CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DOSSIER N°: S13-042301-NP
DATE : 3 septembre 2013
SÉBASTIEN LEBLANC ET VÉRONIQUE LAFLEUR,
Bénéficiaires
c.
HABITATIONS M.P. GAUL INC.,
Entrepreneur
et
LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.,
Administrateur de la garantie
[1] Les bénéficiaires ont demandé un arbitrage au sujet de la décision rendue le 27 mars 2013 par l’administrateur qui a rejeté leur réclamation.
[2] La réclamation rejetée comporte trois points mais la demande d’arbitrage ne porte que sur les deux premiers, soit :
a) Pierres de façade du foyer prétendument mal posées;
b) Le béton de l’escalier extérieur avant s’effrite;
[3] L’audition s’est tenue le 9 juillet 2013 au Palais de justice de Laval après une courte visite des lieux concernés à Saint-Eustache.
A) PIERRES DE FAÇADE DU FOYER
[4] Lors de la livraison de la maison, le 15 juillet 2010, la pierre murale (du quartzite) avait été posée sur tout le mur de gypse où est situé le foyer du salon mais pas sur la plaque métallique de façade qui ceinture l’ouverture de l’âtre.
[5] La raison donnée par Pierre Gaul, président de l’entrepreneur, ainsi que par son sous-traitant poseur de pierres, Julio Viera, est simple : cela ne se fait pas. En effet, la colle utilisée pour la pierre adhère bien au gyproc mais n’est pas compatible avec le métal, le plastique ou la mélamine. La règle de l’art voulait donc que cette plaque métallique de ceinture soit laissée à découvert.
[6] Ces deux témoignages ont été corroborés par celui de Paulette Éthier, représentante de Décoration Dorais, le fournisseur de pierres. Elle a expliqué qu’elle a pris les mesures du mur de gyproc à recouvrir mais sans inclure la surface métallique ceinturant l’ouverture de l’âtre.
[7] Les bénéficiaires, de leur côté, ont vu l’affaire d’un autre œil. Le bénéficiaire Sébastien Leblanc s’est dit persuadé que la pierre devait recouvrir toute la façade, à l’exception de l’ouverture de l’âtre. À son avis, la surface métallique de ceinture aurait aussi dû être recouverte de pierres.
[8] Pourtant, à la livraison de la maison du 15 juillet 2010, aucune mention n’est inscrite à cet égard dans le « Formulaire d’inspection pré-réception » où sont normalement consignées les corrections à apporter. Les bénéficiaires ont expliqué que c’est parce que l’entrepreneur n’a rien voulu inscrire à cet égard et parce que le temps pressait pour se rendre chez le notaire pour la signature de l’acte de vente.
[9] Il est toutefois exact que les bénéficiaires se sont plaints à l’entrepreneur au sujet du foyer à une époque contemporaine à la livraison. Pourtant, ce n’est que le 22 août 2012, soit 25 mois plus tard, qu’ils donneront avis à l’administrateur (pièce A-5), lettre datée du 20 décembre 2011 mais remise à l’administrateur le 22 août 2012).
[10] Il faut dire toutefois, que suite aux protestations des bénéficiaires à l’époque de la livraison du 15 juillet 2010, des pierres additionnelles ont été installées, le ou vers le 2 décembre 2010, sur la surface métallique ceinturant l’âtre, de manière à ce que toute la surface du mur soit recouverte de pierres, à l’exception de l’ouverture de l’âtre.
[11] Malheureusement, le résultat de cet ajout est décevant au niveau de l’esthétique. Du fait que les pierres additionnelles ont été posées dans un deuxième temps, l’ajustement n’est pas parfait. Les bénéficiaires veulent la reprise de tout le travail.
[12] Cet ajout de pierres n’a pas été effectué par le poseur de pierres Julio Viera mais plutôt par un dénommé Yves Thellen, qui est un représentant des ventes chez Club Foyer Décor, le fournisseur du foyer. Il est à noter que ce sont les bénéficiaires qui avaient choisi le modèle de foyer chez ce fournisseur.
[13] Pierre Gaul, président de l’entrepreneur, est catégorique à l’effet que les pierres additionnelles ne font pas partie de son contrat. Jamais, précise-t-il, il n’aurait mandaté le représentant des ventes du fournisseur de foyer pour effectuer ce travail qui relève plutôt du poseur de pierres et de tuiles céramiques. Les bénéficiaires, au contraire, soutiennent qu’ils n’ont pas payé Yves Thellen et que ce dernier a reçu mandat de l’entrepreneur.
[14] Avant de trancher cette question, il me faut tenir compte de l’argument soulevé par l’administrateur à l’audition au sujet du délai d’avis. Selon l’article 10(3) du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, le délai d’avis à l’administrateur ne peut excéder six (6) mois de la découverte des malfaçons. Dans le présent cas, le point de départ de la découverte de la malfaçon est le 2 décembre 2010, soit la date de la pose des pierres supplémentaires. L’avis de réclamation aurait dû être donné à ce moment là. Or, ce n’est qu’un an plus tard, le 20 décembre 2011, que les bénéficiaires écrivent une lettre pour se plaindre, lettre qui sera reçue par l’entrepreneur en février 2012 et par l’administrateur le 22 août 2012 (pièce A-5).
[15] Si la bénéficiaire Véronique Lafleur a tenté de justifier son retard en expliquant qu’elle ne connaissait pas l’adresse de l’entrepreneur, elle a candidement admis n’avoir aucune excuse à offrir pour justifier le délai d’avis à l’administrateur. Suivant une jurisprudence constante, le délai de six mois est impératif et le défaut de s’y conformer est une cause de déchéance du recours.[1] Pour ce motif, le recours des bénéficiaires doit échouer sur ce point.
[16] Toutefois, considérant que l’administrateur, pour ce point, s’est prononcé sur le fond du litige et n’a soulevé le délai d’avis qu’à l’audition, je crois opportun, par égard aux parties, de me prononcer aussi quant au fond.
[17] La preuve documentaire n’est pas d’un grand secours pour les bénéficiaires. Selon le contrat préliminaire, pièce A-1, le foyer devait être livré avec boite de gypse. Ce n’est qu’après la signature de ce contrat, mais avant la livraison, que le bénéficiaire Sébastien Leblanc, voulant faire une surprise à sa conjointe Véronique Lafleur, a verbalement demandé à l’entrepreneur de poser des pierres sur le mur où est situé le foyer. Il est alors allé chez Décoration Dorais pour choisir la pierre à poser, toujours à l’insu de la bénéficiaire Véronique Lafleur. Tant Fanny Gaul, employée de l’entrepreneur, que Paulette Éthier chez Décoration Dorais ont été mises au fait qu’il s’agissait d’une surprise. Sébastien Leblanc, tel qu’il l’a reconnu devant le soussigné, n’a alors pas donné de précisions concernant la pose des pierres.
[18] Au soutien de ses prétentions, Sébastien Leblanc a tenté de faire une démonstration par comparaison avec une maison voisine où il est question, dans ce cas-là, d’un foyer avec « grille or » dans le formulaire de choix de matériaux préparé par l’entrepreneur. Pour la maison qui nous concerne, ce formulaire comporte la mention « à voir » puisque le foyer n’avait pas encore été choisi. Toutefois, ajoute-il, la description du foyer faite dans le bon de commande de Club Foyer Décor mentionne « façade clean face », sans mention de bande décorative en métal. Il conclut qu’il ne devait plus y en avoir après la pose de la pierre.
[19] Sur ce point, les témoins Pierre Gaul et Fanny Gaul ont témoigné que la mention « clean face » désigne simplement l’absence de grilles d’aération de façade, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas de bande décorative métallique. D’ailleurs, force est de constater que le foyer a été livré avec une telle façade par Club Foyer Décor.
[20] Il est particulier de constater que ni les bénéficiaires ni l’entrepreneur n’admettent avoir payé Yves Thellen pour la pose des pierres supplémentaires le 2 décembre 2010. Parmi les pièces de l’administrateur se trouve une note écrite de la main du bénéficiaire Sébastien Leblanc et qui aurait été signée par Yves Thellen le 2 décembre 2010. On peut y lire que le signataire est venu réparer et ajouter des pierres du foyer « afin de finir le travail mal appliqué ». En l’absence du témoignage du signataire, cette note n’a pas de valeur probante. Je ne peux donc en tirer de conclusion défavorable à l’égard de l’entrepreneur considérant par ailleurs les témoignages concordants de Pierre Gaul, Fanny Gaul, Julio Viera et Paulette Éthier. Bref, quant au fond de l’affaire, je n’aurais pu accueillir la demande des bénéficiaires même si leur avis de réclamation avait été donné à temps.
[21] Postérieurement à l’audition du 9 juillet 2013, les bénéficiaires ont demandé une réouverture d’enquête afin de mettre en preuve l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’ils auraient eue avec Yves Thellen (probablement après l’audition). Tant l’entrepreneur que l’administrateur se sont opposés à cette demande.
[22] Je ne peux accueillir cette demande de réouverture, pour plusieurs raisons:
a) l’enregistrement d’une conversation téléphonique ne saurait faire preuve de son contenu en l’absence du témoin Thellen ;
b) les bénéficiaires connaissaient la position de l’entrepreneur sur ce point avant l’audition. Elle était d’ailleurs reflétée dans la décision de l’administrateur qu’ils ont porté en révision. Lors de l’audition, ils étaient bien conscients de la faiblesse de leur preuve en l’absence du témoin Thellen. Ils avaient pourtant évoqué la possibilité de le faire témoigner lors de la conférence préparatoire téléphonique tenue le 6 juin 2013. Ils n’ont avancé aucune raison pour justifier son absence lors de l’audition ni même dans leur demande de réouverture d’enquête ;
c) de toute façon, tel que mentionné plus haut, le recours des bénéficiaires est voué à l’échec vu leur défaut d’avis de réclamation en temps utile. Une réouverture d’enquête serait donc inutile ;
B) BÉTON DE L’ESCALIER EXTÉRIEUR AVANT
[23] Tel que j’ai pu le constater lors de ma visite du 9 juillet 2013, la surface de béton des quatre marches de l’escalier extérieur avant s’effrite. Ce problème a été dénoncé dans la même lettre datée du 20 décembre 2011, pièce A-5 (reçue par l’entrepreneur en février 2012 et par l’administrateur le 22 août 2012).
[24] Encore ici se pose le problème du délai d’avis de six mois. Dans son témoignage devant moi, le bénéficiaire Sébastien Leblanc a mentionné avoir constaté le problème d’effritement en février 2011 tout en ajoutant que le problème s’est aggravé au cours de l’hiver suivant. Je note qu’il s’en est plaint dans sa lettre datée du 20 décembre 2011 (pièce P-5), lettre qui n’a été remise à l’administrateur que huit mois plus tard. L’exigence du délai d’avis de six mois n’a donc pas été respectée. L’administrateur a donc eu raison de rejeter ce point de la demande pour ce motif.
[25] Au surplus, les bénéficiaires n’ont pas fait la démonstration de la mauvaise qualité du ciment qu’ils invoquent. L’entrepreneur répond qu’il a utilisé le même ciment pour le plancher du garage qui n’est pas abîmé, pas même la lisière extérieure. Il en conclut que l’effritement du béton des marches d’escalier doit résulter de l’épandage d’abrasifs. En réplique, le bénéficiaire Sébastien Leblanc nie avoir épandu quelque abrasif que ce soit. De l’ensemble de cette preuve, une incertitude subsiste, incertitude qui pénalise les bénéficiaires, ces derniers ayant le fardeau de la preuve (article 2803 du Code Civil du Québec).
POUR CES MOTIFS, L’ARBITRE SOUSSIGNÉ :
[26] REJETTE la demande d’arbitrage des bénéficiaires.
[27] MAINTIENT la décision de l’administrateur datée du 27 mars 2013.
[28] Vu les articles 116 et 123 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs, CONDAMNE les bénéficiaires au paiement des coûts de l’arbitrage limités à 100.00$, le solde étant payable par l’administrateur.
Me PIERRE BOULANGER
Arbitre
Sébastien Leblanc
Véronique Lafleur
Bénéficiaires
Pierre Gaul
Pour l’entrepreneur
Me Stéphane Paquette
Savoie Fournier
Pour l’administrateur de la garantie
DATE D’AUDITION : 9 juillet 2013
[1] Dominique Lapierre et Jean Berthiaume c. Les Habitations Gianni Grilli Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 4 octobre 2006, par Me Alcide Fournier ;
Pierre Fleurant c. 9054-4651 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 18 septembre 2006, par M. Claude Mérineau ;
Chantal Lechaussée et Martin Gayola c. Construction Julien Dalpé Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 15 juin 2006, par Me Alcide Fournier ;
Michel Gariépy c. Construction J. Thériault Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 19 mai 2006, par Me Michel Chartier ;
Adel Chackal et Lina Bardakji c. 9096-2556 Québec Inc. et La Garantie des maisons neuves de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 5 mai 2006, par M. Henri P. Labelle ;
Thérèse Plante c. Les Constructions Jaly et La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., sentence arbitrale rendue le 7 octobre 2009 par M.Marcel Chartier ;
Côté et Clermont c. Les Constructions E.D.Y Inc. et La Grantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc., décision arbitrale rendue le 12 janvier 2010 par le soussigné.