ARBITRAGE

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie

des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution des conflits Inc. (SORECONI)

 


ENTRE          

Syndicat de copropriétaires du Domaine du Rocher phase II

(ci-après « le Bénéficiaire »)

 

ET                      Construction Mont Ste-Adèle Inc.       

(ci-après « l’Entrepreneur »)

 

ET :                 LA GARANTIE ABRITAT INC.

(ci-après « l’Administrateur »)  

 

No dossier Garantie:          11-145MC

No dossier SORECONI:   100211001

 

SENTENCE ARBITRALE

Décision rendue le 18 juin 2012

 

 

Arbitre :                                  Guy Pelletier

Pour le Bénéficiaire :            Me Mélanie St-Onge, procureur;

                                                Mme Janie Aubin, secrétaire du Syndicat;

                                                Mme Christiane Presseau, expert;

Pour l’Entrepreneur :            Aucun représentant;

Pour l’Administrateur :       Me Manon Cloutier, procureur;

                                                Monsieur Marc Caron, conseiller technique.

 

Mandat :

L’arbitre a reçu son mandat de SORECONI  le 15 novembre 2010.

 

Historique et pièces :

30 novembre 2008 :

Date prévue de fin des travaux;

18 octobre 2009 :

10 décembre 2009 :

Inspection par Mme Christiane Presseau, T. Sc. A;

Dénonciation de vices auprès de l’Entrepreneur et copie à l’Administrateur;

18 mai 2010 :

Réclamation auprès de l’Administrateur;

30 septembre 2010 :

Décision de l’Administrateur;

29 octobre 2010 :

Demande d’arbitrage;

24 janvier 2011 :

5 avril 2011 :

5 octobre 2011 :

17 octobre 2011 :

28 mai 2012 :

Conférence préparatoire;

Date prévue pour l’audition (remise);

Date prévue pour l’audition (remise);

Date prévue pour l’audition (remise);

Audition.

 

 Introduction :

 

[1]        En octobre 2009, madame Christiane Presseau est mandatée par le Syndicat des copropriétaires pour faire une inspection du bâtiment qui compte quatre unités réparties sur deux étages.

Le 18 mai 2010, s’appuyant sur les constats contenus dans le rapport d’inspection, une réclamation est déposée auprès de l’Administrateur de la garantie.

[2]        Le 30 septembre suivant, l’Administrateur rend une décision qui porte sur 6 points.

[3]        La décision accueille la réclamation sur 2 points et la rejette sur les quatre autres.

[4]        Insatisfait de cette décision, le 29 octobre 2010, le Bénéficiaire demande l’arbitrage sur les 3 points suivants :

1.Mur pare-feu : 1.1 Absence de séparation coupe-feu dans le comble sous le toit.

1.2 Composition du mur mitoyen non conforme   aux plans approuvés.

3.Insonorisation (plomberie derrière les douches…).

 

[5]        L’audition du 28 mai 2012 est précédée d’une visite des lieux qui permet de constater la présence d’ouvertures dans le mur mitoyen sous les lavabos, dans les vanités des salles de bain situées à l’étage.

[6]        Pour en faire la démonstration du manque d’étanchéité du mur, une ligne à pêche est insérée d’un côté du  mur et le traverse entièrement.

[7]        Ce point, qui n’était pas spécifiquement traité dans la décision, sera par la suite abordé lors de l’audition, car il concerne à la fois la composition du mur mitoyen et l’insonorisation.

[8]        Lors de cette visite des lieux, Mme Presseau fait aussi remarquer que les travaux de correction acceptés par l’Administrateur, en regard des conduits de ventilation dans l’entre-toit, n’ont pas été exécutés correctement.

[9]        L’Administrateur accepte sur le champ de faire exécuter les vérifications et les correctifs requis s’il y a lieu.

 

L’audition :

 

1.1 Absence de séparation coupe-feu dans le comble sous le toit.

 

[10]      Interrogée par Me St-Onge, madame Presseau indique que le mur mitoyen entre les unités détenues en copropriété ne se prolonge pas dans le comble, comme l’indique son rapport :

« Il n’y a aucune séparation coupe-feu pour séparer les combles des unités contigües de l’étage. »

[11]      Mme Presseau témoigne à l’effet que les plans de l’architecte contiennent des spécifications pour maintenir l’intégrité du mur mitoyen mais qu’il n’est pas indiqué spécifiquement que ce dernier doit être continu jusqu’à la sous-face du platelage du toit tel que requis par les normes.

[12]      Elle soutient que cette situation est non conforme aux prescriptions du Code national du bâtiment, édition 1995, adopté par la ville de St-Jérôme.

[13]      À cet effet, elle dépose les articles pertinents du Code qui se lisent ainsi :

9.10.11. Mur coupe-feu

9.10.11.1. Mur coupe-feu exigé

1) Sous réserve de l'article 9.10.11.2., un mur mitoyen doit être construit comme un mur coupe-feu.

9.10.11.2. Mur coupe-feu non exigé

1) Dans une habitation, s'il n'y a pas 2 logements l'un au-dessus de l'autre, il n'est pas obligatoire qu'un mur mitoyen soit construit comme un mur coupe-feu s'il est construit comme une séparation coupe-feu d'au moins 1 h.

2) Le mur mitoyen décrit au paragraphe 1) doit offrir une protection continue du dessus de la semelle des fondations jusqu'à la sous-face du platelage du toit.

3) Tout espace entre la partie supérieure du mur décrit au paragraphe 1) et le platelage du toit doit être bien rempli de laine minérale ou d'un autre matériau incombustible.

(les soulignements sont de l’arbitre)

 

[14]      Selon son interprétation, le mur mitoyen doit respecter les exigences de l’article 9.10.11.2.2) puisqu’il y a 2 logements superposés.

[15]      Invitée à témoigner par Me St-Onge, madame Aubin, copropriétaire et secrétaire du Syndicat, s’inquiète pour la sécurité du bâtiment et des occupants. Elle ajoute que son unité est à  vendre depuis le mois d’août 2011 et que la situation non conforme décrite, rendra très difficile la vente d’une propriété comportant un tel vice de construction.

[16]      D’autre part, monsieur Marco Caron est invité à expliquer la décision qu’il a rendue sur ce point.

[17]      M. Caron témoigne à l’effet qu’il y a d’autres articles du Code qui encadrent cette situation et que, dans ce cas-ci, le plafond sert de séparation coupe-feu.

[18]      M. Caron dépose les articles 9.10.9.10 et 9.10.15 suivants :

9.10.9.10. Vide de construction au-dessus d'une séparation coupe-feu

1) Sous réserve du paragraphe 2), si un vide technique horizontal ou un autre vide de construction est situé au-dessus d'une séparation coupe-feu verticale exigée, il doit être recoupé par une séparation coupe-feu équivalente dans le prolongement de la séparation verticale.

2) Un vide technique horizontal ou un autre vide de construction situé au-dessus d'une séparation coupe-feu verticale exigée, à l'exception d'une paroi de gaine verticale ou de cage d'escalier, n'est pas soumis aux exigences du paragraphe 1) s'il est isolé par un ensemble formant une séparation coupe-feu et ayant un degré de résistance au feu au moins égal à celui exigé pour la séparation coupe-feu verticale ; toutefois, si le degré de résistance au feu exigé pour la séparation coupe-feu verticale est d'au plus 45 min, il est permis de réduire le degré de résistance au feu du plafond à 30 min.

9.10.15. Coupe-feu

9.10.15.1. Vides de construction

1) Les vides de construction verticaux situés dans les murs intérieurs et extérieurs doivent être dotés de coupe-feu pour : a)les isoler les uns des autres ; et b)les isoler des vides de construction horizontaux.

2) Les vides de construction horizontaux situés dans les combles ou vides sous toit, les plafonds, les planchers et les vides sanitaires doivent être dotés de coupe-feu pour : a)les isoler les uns des autres ; et b)les isoler des vides de construction verticaux.

3) Il faut prévoir des coupe-feu à toutes les intersections entre les vides de construction verticaux et horizontaux dans les plafonds à gorge, les plafonds suspendus et les soffites si les matériaux de construction exposés à l'intérieur de ces vides ont un indice de propagation de la flamme en surface supérieur à 25.

4) Il faut prévoir des coupe-feu à l'extrémité de chaque volée d'escalier qui traverse un plancher contenant des vides de construction à l'intérieur desquels les matériaux de construction exposés ont un indice de propagation de la flamme en surface supérieur à 25.

5) Dans un bâtiment de construction combustible qui n'est pas protégé par gicleurs, tout vide de construction créé par un plafond, un toit ou un comble non aménagé doit être recoupé par des coupe-feu en compartiments :

a) dont la plus grande dimension est d'au plus 60 m ; et

b) si le vide en question renferme des matériaux de construction exposés dont l'indice de propagation de la flamme en surface est supérieur à 25, sa surface ne doit pas être supérieure à 300 m2 .

6) Le vide décrit à l'alinéa 5)b) ne doit avoir aucune dimension supérieure à 20 m.

7) Si un comble brisé, une corniche extérieure, un balcon ou un auvent de construction combustible comporte un vide de construction à l'intérieur duquel les matériaux de construction exposés ont un indice de propagation de la flamme en surface supérieur à 25, ce vide doit être isolé par des coupe-feu verticaux à des intervalles d'au plus 20 m et au droit des séparations coupe-feu verticales exigées.

(les soulignements sont de l’arbitre)

[19]      M. Caron témoigne que toutes les conditions sont rencontrées pour respecter les normes, soit que le plafond est une séparation coupe-feu et que le comble n’excède pas les dimensions maximales prévues  aux articles 9.10.10.5) et 6).

[20]      La superficie actuelle du comble est de 217 m2 et la longueur maximale est de 17m selon son témoignage.

[21]      Me St-Onge argue qu’il y a deux interprétations du Code et qu’il faut retenir celle de madame Presseau, experte en cette matière.

[22]      Me Cloutier soutient dans son argumentation que le fardeau de la preuve appartient au demandeur et que cette condition n’a pas été rencontrée.

[23]      Elle plaide aussi, qu’il n’est pas prévu sur les plans approuvés par la ville de St-Jérôme, que le mur se prolonge dans l’entretoit.

[24]      Me Cloutier demande au Tribunal de retenir l’interprétation de monsieur Caron car les articles du Code auxquels il se réfère sur ce sujet, sont plus précis et pertinents.

 

1.2 Composition du mur mitoyen non conforme aux plans approuvés.

 

[25]      Appelée à poursuivre son témoignage, madame Presseau, indique que le mur mitoyen entre les logements n’a pas été construit selon les spécifications prévues aux plans, à savoir :

2 gypses 5/8¨ firecode type X

Laine insonorisante roxul 2 ½¨

Colombages 2¨x4¨ à 16¨c/c en quinconce sur lisse 2¨x6¨

Laine insonorisante roxul 2 ½¨

2 gypses 5/8¨ firecode type X

 

[26]      Lors de la visite des lieux, il a été permis d’observer la composition réelle du mur par une ouverture pratiquée dans une garde-robe.

[27]      Le constat fait par madame Presseau est à l’effet qu’un des deux revêtements en gypse prévu sur chacune des faces du mur a été remplacé par un panneau de carton fibre de type «tentest » et que les montants 2x4­ ont été installés face à face et non pas en quinconce tel que prévu aux plans.

[28]      Madame Presseau témoigne à l’effet que ces changements causent un préjudice aux propriétaires car le panneau de carton fibre possède un taux élevé de combustibilité et que l’isolant n’est pas continu dans le mur, à cause de la position des montants posés face à face, réduisant ainsi l’indice de transmission du son (ITS) du mur.

[29]      Madame Aubin témoigne à l’effet qu’elle a acheté sa propriété sur plans et que la mauvaise qualité de la construction constatée par la suite, lui cause un préjudice. Elle ajoute entendre les voisins à cause de la faible performance acoustique du mur et s’inquiète de l’augmentation des risques d’incendie qu’entraîne la modification inappropriée de la composition du mur.

[30]      Contre-interrogée par Me Cloutier, madame Presseau confirme que l’isolant installé dans le mur est de bonne qualité, mais qu’il ne forme pas une barrière continue parce que les montants n’ont pas été installés en quinconce.

[31]      À la question de Me Cloutier, madame Presseau témoigne à l’effet qu’elle n’a pas effectué de test sur la performance du mur.

[32]      Interrogé par Me Cloutier, monsieur Caron convient que la composition du mur diffère des spécifications prévues aux plans, mais il est d’avis que la performance acoustique et résistance thermique rencontrent les exigences du Code.

[33]      À cet effet monsieur Caron dépose un tableau, tiré d’une publication de la SCHL et intitulé « Protection contre le feu et isolement acoustique des collectifs d’habitation à ossature de bois ». Se référant à la composition du mur «W13a », il témoigne à l’effet que ce mur type est semblable à celui construit et que le degré de résistance thermique de 1 heure rencontre les exigences du Code alors que l’indice de transmission du son est de 57, soit supérieur à la norme exigée qui est de 50.

[34]      Me St-Onge argue que les problèmes ne sont pas mineurs et que les propriétaires n’ont pas reçu l’unité qu’ils ont achetée sur les plans approuvés par la municipalité.

[35]      Me Cloutier argue que le Bénéficiaire n’a fait aucun test ni présenté aucune preuve à l’effet que le mur ne rencontre pas les normes de construction.

[36]      Elle ajoute que l’Entrepreneur peut faire des modifications en cours de chantier tout en respectant son obligation de résultat.

 

3. Insonorisation (plomberie derrière les douches…).

 

[37]      Le Bénéficiaire, dans sa réclamation du 8 mai 2010 faite auprès de l’Administrateur, a signalé un problème d’insonorisation sans en déterminer la cause précise.

[38]      Dans sa décision, l’Administrateur rapporte les commentaires suivants des parties :

« La représentante du Syndicat des copropriétaires mentionne que l’insonorisation entre les unités de condominium numéro 2674 et 2672 n’est pas acceptable. Les copropriétaires des deux (2) unités  de condominiums mentionnent qu’ils entendent clairement la musique dans l’autre unité et même les personnes qui parlent. »

 

[39]      L’Administrateur a rejeté ce point au motif suivant :

« Suite aux informations fournies par le Syndicat des copropriétaires et suite aux contestations au moment de l’inspection, GMB ne peut se prononcer et qualifier ce point de malfaçon ou de vice caché. »

 

[40]      Madame Presseau témoigne à l’effet qu’on pouvait entendre madame Aubin et son voisin se parler et constate que l’insonorisation est déficiente, même si elle confirme ne pas avoir effectué de tests acoustiques.

[41]      Elle recommande de retirer les cabinets dans les salles de bain et de boucher les grandes ouvertures qui traversent le mur mitoyen autour de la plomberie tel que démontré lors de la visite des lieux.

[42]      Elle recommande aussi d’ajouter un autre panneau de gypse de chaque côté du mur, de calfeutrer toutes les ouvertures et de prolonger le mur dans l’entretoit.

[43]      À cet effet monsieur Caron dit avoir accueilli la réclamation du Bénéficiaire en regard des trous dans le mur mitoyen localisés derrière la douche mais qu’il n’a pas vu les trous autour des tuyaux sous les vanités lors de son inspection. Il reconnaît que la situation observée lors de la visite des lieux est inacceptable.

[44]      Il dit avoir considéré les trous derrière les douches comme étant une malfaçon non apparente affectant l’intégrité du mur mitoyen quant à sa résistance au feu.

[45]      Me Cloutier confirme que l’Administrateur reconnaît le problème sous les vanités au même titre que les ouvertures derrière les douches et que des mesures seront prises pour faire exécuter les travaux correctifs.

[46]      Par contre, Me Cloutier argue que la preuve n’a pas été faite que la composition du mur ne rencontre pas les normes relatives à l’indice de transmission du son exigé par le Code.

[47]      Quant aux bruits d’impacts, Me Cloutier plaide qu’il n’existe aucune norme de telle sorte qu’on ne peut conclure à une malfaçon. Pour appuyer son argumentation, Me Cloutier dépose deux décisions[1]

 

Analyse :

 

1.1 Absence de séparation coupe-feu dans le comble sous le toit.

 

[48]         Dans le présent cas, l’arbitre doit déterminer si la construction du mur mitoyen, tel que réalisé, constitue une malfaçon ou un vice dans le cadre des exigences du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (ci-après le Règlement)[2]:

[49]         Il convient de rappeler le droit applicable en regard de la couverture de la garantie prévu à l’article 10 du Règlement :

I. Couverture de la garantie  

 

10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

 

 (les soulignements sont de l’arbitre)

 

[50]         La Régie du bâtiment du Québec nous fournit dans ses publications[3] des définitions utiles :

             Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de «règles de l’art»). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs. » 

[51]         Il a été admis que le mur érigé entre les deux unités de copropriété est un mur mitoyen.

[52]         Madame Presseau a démontré que la construction du mur mitoyen était non conforme au Code en référence notamment à l’article 9.10.11. Mur coupe-feu  suivant :

 

(…)

2) Le mur mitoyen décrit au paragraphe 1) doit offrir une protection continue du dessus de la semelle des fondations jusqu'à la sous-face du platelage du toit.

 

[53]      Cet article s’applique spécifiquement à un mur mitoyen et exige qu’il offre une protection continue du dessus de la semelle des fondations jusqu’à la sous-face du toit. Il doit être construit soit comme un mur coupe-feu ou soit comme une séparation coupe-feu selon le champ d’application.

[54]      Cette distinction indique la façon dont doit être construit le mur et son degré de résistance au feu, mais ne permet aucune exemption quant à sa continuité jusqu’à la sous-face du toit.

[55]      À cet effet, il y a lieu d’examiner les définitions du Code :

            Mur mitoyen (party wall) : mur appartenant en commun à deux parties et utilisé en commun par ces deux parties, en vertu d'un accord ou par la loi, et érigé sur la limite de propriété séparant deux parcelles de terrain dont chacune est ou pourrait être considérée comme une parcelle cadastrale indépendante.

Mur coupe-feu (firewall) : type de séparation coupe-feu de construction incombustible qui divise un bâtiment ou sépare des bâtiments contigus afin de s'opposer à la propagation du feu, et qui offre le degré de résistance au feu exigé par le CNB tout en maintenant sa stabilité structurale lorsqu'elle est exposée au feu pendant le temps correspondant à sa durée de résistance au feu.

Séparation coupe-feu (fire separation) : construction, avec ou sans degré de résistance au feu, destinée à retarder la propagation du feu.

 

[56]      Monsieur Caron a soumis que l’article 9.10.15.1, « Vides de construction », du Code national du bâtiment permet de limiter la continuité verticale du mur mitoyen si l’ensemble mur-plafond de chaque unité offre la résistance au feu requise et si le comble (entretoit) respecte certaines dimensions maximales.

[57]      Cette interprétation n’a pas convaincu le Tribunal, car les exigences de l’article 9.10.15.1 visent effectivement les vides qui sont créés par la compartimentation des entretoits mais ne portent aucunement sur les exigences relatives à la construction du mur mitoyen.

[58]      On ne peut s’appuyer sur « l’approbation des plans par la municipalité » pour prétendre que la situation est conforme au Code d’autant plus que les plans sont muets sur la réalisation et la continuité du mur mitoyen dans l’entretoit.

 

1.2 Composition du mur mitoyen non conforme aux plans approuvé.

 

[59]      Le Bénéficiaire a démontré que la composition du mur mitoyen était différente et de qualité inférieure à celle prévue aux plans.

[60]      Par contre, la preuve n’a pas été faite que cette construction était non conforme au Code quant à la résistance au feu et aux exigences acoustiques.

[61]      Le demandeur avait le fardeau de la preuve de démontrer par des tests ou des analyses comparatives que la qualité du mur, tel que construit, constituait une malfaçon ou un vice couvert par le Règlement.

[62]      L’Administrateur a fait une démonstration théorique, à l’aide de tableaux, que la situation observée respectait les normes de résistance au feu et offrait un rendement supérieur aux normes en regard de la performance acoustique.

[63]      Il est cependant apparu évident que les ouvertures dans le mur portaient atteinte à l’intégrité du mur, réclamation qu’il a accueillie au point 1.4 de sa décision.

[64]      Ces ouvertures ont un impact négatif sur la résistance au feu et sur l’indice réel de transmission du son.

[65]      Le Tribunal maintient la décision de l’Administrateur quant à ce point portant sur la composition du mur mitoyen, mais prend acte que l’Administrateur s’est engagé à obstruer adéquatement toutes les ouvertures dans le mur.

 

3. Insonorisation (plomberie derrière les douches…).

 

[66]      L’argumentation de l’Administrateur, à l’effet qu’il n’existe pas de normes relatives aux bruits d’impacts, ne peut être retenue ici, car le problème soulevé est attribuable aux bruits aériens.

[67]      Cependant, en regard des bruits aériens, la preuve théorique soumise par l’Administrateur, donne un indice de transmission du son (ITS) de 57 alors que l’exigence du Code est de 50.

[68]      Par contre, le rendement théorique ne peut être retenu que si l’étanchéité du mur est parfaite. Or, il a été prouvé de manière fort évidente que les ouvertures inacceptables observées dans le mur mitoyen dans les salles de bains ne pouvaient aucunement contribuer à atteindre les objectifs de performance visés.

[69]      La réclamation du Bénéficiaire quant à l’existence d’un problème d’insonorisation est bien fondée.

[70]      Se référant aux spécifications prévues aux plans et aux ouvertures observées dans le mur, le Bénéficiaire a soulevé un doute sérieux sur la qualité d’exécution des travaux

[71]      Cependant, la preuve n’a pas été faite que la faible performance acoustique était causée par une composition inadéquate du mur, mais plutôt par une déficience évidente de mise en œuvre, notamment par la présence d’ouvertures affectant l’intégrité du mur.

[72]      Compte tenu de la piètre qualité des travaux observée, l’Administrateur devra s’assurer que toutes les ouvertures autour de la plomberie dans les salles de bain soient correctement scellées incluant celles derrières les douches. Il devra aussi vérifier et s’assurer que toutes les autres ouvertures pratiquées dans le mur mitoyen, telles que les interrupteurs et les prises de courant s’il en est, sont isolées dans le respect des règles de l’art afin de se rapprocher de la performance acoustique théorique annoncée.

[73]      Le Tribunal accueille en partie la réclamation du Bénéficiaire relativement au problème d’insonorisation, dû en partie à la mauvaise réalisation des travaux.

 

FRAIS D’EXPERTISE:

 

[74]      Le procureur du Bénéficiaire a déposé une requête pour le remboursement des honoraires de l’expert dont les montants s’élèvent à 450.00$ pour la préparation du rapport et à 340.00$ pour son témoignage à l’audition.

[75]      En vertu de l’article 38 du Règlement, « l'arbitre doit statuer, s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertises pertinentes que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel. »

[76]      Considérant que le témoignage de l’expert Presseau a éclairé le tribunal sur les problèmes dénoncés, les honoraires de l’expert seront remboursés au Bénéficiaire par l’Administrateur, pour un montant maximum de 790.00$, sur présentation de la preuve de paiement.

 

DÉCISION :

 

[77]         L’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient.»

[78]         À titre d’arbitre désigné, le soussigné est autorisé par la Régie du bâtiment du Québec à trancher tout différend découlant des plans de garantie.  La décision doit prendre appui sur le texte du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs.

[79]         En vertu de l’article 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs et comme le Bénéficiaire a obtenu en partie gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

POUR  CES MOTIFS LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

[80]         ACCUEILLE la demande d’arbitrage sur le point 1.1.

[81]         MAINTIENT la décision de l’Administrateur sur le point 1.2.

[82]         ACCUEILLE en partie la demande d’arbitrage sur le point 3, en ce sens que l’Administrateur devra s’assurer que toutes les percées dans le mur mitoyen sont parfaitement scellées et, si requis, effectuer les travaux appropriés.

[83]         CONDAMNE l’Administrateur à rembourser au Bénéficiaire les frais d’expertise qu’il a déboursé, pour un montant maximum de 790.00 $;

[84]         CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d’arbitrage;

 

 

 

Guy Pelletier

Architecte et arbitre

Le 18 juin 2012

 

 



[1] Sophie Bellemare et Ronald Desmarais, c. la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ et 9077-0538 Québec Inc., arbitre Dennis Geraghty, 18 septembre 2003, CCAC, et Syndicat de copropriété « le Carré Rosemont-Boyer » c. Société Immobilière Leroux Inc., et  la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., arbitre Alcide Fournier, 10 octobre 2005, SORECONI.

[2] L.R.Q., c.B-1.1, r.0.2

[3] Site internet RBQ, http://www.rbq.gouv.qc.ca/fileadmin/medias/pdf/Publications/francais/mesures-prendre-condo.pdf, Les mesures à prendre pour votre « condo »