Gabarit OA

 

 

 

 

ARBITRAGE

En vertu du Règlement sur le plan de garantie
des bâtiments résidentiels neufs

(Décret 841-98 du 17 juin 1998)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

Groupe d’arbitrage et de médiation sur mesure (GAMM)

Dossier no :

 

GAMM

2014-16-010

APCHQ

14-066.1FL

 

Date :

6 janvier 2015

______________________________________________________________________

 

DEVANT L’ARBITRE :

JEAN MORISSETTE

______________________________________________________________________

 

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU 3321-3327 GAÉTAN-BOUCHER

 

Bénéficiaire

c.

 

9113-2506 QUÉBEC INC.

 

Entrepreneur

Et

 

LA GARANTIE DES BÂTIMENTS RÉSIDENTIELS NEUFS DE L’APCHQ INC.

 

Administrateur

______________________________________________________________________

 

SENTENCE ARBITRALE

______________________________________________________________________

 

[1]       L’arbitrage concerne le point 1 « Drain français » de la décision de l’Administrateur du plan de garantie du 14 avril 2014.  Sur ce point, la décision sous examen est à l’effet de ne pouvoir y donner suite, puisque de l’avis du signataire : « la situation ne rencontre pas les critères du vice majeur en ce sens qu’il n’y a pas perte de l’ouvrage »;

[2]       L’autre question en litige concerne le point 14 intitulé Coupe-feu non-continus de la décision du 28 avril 2014.  L’inspecteur-conciliateur conclut que les travaux correctifs effectués par l’Entrepreneur sont complétés alors que ce ne serait pas le cas;

PRÉLIMINAIRES

[3]       Il a été reconnu que ma nomination était faite légalement et que j’avais juridiction pour entendre et décider de l’arbitrage formé en vertu du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (L.R.Q., c. B-1.1,r8), ci-après le Règlement ;

[4]       Aucune requête préliminaire n’a été présentée par l’une ou l’autre des parties;

[5]       Le cahier de pièces émis par l’Administrateur est déposé de consentement pour faire preuve de son contenu, pièces A-1 à A-12, sujet d’une preuve contraire;

[6]       Tous les témoins ont été assermentés avant d’être entendus ;

[7]       À la suite des constatations que les parties et leurs experts m’ont invité à examiner, les parties et témoins se sont rendus à l’endroit convoqué;

QUESTIONS EN LITIGE

[8]       Deux questions se posent :

[a]       Est-ce que les travaux de réparation aux murs coupe-feu dans les combles sont suffisants ou terminés?

[b]       Sommes-nous en présence d’un vice au sens du paragraphe 5 de l’article 27 du Règlement?

MURS COUPE-FEU

[9]       Sur les lieux et à ma demande, les experts des parties ont procédé à une vérification des combles des unités sujettes de la demande du Bénéficiaire.  Sur le point des travaux des murs coupe-feu, les experts suivants se sont entendus pour reconnaître que des travaux restent à faire;

[10]    Ceux-ci concluent qu’effectivement les travaux de l’Entrepreneur n’ont pas corrigé cette malfaçon reconnue dans une décision du 6 août 2012. Dans ces circonstances, ma décision donnera acte que l’Entrepreneur accepte de compléter ses travaux correctifs dans les vides sous-toits des bâtiments 3321, unités 7 et 8 et 3327, unités 7 et 8, au plus tard le 1er octobre 2014;

 

 

LA PREUVE :

[11]    Monsieur ALAIN CHEVROLAT, de la firme de Génie-Conseil ProspecPlus est reconnu comme un expert technologue professionnel;

[12]    En mai 2011, la firme ProspecPlus, pour laquelle il exerce sa profession,  a été mandatée par le Bénéficiaire afin de réaliser une inspection des parties communes et une étude du fonds de prévoyance du bâtiment sujet de l’arbitrage. Par la suite, ProspecPlus a produit un 2ième rapport pour vérifier la conformité des travaux de l’Entrepreneur sur les problèmes soulevés dans le premier rapport.  Ce rapport du 7 août 2013 est produit sous la cote A-13;

[13]    Les constats effectués lors des inspections aux temps de ces rapports (25 mai 2011, 10 juillet, 26 août et 26 septembre 2013), aidés de photographies reproduites aux rapports, lui servent pour appuyer son opinion de son rapport du 4 novembre 2013, pièce A-8.  Ce dernier rapport conclut que : « le drain de fondation du bâtiment à l’étude n’a pas été installé de manière appropriée et ne remplit pas l’usage pour lequel il est prévu »;

[14]    Le témoignage de monsieur Chevrolat confirme dans son ensemble ce rapport;

[15]    En résumé, le drain français installé ne remplit pas l’usage pour lequel il est prévu et d’importants travaux doivent être effectués pour que le bâtiment puisse servir à sa vocation résidentielle. Les blocages trouvés, écrasements (façade avant droite), contre-pente, perforations, présence d’eau, sédiments, drain posé sous l’eau et autres bris sont éloquents et lui permettent d’émettre l’opinion que la durée de vie normale du système de drainage est atteinte de manière certaine et importante;

[16]    En fait, plutôt que de prévoir de faire des travaux après 30-40 ans de vie, des travaux devraient être faits maintenant afin de garder les lieux en état puisque la vie utile du drain français est atteinte;

[17]    Il ajoute que ses trouvailles au pourtour des jardins anglais, soit la présence d’eau, un sol argileux, un drainage inefficace, puisque immergé et non performant (les fosses de retenues en avant du bâtiment sont plus élevées que le drain arrière), les fissures dans les murets des cours anglaises et leur évolution ne laissent aucune alternative, le système de drainage doit être refait;

[18]    Son contre-interrogatoire confirmera que les fissures aux murets des cours anglaises affectent leur intégrité structurelle et évoluent avec le temps;

 

[19]    L’ancienne propriétaire de l’unité 5 du 3321 confirmera qu’après avoir assisté aux réparations des premières fissures dans les murets du 3327, unité 2, d’autres apparaîtront par la suite. Elle confirme ces changements et l’apparition de nouvelles fissures comme étant celles constatées le matin lors de ma visite des lieux;

[20]    Une preuve contraire est offerte par l’Entrepreneur en la personne de l’expert technicien en bâtiment monsieur Pascal Cabana;

[21]    Son rapport comporte comme conclusion générale : « Nous pouvons conclure que pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, nous ne voyons pas de raisons d’apporter des modifications au système de drainage actuel »;

[22]    Tout comme la décision de l’Administrateur sous étude, son opinion est basée sur le fait qu’il n’y a aucune infiltration d’eau, aucune torsion apparente dans la structure d’acier des galeries reposant sur les murets des cours anglaises, aucun décroché dans les niveaux adjacents aux fissures de ces murets, aucun signe de mouvement et aucun péril. Selon lui, la situation ne correspond pas à un vice caché au sens des articles 1726 et 2118 du Code civil du Québec;

ANALYSE ET DÉCISION

[23]    Avec tout le respect pour l’inspecteur-conciliatrice, signataire de la décision sous examen, je ne suis pas d’accord avec ses conclusions et voici pourquoi;

[24]    Voici les articles du Règlement :

« 27.  La garantie d'un plan dans le cas de manquement de l'entrepreneur à ses obligations légales ou contractuelles après la réception de la partie privative ou des parties communes doit couvrir:

 

[…]

 

  4°    la réparation des vices cachés au sens de l'article 1726 ou de l'article 2103 du Code civil qui sont découverts dans les 3 ans suivant la réception et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte des vices cachés au sens de l'article 1739 du Code civil;

 

  5°    la réparation des vices de conception, de construction ou de réalisation et des vices du sol, au sens de l'article 2118 du Code civil, qui apparaissent dans les 5 ans suivant la fin des travaux des parties communes ou, lorsqu'il n'y a pas de parties communes faisant partie du bâtiment, de la partie privative et dénoncés, par écrit, à l'entrepreneur et à l'administrateur dans un délai raisonnable, lequel ne peut excéder 6 mois de la découverte ou survenance du vice ou, en cas de vices ou de pertes graduelles, de leur première manifestation. »

[25]    Voici les articles du Code civil du Québec pertinents à l’analyse de cette affaire :

« 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

 

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

 

Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

 

2118. À moins qu'ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l'entrepreneur, l'architecte et l'ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu'il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l'ouvrage qui survient dans les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d'un vice de conception, de construction ou de réalisation de l'ouvrage, ou, encore, d'un vice du sol. »

[26]    La notion de perte de l’ouvrage a été traitée dans plusieurs décisions judiciaires. Quelques-unes m’ont été soumises par les procureurs des parties :

SDC du 1884-1890 rue Poupart c. Jean-Pierre Lagacé & 9183-5702 Québec Inc. f.a.s.r.s. Eco-Studio & La Garantie des Bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ Inc.

« [84] Dans l’affaire Alin & Zakuta Ltd c. Immobilière Montagnaise Ltée[12], la Cour d’appel se prononçait ainsi (l’article 1688 C.c.B.c. qui est cité est le prédécesseur de l’actuel article 2118 C.c.q.) :

Y a-t-il eu ruine du bâtiment?

La portée de l’article 1688 C.c.B.C. a évolué et la jurisprudence la plus récente de la Cour est à l’effet que si le vice de construction porte sur un élément important du bâtiment au point d’en affecter la solidité ou l’utilité, il y a ruine partielle (Viking Fire Protection Ltd c. Zurich Compagnie d’assurance et Construction J.R.L. (1997) Ltée, 200-09-000284-866, 29 avril 1991). Or, c’est exactement ce que le jugement entrepris affirme :

Ces infiltrations périodiques d’eau par la toiture, plus abondamment en novembre et février, avaient pour effet de mettre en péril, du moins partiellement l’immeuble;

Le Tribunal estime qu’un état de fait qui empêche l’usage normal d’un ou de partie d’un immeuble, qui tend à ruiner un plafond, à le faire se désagréger, qui rend l’isolation inefficace, constitue une détérioration progressive d’un immeuble pouvant mener à sa ruine partielle aux termes de l’article 1688 C.c.B.C.;

[…]

En matière de construction, lorsque la destination de l’ouvrage est compromise par une faute de conception, l’article 1688 s’applique;

[85] Lors de l’audience, l’Inspectrice de l’Administrateur affirme que l’absence de solin n’est pas un vice majeur car il n’entraînera pas la perte de l’immeuble. Dans la décision arbitrale Tony Jorge et al. C. Les Constructions Naslin Inc. et La Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ [13], l’arbitre écrit :

[8] L’Absence de solin sur toutes les ouvertures, portes et fenêtres;

[9] L’expertise des Bénéficiaires précise qu’à toutes les fenêtres accessibles, il a constaté l’absence de solin dissimulé sous la cornière métallique. […]

[15] Certes, s’il ne s’agit que de une ou deux absences de solin, il s’agirait que de la malfaçon ou vice caché. Avec respect pour toute opinion à l’effet contraire, je crois qu’il en serait tout autre si toutes les ouvertures et fenêtres sont sans solin sous les cornières métalliques. Je m’explique, […]

[17] […] Il est de connaissance courante qu’un taux d’humidité élevé entraîne culture de champignons et/ou de moisissures, des éléments connus comme étant néfastes à la santé et au bien-être des occupants.

[18] Bien qu’il soit possible que cet élément ne porte pas atteinte à la structure et/ou l’intégrité du bâtiment (ce qui n’est pas ici dit, voire même inféré), la présence répandue de champignons et de moisissure risque de rendre l’immeuble impropre à l’usage auquel il est destiné constituant ainsi à mon opinion, un vice d’ordre majeur. […]

[86] Dans l’affaire Paul Berdeleau Syndicat de Copropriété c. Saint-Luc Habitation Inc. et La Garantie des immeubles résidentiels de l’APCHQ[14], l’arbitre qui cite un article de doctrine qu’il a rédigé à ce sujet, considère que perte comprend perte probable à long terme

Le procureur de l’A.P.C.H.Q. a admis, lors de sa plaidoirie, que la prépondérance de la preuve établit que les travaux de sous-œuvre sont entachés de malfaçon et ont été réalisés en violation des règles de l’art.

Cependant, le procureur de l’A.P.C.H.Q. affirme avec raison qu’il ne suffit pas d’établir la présence de malfaçon ou de vices de construction. En effet, il faut également établir que le vice entraîne ou entraînera, à court ou long terme, suivant les termes de l’article 2118 du Code civil du Québec, une perte partielle de la Propriété.

Or, suivant une jurisprudence constante et bien établie, la notion de « perte » en vertu de l’article 2118 du Code civil du Québec fait l’objet d’une interprétation large et comprend la « perte potentielle » ou la « perte probablement à long terme[1][15]

Dans Construction J.R.L. (1977) Ltée c. Zurich Compagnie d’assurance, J.E. 91-824 (C.A.), page 6, la Cour d’appel affirme :

« Sont considérés comme vices de construction susceptible d’engager la responsabilité quinquennale des constructeurs, les défectuosités qui sont de nature à empêcher l’ouvrage de remplir sa destination ou qui limitent, de façon majeure, l’usage normal de l’édifice… Le vice affectant une composante permanente et importante de celui-ci et sa présence impliquaient nécessairement des probabilités de détérioration grave en l’absence de correction. »

Dans Commission de la construction du Québec c. Construction Verbois Inc., J.E. 97-2080 (C.S.) page 8, la Cour supérieure affirme :

« La jurisprudence a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux : « Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et des défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux. »

À notre avis, la preuve d’une perte partielle à long terme a été établie avec prépondérance. Il est sans contredit que les mesures requises pour prévenir le soulèvement occasionné par l’effet incontournable du gel et du dégel n’ont pas été prises pour l’Entrepreneur. Or, à ce jour, il est vrai que les dommages pour ce manquement n’ont pas été de nature catastrophique. Mais la détérioration et la perte sont constantes et progressives, ce qui satisfait aux critères requis pour qualifier le vice de vice de construction au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec. Le problème demeure et en l’absence de mesures correctives, les effets se multiplieront lors de chaque saison d’hiver, ce qui est inacceptable pour tout propriétaire et inacceptable aux termes de la protection accordée par l’article 2118 du Code civil du Québec incorporée par référence au Certificat de garantie.

La Propriété du Bénéficiaire se détériore lentement, mais progressivement et celui-ci a le droit d’exiger que les travaux requis soient réalisés immédiatement afin de mettre fin définitivement à cette détérioration graduelle.

[87] Dans la décision arbitrale Syndicat du 3411 au 3417 Avenue des Érables c. Devex et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ, l’arbitre écrit :

[14] Les parties sont de plus unanimes à l’effet que ce constat est une malfaçon, et/ou que ce constat est un vice caché, tout le litige résulte à savoir s’il s’agit ou non d’un vice majeur, puisque plus de trois (3) ans se sont écoulés depuis la réception des parties communes.

[15] Afin de faire droit à la demande des Bénéficiaires, je dois me satisfaire qu’il s’agit d’un vice qui porte atteinte à l’intégrité ou à la structure du bâtiment et/ou qu’il puisse rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné puisque la norme juridique générale impose un caractère « sérieux » ou « important » du vice, un critère déterminant.

[16] Les décideurs qui m’ont précédés ont aussi accepté de considérer le vice suffisamment important, lorsqu’on est placé dans l’une situation où il y a perte de l’ouvrage et que le préjudice soit né et actuel, de manière immédiate. La notion de « perte » doit recevoir une interprétation large et s’étendre à tout dommage sérieux subis par l’ouvrage immobilier [1]

[17] Dans le cas qui nous concerne, je rappelle que les Bénéficiaires sont en demande et que ces derniers ont le fardeau de me convaincre.

[18] Il n’y a pas eu de preuve que l’immeuble est devenu non sécuritaire en raison de vices ou encore qu’il y a danger d’écoulement de certaines parties.

[19] Les Parties ont, de plus et de consentement et dans la collégialité, évalué que l’ensemble des correctifs utiles et nécessaires à corriger la situation, sont d’approximativement dix à onze mille dollars (10 0000,00 $ @ 11 000,00 $), avant taxes et frais d’expertise. De toute évidence, considérant la valeur de l’ensemble immobilier, le travail à corriger n’est pas majeur. Ceci n’est pas une fin de non-recevoir aux qualificatifs du vice recherché. S’il est vrai qu’en certaines instances, le travail à corriger est possiblement majeur, mais qu’il ne s’agit pas d’un vice majeur, puisque de jurisprudence constante, on ne peut confondre travaux majeurs avec vices majeurs, je suggère que le contraire est tout aussi vrai. Travaux et/ou correctifs qui pourraient ne pas être (considérant l’ensemble de la valeur immobilière) considérés majeur, ne disqualifient pas le vice pour autant […]

[22] J’accepte la position de l’Administrateur, à l’effet qu’un dégât d’eau, et ces conséquences, bien que possiblement lourdes et coûteuses, ne constitue pas toujours un vice majeur. Je suis par contre d’opinion que de ne pas corriger une importante infiltration d’eau récurrente, à courts ou moyens termes, créera des problèmes importants de moisissures aptes à rendre le bâtiment impropre à l’usage auquel il est destiné.

[…] »

SDC 1191, rue Panet c. Les Terrasses Plessis Panet Inc. & Garantie Qualité Habitation

« […][28] Tous les vices ne sont pas des vices majeurs dans le sens commun du terme, et tous les vices majeurs dans le sens commun du terme ne sont pas des vices pouvant causer la perte totale ou partielle de l’immeuble au sens de l’article 2118 C.c.Q..

[29]Beaudouin définit la notion de perte :

2-272- Vice-La notion de perte est intimement liée à celle de vice, en ce que le défaut reproché doit être un défaut sérieux qui compromette la solidité de l’ouvrage et entraîne le risque de le voir s’écrouler, s’affaisser, s’enfoncer ou tomber en tout ou en partie. Il n’est pas nécessaire que l’immeuble se soit effectivement complètement écroulé. Est suffisante une menace sérieuse et réelle d’effondrement, par exemple, lorsqu’il y a apparition de fissures ou de lézardes importantes, d’infiltration d’eau, etc. Les tribunaux ont d’ailleurs parfois du mal à séparer ce type de vice, de celui, moins grave, indicateur de simples malfaçons, même si celles-ci peuvent entraîner un trouble de jouissance très sérieux pour le propriétaire.

2.73- Extension- La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage. Constitue donc une perte, toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destination. En d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime.

[30] Dans un arbitrage en vertu du présent Règlement, dans l’affaire Helena Kuzma et al c. Groupe Immobilier Grilli et la Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ, l’arbitre parle ainsi de la notion de perte :

[53] Demeurant constant avec mes décisions antérieures (ainsi que celles de mes collègues), j’accepte que la notion « perte » au sens de l’article 2118 C.c.Q. doit, tout comme la notion analogue de ce terme au sens de l’article 1688 C.c.B.-C., recevoir une interprétation large et s’étendre notamment à tout dommage sérieux subi par l’ouvrage immobilier. Nous savons que la jurisprudence récente a tempéré la notion de perte totale ou partie de l’édifice l’assimilant plutôt à celle d’inconvénients sérieux. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérifiables et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, les tribunaux n’ont pas appliqué à la lettre l’article 1688 C.c.B.-C. et n’ont pas exigé que les vices produisent des effets radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les terme « péri en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.[…]

[63] Considérant l’absence d’infiltration d’eau, d’humidité excessive, de moisissure, de pourriture, d’accumulation de glace sur une partie non étanche, la seule présence d’une pente négative ne peut pas être qualifiée en droit de vice majeur entraînant la perte totale ou partielle au sens de l’article 2118 C.c.q. et de l’article 27 (5) du Règlement qui y réfère, à tout le moins, pas selon la preuve au présent dossier […] »

 

 

Syndicat des copropriétaires du Complexe Fleurimont c. Association provinciale des constructeurs d’habitations du Québec (APCHQ) Inc. & Alex Joyal & Duguet Inc., Robert Duguet, Guy Alex et Claude Joyal

« […] [88] Bien que la formulation de la cause de garantie ne soit pas en tout point conforme à la perte d’ouvrage prévue à l’article 2118 C.c.Q., il s’agit, à mon avis, de vices de construction visés par cet article par l’emploi de la terminologie référant à la solidarité ou la stabilité de l’édifice. On a repris dans le certificat la notion de perte d’ouvrage qui prévalait dans la jurisprudence antérieure pour la perte de bâtiment prévue à l’article 1688 C.c.B.C.

[89] Ainsi la garantie de l’A.P.C.H.Q. correspond à celle de la responsabilité légale pour la perte d’ouvrage. […] »

Madame Marie Arsenault & monsieur Pierre Vidal c. Gestion du Capital Max Inc. & La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ Inc.

« […][53] Cet article 2118 C.c.Q. reprend, outre la stipulation de solidarité entre certains défendeurs, ce même texte que nous retrouvons tant au contrat de garantie qu’au Règlement. Conformément à cet article, toute personne désirant établir l’existence d’un vice majeur doit prouver, par prépondérance de preuve, les quatre (4) éléments suivants :

a)   La perte de l’ouvrage

b)   La manifestation ou la survenance de cette perte dans les cinq (5) ans qui suivent la fin des travaux

c)   L’existence d’un vice de conception, de construction, de réalisation de l’ouvrage ou un vice du sol et

d)   Un lien de causalité entre le vice et la perte

[54] Dans la présente affaire, le Tribunal considère que la question à décider se retrouve dans ce qui constitue « la perte de l’ouvrage » au sens de l’article 2118 C.c.Q.

[…]

[57] Les auteurs Jean-Louis Beaudoin et Patrice Deslauriers, dans le recueil « La Responsabilité civile, volume 2 - La Responsabilité professionnelle », 7e édition, résume bien l’interprétation donnée par les tribunaux de ce que représente la notion de perte de l’ouvrage aux sens du C.c.Q. :

« Extension -  La jurisprudence a donné une interprétation large à la notion de perte en l’appréciant par rapport à la destination et à l’utilisation prospective de l’ouvrage. Constitue donc une perte, toute défectuosité grave qui entraîne un inconvénient sérieux et rend l’ouvrage impropre à sa destination. En d’autres termes, le défaut qui, en raison de sa gravité, limite substantiellement l’utilisation normale de l’ouvrage entraîne une perte qui autorise la mise en œuvre du régime.

Perte partielle - En cas de perte partielle, la jurisprudence, en pratique, se montre relativement sévère. Elle exige que celle-ci soit grave et sérieuse et refuse de considérer comme rentrant dans cette catégorie de simple dégradations mineures qui ne compromettent ni la solidité globale de l’ouvrage, ni la solidité d’une partie importante de celui-ci, ni son utilisation normale ou sa destination. Ainsi, une toiture qui coule et endommage sérieusement l’immeuble a été considérée comme provoquant une perte partielle. La charge de la preuve à laquelle le propriétaire doit faire face est donc plus importante. (Nos. 2-273 et 2-274) »

[58] Dans la présente affaire, la preuve démontre que le bâtiment servant de résidence principale aux Bénéficiaires a été reçu, sans réserve, le 30 mai 2005 (A-3). De même, les parties communes du bâtiment ont également été reçues, sans réserve aucune, par le Syndicat des copropriétaires. Il apparaît donc que la fissure, objet de la réclamation traitée dans la présente section, n’était vraisemblablement pas présente au moment de la réception des parties privatives et communes du bâtiment. Force est d’admettre que l’Entrepreneur, tant par son comportement que son témoignage et ses engagements, considérait que la présence de cette fissure, minimalement, comme étant une malfaçon et même un « vice de construction » pour reprendre son expression. Il a également été reconnu par les experts à ce dossier que la fissure en était une profondeur et non en capilarité puisque celle-ci, en plus d’être de bord en bord de la paroi de béton, s’étendait sur toute la hauteur des fondations et ce jusqu’à l’assise de celle-ci. L’Administrateur a beaucoup insisté que la preuve a révélé qu’il y avait absence d’aggravation de la fissure. Outre le fait que l’expert des demandeurs, M. Tremblay, ait admis ne pas avoir constaté d’aggravation entre mai 2009 et juin 2010, la preuve d’absence d’une telle aggravation n’est pas très convaincante. Chose certaine, pour en arriver à la présence d’une telle fissure avec un désaxement par surcroît, il y a certainement eu, dans le temps, aggravation.

[59] Il n’a pas été prouvé d’infiltration réelle d’eau et/ou d’humidité dans la résidence par cette fissure qualifié d’importante et de majeure par l’expert des demandeurs. Ce qui précède n’est pas étranger au fait que la finition du sous-sol de la résidence de Bénéficiaires ait été exécutée. Pour en arriver à l’article 2118 du C.c.Q, l’Entrepreneur et l’Administrateur semblent invoquer, pour contester la couverture par la garantie, qu’il faut une preuve d’infiltration d’eau à l’intérieur de la résidence. Pour ce faire, il aurait été nécessaire, pour les Bénéficiaires et/ou leur expert, de procéder à la destruction d’une partie du sous-sol pour constater une telle présence d’eau et/ou d’humidité. Un tel fardeau de preuve n’apparaît pas nécessaire au soussigné pour en arriver à la conclusion que nous puissions être en présence d’un vice majeur;

[60] En effet, contrairement à plusieurs autres fissures à la fondation de la résidence des Bénéficiaires qualifiées par l’expert Tremblay de conséquence d’un comportement normal des matériaux, la fissure plus importante, avec un désaxement latéral, n’est pas de cette nature. Cette fissure fait croire à un tassement ou à une certaine instabilité du sol. Les conséquences possibles et probables de cette fissure ont été expliquées par l’expert des Bénéficiaires. Il s’agit effectivement d’une présence possible, à l’intérieur du sous-sol aménagé de la résidence, d’humidité et d’infiltration d’eau. Selon cet expert, cela s’apparente à un « chemin direct » pour l’eau pour s’introduire à l’intérieur du bâtiment. Le Tribunal doit-il, par surcroît, imposer aux Bénéficiaires de démontrer cette infiltration d’eau ou la présence de cette humidité, conséquence possible et probable, selon leur expert pour bénéficier de la garantie?

[…]

[61] Il est utile de référer à l’ouvrage de Jean-Louis Beaudouin et Patrice Deslauriers décrit ci-avant au sujet du moment de l’appréciation d’une situation pouvant constituer un vice majeur;

« Moment d’appréciation - Enfin, le propriétaire n’est naturellement pas obligé d’attendre que la perte se produise effectivement pour intenter son recours. Il lui suffit, en effet, de démontrer que l’état de l’ouvrage permet de croire que celle-ci se produira dans l’avenir, si aucun remède n’est apporté. Il y aurait même, dans ce sens, faute du propriétaire si, en présence de défauts graves qui compromettent la stabilité de l’édifice, il attendait et laissait celui-ci se dégrader complètement, créant ainsi un risque pour les tiers. »

[62] En l’espèce, la présence de cette fissure importante, traversant de bord en bord les fondations de la résidence des Bénéficiaires, en plus d’être désaxée latéralement, compromet l’utilisation normale du sous-sol de la résidence. Il est évident que l’eau et l’humidité peuvent entraîner des troubles graves avec des conséquences sérieuses pour les habitants. Il va de soi que la situation aurait été différente si cette fissure rencontrait des normes plus reconnues et, de ce fait, pourrait être expliquée par un comportement normal des matériaux ou ne pouvant vraisemblablement pas provoquer d’infiltration d’eau ou d’humidité au sous-sol.

[63] Le Tribunal ne croit pas qu’il faut nécessairement que la probabilité d’infiltration d’eau et/ou d’humidité se soit manifestée réellement pour que soit donnée ouverture à une réclamation basée sur la garantie de vice majeur. Imposer un tel fardeau serait, de l’avis du soussigné, contraire aux enseignements des tribunaux qui reconnaissent visées par la garantie de vice majeur les pertes pouvant compromettre l’utilisation normale ou la destination d’un immeuble. Le concept de vice majeur se rattache à la gravité et non à gravité nécessairement de la perte qui peut être partielle suivant la jurisprudence et la doctrine applicable en cette matière.[…] »

Gilles Chabot, ès qualité d’administrateur du syndicat de la copropriété du 339, 341, 343, rue Damien-Benoît à Mont-Saint-Hilaire et Placibel Inc. et la Garantie des maisons neuves de l’APCHQ

« […] [94] Je cite les auteurs Baudoin et Deslauriers [1] :

1579 - Régime particulier - […] Deux niveaux de responsabilité existent alors. Ou bien le défaut de construction est sérieux et risque de mettre en péril l’existence même de l’immeuble et ce sont alors les règles des articles 2118 et s. C.c. qui s’appliquent; ou bien l’inexécution des obligations du constructeur est peu grave, même si elle cause préjudice au maître de l’ouvrage, en compromettant la bonne et libre jouissance de son bien, mais non sa solidité. C’est alors le régime de la responsabilité pour malfaçons qui règle la contestation.

[95]La visite des lieux ainsi que la preuve recueillie ont convaincu le tribunal que le défaut de construction est sérieux et comporte des risques de détérioration de la structure de l’immeuble.

[96] La visite a aussi démontré que dans l’ensemble de l’habitation, le constructeur n’a pas exécuté ses obligations conformément aux règles de l’art; que l’on songe à cette infiltration d’eau, à l’état de la toiture, des composantes de l’escalier arrière, de l’entrée électrique, etc.

[97] En résumé, il s’agit d’un vice de construction grave, car les inconvénients qui en résultent peuvent entraîner une détérioration progressive. […] »

Lisa Rae et Michael Nutter et la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ et Construction Réal Landry Inc.

« […] [107] S’agissant de la question des correctifs susceptibles de découler de l’application du Plan, l’administrateur a fait valoir la décision arbitrale à venir ne pouvait pas priver l’entrepreneur du libre choix de la solution ultime puisque ce dernier aurait toujours, selon la loi, le choix des méthodes d’exécution des contrats qu’il conclut.

[108] L’article 2099 du Code civil du Québec reconnait comme suit à l’entrepreneur le libre choix des moyens d’exécutions de son contrat :

L’entrepreneur […] a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[109] Ce droit comporte en corollaire un certain nombre d’obligation dont, à l’article 2100 du Code civil du Québec, celle pour l’entrepreneur d’agir, au mieux des intérêts de son client, avec prudence et diligence et aussi, celle familière ici, de se conformer aux usages et règles de leur art.

[110] Cette liberté, cette latitude, tiennent à la reconnaissance par le législateur de l’expertise de certains dans le domaine de la construction. Pratiquement, cette reconnaissance a comme contrepartie chez l’entrepreneur une obligation dite de résultat à l’égard de son client, i.e. l’obligation de livrer une chose normalement attendue et qui soit conforme.

[111] Ce dernier point de vue est bien exprimé par la Cour supérieure dans Forage Marathon Cie c. Doncar Construction inc. [précité] : [paragraphe 42 et ss]

Ces dispositions articles 2098, 2099 et 2100 CcQ] confirment l’autonomie de l’entrepreneur […] dans le choix des méthodes et des moyens de réalisation de l’ouvrage. Celui-ci doit être considéré comme un expert dans le domaine de la construction et, pour cette raison, il est généralement tenu à une obligation de résultat.

Il doit exécuter les travaux selon les règles de l’art et s’assurer que l’ouvrage est conforme au contrat. En cas de non-conformité de l’ouvrage, il ne peut être exonéré de sa responsabilité en prouvant simplement qu’il a utilisé des moyens d’exécution raisonnables ou des méthodes de travail standards. Il doit faire la preuve que la non-conformité résulte de la force majeure, de la faute du client ou du fait d’un tiers.

[112] Ce principe de l’autonomie relative de l’entrepreneur est repris de manière constante dans la jurisprudence arbitrale en matière de Plan. C’est le cas dans Les Maisons Zibeline inc. et Gagnon où l’arbitre Jeffrey Edwards écrit : [page 7]

[…] Plusieurs options pour corriger les travaux ont été soulevées par les parties et par l’inspecteur-conciliateur, expert, lors de l’audition.

À cet égard, le Tribunal d’arbitrage réitère que le choix des moyens appartient à l’Entrepreneur mais que ce dernier a une obligation de résultat quant au travail réalisé. En conséquence, le Tribunal constate les problèmes anormaux au plancher de bois franc à la grandeur de la surface de l’unité. L’Entrepreneur devra donc corriger le problème selon la méthode de son choix mais `tout en respectant les règles de l’art et le résultat requis.

[113] En l’espèce, au moment d’apprécier les positions des uns et des autres, il ne me faut pas perdre de vue, d’une part, que le droit de l’entrepreneur d’en appeler du rapport no 2 a été rejeté et, d’autre part, que l’administrateur n’a pas prétendu qu’il ne pouvait pas ordonner ce qu’il a ordonné dans le rapport no 2.

[114] Même si la notion, le concept, de méthode peut prêter à débat, aux dires de certains, le rapport no 2 imposerait des méthodes d’exécution de correctifs, ce qui ne serait pas de l’autorité de l’administrateur et devrait donc de ce seul fait être écarté.

[115] Avec égards, prise dans son acceptation qui voudrait que l’indication des travaux à faire serait synonyme de choix des méthodes d’exécution, la prétention qui voudrait que pareil choix échappe à l’autorité de l’administrateur a été examinée et rejetée dans Ménard et Les entreprises Christian Dionne et Fils inc. [précité] où l’arbitre Jean Morissette écrit :

Le Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs contient le mécanisme de mise en œuvre de la garantie. À la lecture de ce texte de loi qui encadre ma décision, il appert de ces articles que le défaut de l’Entrepreneur de corriger des travaux dans le délai indiqué à la décision oblige l’Administrateur à les effectuer :

[…]

[28] La première décision de l’Administrateur du 28 mars 2008 prévoit le changement complet du parement de briques du bâtiment sujet.

[29] Le texte des articles du Règlement que j’ai souligné m’indique que l’Administrateur a le pouvoir de choisir les travaux qui corrigeront la malfaçon. Nous rejetons l’argument de l’Administrateur et de l’Entrepreneur à l’effet que ce dernier est le seul maître de la façon choisie pour la correction de la malfaçon.

[30] Les auteurs Kott et Roy établissent ce principe dans le cadre d’un contrat d’entreprise de construction et non dans le cadre de l’application de la Garantie des bâtiments résidentiels neufs de l’APCHQ inc.

[31] Pour leur part, les arbitres Claude Mérineau et Gilles Lavoie se sont exprimés sur ce point alors que l’Administrateur n’avait pas déterminé des travaux correctifs, ce qui n’est pas ici le cas.

[32] L’Administrateur reconnaît que la situation dénoncée constitue une malfaçon existante et non apparente visée par l’article 10(2) du Règlement :

« (…)il importe tout d’abord de noter que l’administrateur reconnaît toujours que la situation dénoncée constitue une malfaçon existante et non apparente visée par l’article 10.2 du Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs (c B-1.1, r.0.2) et que la révision ne porte que sur un seul élément, soit celui relatif à la nature des travaux correctifs. »

[33] La méthode utilisée pour procéder aux travaux correctifs, soit le changement complet du parement de brique, est, nous l’accordons, de l’entière responsabilité de l’Entrepreneur.

[34] S’il est d’usage pour l’Administrateur de ne pas s’immiscer dans la correction visant la malfaçon, ce n’est pas que le Règlement ne lui donne pas ce pouvoir. Interpréter le règlement autrement laisserait les Bénéficiaires à la merci d’un entrepreneur incompétent, ce qui va à l’encontre de l’existence même du Plan de Garantie des maisons neuves. Le pouvoir de statuer comporte le pouvoir de choisir les travaux pour corriger la malfaçon.

[35] L’Administrateur peut statuer sur les travaux que doit faire l’Entrepreneur et dans ce cas-ci, suivant l’opinion de son expert qu’il avait mandaté spécialement sur le correctif approprié, il l’a fait. L’Administrateur a choisi, conclu et ordonné par la suite à l’Entrepreneur de changer complètement le parement de briques. La décision du 23 juin 2003, pièce A13, est limpide sur ce choix et sur le processus pour y arriver. La présente situation est différente du jugement dans l’affaire Therrien citée par l’Administrateur en ce qu’aucune décision ayant force de loi n’est révisée par la demande de Therrien de changer le parement extérieur.

[36] De son côté, l’Entrepreneur n’a pas porté la décision du 28 mars 2003 en arbitrage dans les délais requis.

[116] Je souscris à ces propos. L’administrateur a l’autorité, pour paraphraser Me Morissette, de statuer sur les travaux que doit faire l’entrepreneur assujetti au Plan.

[117] Cet énoncé, avec égards, ne contredit pas celui de l’argument de l’administrateur voulant que l’entrepreneur ait le libre choix des méthodes correctives. En effet, puisque l’administrateur a le pouvoir de statuer sur la malfaçon, il a aussi, selon la jurisprudence, celui de choisir les travaux (à faire) pour corriger la malfaçon. En cela, choix des travaux et méthode d’exécution, renvoient à des réalités distinctes, la première désignant l’objet à faire et la seconde la façon d’y arriver.

[118] De nier en l’espèce à l’administrateur cette faculté reviendrait à lui permettre de contester sa propre décision en affirmant qu’à part de faire un constat de malfaçon ou de vice, l’administrateur serait inhabile à ordonner tels ou tels travaux correctifs. Ce serait là une interprétation absurde de la législation et contraire à l’esprit du Plan.

[119] Il est de commune renommée qu’une sentence arbitrale à l’instar de tout jugement doit être exécutable. Or, des conclusions arbitrales qui ne porteraient que sur des formulations générales, susceptibles faute de précision de toutes les applications ou les interprétations ne seraient pas conformes à ce principe fondamental qu’un jugement doit être exécutable. Cela signifie que si l’administrateur peut suivant le Plan indiquer les travaux à faire, l’arbitre susceptible de réviser la décision de l’administrateur peut donc également le faire lorsque l’administrateur ne l’a pas fait en conformité du Plan;

[120] En l’espèce, les bénéficiaires se sont adjoint un expert pour les conseiller sur les correctifs à apporter pour mettre fort légitimement un terme à leur mésaventure. Celui-ci propose ainsi que des travaux à faire. Il écarte comme insuffisants les deux choix de travaux suggérés par l’expert Bilodeau et retenus par l’administrateur. Monsieur Rodrigue propose donc une troisième voie qu’ils nous demandent de retenir de préférence aux deux précédentes.

[121] Comme l’arbitre a le pouvoir de se pencher sur une telle question, une partie se portant en arbitrage peut fatalement lui demander de le faire. En cela, la position des bénéficiaires est admissible devant l’arbitre, tout comme elle aurait pu être considéré par l’administrateur si on la lui avait présenté à l’époque.

Syndicat de la copropriété Les Jardins du Parc & La Garantie des Bâtiments Résidentiels Neufs de l’APCHQ

« […] [43] La notion de vice de construction affectant une partie commune d’une copropriété couverte par le Plan provient de l’article 2118 du Code civil du Québec qui dispose :

À moins qu’ils ne puissent se dégager de leur responsabilité, l’entrepreneur, l’architecte et l’ingénieur qui ont, selon le cas, dirigé ou surveillé les travaux, et le sous-entrepreneur pour les travaux qu’il a exécutés, sont solidairement tenus de la perte de l’ouvrage qui survient dans  les cinq ans qui suivent la fin des travaux, que la perte résulte d’un vice de conception, de construction ou de réalisation de l’ouvrage, ou, encore, d’un vice du sol.

[Caractères gras ajoutés]

[44] Dans Gérard Goulet Inc. c. SM Construction commerciales et installations pétrolières Inc. AZ-50331285, la Cour du Québec écrit : [paragraphe 19 et ss]

[19] Quant à l’article 2118 C.c.Q. il vise la perte, totale ou partielle, de l’immeuble qui résulte d’un des vices qui est mentionné. Outre le titulaire de la garantie et le débiteur visé, Trois conditions sont nécessaires pour la mise en œuvre de la présomption de responsabilité qui y est prévue, comme le soulignent les auteurs Beaudouin et Deslauriers :

« 1608 - Mise en application - Outre les conditions relatives aux personnes visées et aux titulaires de la présomption, trois autres éléments essentiels doivent être réunis pour mettre en œuvre le régime de responsabilité prévu à l’article 2118 C.c. D’une part, il doit s’agir d’un ouvrage immobilier. D’autre part, l’ouvrage doit avoir subi une perte dans les cinq ans de la fin des travaux. Enfin, cette perte doit avoir été causée par un vice de conception, de construction, de réalisation ou encore par un vice de sol. »

[Caractères gras ajoutés]

[…] [46] En définitive le problème susceptible d’être reconnu comme un vice de construction doit en être d’une gravité susceptible d’entraîner la perte de l’ouvrage.

[47] Dans son ouvrage Les contrats de construction en droit public & privé, l’honorable Thérèse Rousseau-Houle analyse le responsabilité pour vice de construction et se penche notamment sur le sens à donner à l’expression perte de l’ouvrage que l’on retrouve à l’article 2118 du Code civil du Québec.

[48] L’auteure commente le concept de perte qu’elle associe à une défectuosité grave et susceptible d’affecter la stabilité ou la solidité d’un ouvrage ou le rendre impropre à la destination. Elle écrit :

Pour donner lieu à la responsabilité quinquennale, il faut en outre que les défauts constatés soient des vices de construction ou de sol entraînant la perte partielle ou totale de l’ouvrage.

[…]

 

a)    Vices entraînant la perte partielle ou totale de l’ouvrage

Selon les termes de l’article 1688 [aujourd’hui 2118], la responsabilité quinquennale n’est engagée que « si l’édifice périt en tout ou en partie. » Cet article, constituant une exception au principe de la libération du locateur d’ouvrage par la réception, devrait normalement être interprété de façon stricte. Or, comme la dérogation au droit commun provient du souci de protéger le propriétaire à l’égard de travaux difficilement vérification et de la nécessité d’assurer au public une protection efficace, nos tribunaux n’ont jamais appliqué l’article 1688 [aujourd’hui 2118] à la lettre et n’ont pas exigé que les vices du sol ou de construction produisent des effets aussi radicaux. Ils ont au contraire reconnu que les termes « périt en tout ou en partie » ne sont pas limitatifs et comprennent les vices compromettant la solidité de l’édifice et les défectuosités graves qui entraînent des inconvénients sérieux.

Le champ d’application de la garantie quinquennale n’est donc pas restreint aux désordres qui entraînent la ruine effective des ouvrages. De telles hypothèses sont d’ailleurs relativement peu fréquentes car, lorsque la gravité des vices est susceptible de provoquer la ruine, l’effondrement de l’ouvrage se produit généralement en cours de construction et c’est alors la responsabilité contractuelle de l’entrepreneur et de l’architecte qui peut être mis en cause. Il suffit pour engager la responsabilité quinquennale des constructeurs que le danger de ruine soit imminent, voire latent. La simple menace de ruine d’un ouvrage constitue déjà un préjudice né et actuel, car l’ouvrage qui menace ruine perd une grande partie de sa valeur marchande et de son utilité. De même, une ruine simplement partielle est suffisante lorsque par suite des vices affectant les parties maîtresses de l’ouvrage, il y a menace d’effondrement ou fléchissement de certaines parties de l’immeuble ou simplement des fissures importantes pouvant causer la perte de composantes essentielles du bâtiment. »

[…]

b)    Vices affectant la solidité de l’édifice ou le rendant impropre à sa destination

Celle-ci s’étend à toutes défectuosités graves, à tous désordres qui, concernant la structure même de l’ouvrage ou ses parties maîtresse, sont de nature à compromettre la solidité. Si la jurisprudence a reconnu à maintes occasions que le terme « périr » de l’article 1688 [aujourd’hui 2118] n’est pas limitatif, elle a néanmoins réduit la portée aux vices graves causant des dommages sérieux aux gros ouvrages. Il doit s’agir de déficiences qui peuvent mettre en péril la solidité ou la stabilité de l’édifice ou de ses composantes essentielles.

[Caractère gras ajoutés]

[…] [50] Comme on l’a vu plus haut, la jurisprudence n’exige pas qu’un édifice s’écroule pour qu’il y ait perte de l’ouvrage au sens du Code civil du Québec. La simple présence d’un danger sérieux susceptible d’entraîner une perte de l’ouvrage suffit pour ouvrir droit à cette garantie. En somme, on dira qu’il y a perte de l’ouvrage lorsqu’est démontrée la présence d’un vice d’une gravité propre à en affecter la solidité. Autrement dit, pour qu’une déficience soit qualifiée de grave ou sérieuse, selon l’article 2118, elle doit présenter une gravité susceptible de mettre en péril la solidité ou la stabilité de l’immeuble.

[51] En l’espèce, la preuve révèle que les problèmes observés n’ont pas entrainé de conséquence sérieuse. Messieurs Séguin et Fortin conviennent certes que les situations observées contreviennent aux normes de construction mais aucune d’elles n’est décrite comme susceptible de mettre en péril la solidité de l’ouvrage ou encore d’entrainer des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble.

[52] En somme, la preuve ne démontre pas que les problèmes en litige, qui manifestement n’ont pas amené la destruction de l’ouvrage, puissent non plus en compromettre dans sa solidité. Il est vrai que la durée de vie du toit sera possiblement réduite mais rien ne permet de voir là un problème affectant la solidité de cet ouvrage ou de mettre en péril ou encore une situation pouvant entrainer des troubles graves dans l’utilisation de l’immeuble au sens de l’article 2118. »

 

[27]    L’expert de l’Entrepreneur ne s’est pas prononcé sur le fait que la vie utile du système de drainage est réduite de manière importante. Son rapport reprend le fait que les propriétaires des unités au sol auraient mentionné à la conciliatrice lors de ses visites n’avoir subi aucune infiltration d’eau ni constaté de problèmes d’humidité excessive. Malgré qu’il admet qu’il s’agit d’une règle de l’art, il mentionne autant dans son rapport que lors de son témoignage qu’il n’y a pas d’obligation de drainer le pied des murs de fondation en vertu des règles du Code National du Bâtiment s’il est démontré que cela n’est pas nécessaire (art 9.14.2.1 C.N.B.). Aucune démonstration ne m’est faite à ce propos.

[28]    M. Cabana n’a pas examiné les plans de construction ni fait d’examen du système de drainage. Il critique les conclusions du rapport de ProspecPlus sans donner son opinion sur les désordres trouvés et montrés au rapport A-8. Je considère que la présence d’un sol argileux trouvée et montrée aux photographies du rapport de ProspecPlus exige plutôt que : « le pied des murs de fondation extérieurs doit être drainé au moyen de tuyaux ou de drains posés à l’extérieur des fondations conformément à la sous-section 9.14.3 ou d’une couche de gravier ou de pierre concassée conformément à la sous-section 9.14.4 (article 9.14.2.1 CNB) »;

[29]    Il y a ainsi présence d’un vice de construction, puisque le système de drainage n’est pas efficace. Qui plus est l’examen du drain au pourtour des cours anglaises démontre la présence d’eau, ce qui n’est pas dans la normalité. Il est tout à fait probable que cette présence d’humidité excessive, par le gel, cause les fissures qui apparaissent aux murs des cours anglaises;

[30]    L’expert de l’Entrepreneur et la conciliatrice ne contredisent pas que le drain est inefficace, bloqué, écrasé pas endroit, mal placé et que sa durée de vie utile est atteinte de façon irrémédiable;

[31]    À mon avis, le système de drainage d’un immeuble est partie intégrante de l’ouvrage.  Les règles de l’art sont de toujours installer des drains français au pourtour de la semelle des assises d’un bâtiment. Les drains font partie de l’ouvrage et sont essentiels à sa vie utile;

[32]    Il n’a pas été contredit que la présence d’une contre-pente rend inefficaces les drains. Ni que la semelle des cours anglaises n’est pas à une profondeur qui protège les murs de l’effet du gel des sols et que le drain perdra totalement de son efficacité sous peu;

[33]    L’expert de l’Entrepreneur me suggère de ne pas me satisfaire de preuve par sondage présentée par le Bénéficiaire. Selon lui, parce que le remède est très dispendieux, la preuve aurait dû être plus importante. Pourquoi alors ne pas avoir lui-même fait d’autre vérification. Pourquoi s’est-il satisfait de tenter de me convaincre que de ne pas avoir d’infiltration est suffisant pour rejeter la preuve de la perte d’une des composantes essentielles de l’immeuble sous examen;

[34]    La conciliatrice et les experts sont d’accord sur le fait qu’un drain français doit être posé et que cette pose doit se faire selon des méthodes éprouvées;

[35]    Ce n’est pas tout de dire qu’il n’y a aucune infiltration d’eau pour conclure qu’il n’y a aucune perte de l’ouvrage. Il faut aussi vérifier si la composante de l’immeuble est essentielle et affectée d’une déficience qui peut mettre en péril la solidité et la stabilité de l’immeuble protégé par le plan de garantie;

[36]    Je suis convaincu que les trouvailles expliquées par l’expert du Bénéficiaire sont la preuve irréfutable qu’il y a perte du système de drainage nécessaire à la vie utile de l’immeuble sous examen. Les dommages constatés au drain français mettent cette composante essentielle en péril;

[37]    Finalement la lecture de la définition du terme «bâtiment» dont il est question dans le Règlement englobe le drain français.  Le terme «bâtiment» étant défini dans la section 1. INTERPRÉTATION comme suit :

Règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs

(Chapitre B-1.1, r. 8)

 

CHAPITRE  I
INTERPRÉTATION ET APPLICATION



SECTION  I
INTERPRÉTATION



1.  Dans le présent règlement, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

«bâtiment»: le bâtiment lui-même, y compris les installations et les équipements nécessaires à son utilisation soit le puits artésien, les raccordements aux services municipaux ou gouvernementaux, la fosse septique et son champ d'épuration et le drain français;

(le souligné du soussigné)

[38]    Le bâtiment est ainsi affecté de plusieurs bris et la pose du drain français contraire aux règles de l’art le rende inefficace et constitue la preuve d’un vice de construction et de réalisation au sens de l’article 2118 du Code civil du Québec;

 

POUR CES MOTIFS,  LE TRIBUNAL :

DONNE ACTE du règlement intervenu entre les parties et de l’engagement de l’Entrepreneur de terminer les travaux correctifs aux murs coupe-feu dans les vides sous-toits des bâtiments 3312 et 3327, au-dessus des unités 7 et 8;

ACCUEILLE la demande d’arbitrage du Bénéficiaire et ORDONNE l’Entrepreneur d’effectuer les travaux correctifs appropriés pour corriger l’ensemble des défectuosités du système de drainage et particulièrement au drain français sur le pourtour du bâtiment ;

Le tout au frais de l’Administrateur, conformément à l’article 123 du Règlement;

 

 

JEAN MORISSETTE, arbitre

 

Me CATIA LAROSE

Bernard et Brassard

Procureur des Bénéficiaires

 

Me CODY BOISVERT

Crochetière, Pétrin

Procureur de l’Entrepreneur

 

Me MANON SAVOIE

Cloutier Savoie

Procureur de l’Administrateur

 

Date(s) d’audience :

18 août 2014

 

 

 

Me CATIA LAROSE

Bernard et Brassard  

555, boulevard Rolland Therrien, bureau 400

Longueuil J4H 4E7

Pour le Bénéficiaire

 

Et

 

 

Me Cody Boisvert

Crochetière Pétrin, avocat

5800, boulevard Louis-H. Lafontaine, 2ième étage

Montréal (Québec)  H1M 1S7

Pour l’Entrepreneur

 

Et

 

Me Manon Cloutier

Savoie Cloutier

565, rue des Bois-Francs

Boucherville (Québec)  J4B 8T8

Pour l’Administrateur de la Garantie

Pour L’Administrateur