_

 

 

 

 

 

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

 

Société pour la résolution des conflits inc. (« SORECONI »)

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Entre

 

9114-9880 Québec inc.

 

Entrepreneur

 

Et

 

Richard Kim

 

Bénéficiaire

 

Et

 

La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ INC. (GMN)

 

Administrateur

 

 

 

 

 

No dossier Garantie :

051004-1

 

No dossier SORECONI :

080806001

 

No dossier Arbitre :

13 249-12

______________________________________________________________________

 

 

 

SENTENCE ARBITRALE

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Arbitre :

Me Jeffrey Edwards

 

 

 

 

Pour les Bénéficiaires :

Richard Kim

 

 

 

 

Pour l’Entrepreneur :

Monsieur Paul Blouin / Monsieur André Nadeau (19 mars 2009)

Me Alain Boisvert (25 juin 2009)

(Boisvert Ravenelle)

 

 

 

 

Pour l’Administrateur :

Me François Laplante

(Savoie Fournier)

 

 

 

Date(s) d’audience :

19 mars 2009 et 25 juin 2009

 

 

 

 

Délai additionnel accordé par les parties pour rendre la sentence :

17 août 2009

 

 

 

 

Lieu d’audience :

Montréal

 

 

 

 

Date de la décision :

10 août 2009

 

______________________________________________________________________

 

 

 

[1]           Le soussigné a été désigné par le centre d’arbitrage SORECONI pour la demande d’arbitrage et deux audiences ont été fixées, soit  le 19 mars 2009 et le 25 juin 2009.

LES FAITS

[2]           Le Bénéficiaire a conclu un contrat avec l’Entrepreneur pour la construction et l’achat de la propriété sise au 1581, rue St-Christophe à Montréal. La réception du bâtiment a eu lieu le 18 juillet 2005 (A-2).

[3]           Le 12 mars 2008, le Bénéficiaire a dénoncé par écrit à l’Entrepreneur un problème de craquements constaté à certaines sections du plancher de bois de son unité du bâtiment.

[4]           En date du 3 avril 2008, aucun correctif n’ayant été effectué par l’Entrepreneur, le Bénéficiaire présente une demande de réclamation auprès de l’Administrateur (A-5).

[5]           Le 22 avril 2008, l’Administrateur demande à l’Entrepreneur de remédier à la situation constatée par le Bénéficiaire dans les quinze (15) jours.

[6]           Aucun correctif n’ayant été apporté par l’Entrepreneur, une inspection des lieux est tenue en date du  12 juin 2008 par M. Marc-André Savage, inspecteur-conciliateur de l’Administrateur, et sa décision est rendue le 7 juillet 2008.

[7]           La décision de M. Savage est à l’effet que les bruits de craquement produits par les planchers de bois du bâtiment n’affectent que certaines sections du plancher et que, par ailleurs, aucune vibration exagérée n’a été ressentie.

[8]           M. Savage est d’avis que la situation constatée ne rencontre pas tous les critères du vice caché, en ce que la situation n’est pas de nature à rendre le bien impropre à l’usage auquel il est destiné. La demande du Bénéficiaire est par conséquent rejetée.

[9]           Le 6 août 2008, le Bénéficiaire soumet une demande d’arbitrage de cette décision à l’Administrateur.

QUESTION EN LITIGE

[10]        Le problème de craquements affectant certaines lattes du plancher de bois de la Propriété constitue-t-il un vice caché eu égard au critère applicable et la décision de l’Administrateur à ce sujet est-elle bien fondée?

Première audience

[11]        Une première audience a été tenue en date du 19 mars 2009 en présence du soussigné, de M. Paul Blouin de l’Entrepreneur, de M. André Nadeau, président de la compagnie Construction Nadeau et Boulet inc. et de M. Savage. Le Bénéficiaire était accompagné de son témoin expert, M. Ivan Mose, inspecteur en bâtiment accrédité, ainsi que de son voisin, M. Thierry Arnaud.

[12]        La première audience s’est tenue à l’adresse du Bénéficiaire et une visite des lieux a été effectuée par le soussigné.

[13]        Le Bénéficiaire fait comparaître M. Ivan Mose, inspecteur en bâtiment accrédité, à titre de témoin expert. M. Mose témoigne en s’appuyant sur son rapport d’expertise (B-2) qui est essentiellement à l’effet que le plancher a été installé d’une manière qui n’est pas conforme aux règles de l’art.  En revanche, selon l’Entrepreneur, les clous avaient été posés, et ce, selon les règles de l’art. Le Bénéficiaire est d’avis contraire et soutient qu’il y a absence de clous.

 

[14]        Au terme de cette première audience d’arbitrage, il était peu clair si les clous avaient étés effectivement mis lors de l’installation du plancher de bois. Devant ces versions contradictoires, mais non soutenues par la preuve de part et d’autre, le soussigné a établi un échéancier à l’intérieur duquel d’abord le Bénéficiaire et ensuite l’Entrepreneur ont eu l’occasion de soumettre au soussigné de la preuve sur ce point important.

DOCUMENTS SUPPLÉMENTAIRES COMMUNIQUÉS PAR LE BÉNÉFICIAIRE ET PAR L’ENTREPRENEUR

[15]        Le ou vers le 16 avril 2009, le Bénéficiaire a fait parvenir un document (pièce B-3) au tribunal d’arbitrage, à l’Entrepreneur et à l’Administrateur. Ce document est intitulé « Analysis of Squeaky Floor ».  Selon ce deuxième rapport, il paraît que le Bénéficiaire a procédé lui-même à vérifier en grand détail au moyen d’un aimant la présence ou non de clous pour fixer les lattes.

[16]        Le 5 mai 2009, M. Alain Tétrault, architecte, se rend sur les lieux et procède à une inspection du plancher pour le compte de l’Entrepreneur, en présence du Bénéficiaire et de M. André Nadeau. Il s’agit d’une contre-expertise qui vérifie les données et les affirmations contenues dans le document B-3.

[17]        Le rapport de M. Tétrault, en date du 6 mai 2009, fait état en particulier de cinq endroits inspectés au cours de la visite à la demande du Bénéficiaire. Selon les observations de M. Tétrault, les lattes de bois sont clouées en général à intervalles de 12 à 14 pouces. Cependant, il a confirmé qu’à cinq endroits, les distances entre les clous excèdent cette norme et que les clous sont disposés à intervalles de 18 à 24 pouces de distance.

Deuxième audience

[18]        Le 25 juin 2009, une audience complémentaire a été tenue via conférence téléphonique. Étaient présents à cette deuxième audience l’ensemble des intervenants ayant participé à la première audience, à l’exception de Messieurs Mose et Arnaud. Également,  M. Alain Tétrault, architecte, participe à la deuxième audience.  Les parties ont également eu l’opportunité de compléter, le cas échéant, leur argumentation finale.

[19]        L’ensemble des intervenants qui étaient présents à la première audience se sont vus rappelés leur serment avant de témoigner et M. Tétrault a été dûment assermenté préalablement à son témoignage. Les témoins ont répondu aux questions des parties et de leurs représentants.

[20]        Cette deuxième audience a été tenue principalement pour permettre aux différentes parties de se prononcer sur les deux nouveaux éléments de preuve, soit le rapport de M. Tétrault, lequel a été reçu en preuve (E-5) ainsi que le document préparé par le Bénéficiaire (B-3).

[21]        Me Boisvert, représentant de  l’Entrepreneur, a eu l’occasion d’interroger M. Tétrault sur son rapport. M. Tétrault témoigne à l’effet que les cinq endroits inspectés présentent des bruits de craquement. De l’avis de M. Tétrault, il y a un lien entre les endroits où il y a des distances entre les clous excédant 14 pouces et les bruits de craquements observés. Cependant, il considère que ces problèmes affectent certains endroits très précis seulement du plancher et que le reste du plancher ne présente pas de problèmes ou de bruits anormaux.

[22]        Le Bénéficiaire a également posé un certain nombre de questions à M. Tétrault, lequel a précisé que l’inspection tenue le 5 mai 2009 a duré environ trente minutes et que seuls les cinq endroits mentionnés dans le rapport du Bénéficiaire (B-3) ont fait l’objet d’une inspection en présence du Bénéficiaire et de M. Nadeau.

[23]        Pour le Bénéficiaire, c’est essentiellement un problème dans la pose du plancher qui occasionne les craquements constatés.  Selon lui, un nombre important de lattes du plancher ont été clouées à intervalles irréguliers et le Bénéficiaire mentionne dans son rapport (B-3) l’existence de 37 endroits où les lattes du plancher présentent un espacement de plus de 13 pouces entre deux clous. Or, le Bénéficiaire, s’appuyant sur divers guides d’installation de planchers de bois,  soutient qu’un tel espacement n’est pas conforme aux règles de l’art puisque qu’une distance de 8 à 10 pouces est recommandée entre chaque clou.

[24]        Me Boisvert, pour l’Entrepreneur, a également eu l’occasion de poser certaines questions au Bénéficiaire quant au contenu de son document (B-3). Le Bénéficiaire  a effectué lui-même les différentes mesures sur environ le tiers de la surface du plancher du bâtiment, à l’aide d’un aimant permettant de faciliter le repérage des clous posés sur les lattes du plancher. M. Mose n’était pas présent au moment de la prise de ces mesures.

[25]        Enfin, lors de la visite des lieux, le soussigné a pu constater lui-même les bruits de craquements qui se manifestent à certains endroits lorsque l’on marche sur le plancher en question. Compte tenu de la preuve offerte, y compris les témoignages entendus, le Tribunal d’arbitrage est d’accord que ces bruits de craquements entendus sont anormaux à plusieurs endroits. Ces bruits sont inacceptables pour un plancher de bois franc dans un bâtiment de l’âge de la propriété qui fait l’objet de la demande d’arbitrage.

[26]        Il y a un débat entre les parties par rapport aux normes applicables. Selon le Bénéficiaire, la norme de distance raisonnable des clous est de 10 pouces, et le plancher dans son ensemble est vicié et doit être remplacé.

[27]        Selon l’Entrepreneur et son expert, le plancher dans son ensemble a été installé selon les règles de l’art et les endroits de non-conformité (clous distancés de 18 à 24 pouces) sont isolés.

[28]        L’expert de l’Entrepreneur mentionne également que les craquements constatés peuvent être attribuables à des aléas et des choix de vie, tels les déversements d’eau, de jus ou à la présence d’animaux. Cependant, aucune preuve de tels faits dans le dossier en l’espèce n’a été présentée. Au contraire, le soussigné a noté le caractère impeccable de la propriété du Bénéficiaire qui affirme ne jamais avoir possédé un animal.

[29]        Il nous paraît clair que les craquements observés rencontrent le critère d’un vice caché. Le Bénéficiaire a été clair dans son témoignage à l’effet que les bruits de craquements se sont manifestés seulement progressivement avec le temps et n’étaient  pas perceptibles ou beaucoup moins perceptibles lors de la réception.  Il n’est pas raisonnable d’exiger d’un Bénéficiaire-acheteur d’une propriété neuve de vérifier la présence et la distance des clous d’un plancher de bois franc au moyen d’un aimant, tel qu’il l’a été fait dans le cadre de la preuve administrée dans l’instance.

[30]        Vu le caractère anormal des bruits de craquements du plancher constatés, l’utilisation normale, les attentes raisonnables de l’acheteur et la valeur de sa propriété sont affectées.

[31]        Le Tribunal d’arbitrage est d’accord avec l’Entrepreneur et l’Administrateur qu’il serait excessif dans ce dossier de refaire le plancher de bois franc au complet. Les violations des normes de distance des clous qui donnent lieu aux craquements sont présentes à certains endroits seulement. C’est à ces endroits que le plancher doit être réparé. Le témoignage de l’expert de l’Entrepreneur est très clair et pose que de telles réparations à des endroits affectés peuvent être réalisées sans difficulté pour éliminer les bruits anormaux.

[32]        Les travaux correctifs à être complétés sont donc les suivants : là ou il n’y a pas de bruits de craquements lorsqu’une masse d’une personne pesant au moins 200 livres (90.8 kilos) passe su le plancher, il n’y a aucune intervention à faire. Lorsqu’il y a un bruit de craquement dans ces circonstances, et ce, en particulier à tous les endroits où l’espacement entre deux clous a été constaté par l’expert de l’Entrepreneur comme excédant 15 pouces, les travaux de remplacement du plancher doivent être réalisés et ce, selon les règles de l’art.

[33]        Les travaux correctifs seront faits en vue de satisfaire à l’obligation de résultat qui incombe à l’Entrepreneur de fournir un bâtiment dont les planchers sont exempts de bruits anormaux de craquements. Les travaux correctifs doivent tenir compte et s’agencer, dans la mesure du possible, aux matériaux d’origine afin de réduire tout écart de matériaux, de teinture et de vernis sur les lattes du plancher de bois affectées.

FRAIS D’ARBITRAGE

[34]        En vertu de l’article 123 du Règlement et considérant le fait que la demande d’arbitrage a été formulée par le Bénéficiaire et qu’il a eu gain de cause, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.  Cependant, l’Administrateur doit rembourser au Bénéficiaire seulement un montant de 200,00 $ quant aux frais d’expertise étant donné que l’expert du Bénéficiaire n’a pas complété son étude de ce dossier.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

ACCEUILLE la demande d’arbitrage de la décision rendue le 7 juillet 2008;

ORDONNE à l’Entrepreneur de procéder, selon les règles de l’art, aux travaux correctifs requis et décrits aux paragraphes 32 et 33 de la présente sentence dans les trente (30) jours de la réception de la présente sentence.

À DÉFAUT, ORDONNE à l’Administrateur d’effectuer ces travaux dans les trente (30) jours suivants.

ORDONNE à l’Administrateur de payer les frais d’arbitrage et de payer au Bénéficiaire la somme de 200,00 $ pour ses frais d’expertise.


(s)  Me Jeffrey Edwards, arbitre

Me Jeffrey Edwards, arbitre

Copie conforme

 

_____________________________________

Me Jeffrey Edwards, arbitre