ARBITRAGE EN VERTU DU RÈGLEMENT SUR LE PLAN DE GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

Organisme d’arbitrage autorisé par la Régie du bâtiment :

Société pour la résolution de conflits inc. (SORECONI)

 


No dossier SORECONI :        122604001

No dossier Garantie :              190783-1

Date:                                       14 janvier  2013

 

ENTRE:           MELISSA DORSAINT

et

EVENS PIERRE

(ci-après « les Bénéficiaires »)

Et                     CONSTRUCTION VOYER  Inc.

(ci-après « l’Entrepreneur »)

Et                     LA GARANTIE des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ INC

                                                (ci-après "l’Administrateur")

DÉCISION ARBITRALE

 

Arbitre :                                   Me France Desjardins

Pour les Bénéficiaires :           Madame Mélissa Dorsaint

                                                Monsieur Evens Pierre

                                                Monsieur Stéphane Bossus, témoin-expert

Pour l’Entrepreneur :               Monsieur Jean-François Voyer

                                                Monsieur Denis Richard

Pour l’Administrateur :             Me François Laplante, procureur

                                                Monsieur Richard Berthiaume, inspecteur-conciliateur

Mandat :

L’Arbitre a reçu son mandat de SORECONI le 22 mai 2012.

Historique et pièces :

 

26 août 2010

Contrat préliminaire et contrat de garantie

 

25 février 2011

Déclaration de réception du bâtiment

 

8 mars 2011

Acte de vente

 

30 juin 2011

Lettre des Bénéficiaires à l'Entrepreneur avec copie à l'Administrateur

 

25 août 2011

Lettre des Bénéficiaires à l'Entrepreneur et réclamation à l'Administrateur

 

12 septembre 2011

Avis de 15 jours à l'Entrepreneur

 

9 décembre 2011

Inspection de l’Administrateur

 

12 mars 2012

Décision de l'Administrateur

 

26 avril  2012

Demande d'arbitrage

 

13 juillet 2012

Conférence préparatoire téléphonique

 

30 juillet 2012

Rapport d'inspection commandée par les Bénéficiaires

 

13 août  2012

Dépôt rapport d'inspection des Bénéficiaires

 

10 octobre 2012

Conférence préparatoire téléphonique

 

1er novembre 2012

Dépôt de documents par l'Entrepreneur

 

2 novembre 2012

Dépôt de documents par les Bénéficiaires

 

14 décembre 2012

Audition

 

27 décembre 2012

Correspondance à l'Arbitre par les Bénéficiaires avec copie aux parties

 

7 janvier 2013

Commentaire de l'Administrateur en suivi de la correspondance adressée par les Bénéficiaires

 

 

 

 

 

LES FAITS

 

[1]           Le 26 août 2010, les Bénéficiaires signent un contrat préliminaire et de garantie pour la construction d'une résidence à Laval. La réception du bâtiment a lieu à la fin du mois de février 2011.

[2]           Dès réception  du bâtiment en février 2011, et par la suite en juin 2011 et en août 2011, les Bénéficiaires dénoncent un certain nombre de travaux à exécuter afin de parachever la construction ou de corriger certains défauts ou malfaçons.

[3]           Dans la décision qu'il a rendue le 12 mars 2012, l'Administrateur s'est prononcé sur 11 points ayant fait l'objet de la réclamation qui lui a été adressée par les Bénéficiaires. Les conférences préparatoires tenues préalablement à l'audition ont permis de circonscrire l'objet de la demande d'arbitrage déposée par les Bénéficiaires en avril 2012.

[4]           Ainsi, les Bénéficiaires contestent la nature des travaux qu'entend effectuer l'Entrepreneur pour se conformer à la décision de l'Administrateur qui a conclu à malfaçon à l'égard des points suivants de la décision et sur lesquels l'audition a exclusivement porté:

       - Point 1: réparation de la porte de service

       - Point 2: Portes de douche non étanches

       - Point 3:Taches et égratignures - céramique de l'entrée et de la salle d'eau

 

LA PREUVE ET L'ARGUMENTATION

 

[5]           Aucune objection préliminaire n’ayant été soulevée par les parties, la compétence du Tribunal à entendre la demande d’arbitrage est établie.       

[6]           En début d'audition, le dossier contient le cahier des pièces de l’Administrateur, transmis en mai 2012 conformément au Règlement sur la garantie des bâtiments résidentiels neufs, [1](ci-après le Règlement), le rapport d'inspection de monsieur Stéphane Bossus, transmis par les Bénéficiaires le 13 août 2012, les documents transmis en liasse par l'Entrepreneur et par les Bénéficiaires, respectivement en date du 1er et 2 novembre 2012, soit dans le délai convenu en conférence préparatoire. Le Tribunal n'a toutefois pas autorisé la production de certaines preuves transmises avant l'audition. Les motifs de ces décisions seront repris brièvement plus loin.

[7]           Après l'audition et alors que la cause est en délibéré, les Bénéficiaires ont fait parvenir des commentaires et arguments ainsi qu'un affidavit de monsieur Pierre. Considérant que ces documents référaient à des décisions prises en cours d'audience par le Tribunal et ne comportaient aucun nouveau fait, l'Arbitre ne les a pas considérés.

[8]           Pour une meilleure compréhension, le Tribunal désignera, dans la présente décision, les points en litige en référant à la numérotation utilisée par l’Administrateur dans sa décision.

 

 Point 1: Réparation de la porte de service

 

[9]           Les Bénéficiaires témoignent avoir constaté et dénoncé dès l'inspection pré-réception du bâtiment que la porte de service du garage était embossée. Ils expliquent qu'ils souhaitaient qu'elle soit changée mais que l'Entrepreneur voulait plutôt la réparer. Ils déposent une soumission obtenue de la compagnie Solaris (fabricant) qui démontre que le coût de remplacement de la porte s'établit à 205$. Ils allèguent mauvaise foi de l'Entrepreneur car ils ont même proposé de payer la différence entre la réparation et le remplacement.

[10]         Les Bénéficiaires réfèrent à une conversation avec une employée de Solaris au sujet des conséquences d'accepter que la porte soit réparée. Le procureur de l'Administrateur a soulevé une objection vu l'absence de l'interlocutrice de Solaris et son incapacité à l'interroger. Le Tribunal a retenu l'objection.

[11]         À l'appui de leur prétention, les Bénéficiaires réfèrent ensuite à l'enregistrement sonore d'une conversation de monsieur Pierre avec un représentant de la compagnie Solaris, transmis à toutes les parties et à l'Arbitre avant l'audition. Les Bénéficiaires n'étant pas en mesure de faire entendre l'enregistrement à l'audition, le procureur de l'Administrateur s'objecte à sa production comme élément de preuve. Le Tribunal retient l'objection au motif que les parties ne sont pas en mesure de contre-interroger le témoin Pierre sur son contenu.

[12]         Monsieur Stéphane Bossus est ensuite entendu. Référant au rapport d'expertise qu'il a produit, le témoin est d'avis que la méthode de réparation proposée ne permettra pas d'atteindre une couleur uniforme. Il réitère que le coût de remplacement est à peu près identique au remplacement. Il croit que la durée de vie sera affectée car la soudure constitue un risque de rouille. Il conclut que pour atteindre la durée de vie utile de 25 à 30 ans, il faut changer la porte.

[13]         Monsieur Jean-François Voyer témoigne ensuite pour l'Entrepreneur. Il établit d'abord  être ingénieur, membre de l'Ordre depuis 2000 et être entrepreneur en construction.  et président de Construction Voyer Inc depuis 2000. Il ajoute être membre du conseil d'administration de l'APCHQ et du Plan de garantie.  Ayant produit un document écrit sur la situation avant l'audition, il  croit donc être qualifié pour témoigner à titre d'expert, ce à quoi la Bénéficiaire madame Dorsaint s'objecte alléguant que le témoin est qualifié sur papier mais qu'il n'est pas indépendant au litige.

[14]         Le Tribunal a retenu l'objection en indiquant que l'expérience et les compétences de l'Entrepreneur seraient considérés sans que son témoignage soit toutefois reconnu à titre d'expert.

[15]         Monsieur Voyer témoigne reconnaître le problème depuis la réception du bâtiment. Il explique la méthode de correction envisagée avec du "putty" et de la peinture. Il ajoute qu'il n'y aura pas de soulèvement de la plaque d'acier ni de soudure. Il indique comprendre que l'Administrateur confirme, par sa décision, que la correction est adéquate.

[16]         Le témoin réfère ensuite au courriel que monsieur Maxime Brouillard de l'entreprise Solaris, lui adressait le 1er novembre 2012 et dans lequel il confirme que la réparation que l'Entrepreneur veut effectuer sur la porte n'affectera pas la garantie originale de 5 ans.  Monsieur Voyer explique qu'il s'agit d'une entente entre l'Entrepreneur et Solaris

[17]         Contre-interrogé par madame Dorsaint sur son témoignage à l'effet que l'Administrateur confirme que la correction serait adéquate, monsieur Voyer répond que c'est ce qu'il a compris.

[18]         Questionné sur l'entreprise qui ferait le travail et sur la méthode, monsieur Voyer indique qu'un sous-traitant peinturerait la porte au complet.

[19]         Monsieur Berthiaume témoigne ensuite pour l'Administrateur. Il explique qu'il indique dans sa décision que la porte peut être remplacée ou réparée parce que l'Entrepreneur a une obligation de résultat. Il réfère à la page 119 du Guide de performance de l'APCHQ, (transmis par courriel après l'audition) qui indique que les portes extérieures bosselées, enfoncées ou égratignées au moment de la réception du bâtiment doivent être réparées et qu'elles peuvent être repeintes par des entreprises spécialisées.

[20]         Interrogé par Me Laplante sur son expérience de ce type de situation, monsieur Berthiaume indique que ces portes peuvent être réparées. Il n'a jamais vu de réparations effectuées par le sous-traitant choisi par l'Entrepreneur. Toutefois, ajoute-t-il, si les Bénéficiaires ne sont pas satisfaits, sur nouvelle réclamation, l'Administrateur procédera à une autre inspection.

[21]         Questionnés à savoir si la réparation se fera sur place, messieurs Berthiaume, Voyer et Richard répondent que cela dépend du type de réparation.

[22]         En argumentation, les Bénéficiaires représentent qu'ils n'ont pas laissé l'Entrepreneur intervenir sur la porte de service parce que le fabricant leur aurait  dit que les réparations effectuées par d'autres affecteraient la garantie et la durée de vie utile du bien, ce qui est d'ailleurs repris sur son site web.

 

 Point 2: Portes de douche non étanches

 

[23]         Madame Dorsaint explique avoir payé 5 000$ pour une deuxième salle de bain avec bain et douche. Leur choix s'est fixé une douche avec pourtour de céramique et base en acrylique. L'Entrepreneur leur a indiqué que la configuration de la salle de bain ne permettait de placer une base en acrylique et a proposé d'installer une douche norvégienne, comme Construction Voyer le fait toujours. Un extra supplémentaire de 4 000$ est exigé pour la douche norvégienne.

[24]         Madame Dorsaint expose que les Bénéficiaires aimaient l'aspect épuré de la douche norvégienne et le fait que la porte ouvrait dans les deux sens. Elle considère qu'il s'agit là d'un élément contractuel important. Selon les plans déposés par les Bénéficiaires, la superficie de la  douche devait être de 54 po X 48 po. Madame Dorsaint témoigne que la vanité a été tronquée pour installer une douche de 54 po X 48 po prévue aux plans. Toutefois, la superficie a dû être diminuée pour permettre l'ouverture de la porte dans les deux sens.

[25]         Selon les Bénéficiaires, il faut installer une douche sans moulure apparente. Madame Dorsaint réfère ainsi au courriel daté le 4 avril 2012 que lui adressait madame Josée Locas, directrice du service après vente chez l'Entrepreneur, après discussion avec le sous-traitant, Miroir Sans Limite. Madame Locas y fait état de deux solutions (non expliquées) qui pourraient apporter de bons résultats, dont l'une changerait l'aspect visuel de la porte et l'autre pas. Elle se  déclare persuadée que celle n'affectant pas l'aspect visuel pourrait être la solution permanente aux problèmes.

[26]         Madame Dorsaint poursuit en expliquant qu'une réparation faite avec du silicone s'est avérée un échec et qu'ils ont refusé l'autre solution impliquant l'installation de moulures apparentes.

[27]         Madame Dorsaint expose qu'une troisième solution consistant en l'ajout d'un muret à la base de la douche et  suggérée par monsieur JF Mailhot de Miroir Sans Limite, dans un courriel transmis le 6 avril, aurait été refusée par l'Entrepreneur.

[28]         Le témoin conclut en indiquant que les Bénéficiaires sont prêts à accepter une réparation qui garantit que la douche ne coulera pas et ne changera pas l'apparence attendue d'une douche norvégienne pour laquelle ils ont déjà payé un supplément.

[29]         Contre-interrogée par Me Laplante , madame Dorsaint confirme vouloir une douche qui ne coule pas, sans moulure apparente mais pas nécessairement avec une base en acrylique.

[30]         Contre-interrogée par monsieur Voyer sur l'existence d'un contrat à l'effet que la porte doit ouvrir dans les deux sens, madame Dorsaint répond que non mais c'est une caractéristique d'une douche norvégienne.

[31]         Monsieur Stéphane Bossus témoigne pour les Bénéficiaires. Référant aux photos 82 et suivantes de son rapport, il explique que le cadre de la douche et la porte ne sont pas construits à l'horizontal, donc la douche n'est pas d'équerre. Il poursuit en référant aux photos 75 et 76 pour démontrer qu'à la base du panneau frontal, la pente n'est pas orientée vers le drain de fond. Il ajoute que le mécanisme de pivot coule malgré le silicone (photo 73).

[32]         Contre-interrogé par Me Laplante qui demande s'il recommande la destruction de la douche et la construction d'un bassin, monsieur Bossus répond que le bassin est une solution sûre.

[33]         Contre-interrogé par monsieur Voyer sur la nécessité du démantèlement, monsieur Bossus réitère que ça doit être construit d'équerre.

[34]         Contre-interrogé par monsieur Richard sur l'ajustement possible de l'horizontalité, monsieur Bossus indique que le "frame" sert à coller ensemble deux panneaux de verre trempé qui sont courbés.

[35]         Monsieur Voyer témoigne ensuite pour l'Entrepreneur. Il explique qu'à l'origine, la plainte était à l'effet que la douche coule.L'Entrepreneur a considéré que la quantité d'eau qui s'échappait était acceptable. Or, la décision de l'Administrateur est à l'effet que la douche ne rencontre pas la performance attendue, ce que l'Entrepreneur accepte.

[36]         Le témoin indique être en mode résolution de problèmes en cherchant les solutions les plus simples considérant les coûts et les inconvénients pour les Bénéficiaires. Il convient que toutes les tentatives ont été infructueuses. Il a l'intention de corriger mais n'a pas eu l'occasion de le faire parce qu'à un moment donné, les Bénéficiaires ne lui permettaient pas.

[37]          Monsieur Voyer est d'avis que l'équerrage et l'horizontalité ne sont pas parfaits mais acceptables. Il croit pouvoir arriver à corriger avec des jointages.

[38]         L'Entrepreneur fait entendre monsieur Jean-François Mailhot de Miroir Sans Limite. Le témoin a installé 1600 douches et la compagnie sous-traitante en a installé 3200 depuis 8 ans. Sur l'équerrage et l'horizontalité, celui-ci indique qu'il est possible de corriger mais il faut que les trois élément soient dans le même axe, ce qui est le cas.  À son avis, ce n'est pas la cause du problème. Il explique avoir fait un test en bouchant le drain et en laissant monter l'eau. Il conclut que la base ne coule pas. Il se dit prêt à aire des essais mais ajoute qu'il n'arrivera pas à "zéro goutte avec une douche norvégienne"

[39]         Appelé à dire si toutes les douches norvégiennes coulent, monsieur Mailhot répond que pour qu'elles ne coulent pas, ce doit être très serré lorsque les portes ouvrent dans les deux sens. Selon lui, quand on prend une douche, il ne devrait y avoir que quelques gouttes à l'extérieur.

[40]         Contre-interrogé par madame Dorsaint sur le nombre de fois il est allé pour réparer la douche, monsieur Mailhot répond qu'il y est allé une première fois pour installer un balai, une deuxième fois pour réparer un coin et une troisième fois pour installer des moulures, ce que les Bénéficiaires ont refusé.

[41]         Les Bénéficiaire répliquent alors que quelqu'un de la compagnie a installé des moulures tellement épaisses qu'ils ne pouvaient ouvrir la porte et que "la douche tremblait"

[42]         Monsieur Berthiaume témoigne ensuite pour l'Administrateur. Référant aux photos produites sous l'onglet 10 du cahier de l'Administrateur, il explique avoir constaté une accumulation d'eau sur le plancher lors de l'inspection. Pour lui, le test était très concluant. Or, la porte de douche doit être étanche ajoute-t-il. La seule accumulation d'eau acceptable est celle qui se produit quand on ouvre la porte et que ça dégoute. Il conclut qu'il est possible de corriger par des ajustements, des moulures et par une ouverture de la porte dans un sens seulement.

[43]         En argumentation, les Bénéficiaires représentent qu'ils ont acheté cette maison avec leurs économies. Ils ont fait du triage dans leurs réclamations et en ont abandonné plusieurs. Madame Dorsaint se dit exaspérée parce qu'à chaque fois que les représentants de l'Entrepreneur ont visité la maison, ils ont ensuite changé d'avis ou trouvé les solutions inacceptables. Ils ajoutent qu'à un moment donné, il faut mettre un arrêt à toutes ces tentatives.

[44]         Les Bénéficiaires  croient que l'Entrepreneur n'a pas identifié la cause du problème. Pour eux, il est important de corriger et non de "patcher". Monsieur Pierre souligne que l'Entrepreneur parle toujours de coûts et qu'il cherche toujours des solutions à moindre coût plutôt que régler le problème. Les Bénéficiaires rappellent que ce n'est pas un argument de dire qu'il ne faut pas diriger l'eau vers la porte, d'autant plus que la douche n'est pas utilisée depuis deux ans parce qu'elle coule.

[45]         De son côté, Me Laplante argue qu'il y a eu plusieurs tentatives de correction mais qu'il reste des tests à faire pour arriver à un résultat. Il soumet au surplus qu'il n'y a pas de preuve d'infiltration d'eau.

 

Point 3:Taches et égratignures - céramique de l'entrée et de la salle d'eau

 

[46]         Madame Dorsaint témoigne à l'effet que certains carreaux de céramique ont été abîmés par l'Entrepreneur en nettoyant les joints de coulis. Les Bénéficiaires demandent le remplacement complet des carreaux de céramique dans l'entrée et la salle d'eau. La Bénéficiaire expose que monsieur Richard aurait dit qu'une réparation locale ne pouvait se faire et aurait donné instructions de changer le tout, à condition que les Bénéficiaires abandonnent leur recours sur la cuisine.

[47]         Monsieur Bossus témoigne à l'effet qu'il faudrait aussi changer la tuile mal coupée autour du registre. Il est d'avis qu'il est impossible d'avoir des coulis de même couleur en réparant. À son avis, il y aurait lieu de considérer la reprise de l'ouvrage, surtout dans l'entrée qui est plus éclairée.

[48]         Contre-interrogé par monsieur Voyer sur l'obligation de remplacer la céramique sous le cadrage de la porte, monsieur Bossus répond par la négative. Il est cependant d'avis qu'il  faut remplacer les carreaux sous la toilette mais pas sous la vanité.

[49]         Monsieur Voyer témoigne pour sa part qu'il est reconnu par tous que quelques tuiles seulement sont endommagées. Il a manifesté son intention de corriger localement, ce qui a été refusé par les Bénéficiaires. Selon lui, la décision de l'Administrateur autorisait la méthode corrective. Il s'engage à remplacer les tuiles endommagées et à apparenter le coulis.

[50]         Monsieur Berthiaume témoigne pour l'Administrateur et explique la décision qu'il a rendue, laquelle s'appuie sur le Guide de performance de l'APCHQ, dont il dépose les extraits des sections 22-10 et 11-22 traitant respectivement de coulis craqué, joints évidés ou lâches  et du manque d'uniformité de la couleur des joints de coulis ou de mortier. Pour lui, il est possible de remplacer localement mais le résultat doit être acceptable à défaut de quoi, l'Administrateur se prononcera à nouveau sur demande des Bénéficiaires insatisfaits.

[51]         En argumentation, les Bénéficiaires plaident que l'Entrepreneur sait qu'il n'est pas possible de reproduire la même teinte de coulis parce qu'il n'a pas été livré dans des circonstances normales et a été endommagé par la poussière de gypse et les travaux de nettoyage.

[52]         L'Entrepreneur argue que la décision de l'Administrateur ordonne le remplacement des tuiles abîmées. Il ajoute qu'il se peut qu'il faille remplacer en totalité mais c'est à l'Entrepreneur de décider.

[53]         En argumentation finale, Me Laplante dépose deux décisions arbitrales[2] à l'effet qu'en vertu de l'article 2099 du Code civil du Québec, l'Entrepreneur a le libre choix des moyens, sujet à son obligation de résultat. Le procureur plaide que ces principes s'appliquent en l'instance d'autant plus que, pour 2 des 3 points, l'Entrepreneur n'a pas eu l'occasion de corriger.

[54]         Le procureur conclut que l'Entrepreneur doit avoir la chance d'intervenir et atteindre les résultats escomptés. Il rappelle que ce n'est jamais final car la garantie ne s'arrête pas. Conformément à la mécanique du Plan de garantie, si on ne laisse pas l'Entrepreneur intervenir, l'Administrateur ne peut non plus intervenir.

[55]         En réplique, les Bénéficiaires mettent en doute l'indépendance de l'Administrateur à l'égard de l'Entrepreneur, ceux-ci ayant perçu les objections, questions et commentaires du procureur de l'Administrateur comme un parti-pris à l'égard de l'Entrepreneur qui est membre du Conseil d'administration du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ.

 

ANALYSE ET MOTIFS

 

[56]         Avant d’amorcer l’analyse pour disposer du litige, il y a lieu de rappeler que le présent arbitrage se tient en vertu du Règlement. Bien que le Tribunal puisse interpréter certaines dispositions d’autres lois dans l’application de son mandat, c’est en vertu du Règlement qu’il doit déterminer les droits et obligations de chacun. Sa décision doit prendre sa source dans la règle de droit et s’appuyer sur la preuve soumise par les parties.

[57]         Au surplus, les tribunaux ont établi le caractère d’ordre public du Règlement.. À cet effet, le Tribunal réfère notamment aux propos de l’Honorable Pierrette Rayle qui s’exprimait pour la Cour d’appel du Québec sur cette question:

 

Le Règlement est d’ordre public. Il pose les conditions applicables aux personnes morales qui aspirent à administrer un plan de garantie. Il fixe les modalités et les limites du plan de garantie ainsi que, pour ses dispositions essentielles, le contenu du contrat de garantie souscrit par les bénéficiaires de la garantie, en l’occurrence, les intimés.[3]

[58]          Il convient de rappeler que les parties sont liées par un contrat de garantie dont les termes sont dictés par la loi et le Règlement. À cet égard, il y a lieu de citer les dispositions pertinentes du Règlement :

 

            7. Un plan de garantie doit garantir l’exécution des obligations légales et contractuelles d’un entrepreneur dans la mesure et de la manière prévues par la présente section.

            […

 

            10.   La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception du bâtiment doit couvrir:

 

  1°    le parachèvement des travaux relatifs au bâtiment et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  2°    la réparation des vices et malfaçons apparents visés à l'article 2111 du Code civil et dénoncés, par écrit, au moment de la réception ou, tant que le bénéficiaire n'a pas emménagé, dans les 3 jours qui suivent la réception;

 

  3°    la réparation des malfaçons existantes et non apparentes au moment de la réception et découvertes dans l'année qui suit la réception, visées aux articles 2113 et 2120 du Code civil et dénoncées, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des malfaçons;

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception du bâtiment et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

                        5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation.

[59]         Ainsi la garantie trouvera application si l’Entrepreneur est en défaut de respecter ses obligations légales ou contractuelles, plus précisément s’il néglige de terminer les travaux convenus ou si l’exécution des travaux est affectée de vices ou de malfaçons. Pour bien cerner ces notions, l’Arbitre réfère aux définitions fournies, à titre de guide, par la Régie du bâtiment du Québec. Cet organisme est chargé, en vertu de la Loi sur le bâtiment, [4]de l’application du Règlement :

 

Vices ou malfaçons : Travail mal fait ou mal exécuté compte tenu des normes qui lui sont applicables. Ces normes se trouvent dans les        conditions contractuelles et les règles de l’art (voir ci-dessus la notion de « règles de l’art »). Ces défauts d’exécution se distinguent des vices cachés et des vices de conception, de construction ou de réalisation par leur degré de gravité : il s’agit de défauts mineurs..

 

Règles de l’art : Ensemble des techniques et pratiques de construction reconnues, approuvées ou sanctionnées. Ces règles ont un caractère évolutif car les méthodes de construction, les équipements et les matériaux disponibles évoluent constamment.

 

Elles trouvent notamment leurs sources dans les documents suivants :

 

§  les instructions ou guides fournis par les fabricants d’équipements ou de matériaux            entrant dans la construction des immeubles;

§  les normes ou standards publiés par les organismes de normalisation;

§  les lois ou règlements contenant des prescriptions obligatoires relativement à l’ouvrage à construire;

§  les publications scientifiques ou techniques utilisées à des fins d’enseignement des professions ou des métiers, ou servant à la diffusion du savoir le plus récent.» [5]

 

 

[60]         Il ressort de l’ensemble de ces dispositions, comme l’exprime l’arbitre Robert Masson que:

 

«le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, mis en vigueur en vertu de la Loi sur le bâtiment, a été institué par le gouvernement du Québec afin de protéger les acheteurs et d’améliorer la qualité des constructions neuves»

Le Procureur général du Québec s’exprimait ainsi alors qu’il intervenait dans un débat concernant une sentence arbitrale rendue en vertu du Plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs où il avait été appelé :

«Les dispositions à caractère social de ce règlement visent principalement à remédier au déséquilibre existant entre le consommateur et les entrepreneurs lors de mésententes dans leurs relations contractuelles. En empruntant un fonctionnement moins formaliste, moins onéreux et mieux spécialisé, le système d’arbitrage vient s’insérer dans une politique législative globale visant l’établissement d’un régime complet de protection du public dans le domaine de la construction résidentielle»[6]

 

[61]         C’est donc dans le cadre d’une relation fortement réglementée, dont le contenu est dicté par un règlement d’ordre public que le Tribunal est appelé à analyser le comportement des parties à l’arbitrage et chacun des points en litige.

[62]         Dans le présent dossier, l'Administrateur a accueilli la réclamation des Bénéficiaires sur 3 points mais  ces derniers ont porté la décision en arbitrage sur ces points parce qu'ils contestent les travaux de correction proposés par l'Entrepreneur.  Le fardeau de la preuve repose donc sur eux, en application des dispositions contenues à l’article 2803 du Code Civil du Québec :

 

2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit

prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

 

[63]         L’Entrepreneur et l’Administrateur plaident d’autre part, qu’on doit laisser à l’Entrepreneur la chance de corriger les problèmes selon la solution qu’il préconise puisqu’en application de l’article 2099 du Code civil du Québec, il a le libre choix de la méthode corrective.

 

[64]         L’article 2099 du Code civil du Québec stipule en effet que :

 

                        2099 : L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des

                        moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun

                        lien de subordination quant à son exécution.

 

[65]         Ce droit comporte toutefois en corollaire un certain nombre d'obligations dont celle prévue à l'article 2100 du Code civil du Québec :

 

                        2100 L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au

                        mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont

            aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à          fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est

                        conforme au contrat.

            Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

 

[66]         Certes, le principe de l'autonomie de l'Entrepreneur dans le choix des méthodes doit recevoir une application rigoureuse lors de la construction d'une résidence, à défaut de quoi l'Entrepreneur serait entièrement soumis aux exigences, voire aux caprices  de son client en regard des moyens d'exécution de son contrat.

[67]         Toutefois, le Tribunal croit que des nuances doivent être apportées quand il s'agit d'effectuer des travaux correctifs requis à la suite de la découverte d'une malfaçon ou d'un vice caché reconnu par l'Administrateur, comme c'est le cas en l'espèce. Ainsi, lorsque le Tribunal est appelé à se prononcer sur les travaux correctifs appropriés pour répondre aux exigences des règles de l'art, il doit analyser la situation dans son ensemble considérant les droits et obligations de chacune des parties.

[68]         La question à laquelle le Tribunal doit répondre pour chacun des points en litige est donc la suivante: considérant la preuve offerte de part et d'autre, est-ce que les moyens envisagés par l'Entrepreneur pour corriger la situation permettront d'atteindre la performance attendue dans le respect du droit, du contrat, des règles de l'art et des usages du marché?

[69]         En regard de la preuve offerte, l'Entrepreneur a déposé une note de service signée par monsieur Jean-François Voyer, président de Construction Voyer Inc, par laquelle il émet une opinion sur la situation, avis qu'il souhaite voir reconnu comme donné par un expert. Quoique le Tribunal puisse apprécier le témoignage de monsieur Voyer en tenant compte de ses compétences, sa formation d'ingénieur et son expérience  à titre de constructeur, il n'y a pas lieu de considérer qu'il agit ici comme expert puisqu'une des caractéristiques fondamentales d'un expert consiste en l'indépendance qui lui permettra de donner un avis objectif, neutre et impartial sur la situation, ce qui, malgré toute sa bonne foi, paraît raisonnablement ardu pour une partie au litige.

[70]         Qui plus est, monsieur Voyer est membre du Conseil d'administration de l'APCHQ et membre du conseil d'administration du Plan de garantie. À ce titre, considérant les articles 41 et 42.9 du Règlement et l'article 1310 C.c.Q.,  il aurait dû être représenté à l'audience afin d'éviter tout conflit d'intérêt ou toute apparence de conflit d'intérêt, tant à son égard qu'à celle de l'Administrateur, sachant qu'il ne suffit pas que justice soit rendue mais qu'elle paraisse avoir été rendue.

 

Point 1: Réparation de la porte de service

 

[71]         La preuve non contredite est à l'effet que la porte de service était embossée à plusieurs endroits dès la réception du bâtiment et que l'Entrepreneur n'a jamais nié le problème. Le litige provient du fait que les parties ne s'entendent pas sur la solution, les Bénéficiaires souhaitant le remplacement de la porte et l'Entrepreneur voulant réparer.

[72]         Le Tribunal comprend les inquiétudes des Bénéficiaires concernant le respect de la garantie par le fabricant Solaris, considérant les réserves qui apparaissent sur son site WEB. Les Bénéficiaires ont, à juste titre, contesté à l'audience le dépôt, par l'Entrepreneur, d'un courriel portant la signature du directeur du service après-vente de Solaris, par lequel le fabricant écrit que la réparation qu'entend effectuer l'Entrepreneur n'affectera pas la garantie originale de cinq ans sur la porte.

[73]         Par ailleurs, le Tribunal saisit mal l'insistance de l'Entrepreneur à réparer la porte alors que les Bénéficiaires lui auraient, selon la preuve non contredite, offert d'en défrayer le coût supplémentaire de son remplacement, d'ailleurs assez peu important selon la preuve faite.

[74]         Il ressort de la preuve que l'Entrepreneur retient la décision de l'Administrateur qui spécifie que "les portes métalliques qui comportent des bosses, des parties encavées ou des égratignures peuvent être réparées et repeintes par des entreprises spécialisées" . Or, à l'audition, l'inspecteur-conciliateur signataire de la décision, monsieur Richard Berthiaume, a témoigné avoir reproduit le Guide de performance de l'APCHQ. Le Tribunal précise que ce guide n'est pas une norme mais un indicateur des règles de l'art eu égard aux tolérances admissibles dans le milieu de la construction.

[75]         Cela dit, il est clair que, dès la dénonciation, les Bénéficiaires n'ont pas permis à l'Entrepreneur de corriger le problème, quitte à se pourvoir à nouveau en cas de réparation inadéquate.

[76]         Les Bénéficiaires n'ont pas non plus, par leur témoignage ou celui de leur expert, convaincu le Tribunal du bien-fondé de leurs prétentions, basées sur des appréhensions en regard de la nature inconnue de la réparation. La preuve est plutôt à l'effet que la réparation envisagée par l'Entrepreneur ne comporte aucun soulèvement de la plaque d'acier ou soudure mais plutôt l'apposition de "putty" et de peinture.

[77]         Les Bénéficiaires ont fait grand état d'être empêchés de présenter  certaines preuves à l'audience. D'ailleurs à ce titre, même si la preuve de l'enregistrement sonore ave un représentant de Solaris n'a pas été admise, le Tribunal croit qu'elle a été obtenue de façon discutable par monsieur Pierre, son interlocuteur n'ayant pas été avisé que la conversation était enregistrée et leurré sur le véritable motif de l'appel.

[78]         Quoiqu'en concluent les Bénéficiaires, il n'en demeure pas moins que, en application de l'article 2099 du Code civil du Québec, l'Entrepreneur a le libre choix des moyens, sujet à son obligation de résultat. Or, on ne lui a pas laissé ce choix ni donné l'occasion d'atteindre la performance attendue.

[79]         Par conséquent, le Tribunal maintient la décision de l'Administrateur et croit utile d'en rappeler les conclusions:

L'entrepreneur devra soit remplacer la porte de service ou procéder aux réparations nécessaires de façon à obtenir la performance souhaitée.

[80]         Cependant, si l'Entrepreneur opte pour la réparation de la porte, considérant l'ensemble de la preuve, cette réparation devra être effectuée par une entreprise recommandée par le fabricant Solaris qui en assure la pleine garantie.

 

Point 2: Portes de douche non étanches

 

[81]         La preuve non contredite est à l'effet que les Bénéficiaires ont déboursé 4 000$ en supplément au contrat pour l'installation d'une douche norvégienne, le type de douche que recommandait l'Entrepreneur. Des modifications ont été effectuées aux plans en cours de construction afin que la porte s'ouvre dans les deux sens, un élément contractuel important pour les Bénéficiaires.

[82]         Dès les premières utilisations, il est apparu que les portes de la douche n'étaient pas étanches, mais l'Entrepreneur considéra alors que la quantité d'eau qui s'échappait était acceptable et le sous-traitant recommanda d'installer des serviettes à l'extérieur pour  recueillir l'eau, d'où la réclamation adressée à l'Administrateur.

[83]         L'Entrepreneur déclare avoir "accepté" la décision de l'Administrateur qui lui a par la suite ordonné d'"apporter les correctifs requis de façon à obtenir la performance attendue". Quoiqu'il se dise en mode "résolution de problèmes", la preuve démontre que, après quelques tentatives pour corriger le problème, l'Entrepreneur s'accroche à une solution (installation de moulures plus épaisses) qui, selon la preuve non contredite, altérerait l'apparence de la douche et aurait pour conséquence que la porte n'ouvrirait que dans un sens.

[84]         De plus, selon les Bénéficiaires, cette solution préconisée par l'Entrepreneur, a déjà fait l'objet d'un essai par le sous-traitant et les moulures ont dû être retirées parce que la douche vibrait fortement. Qui plus est, lors de la visite des lieux, le sous-traitant a procédé,  en présence de la soussignée, à un même test sur un côté de la douche, lequel s'est avéré un échec, l'absence d'étanchéité étant évidente.

[85]         De l'avis du Tribunal, en plus d'être inefficace, cette solution contrevient à l'entente conclue avec les Bénéficiaires. car, quoique le contrat  ne contienne aucune disposition écrite à cet effet, la preuve a démontré que ces caractéristiques de la douche norvégienne ont été capitales dans la décision des Bénéficiaires de débourser un extra de 4 000$ pour une douche norvégienne.

[86]         De son côté, l'expert des Bénéficiaires est d'avis qu'un bassin de fond est nécessaire, que la douche n'a pas été construite d'équerre et que la pente vers le drain est insuffisante. Les représentants et témoins de l'Entrepreneur conviennent à l'audience que l'équerrage et l'horizontalité ne sont pas parfaits mais ne croient pas que ce soit la cause du manque d'étanchéité des portes. L'inspecteur-conciliateur ne s'est pas prononcé sur cette question.

[87]         Le Tribunal retient de la preuve la démonstration qui a été faite lors de la visite des lieux de l'inefficacité de la solution proposée par l'Entrepreneur et le témoignage de l'inspecteur-conciliateur à l'audience à l'effet que le test effectué lors de son inspection était concluant  en regard de l'accumulation d'eau inacceptable sur le plancher.

[88]         Le Tribunal partage également les représentations des Bénéficiaires à l'effet que l'Entrepreneur n'a as identifié le problème et/ou ne cherche (de l'aveu même de l'Entrepreneur) que des solutions à moindre coût. À preuve, son refus de construire un muret, une solution imaginée par le sous-traitant selon la preuve non contredite soumise par les Bénéficiaires.

[89]         Après autant de tentatives infructueuses de correction et l'incapacité d'identifier d'autres solutions que celles qui affecteraient l'apparence de la douche, l'Entrepreneur est malvenu de réclamer le libre de choix des moyens que lui accorde l'article 2099 du Code civil, d'autant plus que la solution qu'il privilégie ne respecterait pas le contrat, et ce, en contravention de l'article 2100 du Code civil qui stipule que l'Entrepreneur doit s'assurer  que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

[90]         D’alleurs, le Tribunal croit utile de rappeler, tel qu’établi par la loi et une abondante jurisprudence, que les entrepreneurs ont plus qu’une obligation de moyens. Ils ont une obligation de résultat «et à cet effet, ils doivent livrer une construction qui réponde aux règles de l’art et qui permette d’assurer les fonctions qui lui sont destinées».[7] De la preuve entendue, la douche ne remplit pas ses fonctions et il y a lieu d'intervenir sans interférer dans les prérogatives de l'Entrepreneur.

[91]         En effet, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de distinguer la nature des travaux à faire, sur laquelle l’Administrateur peut intervenir, et la méthode pour les exécuter qui appartient à l’Entrepreneur. À cet effet, le Tribunal retient les propos de l’arbitre Jean Morissette dans la cause Ménard et Les entreprises Christian Dionne et Fils inc:[8]

 

«Le texte des articles du Règlement que j’ai souligné m’indique que l’Administrateur a le pouvoir de choisir les travaux qui corrigeront la malfaçon. Nous rejetons l’argument. de l’Administrateur et de l’Entrepreneur à l’effet que ce dernier est le seul maître de la façon choisie pour la correction de la malfaçon.

            Les auteurs Kott et Roy établissent ce principe dans le cadre d’un contrat d’entreprise et non dans le cadre de l’application de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.»

........

            La méthode utilisée pour procéder aux travaux correctifs, soit le     changement complet du parement de briques, est, nous l’accordons, de l’entière responsabilité de l’Entrepreneur.

            S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la             correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à     l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.

[92]         Les Bénéficiaires se sont dits prêts à accepter une réparation qui assurerait une douche qui ne coule pas et qui ne changera pas l'apparence, ni les caractéristiques qui ont constitué un élément contractuel important (Aspect épuré et porte ouvrant dans les deux sens). De l'avis du Tribunal, ce sont là des attentes raisonnables et légitimes des Bénéficiaires et  c'est là l'obligation de résultat de l'Entrepreneur.

[93]         Par conséquent, l'Entrepreneur devra reconstruire la douche de façon à permettre à l'eau de s'écouler vers le drain et assurer l'étanchéité par la mise à niveau et l'ajustement parfait de ses différentes composantes, le tout selon les règles de l'art.

 

Point 3:Taches et égratignures - céramique de l'entrée et de la salle d'eau

 

[94]         La visite des lieux et la preuve soumise à l'audience démontrent que tout au plus 5 carreaux de céramique situées soit  dans l'entrée principale,  soit dans la salle d'eau, ont été endommagés par les représentants de l'Entrepreneur en tentant de nettoyer le coulis des joints.

[95]         L'Entrepreneur était  disposé à remplacer les tuiles endommagées et s'engage  à apparenter le coulis mais les Bénéficiaires réclament le remplacement complet des carreaux de céramique.

[96]         Les Bénéficiaires ont allégué une tentative de règlement de la part de l'Entrepreneur, laquelle aurait résulté dans le remplacement de tous les carreaux mais, de l'avis du tribunal, les Bénéficiaires n'ont pas prouvé leurs allégations.

[97]         Il appert de plus des témoignages entendus à l'audience et du rapport de l'expert Bossus que le coulis apposé dans l'entrée et la salle d'eau n'est pas conforme à la couleur choisie, défaut dont le Tribunal n'est pas saisi en arbitrage mais qui a pu constituer un incitatif additionnel pour les Bénéficiaires de refuser toute intervention locale de l'Entrepreneur.

[98]         Il ressort donc de la preuve que les Bénéficiaires n'ont pas donné l'occasion à l'Entrepreneur de tenter de corriger le problème, quitte à se pourvoir de nouveau en cas de réparation inadéquate. Il s'agit là d'une situation où le Tribunal n'a d'autre choix que de reconnaître à l'Entrepreneur le libre choix des moyens, en application de l'article 2099 du Code civil du Québec, sujet à son obligation de résultat en regard de l'apparence uniforme des carreaux et du coulis.

[99]         Par conséquent, le Tribunal maintient la décision de l'Administrateur.

 

LES FRAIS D'EXPERTISE

 

[100]      Les Bénéficiaires réclament le remboursement des frais d'expertise encourus pour les services professionnels de l'expert Stéphane Bossus et sa présence à l'audience. Un premier compte, daté le 22 juin 2012 au montant de 850.00$ et un second compte, daté le 14 décembre 2012, au montant de 661.11$, ont été déposés à l'audience.

[101]      Le procureur de l'Administrateur  fait à juste titre remarquer que, sur 7 points couverts par le rapport d'expertise, 3 seulement font l'objet de l'arbitrage.

[102]      L'artcle 124 du Règlement stipule que l'arbitre doit statuer s'il y a lieu, quant au quantum des frais raisonnables d'expertise pertinente que l'administrateur doit rembourser au demandeur lorsque celui-ci a gain de cause total ou partiel.

[103]       Considérant que les points soumis à l'arbitrage représentent approximativement 41% des points couverts par l'expertise, mais que celle-ci a été particulièrement utile à l'égard du point 2 (portes de douche non étanches), et, dans une moindre mesure, à l'égard du point 1, le Tribunal accorde un remboursement de 300.00$ sur le premier compte.

[104]      En ce qui concerne le deuxième compte relatif à la présence à l'audience de l'expert, le Tribunal ne voit pas de raison d'en limiter le remboursement  et l'accorde en totalité, soit 661.11$

 

LA CONCLUSION

 

[105]       À titre d’arbitre désigné, la soussignée est autorisée à trancher tout différend découlant des plans de garantie.  L’arbitre doit statuer «conformément aux règles de droit;  il fait aussi appel à l’équité lorsque les circonstances le justifient».[9] Sa décision lie les parties; elle est finale et sans appel.[10]

 

[106]       En vertu de l’article 123 du Règlement, l’arbitre doit départager les coûts de l’arbitrage.

 

123.   Les coûts de l'arbitrage sont partagés à parts égales entre l'administrateur et l'entrepreneur lorsque ce dernier est le demandeur.

Lorsque le demandeur est le bénéficiaire, ces coûts sont à la charge de l'administrateur à moins que le bénéficiaire n'obtienne gain de cause sur aucun des aspects de sa réclamation, auquel cas l'arbitre départage ces coûts.

 

[107]       Considérant l’ensemble du dossier, les frais d’arbitrage sont à la charge de l’Administrateur.

 

 

 

 POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL D’ARBITRAGE :

 

MAINTIENT la décision de l’Administrateur  sur le point 1  quant au choix des moyens par l'Entrepreneur mais ORDONNE que la réparation soit effectuée par une entreprise recommandée par le fabricant Solaris, si  cette solution est retenue;

 

            ACCUEILLE  la demande d'arbitrage des Bénéficiaires sur le point 2 et ordonne à l'Entrepreneur de reconstruire la douche de façon à permettre à l'eau de s'écouler vers le drain et assurer l'étanchéité par la mise à niveau et l'ajustement parfait de ses différentes composantes, le tout selon les règles de l'art;

 

   MAINTIENT la décision de l’Administrateur  sur le point 3;  

 

            CONDAMNE l'Administrateur à rembourser aux Bénéficiaires un montant de 961.11$ de frais d'expertise;

 

   CONDAMNE l’Administrateur à payer les frais d'arbitrage.

 

 

 

Me France Desjardins

Arbitre/CCAC



[1]  [1] LRQ, c.B-1.1, r.0.2

[2] Serge Brisson et Jacques JR Brabant c. 9141-1074 Québec Inc (Construction Norjo) et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l'APCHQ Inc., CCAC S8-080401-NP, décision rendue par Me Michel Jeanniot le 3 novembre 2008;  Karine Fiset et Daniel Paquette c Groupe Axxco Inc. et La Garantie Habitation du Québec Inc., CCAC S09-010701-NP, décision rendue par M. Guy Pelletier le 20 décembre 2011.

[3]               La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc. c. Maryse Desindes et Yvan Larochelle et René Blanchet, ès qualité d’arbitre au CCAC, Cour d’appel, 15 décembre 2004, motifs de la juge Pierrette Rayle

[4] LRQ, c.B-1.1

[5] Brochure : Mesures à prendre pour votre maison concernant le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, Publication de la Régie du Bâtiment du Québec, dépôt légal 2007,Archives nationales du Québec.

[6] Teymour Sharifi et Froogh Rezanejhad c. Groupe Immobilier Grilli Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., Me Robert Masson, dossier Soreconi 061018003

[7] Les Constructions André Malo Inc. c. Christian Arsenault et Monia Abderrahman et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., SORECONI 080417001, sentence rendue par Me Michel Jeanniot le 4 novembre 2008

[8] Jose Ménard et Paul Mahoney c. Les Entreprises Christian Dionne et Fils inc. et La Garantie

des maisons neuves de l’APCHQ inc., 2006 Can LII 60456

 

[9] Article 116 du Règlement

[10]Articles 20 et 120 du Règlement