhension du premier paragraphe de la lettre du 18 novembre 2009 de l’Administrateur à l’Entrepreneur (pièce A-12) au sujet de la méthode corrective, cette lettre modifie la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2009. Le Bénéficiaire décide donc de la porter en arbitrage.

 

[38]            De plus, il précise qu’il n’a jamais refusé l’accès au bâtiment ou au terrain à l’Entrepreneur. En ce qui concerne le prolongement du délai d’exécution des travaux jusqu’au 31 mai 2010 (pièce A-12) que l’Administrateur octroie à l’Entrepreneur, il affirme que ceci est contraire aux recommandations du rapport ProspecPlus  de les effectuer avant l’hiver 2009/2010.

 

[39]         Lors du contre-interrogatoire, le témoin confirme que l’Entrepreneur n’a jamais exécuté les travaux qu’il a proposés dans sa lettre du 4 juin 2009.

 

Preuve de l’Administrateur

 

Témoignage de monsieur Yvan Mireault

 

[40]         L’unique témoin de l’Administrateur est monsieur Yvan Mireault, l’auteur de la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2010 et des lettres du 18 novembre 2010, la première adressée à l’Entrepreneur (pièce A-12) et la deuxième au Bénéficiaire (pièce A-13).

 

[41]         Ce que le tribunal d’arbitrage retient de son témoignage se résume comme suit :

 

[42]         Lors de son inspection du 6 août 2009, aucun représentant de l’Entrepreneur n’était présent. La politique de l’Administrateur est de convoquer les entrepreneurs à de telles inspections. Cette convocation est faite par le Service des rendez-vous de l’Administrateur.

 

[43]         Il avait alors en main le rapport préliminaire de ProspecPlus (pas déposé en preuve).

 

[44]         Avant de rédiger sa décision du 7 octobre 2009, il avait aussi en main le rapport final de ProspecPlus du 11 août 2009 (pièce A-5) ainsi que la lettre de l’Entrepreneur du 30 septembre 2009 qui l’informait de l’existence d’un mur contre le gel (frost pit) en place.

 

[45]         Selon lui, l’Administrateur a seulement le droit d’informer les parties des expertises nécessaires pour corriger un problème de construction. L’Administrateur n’a pas le droit d’imposer des mesures correctives spécifiques à un entrepreneur.

 

[46]         D’après lui, le Bénéficiaire a interprété la décision du 7 octobre 2010 de la façon qui lui était favorable.

 

[47]         Il déclare que la politique de l’Administrateur est de commander ce qu’il appelle une « super expertise » et de demander à l’entrepreneur de s’y conformer seulement si cet entrepreneur effectue à quelques reprises des mesures correctives qui se révèlent être des échecs. Si cet entrepreneur refuse de se conformer à cette super expertise, selon cette politique, l’Administrateur choisit alors un autre entrepreneur pour faire les travaux conformément à cette expertise.

 

[48]         Le témoin est incapable de préciser le nombre d’échecs de travaux correctifs exécutés par un entrepreneur qui sont requis, selon cette politique de l’Administrateur, avant que ce dernier commande une super expertise et ordonne à l’entrepreneur de s’y conformer.

 

[49]         La politique de l’Administrateur est d’obtenir le consentement des parties concernant les travaux correctifs avant de procéder à l’étape de la super expertise.

 

[50]         Dans sa lettre du 18 novembre 2009 (pièce A-12) adressée à l’Entrepreneur, il lui a donné un délai supplémentaire jusqu’au 31 mai 2010 pour faire les travaux correctifs. En référant à ce prolongement de délai, il parle d’une « décision ».

 

[51]         En contre-interrogatoire par le procureur de l’Entrepreneur, il reconnaît que l’Entrepreneur construit beaucoup de bâtiments. Il n’a pas l’impression que l’Entrepreneur tente de contourner son obligation ou qu’il a eu un comportement anormal dans le dossier de cette réclamation du Bénéficiaire.

 

 

Prétentions des parties concernant la première question en litige (celle du délai de soumission de la demande de litige)

 

Prétentions du Bénéficiaire

 

[52]         Selon le Bénéficiaire, le délai pour la soumission de la demande d’arbitrage de 30 jours prévu à l’article 35 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs[1] (« Règlement ») n’est pas un délai d’échéance ou de rigueur. Le tribunal d’arbitrage a le pouvoir de le proroger, si non en droit du moins en équité.

 

Prétention de l’Administrateur

 

[53]         L’Administrateur reconnaît que le délai de 30 jours prévu à l’article 35 du Règlement n’est pas de rigueur. Toutefois, selon lui le tribunal d’arbitrage a le pouvoir de le proroger seulement dans des cas de motif raisonnable, assimilé à l’impossibilité d’agir. Un oubli de la part du Bénéficiaire ou son ignorance de la loi ne constitue pas un tel motif qui permettrait au tribunal d’arbitrage de proroger ce délai.

 

Prétention de l’Entrepreneur

 

[54]         L’Entrepreneur prétend que la demande d’arbitrage du Bénéficiaire, dans la mesure où elle concerne la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2009 est hors délai et doit être rejetée.

 

Analyse et décision concernant la première question en litige

 

[55]         Afin de déterminer si le Bénéficiaire a respecté le délai de soumission de sa demande d’arbitrage, le tribunal d’arbitrage doit déterminer la portée de la lettre de l’Administrateur à l’Entrepreneur du 18 novembre 2009 (pièce A-12) dont copie a été transmise au Bénéficiaire. Si cette lettre contient, en tout ou en partie, la décision de l’Administrateur portée en arbitrage par le Bénéficiaire, la demande d’arbitrage s’y rapportant est à l’intérieur du délai de 30 jours prévu par le Règlement. Si, par contre, la demande d’arbitrage concerne, en tout ou en partie, la décision du 7 octobre 2009, la question sera de déterminer si le délai de 30 jours prévu par le Règlement peut être prorogé. Si la réponse est « non », cette demande, en tout ou en partie, doit être rejetée.

 

[56]         Selon le tribunal d’arbitrage, la lettre de l’Administrateur à l’Entrepreneur du 18 novembre 2009 (pièce A-12), dont copie a été envoyée au Bénéficiaire avec la lettre que lui a adressée l’Administrateur (pièce A-13) traite de deux sujets distincts. Le premier concerne les travaux correctifs et le deuxième, la prorogation du délai pour effectuer ces travaux jusqu’au 31 mai 2010.

 

Premier sujet - les travaux correctifs

 

[57]         Quant au premier sujet, s’agit-il d’une décision nouvelle de l’Administrateur qui modifie, en tout ou en partie, sa décision du 7 octobre 2009 sur le même sujet ou contient-elle seulement une interprétation ou une référence à cette première décision? Pour répondre, il faut commencer par une lecture de la partie pertinente de la décision du 7 octobre 2009 :

 


 

            « 18.   FISSURE AU MUR DE SOUTÈNEMENT DES GARAGES

 

            Les faits 

 

            Bien que l’entrepreneur ait présenté aux parties une méthode corrective dans son document daté du 4 juin 2009, une analyse structurale effectuée par la firme Prospecplus le 23 juin 2009 démontre que d’importants travaux doivent être effectués afin de s’assurer de la stabilité structurale de ce mur.

 

            Cette étude révèle l’aspect inadéquat de la structure existante, une protection insuffisante contre le gel, et un remblaie et un drainage déficients à proximité du mur.

 

            Par conséquent, l’entrepreneur se voit donc ainsi informé des difficultés rencontrées et doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la solidité et la stabilité structurale du mur de soutènement et de la structure d’acier supportant les terrasses, travaux qui devront être effectués dans les 30 jours suivant réception de la présente. »

           

[58]         Selon la preuve, le Bénéficiaire a interprété cette décision de l’Administrateur au sujet des mesures correctives comme une ordonnance à l’Entrepreneur de se conformer aux recommandations du rapport d’expertise de la firme ProspecPlus mandatée par le Bénéficiaire. Ceci ressort aussi de la lettre du 20 octobre 2009 du Bénéficiaire à l’Entrepreneur (pièce A-9) ainsi que de la lettre du Bénéficiaire à l’Administrateur en date du 12 novembre 2009 (pièce A-11).

 

[59]         Le tribunal note que l’Administrateur n’a pas réagi avant le 18 novembre 2009 à la lettre du Bénéficiaire à l’Entrepreneur du 20 octobre 2009 malgré le fait qu’il en a reçu copie. L’Administrateur aurait pu alors  indiquer au Bénéficiaire que son interprétation de la décision du 7 octobre 2009 était erronée.

 

[60]         Le 5 novembre 2009, l’Entrepreneur rappelle à l’Administrateur qu’il est disposé à faire les travaux selon la méthode décrite dans sa propre lettre du 4 juin 2009 (pièce A-10). Il ne mentionne pas qu’il désirait se conformer à la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2009.

 

[61]         C’est encore le Bénéficiaire qui réagit à cette lettre de l’Entrepreneur du 5 novembre 2009 en écrivant le 12 novembre 2009 une lettre à l’Administrateur (pièce A-11) dans laquelle il lui soumet une 2e fois son interprétation de la décision du 7 octobre 2009 et en lui rappelant que le délai de 30 jours prévu dans cette décision est expiré, en ces mots :


 

            « …De plus, la Décision informe St-Luc que les travaux doivent comprendre « toutes les mesures nécessaires ». Ces « mesures » sont celles du Rapport Prospecplus. En effet, nous savons déjà que les mesures correctives proposées par St-Luc sont inadéquates, n’apporteront pas une solution finale au problème et ne seront pas à la satisfaction du Syndicat.

 

            …

           

            En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir faire respecter la Décision et nous confirmer à quelle date soit St-Luc, soit une entreprise mandatée par l’A.P.C.H.Q., commencera les travaux correctifs à apporter au Mur, le tout conformément au Rapport Prospecplus. »

 

[62]         Ce n’est que le 18 novembre 2009 que l’Administrateur écrit une lettre à l’Entrepreneur (pièce A-12) dont l’extrait pertinent se lit comme suit :

 

            « Suite à votre envoi du 5 novembre 2009 dans lequel vous réitérez votre intention de procéder à certains travaux de correction suivant votre méthode, nous vous rappelons que bien que la Garantie des maisons neuves ne peut vous imposer la nature précise des travaux, vous devez cependant procéder aux correctifs nécessaires afin d’obtenir un résultat satisfaisant.

 

            Nous comprenons également qu’à ce jour, en l’absence d’une autorisation des bénéficiaires de procéder, vous devez reporter lesdits travaux au printemps 2010.

 

            La GMN accueille cette demande et prolonge le délai d’exécution au 31 mai 2010.

 

            Nous vous rappelons que lors de l’exécution de vos travaux correctifs, vous aurez la possibilité d’effectuer toutes les vérifications requises dans le but de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la stabilité de l’ouvrage »

 

[63]         Le tribunal d’arbitrage note que dans sa décision du 7 octobre 2009, l’Administrateur fait référence à l’analyse structurale de la firme ProspecPlus, mentionne que cette analyse de ProspecPlus  relève l’aspect inadéquat de la structure existante, une protection insuffisante contre le gel et un remblai et un drainage déficient à proximité du mur. De plus, l’Administrateur y ordonne à l’Entrepreneur « de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer de la solidité et la stabilité structurale du mur et de la structure d’acier supportant les terrasses. »

 

[64]         Dans la lettre du 18 novembre 2009, (pièce A-12) l’Administrateur ne réfère plus à l’analyse structurale de ProspecPlus, ne mentionne plus les aspects déficients du mur et n’ordonne plus à l’Entrepreneur de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la solidité et la stabilité structurales du mur de soutènement et de la structure d’acier supportant les terrasses.

 

[65]         Dans cette lettre du 18 novembre 2009 (pièce A-12), il réfère à la méthode corrective du 6 juin 2009 de l’Entrepreneur que ce dernier préconisait de façon constante tant avant qu’après la décision du 7 octobre 2009 (voir les lettres du 30 septembre 2009 (pièce A-7) et du 5 novembre 2009 de l’Entrepreneur - pièce A-10); il mentionne qu’il ne peut lui imposer la nature précise des travaux correctifs mais qu’il possède seulement le droit de lui ordonner de procéder aux correctifs nécessaires afin d’obtenir un résultat satisfaisant; et dernièrement, quant à la stabilité de l’ouvrage, il rappelle à l’Entrepreneur que

 

                  «…Lors de l’exécution de vos travaux correctifs, vous aurez la possibilité d’effectuer toutes les vérifications requises dans le but de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la stabilité de l’ouvrage. »

 

[66]         Selon l’interprétation du tribunal d’arbitrage de cette phrase citée, la référence à la « possibilité d’effectuer toutes les vérifications requises » est moins contraignante que l’ordonnance dans la décision du 7 octobre 2009 « de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la solidité et la stabilité structurale du mur de soutènement et de la structure d’acier supportant les terrasses. »

 

[67]         À la lumière des témoignages à l’audience, des lettres du Bénéficiaire des 20 octobre et 12 novembre 2009 et de celle de l’Entrepreneur à l’Administrateur du 5 novembre 2009, le tribunal d’arbitrage conclut que la lettre du 18 novembre 2009 de l’Administrateur à l’Entrepreneur (pièce A-12) dont copie a été acheminée à l’Entrepreneur représente plus qu’une simple interprétation de la décision du 7 octobre 2009 ou une référence à elle. Elle constitue  une nouvelle décision de l’Administrateur qui modifie sa décision du 7 octobre 2009 relativement aux mesures correctives.

 

Deuxième sujet - la prorogation du délai pour les travaux correctifs

 

[68]         En ce qui concerne le deuxième sujet, celui du délai accordé par  l’Administrateur à l’Entrepreneur pour faire les travaux correctifs, le texte même de la lettre du 18 novembre 2009 est très clair à ce sujet :

 

            « La GMN accueille cette demande et prolonge le délai d’exécution au 31 mai 2010. »

 

[69]         Dans son témoignage, l’auteur de la lettre précitée monsieur Mireault, réfère à cette prorogation du délai d’exécution en utilisant le mot « décision ».

 

[70]         Selon le tribunal d’arbitrage, il ne fait aucun doute que cette partie de la lettre de l’Administrateur du 18 novembre 2009 constitue une nouvelle décision.

 

[71]         Comme le tribunal d’arbitrage conclut que la lettre du 18 novembre 2010 de l’Administrateur constitue une nouvelle décision relativement aux deux sujets précités, soit celui des mesures correctives et celui du délai de leur exécution - la demande d’arbitrage de cette décision déposée par le Bénéficiaire le 14 décembre 2009, l’a été à l’intérieur du délai de 30 jours prescrit par l’article 35 du Règlement.

 

[72]         Vu ces conclusions, le tribunal d’arbitrage n’examinera pas les prétentions des parties fondées sur une demande d’arbitrage visant la décision de l’Administrateur du 7 octobre 2009.

 

 

Prétentions des parties concernant la 2e question en litige (la compétence du tribunal d’arbitrage pour ordonner des mesures correctives spécifiques)

 

Prétentions du Bénéficiaire

 

[73]         Le Bénéficiaire prétend qu’aux termes  du paragraphe 34(5) du Règlement, le pouvoir de l’Administrateur de statuer sur la demande de réclamation et d’ordonner à l’Entrepreneur de corriger les travaux, inclut le pouvoir d’ordonner des travaux correctifs spécifiques.

 

[74]         Le tribunal d’arbitrage a le même pouvoir que l’Administrateur en vertu du paragraphe 34(5) du Règlement.

 

[75]         Le tribunal d’arbitrage peut aussi faire appel à l’équité pour ordonner des travaux correctifs spécifiques dans les circonstances où le défaut de construction est récurrent et où le Bénéficiaire a soumis à l’Administrateur, avant que ce dernier ait rédigé sa décision, sa propre expertise qui décrit les travaux spécifiques requis pour corriger le problème.

 

Prétentions de l’Administrateur

 

[76]      L’Administrateur reconnaît que la jurisprudence ne trace pas de règle claire quant aux pouvoirs de l’administrateur ou de l’arbitre de déterminer des mesures correctives spécifiques.

 

[77]         Dans la présente cause, l’Administrateur n’avait pas le droit d’ordonner des mesures correctives spécifiques à l’Entrepreneur selon le paragraphe 34(5) du Règlement lorsqu’il a statué sur la réclamation et ordonné à l’Entrepreneur de corriger les travaux.

 

[78]         L’Administrateur a le pouvoir d’ordonner des travaux correctifs spécifiques seulement à l’étape du paragraphe 34(6) du Règlement lorsqu’un entrepreneur fait défaut de corriger les travaux et l’administrateur prend en charge les corrections et procède, le cas échéant, à la préparation d’un devis correctif, à un appel d’offres, au choix des entrepreneurs et à la surveillance des travaux.

 

Prétentions de l’Entrepreneur

 

[79]         Aux termes du paragraphe 34(5) du Règlement, l’administrateur qui statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de corriger les travaux n’a pas le droit d’imposer des mesures correctives spécifiques. L’arbitre n’a pas ce pouvoir non plus.

 

[80]         Ce serait contraire à l’intention du Règlement de permettre à l’arbitre d’avoir le pouvoir d’ordonner à un entrepreneur d’effectuer des travaux correctifs spécifiques. Un tel pouvoir augmenterait substantiellement le nombre de demandes d’arbitrage qui seraient initiés par les bénéficiaires insatisfaits des mesures correctives ordonnées par l’administrateur.

 

[81]         Dans la présente cause, seul l’Entrepreneur a le droit de déterminer la nature des mesures correctives appropriées et de leur exécution. Il a également le désir de les effectuer.

 

[82]         Exceptionnellement, si un entrepreneur n’exécute pas les travaux correctifs qu’il a choisis, l’arbitre pourrait faire appel à l’équité aux termes de l’article 116 du Règlement pour ordonner des travaux correctifs spécifiques.

 

 

Analyse et décision concernant la deuxième question en litige

 

[83]         Tel que mentionné ci-haut (voir paragraphe 9) les parties ont spécifiquement demandé au tribunal d’arbitrage de statuer sur sa propre compétence. Ce pouvoir d’un arbitre de se prononcer sur sa compétence est également prévu à l’article 943 du Code de procédure civile du Québec.

 

[84]         Pour comprendre certaines des prétentions des parties, il faut faire référence à « l’ancien » paragraphe 34(6) du Règlement qui se lit comme suit :

 

               «34. La procédure suivante s’applique à toute réclamation faite en vertu du plan de garantie :

 

                  6.   en l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et, le cas échéant, il ordonne à l’entrepreneur de rembourser le bénéficiaire pour les réparations conservatoires nécessaires et urgentes, de parachever ou de corriger les travaux dans le délai qu’il indique et qui est convenu avec le bénéficiaire;

 

            Cet « ancien » paragraphe 34(6) du Règlement s’applique encore au bâtiment sous étude dont les travaux de construction ont débuté avant le 7 août 2006[2].

 

[85]         Pour d’autres bâtiments dont les travaux de construction ont débuté à compter du 7 août 2006, ils sont régis par le « nouveau » paragraphe cinq (5) de l’article 34 du Règlement qui se lit comme suit :

 

                        « 34 La procédure suivante s’applique à toute réclamation fondée sur la garantie prévue à l’article 27 :

 

                        5.   dans les 20 jours qui suivent l’inspection, l’administrateur doit produire un rapport écrit et détaillé constatant le règlement du dossier ou l’absence de règlement et en transmettre copie, par poste recommandée, aux parties impliquées. En l’absence de règlement, l’administrateur statue sur la demande de réclamation et ordonne, le cas échéant, à l’entrepreneur de rembourser au bénéficiaire le coût des réparations conservatoires nécessaires et urgentes et de parachever ou corriger les travaux dans le délai qu’il indique, convenu avec le bénéficiaire; » (soulignement ajouté)

 

[86]         Lors de leur plaidoirie, les parties référaient au « nouveau » paragraphe 34(5) du Règlement plutôt qu’à « l’ancien » paragraphe 34(6). Toutefois, ceci n’a pas une grande importance car le texte de « l’ancien » paragraphe 6 et la dernière phrase du « nouveau » paragraphe 5 de l’article 34 (souligné) qui sont les dispositions opérantes dans ce litige, sont presque identiques.

 

[87]         Après avoir consulté la jurisprudence soumise par les parties ainsi que celle qui lui est connue, le tribunal d’arbitrage constate que les décisions arbitrales relativement aux mesures correctives que l’administrateur et l’arbitre peuvent ordonner à un entrepreneur ne sont pas constantes.

 

[88]         La seule décision soumise dans le cadre de l’audition qui émane d’un tribunal civil et qui traite des pouvoirs du tribunal d’arbitrage d’ordonner des travaux correctifs en vertu du Règlement, est la décision de l’Honorable Jacques Dufresner J.C.S. [3]

 

[89]      Au paragraphe 91 de sa décision, le juge Dufresne écrit ceci :

 

                  «91…L’Arbitre a-t-il, toutefois, excéder sa compétence en imposant à l’entrepreneur de vérifier certaines composantes de la structure avant de procéder au relèvement du plancher de bois franc? Le tribunal ne le croit pas.

 

                  92.       Après avoir constaté, à la lumière de la preuve entendue, dont la preuve d’expert présentée par les parties, l’existence et la nature du vice, l’Arbitre agit à l’intérieur de sa compétence lorsqu’il fixe les conditions de correction ou de réfection du plancher. Il détermine les travaux que l’Entrepreneur devra effectuer en vertu de la loi, et en définit les modalités d’exécution. En ce faisant, l’Arbitre accomplit son mandat à l’intérieur de la compétence que lui accorde la loi. »

 

[90]         En ce qui concerne les décisions arbitrales à ce sujet, ce tribunal d’arbitrage préfère suivre le raisonnement de l’arbitre Me Johanne Despatis qu’elle expose dans la cause de Lisa Rae et Michael Nutter[4]. Malgré le fait que cette décision a fait l’objet d’une révision judiciaire et d’un jugement de l’Honorable Kirkland Casgrain, J.C.S.[5]  et que ce jugement a été porté en appel devant la Cour d’appel du Québec[6]., la  partie de la décision de l’arbitre Johanne Despatis qui nous intéresse n’est pas affectée par le jugement de la Cour supérieure.

 

[91]         Dans sa décision, l’arbitre Despatis cite avec approbation l’extrait suivant d’une décision de l’arbitre Jean Morrissette dans la cause Ménard et Les Entreprises Christian Dionne et Fils inc. :

 

                           «(34)   S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.

 

(35)L’Administrateur peut statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur et dans ce cas-ci, suivant l’opinion de son expert qu’il avait mandaté spécialement sur le correctif approprié, il l’a fait. L’Administrateur a choisi, conclu et ordonné par la suite à l’entrepreneur de changer complètement le parement de briques… »

 

Et l’arbitre Despatis continue :

 

                  «(116)       Je souscris à ces propos. L’administrateur a l’autorité, pour paraphraser Me Morissette de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.

 

                  (117)         Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives. En effet, puisque l’administrateur a le pouvoir de statuer sur la malfaçon, il a aussi, selon la jurisprudence, celui de choisir les travaux (à faire) pour corriger la malfaçon. En cela, le choix des travaux et méthodes d’exécution, renvoie à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.

 

                  (118)         De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté reviendrait à lui permettre de contester sa propre décision en affirmant qu’à part de faire un constat de malfaçon ou de vice, l’administrateur serait inhabile à ordonner tels ou tels travaux correctifs. Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du plan.

 

                  (119)         Il est de commune renommé qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit être exécutable. Or, des conclusions arbitrales qui ne porteraient que sur des formulations générales, susceptibles faute de précision de toutes les applications où les interprétations ne seraient pas conformes à ce principe fondamental qu’un jugement doit être exécutable. Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan.

 

                  (120)

 

                  (121)         Comme l’arbitre a le pouvoir de se pencher sur une telle question, une partie se portant en arbitrage peut fatalement lui demander de le faire. En cela, la position des bénéficiaires est admissible devant l’arbitre, tout comme elle aurait pu être considérée par l’administrateur si on la lui avait présentée à l’époque. »

 

[92]      L’arbitre Despatis a réitéré les mêmes propos dans Marianne Beaufort, une décision plus récente[7]

 

[93]         En adoptant les motifs invoqués par l’arbitre Despatis et cités ci-haut dans la cause Lisa Rae et Michael Nutter et conformément à la décision précitée de l’Honorable Jacques Dufresne J.C.S. dans La Garantie Habitation du Québec et Sotramont inc., le tribunal d’arbitrage conclut que dans la présente cause, il possède la compétence d’ordonner à l’Entrepreneur d’effectuer des mesures correctives spécifiques. Ceci signifie que la compétence du tribunal d’arbitrage, lorsque le vice ou la malfaçon sont prouvés, ne se limite pas à rendre une ordonnance de mesures correctives qui sont laissées au libre choix de l’Entrepreneur en autant que le résultat final soit satisfaisant.

 

[94]         Il est évident que le tribunal d’arbitrage devra exercer ce pouvoir de façon judicieuse, sur la base de la preuve prépondérante que les parties pourraient décider de lui soumettre lors d’une audience ultérieure.

 

Conclusions supplémentaires

 

[95]         La loi sur le bâtiment[8] ainsi que le Règlement ne contiennent pas de clauses privatives complètes, l’arbitre a compétence exclusive, sa décision lie les parties et elle est finale et sans appel selon l’article 120 du Règlement.

 

[96]         Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, les coûts de l’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur à moins que le Bénéficiaire n’obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l’arbitre départage ces coûts.

 

[97]         Dans la présente cause, le Bénéficiaire a obtenu gain de cause sur un des aspects de sa demande de réclamation

 

[98]         De plus, aux termes de l’article 124 du Règlement, l’arbitre doit statuer s’il y a lieu quant au quantum des frais raisonnables d’expertises pertinentes que l’administrateur doit rembourser au bénéficiaire lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

 

[99]         Quant à ces frais d’expertise, aucune preuve et aucune représentation n’a été soumise au tribunal d’arbitrage sur cette question. De plus, le tribunal d’arbitrage considère que de telles représentations et preuves pourront lui être soumises par les parties lors de la prochaine audition sur le fond de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire.

 

 

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

 

 

ACCUEILLE un aspect de la demande d’arbitrage du Bénéficiaire;

 

DÉCLARE que le BÉNÉFICIAIRE a déposé sa demande d’arbitrage à l’intérieur du délai de trente (30) jours prescrit par l’article 35 du Règlement;

 

DÉCLARE qu’il possède la compétence d’ordonner, le cas échéant, à l’Entrepreneur d’effectuer des mesures correctives spécifiques et

 


 

DÉCLARE que les frais d’arbitrage encourus jusqu’à la date de cette décision sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

 

Montréal, le 27 avril 2010

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Me ALBERT ZOLTOWSKI

Arbitre  / CCAC

 

 



[1]       R.Q. c. B-1.1 r.o.2

 

[2]     Décret 39-2006 du 25 janvier 2006, Gazette officielle du Québec, 8 février 2006,  Partie 2

 

[3]     La Garantie Habitation du Québec inc. et Sotramont Québec inc. c. Gilles Lebire et SORECONI : Société pour la résolution des conflits inc. et Lise Piquette et Claude Leguy et Maurice Garzon; Cour supérieure, le 12 juillet 2002, no 540-05-006049-013.

 

[4]     Lisa Rae et Michael Nutter .et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.c et Construction Réal Landry inc ; Me Johanne Despatis, arbitre, 10 juin 2008; Dossier GAMM : 2007-09-013.

 

[5]  . Lisa Rae et Michael Nutter c. Construction Réal Landry inc.-et- La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. -et- Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM); Cour supérieure, 30 avril 2009, no 505-17-003822-089.

 

[6] Requête pour permission d’appeler du jugement de l’Honorable Kirkland-Casgrain accordée par l’Honorable Pierre J. Dalphond, J.C.A. le 8 juillet 2009 (Cour d’appel no 505-09-019703-099)

 

[7] Marianne Beaufort et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Stéphane Belhumeur inc., Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM), 9 septembre 2009 »; Dossier GAMM : 2007-10-008 et 2007-10-007.

 

[8]     Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1

 

Jurisprudence soumise quant au délai de soumission de la demande d’arbitrage

 

 

-       La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desdindes, Yvon Larochelle et René Blanchet, es qualité; Cour d’appel, 15 décembre 2004, no 500-09-013349-030;

-       Raymond Gravel c. R.L. Gravel inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Me Robert Masson, arbitre; 11 janvier 2010, Dossier CCAC no 507-121201-NP et S08-101201-NP

-       Madame Hasnik Takhmizdjian et Monsieur Jack Bardakjian c. SORECONI (Société pour la resolution de conflits inc.) et Betaplex inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’A.P.C.H.Q. inc.; C.S., 9 juillet 2003, no 540-05-007000-023;

 

 

Jurisprudence soumise quant à la compétence de l’arbitre

 

-       Lyette Gauthier et Jacques Grimard, (bénéficiaires) et Construction Réjean D’Astous, (entrepreneur) et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ inc.; Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure GAMM (6 juin 2005) Gilles Lavoie, arbitre;

-       Linda Hamel et Sylvain Michaud et François Lavallée/Les Pros du Marteau enr. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. Me Michel A. Jeanniot, arbitre, SORECONI dossier no 070808001, 15 octobre 2007;

-       Serge Brisson et Jacques J. Brabant et 9141-1074 Québec inc. (Construction Norjo) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.; Centre Canadien d’arbitrage Commercial, dossier CCAC S08-080401-NP, 3 novembre 2008, Me Michel A. Jeanniot, arbitre;

-       Monsieur François Dumont et madame Sylvie Charbonneau c. Etmar Construction inc. et La Garantie Qualité Habitation (ACQ); SORECONI, l6 mai 2002, Monsieur Claude Mérineau, arbitre;

-       La Maison Bond inc. c. Coffrages Guilforme inc., Cour du Québec, l’Honorable Virgile Buffoni, J.C.Q., 26 août 2009 no 505-22-011861-053;

-       Denis Comtois c. Me Jean Gélinas et Fonds d’assurance responsabilité professionnelle de la Chambre des notaires du Québec, Cour supérieure, Honorable Claudette Tessier-Couture J.C.S. no 400-17-001389-077;

-       Vincent Caron c. Centre Routier inc., C.A., 15 novembre 1989, no 200-09-000214-855;La Garantie Habitation du Québec inc.;

-       La Garantie Habitation du Québec inc. et Sotramont Québec inc. c. Gilles Lebire et SORECONI : Société pour la résolution des conflits inc. et Lise Piquette et Claude Leguy et Maurice Garzon; Cour supérieure, le 12 juillet 2002, no 540-05-006049-013;

-       Marianne Beaufort et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Stéphane Belhumeur inc., Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM), 9 septembre 2009 »; Dossier GAMM : 2007-10-008 et 2007-10-007.